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30/06/2022 | FRANCE | N°19/05608

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 30 juin 2022, 19/05608


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05608 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74SN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/11111





APPELANTE



SOCIÉTÉ JP MORGAN SECURITIES PLC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

(ROYAUME UNI)



Représentée par Me Philippe GALLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010





INTIMÉ



Monsieur [H] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Olivier BLUC...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05608 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74SN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/11111

APPELANTE

SOCIÉTÉ JP MORGAN SECURITIES PLC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3] (ROYAUME UNI)

Représentée par Me Philippe GALLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMÉ

Monsieur [H] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Olivier BLUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente de chambre, rédactrice

Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère

Mme Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Julie CORFMAT

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Sonia BERKANE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [V], (le salarié) a été engagé PLC (la société) en qualité de sales trader le 1er juin 2004 par la société JP Morgan Securities.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative à la banque.

Le 19 juillet 2016, le salarié était convoqué à un entretien préalable fixé au 27 juillet suivant et le 5 août suivant il était licencié pour insuffisance professionnelle.

Au dernier état de son emploi, l'intéressé occupait le poste de Sales trader- statut vice président, cadre hors classification.

Contestant le bien fondé de son licenciement, l'intéressé saisissait le conseil de prud'hommes de Paris le 4 novembre 2016 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 15 octobre 2018, notifié aux parties par lettre du 29 mars 2019, cette juridiction a condamné la société JP Morgan à verser à M [V] les sommes de :

- 200 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

-1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-débouté M [V] du surplus de ses demandes ;

-débouté la société JP Morgan de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.

Par déclaration du 25 avril 2019, la société a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiés et déposées au greffe par voie électronique le 5 mars 2022, elle à la Cour :

- de déclarer l'appel recevable et bien fondé ;

- d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il déboute M. [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement brutal et vexatoire ;

En conséquence :

- de débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de JP Morgan Securities PLC ;

- de condamner M. [V] à lui verser 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner M. [V] aux dépens de la première et de la présente instance.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 8 mars 2022, M. [V] demande à la Cour :

- de le recevoir en son appel incident, ses fins et prétentions,

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

- requalifié la rupture sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société JP Morgan Securities PLC à lui verser à M. [V] une indemnité de 1 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société JP Morgan à lui verser à M. [V] des intérêts au taux légal sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter de la date de prononcé du jugement ;

Le reformant pour le surplus et statuant à nouveau, de :

- de condamner la société JP Morgan Securities PLC à lui verser :

- 300 000 euros nets de charges sociales à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-50 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;

- 9 600 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner la société JP Morgan Securities PLC aux dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 mai 2022 pour y être examinée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- sur le bien fondé du licenciement,

La lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige reproche à M. [V] une insuffisance professionnelle tenant à la faiblesse de son activité relative au développement commercial, élément intrinsèque à ses fonctions de Programme Sales Trader, comportant un nécessaire travail de prospection qu'il n'a pas développé.

Il lui est également reproché l'absence de toute stratégie commerciale à raison de l'inexistence de tout business plan effectif et d'un nombre de rendez vous clients très insuffisant ainsi que l'inefficacité de ses méthodes de travail et la non exploitation des moyens mis à sa disposition, ses méthodes de travail étant inadaptées tandis qu'il utilise son temps à accomplir des tâches qui ne lui revenaient pas.

L'employeur relève qu'aucune amélioration n'a été enregistrée malgré les mises en garde successives faites lors des évaluations par les différents managers et en déduit qu'il en est résulté que les revenus que le salarié a générés étaient de ce fait très en deçà de ceux enregistrés pour ses collègues, l'employeur rappelant aussi que même si ses commissions ont globalement progressé de 30% depuis le 1er janvier 2015 elles restaient les plus faibles de l'équipe des vendeurs Portfolio Trading.

L'organisation du travail quotidien est relevée comme étant également défaillante, des retards dans la communication de notes ou lors de réunions essentielles ayant été relevés, de même que des changements intempestifs de jours de congé imposés à l'équipe et au manager.

Enfin, la communication du salarié est qualifiée de confuse et mal comprise à raison de la longueur de ses messages sans mise en évidence du message clé et de leur envoi à des personnes non concernées.

En soulignant que l'employeur fait lui même référence à une mauvaise adaptation aux fonctions de program sales trader dans la lettre de licenciement, le salarié relève que n'est justifiée d'aucune recherche de reclassement le concernant et ce, en violation de la garantie de fond instaurée par l'article 26 de la convention collective de la Banque aux termes duquel 'avant d'engager la procédure de licenciement, l'employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l'insuffisance résulte d'une mauvaise adaptation de l'intéressé à ses fonctions.'

Cependant, il ne peut être retenu en l'espèce que l'insuffisance professionnelle sur laquelle se fonde l'employeur pour rompre le contrat de travail résulte d'une inadaptation de ce dernier à son poste.

En effet, sur ce point le curriculum vitae du salarié démontre qu'il a bénéficié d'une formation initiale de haut niveau en matière commerciale au sein d'une grande école et complété ce diplôme par un troisième cycle au sein d'une autre école dite des sciences commerciales appliquées, la spécialisation indiquée pour chacun de ces établissements en finances des marchés ou en finance trading ne permettant pour autant pas d'exclure la réalité d'une formation suffisante pour lui permettre de répondre aux nécessités de développement du travail de prospection et de recherche de clients nouveaux que l'employeur attache à son poste de sales trader Vice président confié depuis 2007, son expérience professionnelle de presque vingt ans dans le domaine commercial et sa progression sur des postes de haut niveau ne conduisant pas à retenir une insuffisance professionnelle procèdant d'une mauvaise adaptation au poste.

Pour autant, l'insuffisance professionnelle de M. [V] n'est pas caractérisée.

En effet, s'agissant en premier lieu de la faiblesse de son activité relative au développement commercial et l'insuffisance de sa prospection, les éléments versés aux débats ne permettent pas de considérer que son poste de programme sales trader consistait 'principalement' à développer son portefeuille client par une prospection régulière et ciblée, les offres d'emploi spécifiques d'établissement concurrents précisant ponctuellement que la nécessité de développer la base client ou que le 'sales trader' reste plus proche dans sa fonction du 'sales' que du 'trader' étant sans effet sur la situation spécifique de M. [V] au sein de la société JP Morgan et de la définition de ses tâches, la fiche de poste produite incluant pour la société JP Morgan la fonction commerciale aux tâches du sales trader n'étant pas plus évocatrice sur ce point dès lors que les conditions de son élaboration et de sa diffusion, contestées par le salariée ne sont pas autrement déterminées.

Par ailleurs, l'employeur se réfère aux évaluations du salarié pour souligner que selon le barème utilisé

(N: besoin d'amélioration,

M-: n'atteint pas complètement les objectifs,

M: atteint les objectifs,

M+: surpasse ses objectifs,

E: surpasse largement ses objectifs), ses carences professionnelles avaient été relevées, notamment en 2011, en 2012 et de nouveau en 2015, dates auxquelles une note M- avait été attribuée.

Cependant, les documents présentés et traduits ne font pas, pour certains référence aux échelles M ou M- citées par l'employeur, (la pièce N° 9 pour 2011 comportant la mention 'not rated', ou non évalué et la pièce N° 10 pour 2012 portant la mention 'draft' ou brouillon).

Pour l'année 2013 le manager a relevé que l'intéressé avait atteint ses objectifs, parvenant ainsi à la note M, et relevant une bonne amélioration du travail, le fait que l'évaluateur précise que le salarié devait augmenter sa base client ne constituant pas le constat d'une carence sur ce point précis, mais seulement l'invitation à agir en ce sens.

L'absence d'évaluation en 2014, contraire aux propres observations du salarié pointant l'augmentation de son chiffre et ses bonnes relations avec les clients ainsi que l'utilisation de ses connaissances pour présenter de nouveaux clients ne permet pas de considérer que le travail du salarié sur l'extension de sa base client est resté insuffisant.

Quant aux observations faites dans l'évaluation finale de 2015, il en ressort en premier lieu 'quelques réussites en termes de clients'.

Cet élément de satisfaction est certes aussitôt modéré par l'observation selon laquelle la pénétration est 'relativement insuffisante' sur les marchés français et belge, le salarié étant invité à comprendre l'opportunité d'identifier de nouveaux prospects, et les éléments relevés au premier trimestre 2016 pointent quant à eux quatre problèmes principaux dont un relatif à l'identification des comptes clefs et le développement de nouveaux comptes.

Cependant, si ces deux derniers éléments pointent une insatisfaction de l'employeur relativement au travail de prospection commerciale ils ne suffisent pas à justifier l'insuffisance stigmatisée à ce sujet, ni la réalité d'une mise en garde effective sur ce point.

En effet, lors de l'évaluation intermédiaire de 2015, le supérieur hiérarchique a avalisé en l'absence de toute observation intermédiaire, le fait que le salarié avait souligné qu'il entendait intensifier les relations commerciales et sollicitait pour ce faire, compte tenu de la restructuration lui ayant imposé le déménagement de son collègue à Londres, l'intégration dans son équipe d'un nouveau collaborateur, l'incongruité de cette demande n'ayant pas été relevée.

Ainsi le bien fondé du niveau d'exigence tel que formalisé lors de l'évaluation finale de 2015 relativement au travail de prospection commerciale et son caractère qualifié de 'relativement insuffisant' n'est pas autrement documenté, ce d'autant qu'aucune comparaison avec le nombre de nouveaux clients recherchés puis fidélisés par les autres salariés, en particulier par celui présent à [Localité 4] avec M. [V] jusqu'en 2015 n'est possible, l'insuffisance sur ce point ne pouvant être considérée comme caractérisée.

En deuxième lieu, l'absence de toute stratégie commerciale à raison de l'inexistence de tout business plan effectif et d'un nombre de rendez-vous clients très insuffisant ne peut être davantage considérée comme établie.

Outre que le contenu des documents attendus à ce titre ne peut être déterminé par la cour en ce que la notion même de 'plan d'action visant à favoriser le développement commercial' est suffisamment floue pour qu'elle doive être précisée par l'employeur en référence par exemple à des documents du même ordre ou à un standard en la matière auxquels il serait possible de comparer ceux que le salarié considère comme correspondant aux attentes sur ce point, il y a lieu de relever que la société qui affirme que les informations demandées en juillet 2015 par M. [V] pour transmettre un business plan, étaient 'certes intéressantes' mais non indispensables pour élaborer le document en cause, ne verse aucun élément permettant de confirmer cette assertion.

Il en est de même du document transmis en janvier 2016 que le salarié considère comme constitutif d'un business plan , et dont l'employeur conteste cette qualité tout en précisant qu'il établit des objectifs pour l'année suivante, mais en soulignant sans l'étayer que ces observations sont abstraites et qu'elles ne pouvaient être mises en pratique.

S'agissant du nombre de rendez vous clients très insuffisant ainsi que l'inefficacité des méthodes de travail, faute là encore d'élément de comparaison ou d'objectivation des critères retenus pour déterminer les lacunes du salarié sur ce point, la cour n'est pas en mesure de considérer comme établie l'insuffisance professionnelle du salarié dans ces deux domaines.

Ainsi l'employeur souligne-t-il qu'il s'est contenté de cinq déplacements en 2014, de deux en 2015 mais ne verse aucune pièce permettant de faire une comparaison utile en la matière et de considérer que ces chiffres sont trop faibles, alors au demeurant qu'il n'ignore pas s'agissant de l'année 2015, que le salarié qui soulignait l'importance de rester proche des clients et d'organiser des réunions, stigmatisait dans le même document la difficulté qu'il aurait à organiser des réunions ou des présentations à l'extérieur à raison du départ à Londres de son collègue précédemment localisé avec lui à [Localité 4].

Quant au niveau des résultats de M. [V], très en deçà de ceux enregistrés pour ses collègues, quand bien même ses commissions ont-elles globalement progressé de 30% depuis le 1er janvier 2015, l'imputabilité au salarié de ce fait ne peut être retenue, au regard du fait non contesté par l'employeur du départ effectif à Londres à compter de septembre 2015 du collègue (M. H.), de M. [V],, seul à partir de cette date basé au bureau de [Localité 4].

A la lumière de ce fait, l'analyse des tableaux visés par l'employeur dans ses conclusions, conduit au constat suivant :

En 2013, M. [J] et le salarié avaient, s'agissant donc du bureau de [Localité 4], des résultats équivalents en terme 'd'AFR' que l'employeur définit comme correspondant aux commissions d'exécution afférentes aux ordres exécutés par les sales traders en salle de marchés et qui constituent le critère déterminant l'atteinte d'un bon résultat.

En 2014 les deux salariés restent au même niveau, avec une progression respective par rapport à l'année passée d'environ 13%.

Si le niveau de progression de M. H., apparaît très nettement supérieur à celui de M. [V] en 2015, (+ 136% contre +39%), il ne peut être considéré comme révélant l'insuffisance professionnelle de ce dernier dont il n'est pas contesté qu'il est resté seul sur le bureau de [Localité 4], cette nouvelle configuration ayant été relevée par l'intéressé dans son évaluation de mi période en 2015, comme devant avoir un impact sur son activité et le recrutement qu'il avait de ce fait sollicité, d'un collaborateur, n'ayant été suivi ni de réponse ni d'effet.

La chute enregistrée au premier semestre 2016 ne peut davantage être dissociée de la nouvelle organisation laissant M. [V] seul au bureau de [Localité 4] dès lors que l'affirmation selon laquelle les fonds UK détiennent plus d'actifs en actions que les fonds français mais qu'il est 'notoire' que les fonds UK utilisent beaucoup moins en proportion de portfolio trading que les fonds français, ce qui aurait dû favoriser l'activité du bureau de [Localité 4] résulte d'un simple allégation que l'examen du tableau des résultats de 2013 et de celui du premier semestre de 2016 tend à contredire dès lors qu'il fait apparaître que les résultats du bureau de Londres étaient pour chacun des sales trader concernés majoritairement supérieurs à ceux du bureau de [Localité 4].

De plus, la comparaison du tableau des résultats semestriels de 2015 et de 2016, avec celui comportant le résultat annuel conduit la cour à observer que le résultat semestriel de 2015 de M. [V] était du même ordre que celui d'un autre 'sales trader' basé à Londres qui affichera en fin d'année 2015 un résultat largement supérieur à celui, pourtant en augmentation de 39%, de M. [V], l'existence d'un impact de la restructuration mise en oeuvre à compter de septembre 2015, impliquant un transfert de compte ne pouvant dès lors être écartée, quand bien même ce transfert a -t-il été avalisé par le salarié.

Ce d'autant que l'impact du départ d'une sales trader du bureau de Londres en 2015 et des effets de la répartition de ses clients sur les membres du dit bureau et notamment sur M. H., nouvellement arrivé de [Localité 4] n'est pas clairement justifié par l'employeur qui se contente d'affirmer qu'il est 'très improbable' que l'explosion de l'AFR de M. H., repose sur cette distribution et qu'il est 'peu réaliste' que les augmentations annuelles des sales trader du bureau de Londres soient justifiées par la redistribution du portefeuille de clients de cette sales trader.

Enfin, l'insuffisance professionnelle n'est pas davantage caractérisée par les faits tenant à une organisation défaillante du travail quotidien, liée à des retards dans la communication de notes ou à des réunions essentielles ou à des changements intempestifs de jours de congé imposés à l'équipe et au manager.

Ainsi le caractère essentiel de la réunion du 17 février 2016 auquel le salarié n'a pas assisté ne ressort que de l'affirmation qu'en fait le supérieur hiérarchique, alors que la présence de l'ensemble de l'équipe à cette même réunion n'est pas autrement documentée.

De même relativement au retour tardif d'un déjeuner avec un client le 18 mars 2016 est-il impossible en l'état des pièces versées de retenir que la présence du salarié à compter de 15h30 avant l'ouverture des marchés américains ne suffisait pas à assurer correctement sa tâche et à surveiller les opérations confiées à son équipe, l'employeur n'apportant aucun élément caractérisant une difficulté effective résultant de cette arrivée qualifiée de tardive.

S'agissant des autres faits, ayant trait à l'organisation de cours d'anglais sur une plage horaire inadaptée ou de la modification intempestive de périodes de congés, à supposer qu'ils puissent être retenus, il doit être relevé concernant les heures d'anglais, que la cour n'est pas en mesure de remettre en cause le fait que les enseignements de langue organisés précédemment le matin n'avaient soulevé aucune difficulté et concernant les dates de congés, qu'un seul épisode de modification de date de congé peut être relevé, le caractère isolé des faits stigmatisés résultant des propres développements de l'employeur.

La communication le jour demandé, mais après 17h35, d'informations concernant les flux d'activité, le positionnement et l'interaction des clients ne peut davantage être retenue dès lors que le message du 28 avril 2016 par lequel la transmission de ces informations étaient sollicitées ne comportait pas d'heure limite de transfert mais la seule précision que cette communication devait être faite d'ici la fin de la journée.

Le grief tenant à des messages trop longs et ne ciblant pas le message clef est suffisamment imprécis pour être écarté, de même que la faiblesse de l'interaction du salarié avec son équipe, le tout ne résultant pas de la seule invitation qui lui a été faite en 2013 de travailler sur ses capacités de communication verbales ou écrites ou de l'observation formalisée en 2015 dans l'entretien d'évaluation que 's'agissant du travail quotidien il est en quelque sorte quelque peu moins visible avec le débit et le partage d'information et des thèmes que le reste de l'équipe'.

L'ensemble de ces éléments conduit à considérer que l'insuffisance professionnelle alléguée n'est pas caractérisée.

Le licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse.

Le salarié totalisait plus de douze ans d'ancienneté et était âgé de 40 ans à la date du licenciement, dans une entreprise dont il n'est pas contesté qu'elle comptait au moins onze salariés.

Il justifie avoir été admis à l'Aide au retour à l'Emploi pendant vingt mois et avoir perdu de ce fait un peu plus de 6 000 euros par mois compte tenu des plafonds d'indemnisation.

Il expose avoir dû accepter un emploi moins rémunéré.

Cependant les pertes économiques ne peuvent être considérées que sur une période limitée, déterminée en fonction de l'âge au moment du licenciement et des possibilités de reclassement du salarié, dont la formation élevée lui a permis de retrouver un emploi dans un délai raisonnable, alors qu'il ne pouvait prétendre à la charge de son employeur, au maintien inéluctable de son emploi jusqu'à l'âge de la retraite.

L'ensemble de ces éléments justifie l'octroi d'une somme de 137 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

II- sur le caractère vexatoire et brutal du licenciement,

Il est admis que le salarié peut obtenir des dommages-intérêts distincts de ceux alloués au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires ayant entouré la rupture de son contrat de travail.

Il appartient alors au salarié de démontrer la faute de l'employeur et le préjudice qui en est résulté.

La société ne conteste pas avoir suspendu provisoirement M. [V] et pour éviter de prendre des risques relativement aux informations confidentielles auxquelles il pouvait avoir accès dans le cadre de ses fonctions, déconnecté le profil informatique par le biais duquel il pouvait y accéder.

Elle reconnaît aussi qu'une information a été donnée à différents interlocuteurs de sa dispense d'activité.

Est ainsi caractérisé le fait que l'employeur estimait le salarié susceptible de porter atteinte à la confidentialité des informations auxquelles il avait accès, la dispense d'activité reposant sur une suspicion dont l'employeur ne justifie pas le bien fondé autrement que par des affirmations générales.

Les effets de la brutalité de la mesure ainsi prise sont démontrés par les prescriptions de somnifères et d'anxiolytiques ainsi que d'un arrêt de travail contemporain à la décision de dispense d'activité.

Le préjudice en lien avec la mesure prise est donc établi et justifie l'octroi d'une somme de 3 000 euros de ce chef.

III- sur le remboursement des allocations de chômage,

Les conditions d'application de l'article L 1235 - 4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer au salarié une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS:

La COUR,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Jp Morgan à verser à M. [H] [V] les sommes de :

- 137 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du caractère vexatoire du licenciement,

- 5 000 euros au titre de frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

ORDONNE le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société JP Morgan aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/05608
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.05608 ?
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