Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 05 JUILLET 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16789 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASVR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/03720
APPELANTS
[I] [F] né le 18 juillet 2011 à Lakanguémou (Mali) representé par ses parents M. [W] [F] (père) et Mme [N] [F] (mère) agissant ès-qualités de représentants légaux
C/ [O] [E],
[Adresse 5]
Bamako (MALI)
représentée par Me Lorraine CHRETIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0025
Bénéficie d'une AIDE JURIDICITONNELLE
INTIME
LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 juin 2022, en audience publique, l'avocat des appelants et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre,
M. François MELIN, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 19 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, déclaré recevable l'intervention volontaire à la procédure de Mme [N] [F] en tant que représente légale de [I] [F], jugé que [I] [F], se disant né le 18 juillet 2011 à Lakanguémou (Mali) n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné in solidum Mme [N] [F] et M. [W] [F] aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel en date du 15 août 2019 et les dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2021 par Mme [N] [F] et M. [W] [F], agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [I] [F], qui demandent à la cour d'infirmer le jugement, de déclarer nul l'acte du 29 janvier 2015 refusant de délivrer un certificat de nationalité française à ce dernier, de dire qu'il est de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, de les décharger des condamnation prononcées à leur encontre, de condamner le Trésor public au paiement de la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et aux dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de confirmer le jugement et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Vu l'ordonnance de clôture du 19 octobre 2021 ;
MOTIFS :
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production de l'avis de réception du ministère de la Justice en date du 29 juin 2020 de la copie des conclusions des appelants.
[I] [F] s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française par décision du greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France du 29 janvier 2015.
N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il lui appartient en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.
Le certificat de nationalité française délivré à M. [W] [F] (pièce n°7 des appelants), serait-il le père de l'enfant, n'a pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur Mme [N] [F] et M. [W] [F], ès qualités.
Les appelants soutiennent que l'enfant, né le 18 juillet 2011 à Lakanguémou (Mali) est de nationalité française par filiation paternelle, son père, M. [W] [F] étant né en France le 21 août 1980 à [Localité 4], de deux parents nés sur le territoire qui avait au moment de sa naissance le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française.
Ils leur incombent donc en premier lieu de rapporter la preuve d'un état civil certain pour l'enfant, au moyen d'actes de l'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil qui dispose dans sa version applicable que "Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.'
Afin d'en rapporter la preuve, les appelants ont produit devant le tribunal, puis devant la cour :
- la copie littérale d'acte de naissance n°293, certifiée conforme à l'original, établi suivant jugement supplétif n°1561 rendu le 11 juin 2012 par le tribunal civil de Yélimané qui indique que [I] [F] est né le 18 juillet 2011 à Lakanguémou (Mali) de Mme [N] [F], née le 10 avril 1991 à Lakanguémou, de nationalité malienne, célibataire, niveau d'instruction illettrée, nombre d'enfant 2 et de M. [W] [F], né le 21 août 1980 à [Localité 4] arrondissement , de nationalité française, célibataire, niveau d'instruction primaire. L'acte a été dressé sur la déclaration de [Y] [F] le 11 juin 2012.(pièce n° 3).
- une photocopie de la copie délivrée le 13 mars 2013 d'un jugement supplétif n°1561 qui déclare que [I] [F] est né le 18 juillet 2011 de [N] [F] et de [W] [F] (pièce n°11).
Les premiers juges ont, à juste titre, considéré que Mme [N] [F] et M. [W] [F] ne justifiaient pas d'un état civil fiable pour l'enfant, après avoir relevé notamment que la production d'une simple photocopie du jugement supplétif interdisait au tribunal toute vérification de l'authenticité de cette décision et retirait toute valeur probante à cette pièce.
En appel, Mme [N] [F] et M. [W] [F] produisent :
- une demande adressée au service de la nationalité des Français nés et établis à l'Etranger de restitution de l'original du jugement supplétif n°1561 du 11 juin 2012 rendu par le tribunal civil de Yélimané (pièce n°21)
- une copie (pièce n°30) délivrée le 31 janvier 2020 du jugement supplétif n°1561 rendu par le tribunal civil de Yélimané le 11 juin 2012, déclarant que [I] [F] est né le 18 juillet 2011 à Lakanguémou de [N] [F] et de [W] [F].
- la photocopie du volet 3 de l'acte de naissance n°293 établi suivant jugement supplétif n°1561 du 11 juin 2012 du tribunal civil de Yélimané qui indique que [I] [F] est né le 18 juillet 2011 de [N] [F], ménagère et de [W] [F], domicilié [Adresse 3], ouvrier et que la déclaration de la naissance a été faite le 11 juin 2012 (pièce n° 31).
Toutefois, au vu de l'ensemble de ces pièces, Mme [N] [F] et M. [W] [F], ès qualités, échouent à rapporter la preuve d'une identité certaine pour l'enfant [I] [F].
En effet, selon l'article 31 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par des juridictions siégeant sur le territoire de la République du Mali doivent, pour avoir l'autorité de la chose jugée en France, « remplir les conditions prévues par la législation de cet État » et parmi ces conditions, figure la conformité à la conception française de l'ordre public international laquelle exige que le jugement soit motivé.
Or, la seule copie produite du jugement n° 1561 du 11 juin 2012 ne comporte aucune motivation de sorte qu'en l'absence de production d'une expédition certifiée conforme de cette décision qui comporterait une motivation ou de pièces susceptibles de suppléer la motivation défaillante, comme le relève le ministère public, le jugement ne satisfait pas à l'exigence de motivation. Dans ces conditions, il est inopposable en France.
En conséquence, l'acte de naissance n° 293, établi en exécution de cette décision, qui comporte de surcroît, comme le relève justement le ministère public, des mentions supplémentaires par rapport au jugement supplétif et dont les mentions sont différentes d'un acte à l'autre alors que l'acte de naissance est un acte unique dont les copies doivent toujours avoir les mêmes références et le même contenu, n'a pas de valeur probante au sens de l'article 47 du code civil.
Or, nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article.
Le jugement de première instance est donc confirmé et l'extranéité de [I] [F] doit être constatée.
Les dépens seront supportés par Mme [N] [F] et M. [W] [F] agissant en qualité de représentants légaux de l'enfant mineur, [I] [F], qui succombent en leurs prétentions et seront recouvrés conformément aux règles relatives à l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile,
Confirme le jugement,
Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [N] [F] et M. [W] [F], agissant en qualité de représentants légaux de l'enfant mineur [I] [F] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux règles relatives à l'aide juridictionnelle.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE