La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°20/06280

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 juin 2022, 20/06280


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 JUIN 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06280 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXXB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 novembre 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS (17ème) - RG n° 11-17-01-0332





APPELANTE



Le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE, société anonyme a

gissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 029 848 03947

[Adresse 1]

[Localité 7]



représentée par Me ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06280 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXXB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 novembre 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS (17ème) - RG n° 11-17-01-0332

APPELANTE

Le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 029 848 03947

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1102

substitué à l'audience par Me Maud BOUHEY de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1102

INTIMÉS

Monsieur [T] [R]

né le 6 avril 1955 à ORAN (ALGÉRIE)

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

Maître [P] [G] en qualité de mandataire liquidateur de la société EKOWATER

[Adresse 8]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

Madame [C] [I] épouse [R]

née le 3 mai 1963 à [Localité 9] (44)

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

La SARL EKOWATER prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 538 718 339 00020

[Adresse 3]

[Localité 4]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Consiellère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte du 17 mars 2015, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [T] [R] a acquis auprès de la société Ekowater une installation photovoltaïque au prix de 42 600 euros.

Cet achat a été financé par un prêt souscrit auprès de la société Crédit foncier de France par M. [R] et son épouse Mme [C] [R] le 24 avril 2015 pour 42 600 euros remboursable en 144 mensualités de 426, 45 euros chacune au taux de 5,46 % l'an avec une période de report de 12 mois.

L'installation a été réalisée, les fonds débloqués et un contrat d'achat de l'énergie électrique produite a été validé par M. [R] le 18 décembre 2015.

La société Ekowater a été placée en liquidation judiciaire et Maître [P] [G] désigné en qualité de mandataire liquidateur de cette société.

Saisi le 15 novembre 2017 par M. et Mme [R] d'une demande tendant principalement à l'annulation et à la résolution des contrats de vente et de crédit, le tribunal d'instance de Paris par un jugement réputé contradictoire rendu le 19 novembre 2019 a :

- déclare irrecevable la demande de nullité du contrat de vente en tant qu'elle a été formée par Mme [R],

- prononce la nullité du contrat de vente conclu le 17 mars 2015 entre la société Ekowater et M. [R],

- dit que M. [R] devra tenir à la disposition Maître [G] liquidateur judiciaire de la société Ekowater, l'ensemble des matériels posés à leur domicile pendant un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement et que, passé le délai de 6 mois à compter de la signification du jugement, si le liquidateur n'a pas émis la volonté de reprendre les matériels, M. [R] pourra les porter dans un centre de tri,

- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu le 24 avril 2015 entre M. et Mme [R] et la banque Crédit foncier de France,

- dit que la société le Crédit foncier de France a commis une faute la privant de sa créance de restitution du capital prêté,

- débouté la société le Crédit foncier de France de sa demande au titre de remboursement du prêt,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, y compris les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Crédit Foncier de France aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que Mme [R] était tiers au contrat de vente et qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'inexécution de celui-ci ou en demander la nullité. Il a retenu que l'original du bon de commande produit, quasi-illisible quant à ses mentions manuscrites, laisse apparaître l'absence de mention sur le type de panneaux vendus et plus généralement sur la nature du bien vendu de sorte qu'il est impossible de déduire de ce bon de commande le nombre, la marque, la puissance des panneaux pour autant qu'il puisse être constaté à la lecture du document qu'il s'agit bien d'une vente de panneaux photovoltaïques et que le contrat encourt donc la nullité sur le fondement des articles L. 212-17, L. 212-18-1, L. 111-1 du code de la consommation.

Le tribunal a considéré que la nullité n'avait pas été couverte par M. [R] en ce qu'il n'était pas démontré une connaissance du vice par l'acheteur. Il a considéré que la banque avait commis une faute en omettant de vérifier la validité d'un contrat manifestement irrégulier. Il a considéré que la privation de la créance de restitution du capital emprunté constituait l'exacte contrepartie du préjudice subi par M. et Mme [R]. Il a rejeté les demandes subsidiaires en remboursement du capital non remboursé évalué au 17 décembre 2018 à la somme de 8 145,59 euros sauf à parfaire.

Suivant déclaration du 13 mai 2020, la société Crédit foncier de France a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 23 juillet 2020, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de débouter M. et Mme [R] de toutes leurs demandes formées à son encontre,

- de les condamner à lui payer la somme de 49 797, 80 euros arrêtée au 17 juillet 2020 à parfaire jusqu'au parfait règlement,

- à titre subsidiaire, de dire et juger que M. et Mme [R] sont débiteurs à l'égard du crédit foncier de France du montant du capital prêté, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et en conséquence les condamner à lui payer la somme de 42 600 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- de les condamner au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.

L'appelante conteste toute irrégularité du bon de commande au regard des dispositions des articles L. 121-18-1 et L. 121-17 du code de la consommation en ce qu'il n'en ressort aucune obligation de faire figurer des mentions relatives au poids, à la surface des matériaux, leur prix unitaire. Elle fait observer que le premier juge s'est uniquement fondé sur l'absence de lisibilité du bon de commande qui ne tient qu'à la mauvaise copie fournie par les époux [R] alors que la copie en sa possession et versée aux débats tant en première instance qu'en appel permet d'identifier les caractéristiques des matériels vendus à savoir 36 panneaux de 250 w et 24 de 450 w de marque SYTOVI et un onduleur de marque LSTB. Elle ajoute que le bon de commande comprend bien les conditions générales de vente et le bordereau de rétractation.

Elle considère qu'en l'absence de preuve de man'uvres dolosives imputables à la société Ekowater, les époux [R] ne sont pas fondés à solliciter une annulation du contrat de vente pour dol.

Elle considère que M. et Mme [R] ont couvert par leur comportement ultérieur la nullité encourue en ce qu'ils ont accepté l'installation, donné l'ordre du déblocage des fonds en deux temps d'abord le 1er juin 2015 à hauteur de 90 % puis le 8 octobre 2015 au moment du raccordement réseau pour le solde, et profité des avantages de l'installation.

Elle estime qu'aucun élément n'est démontré concernant une inexécution contractuelle de la part du vendeur et que les acheteurs se plaignent en réalité d'avoir été leurrés par des promesses d'autofinancement.

La société Crédit foncier de France soutient que les emprunteurs ne sont pas fondés à se prévaloir d'un non-respect des dispositions de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, puisque ces dispositions ne s'appliquent pas au contrat de crédit mais aux opérations de démarchage à domicile. Elle conteste toute irrégularité en ce que M. et Mme [R] se sont engagés en parfaite connaissance de cause et que leur capacité de remboursement a bien été vérifiée.

Elle conteste toute faute dans la vérification de la régularité du bon de commande et fait état de l'absence de démonstration d'un quelconque préjudice. Elle conteste toute faute dans le déblocage des fonds intervenu au vu d'une autorisation signée par l'acheteur le 1er juin 2015 alors que le raccordement n'était pas encore effectué mais seulement à hauteur de 90 %, le solde étant débloqué au moment du raccordement.

Elle fait valoir avoir prononcé la déchéance du terme du contrat le 5 janvier 2018 et sollicite le paiement des sommes dues au titre du contrat y compris l'indemnité de résiliation.

Par des conclusions remises le 23 octobre 2020, M. et Mme [R] demandent à la cour de :

- juger infondé l'appel formé par la société Crédit Foncier de France à l'encontre du jugement du 19 novembre 2019 et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre des intérêts des époux [R] ou opposées à leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit, dit que M. et Mme [R] devront tenir à la disposition de la Maître [P] [G], l'ensemble des matériels posés à leur domicile, en ce qu'il a jugé que la société Crédit foncier de France a commis une faute dans le déblocage des fonds la privant de son droit à restitution du capital prêté, en ce qu'il a condamné la société Crédit foncier de France à restituer à M. et Mme. [R] l'indu, soit le montant total des échéances du prêt affecté du 24 avril 2015 déjà remboursées,

- condamner la société Crédit Foncier de France à leur payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre le paiement des entiers dépens.

Les intimés soutiennent que le bon de commande n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 121-18-1 anciens et suivant du code de la consommation. Ils font remarquer à titre liminaire, que leur exemplaire carboné original est illisible rendant incompréhensibles les mentions manuscrites y figurant, et qu'ils produisent une copie qu'ils certifient conforme à l'original. Ils estiment que la copie versée aux débats par l'appelante en pièce 9, bien plus lisible, ne leur est pas opposable car les causes de nullité doivent s'apprécier au regard de l'exemplaire du contrat remis et signé par l'emprunteur.

Ils soutiennent que le bon de commande indique à tort un délai de rétractation de 7 jours à compter de la date de la commande et que c'est à tort que l'article L. 121-25 ancien du code de la consommation est reproduit et est susceptible de les induire en erreur. Ils font état de la mention « raccordement ERDF » et s'interrogent sur cette mention qui peut laisser croire que le vendeur se charge lui-même du raccordement.

Ils invoquent l'absence de mentions relatives au type de panneaux vendus, à la puissance de l'onduleur, à la désignation du poids et de la surface des panneaux, au montant total du financement, au prix unitaire des différents biens et prestations à la charge de la société Ekowater.

Ils contestent toute confirmation des causes de nullité affectant le bon de commande en l'absence de connaissance des vices affectant l'acte au regard de leur qualité de consommateurs profanes et en ce que l'intention de réparer le vice n'est pas établie. Ils estiment qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir exercé leur droit de rétractation sous 14 jours puisqu'ils ont été trompés par des indications fausses et une reproduction erronée de la législation applicable.

Ils invoquent une faute de la banque qui a accepté de financer un contrat intrinsèquement nul sans procéder à une quelconque vérification et pour avoir débloqué les fonds alors que les travaux n'étaient pas achevés.

En cas d'annulation des contrats, ils sollicitent la privation du droit de la banque à la restitution du capital prêté et à défaut, en cas de réparation de la faute par la voie de dommages et intérêts, la condamnation du prêteur au remboursement des échéances versées.

Régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 14 septembre 2020 selon les formes de l'article 658 du code de procédure civile, Maître [G] en qualité de liquidateur de la société Ekowater n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 31 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

La cour constate que n'est pas contestée la disposition du jugement selon laquelle Mme [C] [R] a été déclarée irrecevable en sa demande de nullité du contrat de vente de sorte que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

M. et Mme [R] sollicitent dans le dispositif de leurs écritures, confirmation du jugement du 19 novembre 2019 en ce qu'il a condamné la société Crédit foncier de France à restituer à M. et Mme. [R] l'indu, soit le montant total des échéances du prêt affecté du 24 avril 2015 déjà remboursées. La cour constate que la condamnation dont il est fait état n'a pas été prononcée par la juridiction saisie et ne figure pas au dispositif de la décision rendue.

Il est également constaté que M. et Mme [R] ne poursuivent plus en cause d'appel l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté sur le fondement du dol ni la résolution de ces contrats pour inexécution contractuelle rendant sans objet les développements de l'appelante sur ce sujet.

Sur la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit

Il est rappelé que le 17 mars 2015 dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [R] a conclu avec la société Ekowater un contrat de vente portant sur des panneaux photovoltaïques au prix de 42 600 euros. L'installation a été financée au moyen d'un crédit souscrit le 24 avril 2015 par M. et Mme [R] auprès de la société Crédit foncier de France.

La pose des panneaux a eu lieu le 1er juin 2015, M. [R] ayant signé à cette date une autorisation de versement des fonds au vendeur à hauteur de 38 340 euros, étant précisé que les travaux étaient alors en cours. L'installation a été mise en service le 18 août 2015, raccordée et le solde des fonds a été débloqué le 8 octobre 2015. M. [R] a validé un contrat de rachat d'énergie électrique avec EDF le 18 décembre 2015.

***

Il est constant que le contrat conclu entre la société Ekowater et M. [R] le 17 mars 2015 est soumis aux dispositions des articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation dans leur version postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.

L'article L. 121-17 prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 121-21-5 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 121-21-8, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'État.

La charge de la preuve concernant le respect des obligations d'information mentionnées ci-dessus pèse sur le professionnel.

L'article L. 111-1 du code de la consommation prévoit qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L.113-3 et L.113-3-1;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques électroniques à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.

L'article L. 121-18 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, prévoit que le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues au I de l'article L. 121-17. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

Aux termes de l'article L. 121-18-1 du même code, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17.

En l'espèce, M. [R] communique aux débats l'exemplaire carboné du bon de commande qui lui a été remis au moment de la vente ainsi qu'en pièce 1, une photocopie en couleur (verte) de l'original du contrat. La société Crédit foncier de France communique quant à elle en pièce 9, une photocopie en noir et blanc du bon de commande.

Contrairement à ce qui est soutenu, les mentions manuscrites figurant sur l'original du bon de commande ne sont nullement illisibles mais doivent être déchiffrées au regard de l'écriture de leur auteur et de l'encre un peu fade. La copie conforme en couleur remise par les intimés est parfaitement lisible et permet de confirmer les mentions figurant sur l'original du document. La photocopie en noir et blanc du bon de commande produite par la banque est en tous points identique à la copie fournie par les intimés de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter.

Le bon de commande litigieux porte sur 36 panneaux x 250 w = 9000 wc, 24 panneaux x 450 w = 10 800 wc de marque SYTOVI avec une garantie production à 25 ans, un onduleur de marque LSTB, incluant Consuel, PV cycle, sous toiture, gouttière 12 m(demi-ronde), raccordement ERDF, ardoise = 12 m2 sous réserve des autorisations administratives. Le prix est de 35 679,14 euros HT outre 2 200 euros de frais de raccordement et un forfait pose de 2 500 euros soit la somme de 40 379,14 euros HT soit 42 600 euros TTC. Le prix est financé au moyen d'un prêt contracté auprès du Crédit foncier.

Les conditions générales de vente sont bien précisées au contrat et figure en bas de ces conditions, un formulaire détachable d'annulation de la commande.

Les caractéristiques essentielles du matériel vendu sont suffisantes et permettaient à l'acquéreur de comparer utilement la proposition de la société Ekowater notamment en termes de prix avec des offres concurrentes et de vérifier que tous les éléments nécessaires au fonctionnement de l'installation avaient bien été livrés et installés.

En effet, il n'est pas étayé au-delà de considérations générales en quoi le type de panneaux vendus, la puissance de l'onduleur, le poids et la surface des panneaux pouvaient constituer, in concreto, des caractéristiques essentielles du produit au sens de l'article précité, alors que la description des matériels vendus et prestations proposées est suffisamment détaillée au regard des exigences textuelles.

Le prix global TTC est bien précisé sans que la réglementation n'exige de faire figurer sur le bon de commande le montant total du financement ni le prix unitaire des différents biens et prestations à la charge de la société venderesse.

L'ensemble des éléments relatifs au crédit souscrit par M. et Mme [R] le 24 avril 2015 pour financer l'installation photovoltaïque a été porté à la connaissance des emprunteurs à savoir la somme de 42 600 euros empruntée remboursable en 144 mensualités de 426, 45 euros chacune au taux de 5,46 % l'an avec une période de report de 12 mois ainsi que le coût total du crédit de 61 408,80 euros.

Il n'est pas expliqué en quoi la mention « raccordement ERDF » figurant sur le bon de commande pouvait prêter à confusion puisqu'il est constant que le raccordement au réseau électrique ne relève pas de la compétence de la société venderesse mais d'une entreprise tierce ce que ne pouvait manquer d'ignorer l'acheteur. Au demeurant, il n'est pas expliqué en quoi cette mention ou son imprécision serait sanctionnée par la nullité du contrat de vente.

Les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande détaillent en caractères parfaitement lisibles notamment les modalités de livraison et de pose, de garantie des matériels, d'annulation de la commande.

Les conditions générales de vente reproduisent le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dans un encadré se situant juste au -dessus du formulaire détachable de rétractation.

Le contrat de vente conclu par M. [R] après démarchage à domicile, est soumis aux dispositions des articles L. 121-18 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable à compter du 13 juin 2014 et dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Les dispositions susvisées n'imposent nullement la reproduction des articles L. 121-17, L. 121-18-1 ou L. 111-1 du code de la consommation à peine de nullité, comme le prévoyait l'ancien article L. 121-23 du même code, de sorte qu'il ne peut être reproché un quelconque grief à ce titre.

Le bordereau mentionne un délai de rétractation de 7 jours alors que les dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation en leur version applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014, prévoient que le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement.

La mention d'un délai de rétractation erroné avec renvoi à des dispositions textuelles visant également un délai d'annulation de la commande erroné doit conduire à l'annulation du contrat de vente.

***

L'article 1338 (désormais 1182) du code civil, alinéas 2 et 3, dans sa rédaction applicable au litige dispose que : « A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pourrait être valablement confirmée ou ratifiée. La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».

Il est admis que la nullité sanctionnant le non-respect des obligations prescrites au vendeur par les articles précités, est une nullité relative qui peut être couverte par le consommateur qui, en toute connaissance des irrégularités affectant le contrat, entend néanmoins en poursuivre l'exécution et s'en prévaloir.

Il incombe à celui qui s'oppose à l'annulation du contrat d'établir que le consommateur avait connaissance des irrégularités du contrat et qu'il a renoncé à s'en prévaloir par des actes non équivoques.

En l'espèce, M. [R] a manifesté son renoncement à se prévaloir de la nullité du contrat de vente en réceptionnant sans réserve l'installation le 1er juin 2015 tout en donnant l'ordre du déblocage des fonds à la société Crédit foncier de France à hauteur de 90 % puis le 8 octobre 2015 pour le solde, par l'exploitation qu'il a faite de son installation pendant près de deux ans et demi entre le raccordement, le 18 août 2015 et l'action en justice le 15 novembre 2017 sans émettre aucune critique sur la qualité de l'installation photovoltaïque et sur son fonctionnement et en réglant depuis le mois de mai 2016 son financement, par le paiement des échéances mensuelles de remboursement du crédit.

Ce renoncement est encore patent par la vente par M. [R] de l'électricité produite par son installation raccordée, à la société EDF.

En conséquence, M. [R] ne peut se prévaloir de la nullité formelle du bon de commande.

***

Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions sur le fond et M. [R] est débouté de sa demande d'annulation du contrat de vente.

Partant le contrat de crédit n'est pas nul et doit recevoir exécution.

Sur l'action en responsabilité contre le prêteur

M. et Mme [R] entendent mettre en cause la responsabilité de la société Crédit foncier de France pour avoir consenti un crédit et débloqué les fonds sur la base d'un bon de commande nul et sans s'assurer que l'intégralité des prestations attendues avait bien été finalisée.

Le moyen tiré du financement d'une opération nulle doit être écarté au regard du rejet de la demande d'annulation du contrat de vente.

Selon l'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.

Les dispositions de l'article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l'égard de l'emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et l'appelante fait valoir à juste titre que l'obligation de plein droit à l'égard de l'emprunteur mise à sa charge par l'article L. 311-51 du code de la consommation ne concerne que le contrat de crédit et ne saurait la rendre garante de l'exécution du contrat principal.

En l'espèce, il est justifié selon facture produite aux débats que la pose des panneaux a eu lieu le 1er juin 2015, M. [R] ayant signé à cette date une autorisation de versement des fonds au vendeur à hauteur de 38 340 euros soit 90 % du montant total. Cette autorisation mentionne que les travaux sont en cours. Il est justifié que l'installation a été mise en service le 18 août 2015, raccordée et il n'est pas contesté que le solde des fonds a été débloqué au profit du vendeur le 8 octobre 2015 et qu'un contrat de rachat d'énergie électrique a été signé par M. [R] avec EDF le 18 décembre 2015.

Aucune pièce ne permet d'attester de ce que le prêteur ait été destinataire d'un certificat de fin de travaux signé de l'acheteur de nature à le convaincre que le contrat principal avait été exécuté. Le Crédit foncier de France a donc commis une négligence fautive en violation des dispositions précitées.

Cependant, dès lors que les emprunteurs disposent d'une installation fonctionnelle qui ne suscite aucune critique de leur part, qui donc a été entièrement livrée et qui leur permet de revendre l'électricité, ils ont reçu l'exacte contrepartie du prix de vente qui correspond au capital emprunté et leur obligation de rembourser a pris effet. À cet égard, dans la mesure où les fonds ont été versés postérieurement à l'expiration du délai de rétractation afférent au contrat principal, les emprunteurs ne sont pas fondés à invoquer un préjudice correspondant à une proportion ou à la totalité du capital emprunté ni au remboursement des échéances du crédit.

M. et Mme [R] doivent donc être déboutés de leurs prétentions liées à la privation de la banque de la restitution du capital emprunté de sorte que le jugement doit être infirmé de ce chef. Ils doivent également être déboutés de leurs prétentions liées à la restitution des échéances réglées au titre du crédit.

Sur la demande reconventionnelle de la société Crédit foncier de France

L'appelante fait valoir que la déchéance du terme du contrat est acquise depuis le 5 janvier 2018 et sollicite le paiement de la somme de 49 797, 80 euros arrêtée au 17 juillet 2020 à parfaire.

Elle produit à l'appui de sa demande le contrat de crédit contenant une fiche de situation (ressources et charges des emprunteurs), la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche relative au devoir d'explication outre un décompte de créance au 17 juillet 2020.

La société Crédit de France ne communique toutefois aucun historique de compte permettant d'attester de la réalité des défauts de paiement. Elle ne justifie pas non plus de l'envoi aux emprunteurs d'un courrier dont il résulte une interpellation suffisante quant au défaut de paiement des échéances du crédit et leur octroyant un délai pour régulariser leur situation comme les dispositions contractuelles le prévoient.

Elle ne démontre ainsi ni la régularité de la déchéance du terme du contrat, ni l'exigibilité des sommes dues. Il s'ensuit que c'est à juste titre que le premier juge a rejeté les demandes à ce titre. Partant, le jugement étant confirmé de ce chef.

M. et Mme [R] qui succombent supporteront les dépens et sont condamnés à verser à la société Crédit foncier de France la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut, et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré Mme [C] [R] irrecevable en sa demande de nullité des contrats, en ce qu'il a dit que la banque avait commis une faute et en ce qu'il a débouté la société Crédit foncier de France de sa demande en paiement au titre du contrat de crédit ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [T] [R] et Mme [C] [R] née [I] de l'intégralité de leurs demandes ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [T] [R] et Mme [C] [R] née [I] in solidum aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Thierry Serra, avocat au Barreau de Paris ;

Condamne M. [T] [R] et Mme [C] [R] née [I] in solidum à verser à la société Crédit foncier de France une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/06280
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;20.06280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award