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30/06/2022 | FRANCE | N°19/18620

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 juin 2022, 19/18620


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 JUIN 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18620 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAX54



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mai 2019 - Tribunal d'Instance de JUVISY SUR ORGE - RG n° 11-19-000364





APPELANTE



La société SOGEFINANCEMENT, société par actions si

mplifiée prise en la personne de son président en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 6]



représentée p...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18620 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAX54

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mai 2019 - Tribunal d'Instance de JUVISY SUR ORGE - RG n° 11-19-000364

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée prise en la personne de son président en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Madame [O] [E] épouse [V], décédée le [Date décès 1]2018

Monsieur [F] [V], en sa qualité d'ayant droit de Madame [O] [E], épouse [V], décédée le [Date décès 1]2018

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 7] (59)

[Adresse 3]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 21 novembre 2006, la société Sogefinancement a consenti à M. [F] [V] et Mme [O] [V] née [E] un prêt personnel d'un montant en capital de 20 000 euros remboursable au taux nominal conventionnel de 6,70 % l'an (soit un TAEG de 7,106 % l'an) en 84 mensualités de 298,93 euros.

A la suite de difficultés financières, M. et Mme [V] ont saisi la commission de surendettement des particuliers de l'Essonne qui les a déclarés recevables à la procédure de surendettement. Deux plans de désendettement ont successivement été mis en place :

- le premier au mois de novembre 2009, prévoyant un rééchelonnement de la dette en 36 mensualités de 122,27 euros,

- le deuxième, au mois de juin 2014, prévoyant une première mensualité de 273 euros, suivie de 59 mensualités de 120 euros.

M. et Mme [V] n'ont pas respecté le plan qui est, en conséquence, devenu caduc quinze jours après la mise en demeure qui leur a été adressée le 23 août 2017.

Des échéances étant demeurées impayées, la société Sogefinancement a fait assigner M. et Mme [V] devant le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge, par acte d'huissier en date du 26 février 2019, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 240 euros, représentant les mensualités impayées du 15 juillet 2017 au 15 août 2017 inclus, au taux légal à compter de leur date d'échéance respective jusqu'au jour du parfait paiement,

- 8 210,47 euros représentant le capital restant dû devenu exigible après la mensualité impayée du 15 août 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la date précitée jusqu'au jour du parfait paiement,

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Devant le premier juge, la déchéance du droit aux intérêts contractuels a été mise dans le débat d'office.

Par jugement réputé contradictoire du 13 mai 2019 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge a rendu la décision suivante :

« PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement au titre du prêt souscrit par M. et Mme [V] le 21 novembre 2006 à compter de cette date ;

CONDAMNE solidairement M. et Mme [V] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 977,87 euros au titre du prêt n° 32198919261 du 21 novembre 2006, sous déduction à venir des intérêts au taux légal dus par le prêteur ;

RAPPELLE qu'en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, les intérêts réglés à tort par M. et Mme [V] produisent intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement et viennent en déduction de la somme due au prêteur ;

DIT que la somme due par M. et Mme [V] sera en conséquence réduite du montant des intérêts au taux légal sur les intérêts perçus par le prêteur à compter du jour de leur versement, à charge pour la société Sogefinancement de procéder à ce calcul avant mise à exécution de la présente décision ;

AUTORISE M. et Mme [V] à apurer la dette en 23 mensualités de 50 euros et une 24ème et dernière mensualité du montant du solde de la dette, au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement ;

DIT qu'à défaut de paiement d'une mensualité, l'intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse ;

ORDONNE que les paiements s'imputent d'abord sur le capital ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;

DISPENSE M. et Mme [V] d'avoir à payer à la société Sogefinancement une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. et Mme [V] aux entiers dépens ».

Le tribunal a principalement retenu que la déchéance du droit aux intérêts pour irrégularité du formalisme précontractuel doit être prononcée en raison du manquement du prêteur de deniers à ses obligations relatives à la notice d'assurance, celui-ci ayant échoué à rapporter la preuve de sa remise à l'emprunteur.

La société Sogefinancement a relevé appel de ce jugement par déclaration du 4 octobre 2019.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 21 mars 2022, la société Sogefinancement demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Juvisy sur Orge le 13 mai 2019 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement au titre du prêt souscrit par M. et Mme [V] le 21 novembre 2006, à compter de cette date ; en ce qu'il a limité la condamnation solidaire de M. et Mme [V] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 977,87 euros au titre du prêt n° 321.989.192.61 du 21 novembre 2006, sous déduction à venir des intérêts au taux légal dus par le prêteur ; en ce qu'il a rappelé qu'en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, les intérêts réglés à tort par M. et Mme [V] produisent intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement et viennent en déduction de la somme due au prêteur ; en ce qu'il a dit que la somme due par M. et Mme [V] sera en conséquence réduite du montant des intérêts au taux légal sur les intérêts perçus par le prêteur à compter du jour de leur versement, à charge pour la société Sogefinancement de procéder à ce calcul avant mise à exécution de la présente décision ; en ce qu'il a autorisé M. et Mme [V] à apurer la dette en 23 mensualités de 50 euros et une 24ème et dernière mensualité du montant du solde de la dette, au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement, et dit qu'à défaut de paiement d'une mensualité, l'intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse ; en ce qu'il a ordonné que les paiements s'imputent d'abord sur le capital ; en ce qu'il a débouté la société Sogefinancement partiellement de ses demandes, en ce compris sa demande en paiement de la somme de 240 euros, représentant les mensualités impayées du 15 juillet 2017 au 15 août 2017 inclus au taux légal à compter de leur date d'échéance respective jusqu'au jour du parfait paiement, sa demande en paiement de la somme de 8 210,47 euros représentant le capital restant dû devenu exigible après la mensualité impayée du 15 août 2017 avec intérêts au taux légal à compter de la date précitée jusqu'au jour du parfait paiement et sa demande en paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs contestés,

DÉCLARER le moyen tiré de la déchéance des intérêts contractuels irrecevable comme prescrit ; subsidiairement, REJETER le moyen et DIRE ET JUGER que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est pas encourue ;

En conséquence, et en tout état de cause, CONDAMNER M. [V] à payer à la société Sogefinancement la somme de 7 640,47 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 6,70 % l'an à compter du 18/09/2017 en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 13/03/2019, en remboursement du prêt personnel n° 32198919261 accepté le 21/11/2006 ; subsidiairement, en cas de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, CONDAMNER M. [V] à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 493,64 euros outre intérêts au taux légal à compter de la sommation du 03/10/2017, en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 13/03/2019 ;

CONDAMNER également M. [V], en sa qualité d'ayant-droit de Mme [V], hypothécairement sur les biens de la succession pour la totalité de la créance, au paiement à la société Sogefinancement de la somme de 7 640,47 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 6,70 % l'an à compter du 18/09/2017 en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 13/03/2019, en remboursement du prêt personnel n° 32198919261 accepté le 21/11/2006, et subsidiairement en cas de déchéance des intérêts, au paiement à la société Sogefinancement de la somme de 5 493,64 euros outre intérêts au taux légal à compter de la sommation du 03/10/2017, en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 13/03/2019 ;

DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu à l'octroi de délais de paiement supplémentaires ; Subsidiairement, en cas d'échéancier, DIRE ET JUGER que le non-paiement d'une seule échéance à bonne date entraînera l'exigibilité immédiate de la créance ;

En tout état de cause, CONDAMNER M. [V] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ; le CONDAMNER aux entiers dépens avec distraction au profit de la société Cloix et Mendès-Gil en application de l'article 699 du code de procédure civile ».

La société Sogefinancement soutient que :

- le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel est irrecevable en ce que le délai de prescription quinquennale est acquis, le moyen ne pouvant être soulevé que jusqu'au 18 juin 2013 alors que l'action a été introduite le 26 février 2019,

- subsidiairement, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel est mal fondé en ce que les conditions générales de l'offre prévoyaient expressément la remise de la notice d'assurance, et que l'emprunteur, comparant, n'alléguait nullement que la notice ne lui aurait pas été remise,

- l'emprunteur doit par conséquent être condamné au paiement de la créance avec les intérêts au taux contractuel, soit la somme de 7 640,47 euros,

- subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, la société Sogefinancement reste fondée à solliciter de la cour la condamnation du débiteur au paiement du capital restant dû, soit la somme de 5 493,64 euros,

- un délai de paiement supplémentaire ne saurait être accordé au débiteur dès lors que deux échéanciers successifs n'ont pas été respectés ; subsidiairement, en cas d'échéancier accordé, l'appelante serait bien fondée à solliciter de la cour qu'elle dise et juge qu'en cas de non-règlement d'une seule échéance à bonne date, l'intégralité de la créance sera immédiatement exigible.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel de la société Sogefinancement ont été régulièrement signifiées à M. et Mme [V] par procès-verbal de remise à personne physique délivré le 2 décembre 2019 pour la première, et par procès-verbal de remise à étude délivré le 14 janvier 2020 pour les secondes ; M. et Mme [V] n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 19 avril 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 17 mai 2022.

Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 30 juin 2022 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

A titre liminaire, il sera rappelé que le créancier peut, à tout moment de la procédure de surendettement, agir selon les voies du droit commun pour se procurer un titre. La mise en place de mesures imposées par la Commission de surendettement des particuliers ne fait ainsi pas obstacle à la présente action de la société Sogefinancement, même si le présent jugement sera exécuté conformément à la législation applicable en matière de surendettement. En effet, son exécution est notamment différée pendant la durée du plan arrêté par la Commission, et par ailleurs, en cas d'inexécution par le débiteur des mesures imposées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d'exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l'effet d'une clause de caducité prévue par ces mesures.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur avant le 1er mai 2011.

L'article L. 141-4 du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le premier juge.

L'article L. 311-30 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil (dans leur rédaction alors applicable), est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D. 311-11 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 311-30, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L'article L. 311-37 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (R. 312-35 aujourd'hui), dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d'instance dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Le délai de forclusion étant un délai de procédure, la règle de computation de l'article 641 du code de procédure civile s'applique, de sorte que le délai expire le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'événement qui fait courir le délai.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement dans le cadre d'un plan de surendettement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après l'adoption du plan conventionnel de redressement ou après décision de la commission imposant les mesures de surendettement ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures de surendettement.

En l'espèce, au regard de l'historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance du 15 juillet 2017 de sorte que l'action introduite le 26 février 2019 n'est pas atteinte par la forclusion dès lors qu'il ne s'est pas écoulé plus de deux ans à compter du premier incident de paiement non régularisé.

La cour déclare que la société Sogefinancement est recevable en son action en paiement.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 311-30 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 312-39 aujourd'hui), que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article C - défaillance de l'emprunteur) et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 240 euros précisant le délai de régularisation (de 15 jours) a bien été envoyée le 23 août 2017 ainsi qu'il en ressort de l'avis de recommandé produit (l'avis de réception ayant été par ailleurs signé le 29 août 2017) de sorte qu'en l'absence de régularisation dans le délai, ainsi qu'il en ressort de l'historique de compte, la société Sogefinancement a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme étant précisé que le 3 octobre 2017, la société Sogefinancement a fait délivrer une sommation de payer le solde restant dû après la déchéance du terme.

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts

En application de l'article 23 de la Directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédit à la consommation transposée par la loi précitée, il appartient aux États membres de prendre toutes mesures nécessaires pour faire en sorte que les sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à cette directive soient effectives, proportionnées et dissuasives.

L'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation dispose que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application, tandis qu'il lui impose d'écarter d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte de droit interne traduit le rôle attribué au juge par la directive précitée dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation et a fait application de l'article L. 311-33 du même code.

La cour dira donc que la société Sogefinancement est mal fondée à invoquer la prescription du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts.

Et c'est en vain que la société Sogefinancement soutient que c'est à l'emprunteur de soulever le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts quand il est présent au motif que ce moyen est mal fondé dès lors que si M. [V] a comparu devant le premier juge, son épouse ne comparaissait pas étant ajouté que devant la cour aucun des intimés n'est représenté.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

La société Sogefinancement produit :

- l'offre de contrat de crédit,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique de prêt,

- les mises en demeure,

- les pièces relatives au surendettement.

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L. 311-12 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 312-29 aujourd'hui), à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-33 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 341-4 aujourd'hui), étant précisé également que la preuve de la remise de la notice et de sa conformité ne sauraient résulter d'une simple clause pré-imprimée selon laquelle l'emprunteur reconnaît la remise, une telle clause ne constitue qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents, et étant rappelé que la synthèse des garanties ne répond pas à l'exigence légale, le fonctionnement des garanties et les cas particuliers n'y figurant pas.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Sogefinancement ne produit pas la notice assurance exigée par la loi ni aucun élément de preuve corroborant la remise de la notice d'assurance.

Compte tenu de ce qui précède la cour prononce la déchéance totale du droit aux intérêts.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 341-8 aujourd'hui), lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société Sogefinancement à hauteur de la somme de 5 493,64 euros au titre du capital restant dû (montant emprunté de 20 000 euros ' les règlements déjà effectués à hauteur de 14 506,36 euros).

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [V] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 977,87 euros au titre du crédit impayé, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne solidairement M. et Mme [V] à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 493,64 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2017 date de la sommation de payer le solde restant dû après la déchéance du terme.

Sur les délais de paiement

En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

La cour autorise M. et Mme [V] qui sont réputés s'approprier les motifs du jugement, à se libérer du montant de leur dette selon les modalités qui seront rappelées au dispositif.

Il convient néanmoins de prévoir que tout défaut de paiement d'une mensualité justifiera de l'exigibilité totale de la somme due.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qui concerne les délais de paiement sauf à préciser que la mensualité sera de 200 euros et non de 50 euros comme le premier juge l'a retenu.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société Sogefinancement aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile au motif que la société Sogefinancement succombe à titre prépondérant en son appel dont l'objet principal était de contester la déchéance du droit aux intérêts.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Sogefinancement les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts, en ce qu'il a accordé des délais de paiement et en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Statuant à nouveau dans les limites de l'appel, et ajoutant,

Condamne solidairement M. [F] [V] et Mme [O] [V] née [E] à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 493,64 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2017 date de la sommation de payer le solde restant dû après la déchéance du terme ;

Autorise M. [F] [V] et Mme [O] [V] née [E] à s'acquitter des sommes susvisées en 24 mensualités de 200 euros, le 20 de chaque mois et pour la première fois le 20 du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette ;

Dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible ;

Déboute la société Sogefinancement de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Sogefinancement aux dépens de la procédure d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/18620
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.18620 ?
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