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31/08/2022 | FRANCE | N°20/05870

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 31 août 2022, 20/05870


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 31 AOÛT 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05870 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBWVO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 décembre 2019 - Tribunal d'Instance de JUVISY SUR ORGE - RG n° 11-19-001376





APPELANTE



La société CREATIS, société anonyme agissant

poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]



représentée par...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 31 AOÛT 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05870 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBWVO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 décembre 2019 - Tribunal d'Instance de JUVISY SUR ORGE - RG n° 11-19-001376

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [M] [O]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 6]

DÉFAILLANT

Madame [P] [B]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable de contrat de regroupement de crédits acceptée le 13 juillet 2012, la société Creatis a consenti à M. [M] [O] et à Mme [P] [B] un prêt d'un montant de 45 200 euros remboursable en 144 mensualités de 509,82 euros (hors assurance facultative) incluant les intérêts au taux débiteur de 8,82 % l'an.

Par courriers du 28 janvier 2019, la société Creatis a mis en demeure M. [O] et Mme [B] de rembourser un arriéré de 5 131,15 euros dans un délai de trente jours. À défaut de régularisation, la déchéance du terme a été prononcée par lettres du 7 mars 2019.

Par acte d'huissier du 26 août 2019, la société Creatis a fait assigner en paiement du solde du prêt M. [O] et Mme [B] devant le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge qui, par jugement réputé contradictoire du 31 décembre 2019, a'notamment :

- dit la société Creatis recevable en ses demandes ;

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis à compter du 13 juillet 2012 ;

- condamné solidairement M. [O] et Mme [B] à payer à la société Creatis la somme de 8 492,96 euros au titre du solde du crédit, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2019 ;

- débouté la société Creatis de ses autres demandes ;

- condamné in solidum M. [O] et Mme [B] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir vérifié la recevabilité de la demande, a estimé qu'aucune règle de prescription ne pouvait lui être opposée à l'encontre des moyens de droit relevés d'office. Le premier juge a considéré qu'il n'était justifié ni de la remise aux emprunteurs de la notice d'assurance ni de la régularité de celle-ci. Il a souligné qu'aucun bordereau de rétractation n'apparaissait dans les documents fournis par le prêteur. Il a ajouté que les hypothèses essentielles pour la détermination du taux annuel effectif global étaient occultées dans l'encadré du contrat.

Le 3 avril 2020, la société Creatis a interjeté appel.

Dans ses conclusions d'appel déposées par voie électronique le 26 juin 2020, la société Creatis requiert la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et en ce qu'il a rejeté tant la demande de capitalisation des intérêts que celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- de condamner solidairement M. [O] et Mme [B] à lui payer la somme de 36 785,56 euros avec intérêts au taux contractuel de 8,82 % l'an à compter des mises en demeure du 7 mars 2019 ;

- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts ;

- de condamner solidairement M. [O] et Mme [B] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses prétentions, elle expose que les trois moyens soulevés d'office par le tribunal étaient irrecevables, car prescrits. Elle considère que la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce s'impose non seulement aux emprunteurs, mais également au juge. Elle en déduit que, l'offre de prêt remontant au 13 juillet 2012, toute cause de déchéance du terme devait être soulevée avant le 13 juillet « 2015 ».

Elle prétend qu'elle n'était tenue à la remise d'aucune notice d'assurance, puisque M. [O] et Mme [B] ont déclaré accepter le contrat de crédit sans assurance et que leur attention a été attirée sur les conséquences de leur absence d'adhésion.

Elle affirme que l'exemplaire détachable du bordereau de rétractation n'était à joindre qu'à l'exemplaire du contrat de prêt de l'emprunteur et n'avait pas à figurer sur celui du prêteur.

Elle ajoute qu'il n'était pas utile de mentionner des exemples représentatifs de différents calculs du TAEG, puisque ces éléments étaient insusceptibles de varier s'agissant d'un prêt à taux fixe amortissable.

La société Creatis a fait signifier le 30 juin 2020 à un tiers pour M. [O] et à personne pour Mme [B], sa déclaration et ses conclusions d'appel, ainsi que la copie de ses pièces.

M. [O] et Mme [B] n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Le 8 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction.

Lors de l'audience du 22 mars 2022 tenue en formation de conseiller rapporteur, la demande présentée par la société Creatis de révocation de l'ordonnance de clôture pour production d'une nouvelle pièce a été rejetée, la requérante ne justifiant d'aucune cause grave qui se serait révélée depuis l'ordonnance du 8 mars 2022, alors que l'article 803 du code de procédure civile l'exige.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le contrat litigieux ayant été conclu le 13 juillet 2012, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er juillet 2016 de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Sur la forclusion

Conformément à l'ancien article L. 311-52 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur, doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

L'article ajoute que cet événement est caractérisé notamment par le premier incident de paiement non régularisé.

En l'espèce, l'examen de l'historique (pièce n° 7) fait apparaître que M. [O] et Mme [B] ont payé, au titre des échéances échues avant la déchéance du terme, un total de 31 628 euros, soit l'équivalent de 62 mensualités de 509,82 euros.

Les mensualités ont donc été honorées jusqu'au mois de septembre 2017, de sorte que la première échéance impayée non régularisée remonte au mois d'octobre 2017.

L'assignation interruptive de forclusion ayant été délivrée le 26 août 2019, l'action en paiement de la société Creatis est recevable.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la prescription

La prescription est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Dans le rôle qui lui est conféré tant par l'article L. 141-4 (devenu R. 632-1) du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d'office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d'ordre public de ce code.

En l'espèce, les trois moyens soulevés d'office par le tribunal d'instance et susceptibles de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels ne peuvent avoir pour effet que la modification de l'imputation des versements des emprunteurs -et donc une minoration de la créance de la société Creatis- mais non de conférer un avantage à M. [O] et Mme [B].

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce que la fin de non-recevoir tirée de la prescription des trois moyens tendant à la déchéance du droit aux intérêts contractuels est écartée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Il résulte des anciens articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation que, pour permettre à l'emprunteur d'exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat comprenant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.

Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance C449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En l'espèce, il ressort d'une mention pré-imprimée de la seconde page de l'offre préalable acceptée 13 juillet 2012 par M. [O] et Mme [B] que ceux-ci ont reconnu rester en possession d'un exemplaire du contrat doté d'un bordereau détachable de rétractation.

Dès la première page, l'article I-1 des conditions générales précisait :

« Rétractation de l'acceptation : Après avoir accepté, vous pouvez revenir sur votre engagement au moyen du formulaire de rétractation détachable ci-joint (') ».

Le contrat a été exécuté pendant plusieurs années sans réclamation de M. [O] et Mme [B].

Il est donc suffisamment justifié par le prêteur, au-delà de la mention pré-imprimée de remise, que les emprunteurs ont bien reçu le bordereau de rétractation.

Pour autant, la société Creatis, à laquelle incombe la charge de la preuve de l'exécution des obligations lui incombant, ne fournit à la cour, parmi les pièces régulièrement produites, aucun élément permettant de vérifier la conformité de ce document aux dispositions légales qui imposent une teneur précise au bordereau de rétractation.

C'est donc à bon droit, sans qu'il y ait lieu pour la cour d'examiner les deux autres moyens relevés d'office par le premier juge, que le tribunal a prononcé la déchéance du droit du prêteur à percevoir les intérêts au taux contractuel.

Sur le montant de la créance

En raison de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, Mme [O] et Mme [B] ne sont plus tenus qu'à rembourser le capital emprunté, déduction faite des versements qu'ils ont opérés.

45 200 euros de capital emprunté

- 31 628 euros de versements tels qu'ils apparaissent sur l'historique arrêté au 7 mars 2019 (pièce n° 7)

Le jugement est donc infirmé sur le montant de la condamnation.

La cour, statuant à nouveau, condamne M. [O] et Mme [B] à payer à la société Creatis le solde de 13 572 euros augmenté des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2019, date de réception des lettres de mise en demeure consécutives à la déchéance du terme.

Cette condamnation est assortie de la solidarité qui a été stipulée par les parties au contrat, au II des conditions générales.

Sur la capitalisation des intérêts

La demande de capitalisation des intérêts doit être écartée, l'ancien article L. 311-23 du code de la consommation disposant qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande est donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf sur le montant de la condamnation au titre du solde du prêt ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne solidairement M. [M] [O] et Mme [P] [B] à payer à la société Creatis, au titre du solde du contrat de regroupement de crédits du 13 juillet 2012, la somme de 13 572 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2019 ;

Condamne in solidum M. [M] [O] et Mme [P] [B] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/05870
Date de la décision : 31/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-31;20.05870 ?
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