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29/06/2022 | FRANCE | N°20/15538

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 29 juin 2022, 20/15538


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 29 JUIN 2022



(n° 19/2022, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15538 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSCD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de Paris RG n° 18/12402





APPELANTE



Madame [V] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée

par Maître Matthieu ODIN de l'ASSOCIATION MORDANT FILIOR SERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R105, avocat postulant

Assistée de Maître Yalda ZANJANTCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : R105, avo...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 29 JUIN 2022

(n° 19/2022, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15538 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSCD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de Paris RG n° 18/12402

APPELANTE

Madame [V] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître Matthieu ODIN de l'ASSOCIATION MORDANT FILIOR SERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R105, avocat postulant

Assistée de Maître Yalda ZANJANTCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : R105, avocat plaidant

INTIMEES

S.A.S. ICONOCLASTE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

N° SIRET : 534 59 5 8 48

Représentée par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, toque : A966, avocat postulant

Assistée de Maître Gauthier MEGRET de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, toque : A966, avocat plaidant

S.A.R.L. NOVEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée par Maître Joëlle AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B398, avocat postulant et plaidant

S.A.S. J.M. WESTON

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 332 037 662

Représentée par Maître Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G334, avocat postulant

Assistée de Maître LIPOVETSKY Sabine de la SELARL HARLAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P449, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Jean-Michel AUBAC, Président

Mme Anne RIVIERE, Assesseur

Mme Anne CHAPLY, Assesseur

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme CHAPLY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Le 25 mai 2022, l'arrêt a été prorogé à l'audience du 29 juin 2022, les conseils des parties en ayant été avisés.

Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Michel AUBAC, Président, et par Margaux MORA, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

Vu l'assignation délivrée le 26'septembre 2018':

1. Aux termes de cet acte, Mme'[V] [S] a fait citer, au visa des articles'9 et'1240 du code civil, les sociétés NOVEL et J.M. WESTON, afin de voir,

- condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 150'000'euros à titre de dommages-intérêts par campagne publicitaire utilisant son nom et son image, «'sauf à parfaire'»,

- ordonner la communication «'du plan média, ou tout autre document, établissant les supports de diffusion'»,

- ordonner la publication sous astreinte de la décision à intervenir sur le site internet jmweston.com et dans deux journaux au choix de la demanderesse,

- condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 5'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les défenderesses aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

2. Par acte du 12'février 2019, la société J.M. WESTON a fait citer en intervention forcée la société ICONOCLASTE, au visa des articles 1240 et 1626 du code civil et des articles'331 et suivants et 367 du code de procédure civile, afin de voir':

- ordonner la jonction de l'instance avec celle relative à l'assignation délivrée le 26'septembre 2018 à la société J.M. WESTON à la demande d'[V] [S],

- dire la société J.M. WESTON recevable en son appel en garantie,

- condamner la société ICONOCLASTE à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée,

- condamner ladite société à lui verser la somme de 2'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

3. Le tribunal a ordonné la jonction des deux procédures le 18'avril 2019.

4. Par jugement rendu contradictoirement le 16'septembre 2020, la 17e chambre civile du tribunal judiciaire de Paris a':

- déclaré irrecevable la communication de la pièce n°'13 produite par la société NOVEL,

- rejeté la demande de production forcée «'du plan média ou tout autre document'»,

- débouté [V] [S] de ses demandes,

- condamné [V] [S] à verser aux sociétés J.M. WESTON, ICONOCLASTE et NOVEL la somme de 5'000'euros chacune en application de l'article 1240 du code civil,

- condamné [V] [S] à verser aux sociétés JM WESTON, ICONOCLASTE et NOVEL la somme de 3'000'euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [V] [S] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

5. Mme'[S] a interjeté appel de ce jugement le 28'octobre 2020.

6. Dans ses conclusions, signifiées par voie électronique le 28'janvier 2021, Mme'[S] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16'septembre 2020':

Et statuant de nouveau,

- dire et juger que les sociétés NOVEL, JM WESTON et ICONOCLASTE ont porté atteinte aux droits de la personnalité et au droit à l'image d'[V] [S]';

- condamner solidairement les sociétés NOVEL, JM WESTON et ICONOCLASTE à payer à [V] [S] la somme de 60'000'euros à titre de dommages et intérêts';

- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais des défenderesses en partie supérieure de la page d'accueil du site internet de la société JM WESTON (www.jmweston.com) de façon lisible, pendant un mois à compter de sa mise en ligne et ce dans un délai de 48'heures à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500'euros par jour de retard';

- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais des défenderesses, en une page complète, dans deux journaux choisis par [V]'[S]';

À titre subsidiaire,

- condamner la société NOVEL à payer à [V] [S] la somme de 30'000'euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle';

En tout état de cause,

- condamner la société JM WESTON à payer à [V] [S] la somme de 30'000'euros à titre de dommages et intérêts';

- condamner la société ICONOCLASTE à payer à [V] [S] la somme de 60'000'euros à titre de dommages et intérêts';

- débouter les sociétés JM WESTON, ICONOCLASTE et NOVEL de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions';

- condamner solidairement les sociétés JM WESTON, ICONOCLASTE et NOVEL, à payer [V] [S] les sommes de 2'500'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et de 2'500'euros pour la procédure d'appel';

- condamner solidairement les sociétés JM WESTON, ICONOCLASTE et NOVEL aux entiers dépens de la procédure.

7. Dans ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 16'avril 2021, la SARL NOVEL demande à la cour de :

- dire et juger la société NOVEL recevable et bien fondée en son appel incident,

- confirmer le jugement rendu le 16'septembre 2020 et y ajoutant,

- débouter [V] [S] de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner [V] [S] à verser à NOVEL la somme de 50'000'euros à titre de dommages-intérêts,

- la condamner au paiement de la somme de 7'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés par Me Joëlle AKNIN, avocat aux offres de droit.

8. Dans ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 27'avril 2021, la SAS ICONOCLASTE demande à la cour'de :

À titre principal,

- confirmer le jugement du 16'septembre 2020 en ce qu'il a débouté Madame [S] de ses demandes';

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [S], en application de l'article 1240 du code civil, l'infirmant seulement sur le montant prononcé';

- condamner, en conséquence, Madame [S] ou, à défaut, la société NOVEL, à verser à la société ICONOCLASTE':

* la somme de 18'000'euros en réparation du préjudice causé par l'action intentée par Madame [S]';

* la somme de 5'000'euros en réparation du préjudice causé par l'appel interjeté par [V] [S],

À titre subsidiaire,

- juger que la société ICONOCLASTE n'est tenue de garantir la société J.M. WESTON que pour l'utilisation des photographies entre le 1er'septembre 2013 et le 1er septembre 2014';

- constater qu'aucune des utilisations litigieuses ne relève de la garantie de la société ICONOCLASTE';

- débouter, en conséquence, la société J.M. WESTON de sa demande de garantie,

- condamner la société NOVEL à garantir la société ICONOCLASTE de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre (notamment principal, intérêt, frais, dépens, article'700 du code de procédure civile)';

En tout état de cause':

- condamner [V] [S], ou, à défaut, la société NOVEL aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean AITTOUARES en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société ICONOCLASTE la somme de 5'000'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance d'irrecevabilité de la société WESTON du 30'juin 2021,

Vu l'arrêt de déféré de confirmation de l'irrecevabilité de la société WESTON du 15'décembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23'février 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Rappel des faits et des motifs du jugement

9. [V] [S] est actrice, réalisatrice et écrivain. La société JM. WESTON est une entreprise de chaussures de luxe. La société ICONOCLASTE est une société de production d''uvres publicitaires. La société NOVEL dont [N] [O] est l'un des associés, gère la carrière de celui-ci et ses contrats de photographe. [V] [S] et [N] [O] ont été concubins.

10. À l'automne 2013, la société J.M. WESTON, à l'occasion du lancement de sa ligne de chaussures pour femme, a réalisé une campagne publicitaire utilisant des photographies d'[V] [S].

11. [V] [S] a fait valoir que son image a été utilisée sans son autorisation et a demandé réparation sur le fondement de l'article 9 du code civil.

12. Le tribunal a considéré que':

Il résulte de l'ensemble des éléments que les sociétés défenderesses apportent la preuve de l'existence d'une autorisation d'[V] [S] à cette campagne publicitaire. Si la demanderesse indique n'avoir «'jamais été rémunérée pour cette campagne'», cette éventuelle inexécution contractuelle ne saurait être réparée sur le fondement de l'article 9 du code civil.

La présence sur le site internet de la société JM WESTON, entre octobre'2013 et juin'2014, de l'image de la demanderesse, correspond aux dispositions, au demeurant classiques, contenues dans les devis et factures produits.

SUR CE,

Sur l'atteinte au droit à l'image

13. Conformément à l'article 9 du code civil et à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. Elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l'utilisation qui en est faite, d'un droit exclusif, qui lui permet de s'opposer à sa diffusion sans son autorisation.

14. Il ressort de ces textes que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation. Quiconque peut s'opposer à la diffusion de son image faite sans son autorisation et choisir le support adapté à cette fin et l'utilisation ne peut dépasser l'autorisation donnée, l'accord, même tacite, doit être suffisamment précis et l'autorisation donnée parfaitement respectée.

15. Il convient de rappeler que les dispositions de l'article 9 du code civil sont les seules applicables en matière de cession de droit à l'image, elles ne font pas obstacle à la liberté contractuelle dès lors que les limites de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports, et l'exclusion de certains contextes sont suffisamment clairement définies.

16. Il en résulte que l'intéressé se prive du pouvoir d'exercer son droit à l'image pour les utilisations de celle-ci auxquelles il a contractuellement consenties. Il ne recouvre le droit d'agir sur la base de l'article 9 que lorsque l'emploi contesté de son image est sans rapport avec l'exécution du contrat.

17. En l'espèce, il n'est contesté par aucune des parties que la société J.M. WESTON a réalisé une campagne publicitaire utilisant les photographies d'[V] [S] et il ressort à la fois de la production de ces photographies et des échanges de mails notamment avec [N] [O] et la société NOVEL qu'elle a posé à cette fin, acceptant ainsi la captation de son image à des fins publicitaires.

18. Si celle-ci ne le conteste pas, elle soutient cependant qu'elle n'a jamais consenti à l'exploitation de son image, de sa renommée et de son nom et qu'elle n'a pas perçu de rémunération à ce titre ni indemnisation. Elle conteste plus précisément avoir accordé son autorisation, même tacite, d'utiliser ces photographies dans les conditions dans lesquelles elles ont été exploitées pour la campagne publicitaire menée par la société JM WESTON, à savoir de manière totalement illimitée, sur tous médias, à l'échelle nationale et internationale et entre a minima 2013 et 2021.

19. Les photographies ont été prises par [N] [O], alors compagnon d'[V] [S], père de ses deux enfants, et associé de la société NOVEL, les circonstances peuvent donc justifier l'absence d'un contrat écrit entre eux. Toutefois, s'agissant de l'utilisation de plusieurs photographies dans un cadre promotionnel et commercial, la société NOVEL, alors qu'elle-même cédait les droits d'exploitation de ces photographies à ICONOCLASTE qui elle-même allait les céder à WESTON, ne pouvait s'affranchir d'une autorisation définissant les conditions d'utilisation, au moins quant à la durée, le domaine géographique et la nature des supports.

20. Or, il ressort des pièces produites et notamment des contrats passés entre les intimés dont n'est pas partie [V] [S] et qui ne lui sont pas opposables':

- une facture établie par la société NOVEL à la société ICONOCLASTE le 29'juillet 2013 faisant état des éléments suivants':

«'Modèle fees +'promo droits année 1 hors achat d'espace

Droits Année 2 promo hors achat d'espace

Droits photo Année promo 1 hors achat d'espace

Droits photos Année promo 2 hors achats d'espace »

- une facture établie par la société ICONOCLASTE à la société JM WESTON le 31'juillet 2013 mentionnant les éléments suivants':

«'Fee +'Droits': 1 an

Forfait exceptionnel en 2 parties dans la limite de 3 images pour les usages suivants': Tous médias, tous supports hors achat d'espace (communication internet et externe, Éditions PLV hors façade uniquement). Territoire': Europe, Amérique, Asie (Chine, Hong-Kong), Japon, Afrique (Maroc), Middle East (Liban, Dubaï, Abu Dhabi).

Totalité des images validées, durée d'un an': Catalogue Weston +'site internet de la marque Weston »,

que les droits ont été cédés par NOVEL pour une large diffusion géographique et pour tous supports pour une durée d'au moins un an.

21. Or, la seule pièce qui établit l'existence d'une autorisation de la part d'[V] [S] est le courriel du 13'septembre 2013 d'[V] [S] à [Localité 5] dont les termes sont les suivants': 'la facture à envoyer à Weston de 8'000'euros est urgente car c'est pour des droits qui sont à partir du 16'septembre', ce qui laisse sous-entendre qu'elle aurait accepté une exploitation de son image pour une durée d'un an.

22. Toutefois, il ne peut être déduit son accord pour les modalités d'exploitation telles que cédées par NOVEL et ICONOCLASTE et l'exploitation qui en a été faite par WESTON pendant cette année et encore moins au-delà de l'année 2014.

23. Le mail du 12'mars 2014 mentionnant '3 factures WESTON' accompagné du texte 'peux-tu éditer les 3 factures avec les infos d'[I] [L]...', de même que sa participation aux cocktails d'inauguration organisés par la maison WESTON, ne peuvent suffire à démontrer un accord même tacite.

24. Dès lors, si [V] [S] a bien donné son accord pour que son image soit utilisée dans le cadre d'une campagne publicitaire de la marque WESTON pour une durée d'un an, en revanche, le champ de l'autorisation de cette utilisation, dans son étendue géographique, de même que la nature des supports, n'est pas défini, de sorte qu'à défaut de démontrer qu'[V] [S] a bien accepté l'ensemble de l'exploitation de son image, celle-ci est bien fondée à demander réparation sur le fondement de l'article 9 du code civil pour les utilisations non autorisées aux intimés, lesquels ont tous participé à la réalisation de son préjudice, la société NOVEL et la société ICONOCLASTE en cédant les droits d'exploitation de ces photographies et la société WESTON en les publiant.

25. Le préjudice patrimonial est évalué en fonction de la notoriété de la personne concernée, de la durée d'exploitation et de la nature du support, ainsi que de la dépréciation de la valeur de son image au vu des pièces versées aux débats.

26. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'[V] [S] est une personne publique, en revanche, les éléments produits ne justifient pas de l'étendue de la renommée et de la notoriété qu'elle prétend avoir.

27. S'agissant des supports, du domaine géographique et de la durée d'exploitation, la cour dispose, outre les devis et les factures, des captures d'écran suivantes':

- Extrait du site internet officiel de la société JM Weston (www.jmweston.com) des 24'octobre et 14'novembre 2013';

- Article du magazine ELLE - Belgique';

- Article du magazine La libre Essentielle du 2'novembre 2013';

- Article du magazine Air France n°'197 de septembre'2013';

- Publication du site internet www.wwd.com du 20'septembre 2013';

- Article du site internet www.etvonweb.be du 26'septembre 2013';

- Article du site internet www.missulitzv.net du 8'janvier 2014';

- Article du site internet www.luxunactivist.com du 27'novembre 2015.

28. Les intimés contestent leur valeur probante. Or, les captures d'écran ne sont pas par nature dépourvues de force probante, laquelle est soumise à l'appréciation des juges du fond.

29. En l'espèce, les intimés se contentent de remettre en cause cette force probante sans apporter d'éléments de nature à douter de leur fiabilité. En outre, le directeur de WESTON, lui-même, reconnaît dans son courrier du 9'novembre 2017 qu'il a laissé subsister sur sa page Facebook des photographies d'[V] [S] au-delà de la campagne publicitaire proprement dite.

30. Quant à la dépréciation de la valeur de l'image de l'appelante et l'atteinte à sa dignité, l'association à une marque de luxe, à laquelle elle avait consenti, ne peut établir ni l'une ni l'autre.

31. Dans ces conditions, le préjudice sera évalué à une somme de 5'000'euros au paiement de laquelle les intimés seront condamnés in solidum.

32. Il ne sera pas fait droit aux demandes de publication judiciaire, le préjudice étant suffisamment réparé par l'allocation de dommages et intérêts.

Sur la demande en garantie d'ICONOCLASTE

33. Il résulte des pièces produites et notamment de la facture établie par NOVEL pour ICONOCLASTE du 29 juillet 2013 acquittée que celle-ci a acquis les droits d'exploitation des photographies litigieuses de la société NOVEL, sans exclusion de garantie.

34. En conséquence, elle est bien fondée à demander la condamnation de la société NOVEL à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

35. Dès lors que [V] [S] obtient gain de cause sur le fondement de l'article 9 du code civil, les intimées seront déboutées de leur demande au titre de l'abus d'agir en justice.

Sur les demandes accessoires

36. Le jugement sera infirmé sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

37. Les intimés, déboutés de leurs demandes principales, seront condamnés in solidum à payer à [V] [S] la somme de 3'000'euros au titre de l'ensemble de la procédure (première instance et appel) à ce titre et la société NOVEL sera condamnée à payer à la société ICONOCLASTE la somme de 2 000 euros sur le même fondement.

38. Les intimés auront également la charge des entiers dépens et la société NOVEL sera condamnée à prendre en charge les dépens de la société ICONOCLASTE.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne les sociétés JM WESTON, NOVEL et ICONOCLASTE in solidum à payer à [V] [S] la somme de 5'000'euros en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 9 du code civil,

Condamne la société NOVEL à garantir la société ICONOCLASTE de toutes les condamnations prononcées à son encontre y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Condamne les sociétés JM WESTON, NOVEL et ICONOCLASTE in solidum à payer à [V] [S] la somme de 3'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure, (première instance et appel) à ce titre et la société NOVEL sera condamnée à payer à la société ICONOCLASTE la somme de 2 000 euros sur le même fondement,

Condamne les intimés aux entiers dépens,

Condamne la société NOVEL aux dépens de la société ICONOCLASTE, dont distraction au profit de Maître AITTOUARES en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 20/15538
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;20.15538 ?
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