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31/08/2022 | FRANCE | N°19/05671

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 31 août 2022, 19/05671


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 31 AOÛT 2022



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05671 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QT5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2018 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-16-02-0248





APPELANTE



La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société ano

nyme à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la société SOLFINEA anciennemen...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 31 AOÛT 2022

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05671 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QT5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2018 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-16-02-0248

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la société SOLFINEA anciennement dénomée BANQUE SOLFEA

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [Y] [L]

né le 8 juillet 1946 à [Localité 7] (14)

[Adresse 8]

[Localité 2]

représenté par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

Madame [V] [Z] épouse [L]

née le 10 février 1959 à [Localité 6] (14)

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

La SELARL [X] représentée par Maître [C] [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ÉNERGIES DE FRANCE (SAS)

[Adresse 3]

[Localité 5]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre d'un démarchage à domicile et par bon de commande du 6 septembre 2011, M. [Y] [L] a acheté auprès de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) une centrale photovoltaïque comprenant seize modules et un ballon thermodynamique de 300 litres, pour le prix de 24 500 euros TTC.

Selon offre préalable de crédit acceptée le même jour, la société banque Solfea a consenti à M. [L] et son épouse, Mme [V] [Z], un crédit affecté d'un montant de 24 500 euros remboursable en 7 mensualités de 121 euros (hors assurance) suivies de 162 mensualités de 228 euros (hors assurance) incluant les intérêts au taux nominal de 5,60 % l'an.

Le matériel a été installé le 21 septembre 2011 et le raccordement de l'installation a été mis en service le 21 décembre 2011.

Par jugement du 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 1er septembre 2016, la société [X] MJ a été nommée liquidateur.

Auparavant, par acte d'huissier du 28 juillet 2016, M. et Mme [L] ont fait assigner en nullité du contrat de vente et en nullité du contrat de crédit le liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) et la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, devant le tribunal d'instance de Paris qui, par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2018 assorti de l'exécution provisoire, a :

- dit que l'instance engagée par M. et Mme [L] n'est pas périmée ;

- prononcé la nullité du contrat de vente ;

- constaté la nullité du contrat de crédit affecté ;

- rejeté l'ensemble des demandes de la société BNP Paribas personal finance ;

- dit que la banque a commis une faute qui la prive du droit à restitution du capital et des intérêts prêtés ;

- dit que M. et Mme [L] ne sont plus débiteurs de la banque ;

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société banque Solfea, à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [L] à restituer à Me [X], liquidateur judiciaire de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France), le matériel posé dans le cadre du contrat et dit que la mise à disposition de ce matériel à leur domicile pendant une durée de deux mois à compter de la signification de la décision vaudrait restitution ;

- mis les dépens à la charge de la banque BNP Paribas personal finance.

Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir dit que l'instance n'était pas périmée, a estimé que le bon de commande ne respectait pas les dispositions du code de la consommation et que les acquéreurs n'avaient pas été mis en état de manifester leur volonté tant sur les choses vendues que sur le prix. Il a précisé que la nullité du contrat de vente emportait de plein droit celle du contrat de prêt, en vertu de l'article L. 311-1 du code de la consommation. Le tribunal a considéré que la société banque Solfea avait eu un comportement fautif en ne débloquant les fonds qu'au vu de la seule attestation de fin de travaux, de sorte qu'elle était privée de son droit à restitution du capital et des intérêts prêtés, étant ajouté que M. et Mme [L] n'étaient plus débiteurs de la société BNP Paribas personal finance.

Le 13 mars 2019, la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 8 novembre 2021, la société BNP Paribas personal finance requiert la cour :

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente, en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit, en ce qu'il a dit que la banque avait commis une faute la privant du droit à restitution du capital et des intérêts prêtés, en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'il a dit que M. et Mme [L] n'étaient plus débiteurs de la banque, en ce qu'il l'a condamnée à payer à ceux-ci la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné M. et Mme [L] à restituer au liquidateur, ès qualités, le matériel posé dans le cadre du contrat du 6 septembre 2011 et dit que la mise à disposition du matériel à leur domicile pendant une durée de deux mois à compter de la signification de la décision vaudrait restitution et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;

statuant à nouveau,

- de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [L] de nullité du contrat de vente et, par conséquent, de nullité du contrat de crédit ;

- de débouter M. et Mme [L] de leur demande de nullité des deux contrats et de leur demande de restitution des mensualités versées ;

- de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [L] de résolution du contrat de vente et, par conséquent, de celle du contrat du crédit ;

- de débouter M. et Mme [L] de leur demande de résolution des deux contrats et de leur demande de restitution des mensualités versées ;

- de déclarer irrecevable comme prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels formée par M. et Mme [L] ;

- de débouter M. et Mme [L] de leur demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels de la banque ;

- de constater la défaillance dans le remboursement de crédit de M. et Mme [L], de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 14 février 2019 et de condamner, en conséquence, solidairement M. et Mme [L] à lui payer la somme de 18 316,98 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,6 % l'an à compter du 14 février 2019 sur la somme de 16 960,17 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du crédit, outre la restitution des sommes versées à M. et Mme [L] en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées, soit la somme de 19 425 euros et les condamner, en tant que de besoin, solidairement à lui restituer cette somme ;

- subsidiairement, condamner solidairement M. et Mme [L] à lui régler les mensualités échues impayées au jour où la cour statue, soit la somme de 9 674,76 euros correspondant aux échéances du 15 février 2019 au 15 février 2022 incluses, outre la somme de 19 425 euros au titre des échéances restituées dans le cadre de l'exécution provisoire correspondant aux échéances du 15 octobre 2011 au 15 janvier 2019 incluses, et leur enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme ;

- à titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [L] visant à être déchargés de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en débouter et les condamner, en conséquence, in solidum au paiement de la somme de 24 500 euros en restitution du capital prêté ;

- en tout état de cause, de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [L] visant à la privation de la créance de la société BNP Paribas personal finance et, à tout le moins, de les débouter de cette demande ;

- à titre très subsidiaire, de limiter la réparation qui serait due par elle, ainsi que la décharge ;

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de décharge de l'obligation de l'emprunteur :

* de condamner in solidum M. et Mme [L] à lui payer la somme de 24 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages-intérêts pour légèreté blâmable ;

* d'enjoindre à M. et Mme [L] de restituer à leurs frais à la société [X] MJ, en qualité de liquidateur, le matériel dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt ;

* de dire qu'à défaut de restitution, M. et Mme [L] resteront tenus du remboursement du capital prêté et subsidiairement de les priver de leur créance en restitution des mensualités réglées, du fait de leur légèreté blâmable ;

- de débouter M. et Mme [L] de leurs demandes à son encontre ;

- d'ordonner, le cas échéant, la compensation des créances réciproques à due concurrence ;

- de condamner M. et Mme [L] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Elle invoque l'irrecevabilité de l'action en nullité du contrat de vente en application des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, dès lors que celle-ci tend indirectement à faire supporter une condamnation pécuniaire à la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France en liquidation judiciaire. Elle souligne que M. et Mme [L] ne justifient pas d'une déclaration de créances à la procédure collective de cette société.

Elle estime que M. et Mme [L] ne rapportent pas la preuve que le bon de commande était irrégulier, faute pour eux d'en produire un exemplaire complet.

Soulignant le caractère exceptionnel de l'annulation d'un contrat, elle soutient que les « imprécisions » dont font état M. et Mme [L] ne peuvent fonder le prononcé de la nullité. Elle conclut à l'absence d'irrégularité formelle du bon de commande quant à la désignation du matériel vendu. Elle note qu'il y a aussi absence d'irrégularités formelles s'agissant des modalités d'exécution, ainsi que du bon de commande au regard du prix de vente et de la mention relative au démarcheur. Elle ajoute que M. et Mme [L] n'ont subi aucun préjudice résultant d'irrégularités.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que l'acquéreur a confirmé le contrat et renoncé à se prévaloir d'une nullité - qu'elle précise être relative - du bon de commande, en réceptionnant les travaux par certificat de réalisation de la prestation signé sans réserve, en sollicitant le paiement de la prestation, en vendant l'électricité produite par l'équipement et en poursuivant la vente de l'électricité postérieurement à l'introduction de l'action.

Elle note que les allégations de dol au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil ne sont aucunement étayées. Elle relève qu'aucun élément n'est fourni sur la réalité d'une promesse d'autofinancement ni sur la rentabilité de l'installation. Elle souligne que M. et Mme [L] n'ont pas produit d'expertise contradictoire par un professionnel sur les capacités effectives de l'installation.

Elle conteste la résolution du contrat de vente en rappelant qu'aucun manquement contractuel grave n'est établi. Elle fait valoir que M. et Mme [L] bénéficient à leur domicile d'une installation fonctionnelle.

Elle soutient que la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels est prescrite.

Elle affirme que l'infirmation du jugement entraînera l'obligation pour M. et Mme [L] de restituer la somme versée par la banque du fait de l'exécution provisoire du jugement, au titre des mensualités réglées.

Elle soutient, à titre subsidiaire, sur la restitution du capital, qu'elle n'a pas commis de faute dans le déblocage des fonds, qu'elle n'a pas d'obligation légale de vérifier la régularité du bon de commande et qu'elle n'a pas commis de faute dans la vérification de la réalisation de la prestation financée. Elle qualifie de mandat l'autorisation donnée par M. et Mme [L] pour la libération des fonds. Elle soutient qu'elle n'a fait qu'exécuter l'ordre de paiement donné par son mandant.

Elle affirme que toutes les demandes de M. et Mme [L] à son encontre sont vaines, dès lors qu'ils ne justifient pas du moindre préjudice ni d'un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque, étant rappelé que l'installation est fonctionnelle.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que la nullité ou la résolution du contrat de crédit emporterait obligation pour les emprunteurs de restituer le capital emprunté. Elle note que l'évaluation d'un éventuel préjudice doit prendre en compte la valeur de l'installation fonctionnelle que les acquéreurs conserveront. Elle souligne que la légèreté blâmable avec laquelle M. et Mme [L] ont signé l'ordre de règlement constitue une faute lui occasionnant un préjudice correspondant au capital prêté dont elle serait privée.

Dans leurs conclusions déposées par voie électronique le 31 juillet 2019, M. et Mme [L] sollicitent que la cour :

à titre liminaire,

- les juge recevables en leurs demandes ;

à titre principal,

- confirme le jugement qui a prononcé la nullité du contrat de vente comme du contrat de crédit ;

à titre subsidiaire, si la cour ne confirmait pas le jugement,

- prononce la résolution pour inexécution du contrat de vente et, par conséquent, du contrat de crédit ;

à titre très subsidiaire, si la cour ne prononçait ni la nullité ni la résolution des contrats,

- prononce la déchéance du droit aux intérêts de la banque ;

en tout état de cause,

- confirme le jugement qui a jugé que la banque avait commis une faute la privant de son droit à restitution du capital et des intérêts prêtés ;

- confirme, en conséquence, le jugement qui a dit qu'ils ne sont plus débiteurs de la société BNP Paribas personal finance ;

- confirme le jugement qui a condamné la société BNP Paribas personal finance à leur restituer les sommes qu'ils ont versées ;

- condamne la société BNP Paribas personal finance à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. et Mme [L] exposent qu'ils ne sollicitent pas une somme d'argent, mais la nullité du contrat de vente et qu'ils se proposent de remettre le matériel au liquidateur de la société venderesse.

Ils font valoir la nullité du bon de commande, notamment en ce qu'il ne mentionne pas les caractéristiques essentielles du bien, les délais de livraison et l'identité du commercial de la société Groupe solaire de France.

Ils soutiennent qu'ils n'ont jamais eu la volonté de couvrir ces nullités.

Ils estiment, au visa de l'article 1116 ancien du code civil, avoir fait l'objet d'un dol de la part de la société venderesse qui leur a garanti l'autofinancement de l'installation. Ils ajoutent qu'elle a fait passer le bon de commande comme un dossier de candidature sans valeur contractuelle. Ils considèrent que le contrat n'était pas économiquement viable et qu'ils ont contracté à cause de tromperies manifestes.

Ils rappellent que si le contrat principal est annulé, le contrat de prêt affecté l'est alors de plein droit, conformément à l'article L. 311-1 du code de la consommation.

Ils font valoir que la société venderesse a manqué à ses obligations, ce qui entraîne la résolution du contrat.

Ils affirment que la société BNP Paribas personal finance doit être déchue du droit aux intérêts, car elle ne justifie ni de la fiche précontractuelle d'information ni de la consultation du FICP ni de leur solvabilité.

Ils considèrent que l'appelante doit être privée de la restitution du capital emprunté du fait de la faute de la société banque Solfea. Ils soutiennent que le raccordement puis la mise en service de l'installation n'efface pas leur préjudice.

Par actes d'huissier délivrés les 3 juin 2019, 18 juin 2019 et 14 septembre 2021 à personne morale, la société BNP Paribas personal finance a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société [X] MJ, en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier délivré le 7 août 2019 à personne morale, M. et Mme [L] ont fait signifier leurs conclusions à la société [X] MJ, en qualité de liquidateur.

La société [X] MJ, liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties constituées, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

A titre liminaire, la cour constate :

- qu'il n'est pas contesté que la société BNP Paribas personal finance vient aux droits de la société banque Solfea, ce qui est au demeurant confirmé par l'acte de cession de créances du 28 février 2017 ;

- que l'appelante sollicite l'infirmation du jugement notamment s'agissant de sa demande tendant à ce que la péremption de l'instance devant le tribunal soit constatée, mais ne présente aucun moyen à l'appui, de sorte qu'il n'y a donc pas lieu d'y répondre, l'article 954 du code de procédure civile disposant que la cour n'examine les moyens au soutien des prétentions énoncées au dispositif que s'ils sont invoqués dans la discussion ;

- le contrat de vente conclu le 6 septembre 2011 entre M. [Y] [L] et la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile ;

- le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. et Mme [L] et la société banque Solfea est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la procédure collective

Par application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. L'article L. 622-22 prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

En l'espèce, M. et Mme [L] n'ont formé aucune demande de condamnation pécuniaire à l'encontre de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) en liquidation judiciaire, mais une demande principale tendant à voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, prononcée par le premier juge et discutée en cause d'appel, peu important que cette action soit susceptible d'entraîner des restitutions.

L'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) par M. et Mme [L] est donc indifférente à la recevabilité de leur action.

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et qu'il convient de confirmer le jugement, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée.

Sur la nullité du contrat de vente

L'article L. 121-23 dispose : « Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ».

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, le bon de commande indique :

« Centrale Photovoltaïque

Fourniture, livraison, pose, mise en service et essai. Garantie pièces, main d'oeuvres et déplacements.

Photovoltaïque 16 Modules de 185 WC TOTAL 2960

Étude de faisabilité à la charge du groupe solaire de France

Démarches administratives groupe solaire de France

Ballon Thermodynamique

Fourniture, livraison, pose, mise en service et essai. Garantie pièces, main d'oeuvres et déplacements.

Ballon 300 litres ».

Ces dispositions, très sommaires, n'indiquent notamment pas si les accessoires nécessaires à l'installation sont inclus et les caractéristiques de l'onduleur.

La condition de désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés n'est ainsi pas satisfaite.

Le bon de commande ne permettait donc pas à M. et Mme [L] de comparer utilement les produits proposés avec d'autres offres présentes sur le marché.

Il plaçait aussi les acquéreurs dans l'impossibilité de vérifier, avant de signer l'attestation de fin de travaux, que tous les éléments nécessaires au bon fonctionnement de l'installation avaient été livrés et installés.

Par ailleurs, la rubrique intitulée « Vos délais prévisionnels dès la signature de ce bon de commande » n'est pas remplie.

En conséquence, le bon de commande encourt l'annulation, pour violation des 4° et 5° de l'article L. 121-23.

Sur la renonciation à la nullité

Il est admis, sur le fondement de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, que la nullité formelle résultant du texte précité du code de la consommation est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

En l'espèce, le bon de commande remis en original reproduit de façon parfaitement lisible, après les conditions générales de vente, le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dont la simple lecture suffit à informer une personne normalement avisée des exigences de la réglementation en matière de démarchage à domicile et plus particulièrement des mentions nécessaires à la validité du bon de commande.

Le seul fait que les acquéreurs n'aient pas souhaité, le cas échéant, prendre connaissance de ces dispositions que la loi impose pour leur protection, ne saurait justifier que la reproduction des articles précités soit sans portée quant à la capacité des acquéreurs à apprécier les irrégularités formelles du bon de commande.

Le 21 septembre 2011, M. [L] a signé au bas de l'« attestation de fin de travaux » contenant une formule pré-imprimée selon laquelle 'les travaux, objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau et les éventuelles autorisations administratives), sont terminés et sont conformes au devis'.

Le caractère sommaire, dans le bon de commande, de la désignation des biens offerts ne mettait pas M. [L] en mesure, avant de signer l'attestation, de vérifier que tous les éléments nécessaires au bon fonctionnement avaient été livrés et installés.

Toutefois, la cour constate que :

- M. [L] a signé au bas de l'« attestation de fin de travaux » dans laquelle il était sollicité par une formule pré-imprimée le déblocage des fonds par la société banque Solfea, sans toutefois préciser à quel ordre ;

- M. et Mme [L] ont bénéficié d'une mise en service du raccordement de leur installation le 21 décembre 2011 ;

- EDF a conclu, le 9 juin 2012, avec Mme [L] un contrat d'achat de l'énergie électrique ;

- l'installation a permis la vente d'électricité à EDF au moins les années 2012, 2014, 2015 et 2017.

Ces actes positifs non équivoques caractérisent une volonté de percevoir les avantages attendus du contrat.

M. et Mme [L] n'ont d'ailleurs exprimé aucune doléance avant le courrier du 21 juillet 2016, soit presque cinq années après les travaux.

Il est donc retenu que M. et Mme [L] ont renoncé, en toute connaissance, à se prévaloir des irrégularités affectant le contrat de vente et qu'ils sont mal fondés à en solliciter désormais la nullité pour des raisons formelles.

Sur le dol

Selon l'article 1116 ancien du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En l'espèce, le bon de commande précise « garantie 25 ans de productivité ».

Cette mention contractualise une garantie de 25 ans pour la production des panneaux photovoltaïques, laquelle n'est pas critiquée, mais aucunement le rendement financier de l'installation photovoltaïque.

Le contrat est clair, ne promet pas l'autofinancement de l'installation et ne contient pas de formules trompeuses.

M. et Mme [L] ne démontrent donc pas le dol qu'ils imputent à la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme [L] sont mal fondés en leur demande d'annulation du contrat de vente.

Il n'y a donc lieu ni à annulation du contrat principal ni à celle du contrat de crédit en application de l'ancien article L. 311-32 du code de la consommation.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a'prononcé l'annulation du contrat de vente et en ce qu'il a prononcé l'annulation subséquente du contrat de crédit.

Sur la résolution judiciaire des deux contrats

Il résulte de l'ancien article 1184 du code civil que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait point à son engagement.

En l'espèce, M. et Mme [L] -dont l'installation est fonctionnelle- n'apportent la preuve d'aucune faute grave commise par la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France).

En conséquence, leur demande de résolution du contrat de vente pour inexécution et celle, subséquente, de résolution de plein droit du contrat de crédit sont rejetées.

Par ailleurs, il ressort de l'historique de compte que M. et Mme [L] n'ont cessé de procéder au remboursement de leur prêt qu'après la décision du 14 décembre 2018 assortie de l'exécution provisoire, qui avait prononcé la nullité du contrat de crédit.

Cette situation judiciaire ne suffit pas à qualifier de grave le manquement imputable aux emprunteurs qui avaient spontanément assumé leurs obligations jusqu'alors.

Il convient donc de rejeter aussi la demande de résolution judiciaire présentée par la société BNP Paribas personal finance.

Sur la prescription du moyen tendant à la déchéance du droit aux intérêts

La prescription est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

En l'espèce, les trois moyens soulevés par les débiteurs et susceptibles de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels ne peuvent avoir pour effet que la modification de l'imputation des versements des emprunteurs - et donc une minoration de la créance de la société BNP Paribas personal finance à leur égard - mais non de conférer un avantage à M. et Mme [L].

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de la prescription des moyens tendant à la déchéance du droit aux intérêts est écartée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Il résulte de l'ancien article L. 311-9 du code de la consommation qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations. Le même article ajoute que le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5.

En l'espèce, l'organisme de crédit ne justifie d'aucune consultation du FICP.

En conséquence, en application de l'ancien article L. 311-48 du code de la consommation, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les deux autres moyens soulevés par M. et Mme [L], la société BNP Paribas personal finance est déchue de son droit aux intérêts contractuels.

Sur le montant de la créance

En raison de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, M. et Mme [L] ne sont plus tenus qu'à rembourser le capital emprunté, déduction faite des versements qu'ils ont opérés :

24 500 euros de capital emprunté

- 19 425 euros de versements déjà effectués

soit un solde de 5 075 euros.

M. et Mme [L] sont donc condamnés à payer à la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, la somme de 5 075 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019.

Cette condamnation est assortie de la solidarité, eu égard à la clause du contrat précisant que « En acceptant la présente offre, le co-emprunteur devient à l'égard du prêteur, co-débiteur solidaire de l'emprunteur pour toutes sommes qui pourront être dues au titre de la présent offre ».

La cour constate que le montant des mensualités échues impayées depuis plus 40 mois (février 2019 à août 2022) excède largement le capital restant dû après déchéance du droit aux intérêts contractuels, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la reprise du remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme.

Sur la responsabilité de l'établissement de crédit

La nullité du bon de commande n'est pas retenue, de sorte qu'il ne peut pas être fait grief à la banque de ne pas avoir réagi aux irrégularités formelles qui y figuraient.

M. [L] a signé au bas de l'« attestation de fin de travaux » du 21 septembre 2011 contenant une formule préimprimée selon laquelle 'les travaux, objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau et les éventuelles autorisations administratives), sont terminés et sont conformes au devis' et une autre formule pré-imprimée sollicitant le déblocage des fonds par la société banque Solfea.

Aucune faute ne peut donc être retenue à l'encontre de l'établissement de crédit qui n'avait pas à vérifier sur site la réalité de l'achèvement des travaux promis.

En tout état de cause, il doit être relevé que M. et Mme [L] - dont il n'est pas utilement contesté qu'ils exploitent leur centrale photovoltaïque et revendent l'électricité produite - ne justifient d'aucun préjudice résultant des griefs allégués.

Leur demande en dommages-intérêts est donc rejetée.

Sur la restitution des sommes versées en exécution de la décision de première instance

L'obligation de restitution résultant de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel n'a pas à statuer sur la demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a donné acte à la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, de son intervention volontaire et en ce qu'il a dit que l'instance n'était pas périmée ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes présentées par M. [Y] [L] et Mme [V] [Z] épouse [L] ;

Déboute M. [Y] [L] et Mme [V] [Z] épouse [L] de leurs demandes de nullité des contrats de vente et de crédit affecté ;

Dit que la société BNP Paribas personal finance est déchue de son droit aux intérêts contractuels ;

Condamne solidairement M. [Y] [L] et Mme [V] [Z] épouse [L]' à payer à la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, la somme de 5 075 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019 ;

Condamne M. [Y] [L] et Mme [V] [Z] épouse [L] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres prétentions des parties ;

Condamne M. [Y] [L] et Mme [V] [Z] épouse [L] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SELAS Cloix & Mendès-Gil, avocats, conformément à'l'article 699 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'obligation de restitution résultant de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel n'a pas à statuer sur la demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/05671
Date de la décision : 31/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-31;19.05671 ?
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