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02/08/2022 | FRANCE | N°22/4707

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0760, 02 août 2022, 22/4707


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/04707 -
No Portalis 352J-W-B7G-CWXE3

No MINUTE :

Assignation du :
19 Avril 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ MAINLEVÉE
rendue le 02 Août 2022
DEMANDERESSE

Société LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265

DÉFENDEUR

Monsieur [K] [L]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représenté par Maître

Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966

COMPOSITION

Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
assistée de Lori...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/04707 -
No Portalis 352J-W-B7G-CWXE3

No MINUTE :

Assignation du :
19 Avril 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ MAINLEVÉE
rendue le 02 Août 2022
DEMANDERESSE

Société LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265

DÉFENDEUR

Monsieur [K] [L]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représenté par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966

COMPOSITION

Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
assistée de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 08 Juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 02 Août 2022.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à dispotion au greffe
Contradictoire
En premier ressort

____________________________

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. M. [K] [L] est un réalisateur de films français auteur de films de long métrage et de films publicitaires. La société La Pac est une société de production de films publicitaires. La société Louis Vuitton Malletier est une filiale du groupe de luxe LVMH, spécialisée dans la création d'articles de maroquinerie et d'habillement qu'elle commercialise sous la marque "Louis Vuitton".

2. M. [L] expose avoir été contacté à la fin du mois de mai 2021 par la société La Pac aux fins de réaliser un film publicitaire pour le compte de la société Louis Vuitton Malletier, destiné à présenter la collection "hommes - printemps / été 2022" de cette société, le film publicitaire et une bande-annonce devant être livrés le 24 juin 2021. Il indique avoir livré le film dans le délai imparti mais avoir découvert, une heure avant sa première diffusion, que M. [M] [R] était crédité comme réalisateur du film intitulé "Amen Break", lui-même étant présenté en 131ème position au générique en qualité de "film supervisor".

3. Le film a été diffusé et mis en ligne le 24 juin 2021, totalisant 150 millions de vue en 4 jours (d'une durée variable selon les plateformes), sans que son générique ne soit modifié en dépit des demandes réitérées de M. [L] auprès de la société La Pac, et alors même qu'aucun contrat n'avait été régularisé et que son travail était resté impayé. Par une lettre du 8 juillet 2021, M. [L] a de la même manière mis en demeure la société Louis Vuitton Malletier de cesser la diffusion du film "Amen Break", de lui en communiquer l'ensemble des documents contractuels et comptables, et de l'informer sur les modalités envisagées de réparation de son préjudice.

4. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, M. [L] a été autorisé à faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société La Pac, lesquelles ont été réalisées le 19 juillet 2021 et ont révélé qu'il avait bien été engagé en qualité de réalisateur et que le générique avait été modifié (cette modification étant facturée le 30 juin 2021 à la société Louis Vuitton Malletier).

5. C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier délivrés le 9 août 2021, M. [K] [L] a fait assigner à jour fixe à l'audience de la 3ème chambre / 3ème section de ce tribunal du 3 novembre 2021, les sociétés La Pac et Louis Vuitton Malletier en contrefaçon de droits d'auteur (atteinte à son droit moral et violation de son droit patrimonial). A l'audience du 3 novembre 2021, l'affaire a été renvoyée à la mise en état avec un calendrier court et une clôture prévue le 3 avril 2022.

6. Par une requête du 29 mars 2022, M. [L] a sollicité et obtenu, de la présidente de la 3ème chambre / 3ème section, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Louis Vuitton Malletier, lesquelles ont été réalisées le 12 avril 2022 et ont amené la saisie de plus de 6600 documents.

7. Par acte d'huissier du 19 avril 2022, la société Louis Vuitton Malletier a fait assigner M. [L] en référé afin d'obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon. A l'audience du 8 juin 2022, la société Louis Vuitton Malletier demande à la juridiction de :
À titre principal,
- Ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon pratiquée le 13 avril 2022 auprès de la société Louis Vuitton Malletier,
- Ordonner que les pièces saisies seront remises à Louis Vuitton Malletier, interdiction étant faite à M. [L] d'en conserver copie et de s'en prévaloir ultérieurement,
À titre subsidiaire,
- Ordonner la mise sous séquestre des courriels saisis chez Louis Vuitton Malletier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022,
- Ordonner une mesure d'expertise et désigner pour y procéder tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :
? se faire remettre par Me [Z] [I] une copie du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022 ainsi que l'ensemble des courriels saisis,
? réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, qui signeront un accord de confidentialité concernant les opérations menées lors de l'expertise,
? recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission,
? ouvrir les scellés, procéder à leur examen en présence des conseils des parties, et identifier:
*d'une part, pour les écarter et en vue de leur destruction, les documents protégés au titre des droits de la défense, qui ne seront pas portés à la connaissance des avocats de M. [L] et en cas de difficulté sur un document, en référer à Mme la Présidente qui seule en prendra connaissance,
*de deuxième part, les documents présentant des éléments utiles à la preuve de la contrefaçon alléguée par M. [L],
*de troisième part, les documents ne contenant aucune information pertinente sur ladite contrefaçon alléguée,
- dresser la liste des trois catégories de documents, en mentionnant les observations éventuelles des parties, annexer les documents contenant des informations utiles à son rapport, et faire ensuite retour des documents originaux à l'huissier, lequel en sera constitué séquestre jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué,
- Dire qu'il vous sera référé de toute difficulté de nature en particulier à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations ;
- Condamner M. [L] à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

8. M. [L] conclut quant à lui au rejet des demandes, aussi bien principale (mainlevée) que subsidiaire (expertise de tri), de la société Louis Vuitton Malletier. Il demande à la juridiction de lui donner acte du fait qu'il ne s'oppose pas à la mainlevée partielle de la saisie ou à toute mesure qu'il plaira à la Présidente d'ordonner sur tous les échanges directs entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats, ainsi que sur le courriel adressé par [C] [H] à [P] [W] le 21 mars 2022 à 19h42, pour autant que de tels documents aient été appréhendés. Il sollicite la condamnation de la société Louis Vuitton Malletier à lui payer la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

9. L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 juin 2022 et mise en délibéré au 2 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Sur la mainlevée de la saisie-contrefaçon

Moyens des parties

10. La société Louis Vuitton Malletier soutient que M. [L] s'est livré à une présentation déloyale des faits ne fournissant au magistrat que ses propres éléments et sa propre version des faits. La société demanderesse rappelle ainsi que tous les choix, aussi bien artistiques et esthétiques, que techniques, ont été faits par [LG] [U], architecte, designer et directeur artistique "pour l'homme" de la marque, jusqu'à son décès survenu le [Date décès 3] 2021. Elle ajoute que ce dernier a choisi (ou validé), avec M. [M] [R], l'idée originale du film, son scenario, ses dialogues, sa musique, ses chorégraphies, ses lieux de tournage, ses décors, les membres de l'équipe technique, y compris la décision d'engager M. [L] et ce, pour la seule supervision du tournage.

11. La société Louis Vuitton Malletier précise que la modification du générique demandée à la société de production est due à une erreur sur le nom du "hair artist" ayant travaillé pour le film. Elle ajoute que c'est à dessein, et en particulier afin de cacher au juge des requêtes les arguments contraires de la société Louis Vuitton Malletier, que M. [L] a déposé sa requête sans attendre le dépôt des conclusions de la défense prévu le 31 mars 2022.

12. M. [L] conclut au rejet de la demande de mainlevée n'ayant selon lui fait preuve d'aucune déloyauté. Il rappelle d'ailleurs que conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, il a présenté sa requête à la présidente de la section en charge de l'affaire au fond, en raison précisément de sa connaissance de l'affaire. Il ajoute avoir joint à sa requête les dernières conclusions des défendeurs. M. [L] soutient encore que le débat relatif à la qualification de son intervention sur le film (réalisateur ou "superviseur") est un débat de fond et en déduit que les moyens soulevés par la société Louis Vuitton Malletier sont dénués de pertinence à ce stade.

Appréciation du juge des référés

13. Aux termes de l'article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle, "Tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. A cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des oeuvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux oeuvres prétendument contrefaisantes en l'absence de ces dernières. La juridiction peut ordonner la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les oeuvres. (...)"

14. Selon l'article 3 "Obligation générale" de la Directive 2004/48/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, les mesures destinées à assurer le le respect des droits de propriété intellectuelle doivent, notamment, être loyales. Aussi, il est constamment rappelé que le caractère non contradictoire de la procédure sur requête, qui autorise un requérant, à solliciter dans un cadre exorbitant du droit commun, sur une présentation unilatérale de sa demande, l'autorisation de procéder chez une personne suspectée de commettre des actes de contrefaçon ou un tiers, sans son assentiment, à des investigations instrusives ou à des mesures conservatoires, suppose une particulière loyauté du requérant. Ce dernier se doit de porter à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi.

15. Force est en l'occurrence de constater que, sous le couvert d'un défaut de loyauté, la société Louis Vuitton Malletier développe en réalité ses moyens de critique au fond de la qualification de la participation de M. [K] [L] au film "Amen Break". Selon elle, en effet, la participation de M. [L] n'a pas excédé celle d'un simple "superviseur" des prises de vue, la qualité de réalisateur revenant uniquement à M. [M] [R], tandis que, selon M. [L], son rôle a consisté à diriger le tournage de l'oeuvre audiovisuelle et, ce faisant, à opérer différents choix décisifs pour le "rendu final" du film "Amen Break", qui justifiaient selon lui qu'il soit crédité en qualité de réalisateur en 2ème ou 3ème position, mais en aucun cas en 131ème.

16. Ce sont précisément les très importantes divergences entre les parties, parfaitement connues de la présidente de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée, et à laquelle la requête a été présentée conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, qui ont justifié la mesure. M. [L] ne peut donc être regardé comme ayant fait preuve de déloyauté et la demande de mainlevée ne pourra par conséquent qu'être rejetée.

2o) Sur la protection du secret professionnel

Moyens des parties

17. La société Louis Vuitton Malletier fait à cet égard valoir qu'eu égard à la date à laquelle la mesure a été autorisée, c'est à dire à un moment où le litige avait déjà été porté devant différents tribunaux, des correspondances couvertes par le secret professionnel ont été saisies. Cette société sollicite donc l'organisation d'une expertise de tri aux fins d'écarter les courriers échangés entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats mais aussi les courriers en lien avec sa défense, notamment ceux échangés entre ses préposés et qui relateraient les échanges entre la société et ses avocats ou encore sa stratégie de défense, conformément à la jurisprudence.

18. M. [L] rappelle que ses conseils ont dès la mise en oeuvre de la mesure accepté que soient écartées les correspondances entre la société défenderesse et ses avocats. Il s'oppose en revanche à toute extension, laquelle n'est pas fondée en droit, la demande étant vague alors que la jurisprudence a développé une appréciation in concreto des pièces devant être couvertes par le secret professionnel, non plus qu'en fait, la société Louis Vuitton Malletier ne donnant aucun exemple de courriel saisi susceptible de relever de la catégorie des courriers couverts par le secret professionnel sans pour autant émaner ou être adressé à son avocat.

Appréciation du juge des référés

19. Il résulte de l'article 66-5 de la Loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la Loi no2011-331 du 28 mars 2011 qu' "En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel."

20. Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l'inventaire, la régularité des opérations et d'ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu'il estime appréhendés en violation des droits de la défense. La cour de cassation n'exerce pas de contrôle sur cette vérification concrète qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Crim., 8 novembre 2017, pourvoi no 16-84.528 ; Cass. Com., 7 juillet 2015, pourvoi no 14-15.965) sous réserve que le juge soit « saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache à la relation entre un avocat et son client » (CEDH, 2 avril 2015, Vinci Construction et a. c/ France, no 6369/10, § 79).

21. Le principe de la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client a pour but de préserver les droits de la défense et son périmètre doit se déterminer en fonction de cet objectif : la personne qui subit une saisie doit pouvoir compter sur le fait que ne pourront être saisis les documents qui s'inscrivent dans le cadre de sa relation avec son avocat en vue de sa défense à la procédure. Il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu'il créé avec l'exercice des droits de la défense, sur le fait qu'un document émane directement de l'avocat ou lui est adressé. Dans une grande entreprise comme la défenderesse, la stratégie de défense a en outre vocation à être discutée par les cadres de la direction et ceux du service juridique, de sorte que sauf à priver de tout effet utile la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, celle-ci doit s'étendre, dans la limite de ce qui est nécessaire à l'exercice effectif des droits de la défense, à la discussion de la stratégie de défense, en aval de la correspondance échangée. Les documents internes à l'entreprise qui, à la suite d'un entretien ou d'une correspondance avec l'avocat, en reprennent les termes ne sauraient donc faire l'objet d'une saisie.

22. En l'occurrence, la mesure a amené la saisie d'un nombre très élevé de documents (plus de 6500) dont la société Louis Vuitton Malletier démontre que parmi eux figurent des courriels destinés à Maître [N] [E] son avocat (ex : courriel du 28 octobre 2021 de Mme [X] [Y] à Me [N] [E] avec en objet "Men SS22 filming" ; courriel du 28 décembre 2021 de Mme [V] [J] à Mme [G] [D] et Me [N] [E] avec en objet "Point juridique") ou des courriels internes relatifs à sa stratégie de défense (ex : courriel du 29 octobre 2021 de Mme [X] [Y] à M. [P] [W] et Mme [A] [O] avec en objet "Urgent MIPO" contenant les conclusions de Me [E] ; courriel du 23 décembre 2021 de M. [S] [B] à M. [P] [W] et Mme [A] [O] avec en objet "[K] [L] : Point juridique").

23. Il appraît donc justifié de faire droit à la demande et de désigner un expert aux fins de d'extraire des documents saisis ceux portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels des juristes internes qui divulgueraient un tel secret, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

3o) Sur la protection de données couvertes par le secret des affaires

Moyens des parties

24. La société Louis Vuitton Malletier fait sur ce point valoir que le choix des mots-clefs a amené la saisie de documents sans lien avec la présente affaire dont certains font même état de partenariats confidentiels avec d'autres sociétés, éléments couverts par le secret des affaires.

25. M. [L] conclut au rejet de cette demande présentée selon lui de manière "expéditive" par la société Louis Vuitton Malletier sans aucune démonstration de la moindre atteinte à un secret d'affaires.

Appréciation du juge des référés

26. Selon l'article L. 151-1 du code de commerce, "Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;
2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret;
3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret."

27. L'article R. 153-3 de ce même code précise que "A peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci: 1o La version confidentielle intégrale de cette pièce ;
2o Une version non confidentielle ou un résumé ;
3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires. Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce."

28. Force est de constater que la demande telle que présentée par la société Louis Vuitton malletier n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.153-1 du code de procédure civile et est dès lors irrecevable.

29. Les succès et échecs respectifs des parties commandent de laisser à chacune d'elles la charge de ses propres dépens comme de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Le juge des référés,

REJETTE la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon autorisée le 29 mars 2022 ;

ORDONNE une mesure d'expertise et désigne pour y procéder :
M. [F] [T]
Expert près la Cour d'Appel de Paris et la Cour de cassation
demeurant : [Adresse 2]
[Courriel 5]
Avec pour mission de :
- se faire remettre par Me [I], huissier de Justice, une copie de l'ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l'ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier,
- réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties,
- recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission,
- procéder à l'examen des courriels et pièces saisies en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret,
- faire ensuite retour des documents à l'huissier,

DIT qu'il nous sera référé de toute difficulté de nature à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations, et en particulier en cas de désaccord sur la confidentialité d'une pièce, lequel sera tranché par le juge ;

DIT que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile ;

FIXE à 5.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la société Louis Vuitton Malletier à la régie du tribunal judiciaire de Paris, au plus tard le 9 septembre 2022, faute de quoi la mesure d'expertise ordonnée sera caduque ;

DIT que l'expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris avant le 30 décembre 2022 ;

DIT irrecevable en l'état la demande de protection de pièces par les règles relatives au secret des affaires et invite la société Louis Vuitton Malletier à procéder comme prévu à l'article R. 153-1 du code de commerce ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 02 Août 2022.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0760
Numéro d'arrêt : 22/4707
Date de la décision : 02/08/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-08-02;22.4707 ?
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