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28/06/2022 | FRANCE | N°21/01414

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 28 juin 2022, 21/01414


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 28 JUIN 2022



(n° 2022/ 150 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01414 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC663



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS (4è chambre 2è section) - RG n° 19/06747





APPELANTES



S.A.S. LES SO

USCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

8/10 RUE LAMENNAIS

75008 ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

(n° 2022/ 150 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01414 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC663

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS (4è chambre 2è section) - RG n° 19/06747

APPELANTES

S.A.S. LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

8/10 RUE LAMENNAIS

75008 PARIS

Société AMTRUST EUROPE LIMITED agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

10 FLOOR MARKET SQUARE HOUSE SAINT JAMES STREET NOTTINGHAM -

NOTTINGHAMSHIRE NG 16FG

ROYAUME-UNI

représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant, Me Pascal ORMEN, SELARL ORMEN PASSEMARD, avocat au barreau de PARIS, toque P 555

INTIMÉE

S.A.R.L. ORTONA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

VIA DELLO STRUGGINO

16 57121 LIVORNO

ITALIE

défaillante

Signification de la déclaration d'appel le 16 juin 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de Chambre et par Laure POUPET, greffière présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SA PROMOGIL, spécialisée dans les arts du spectacle vivant et exploitant le cirque PINDER, a souscrit, dans le cadre de ses activités, un contrat d'assurance multirisque auprès d'une coassurance composée par le LLOYD'S DE LONDRES (90%) et la compagnie AMTRUST (10%), pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014.

La société ORTONA a fabriqué un chapiteau de cirque de 6 mâts pour le compte de la société PROMOGIL pour un montant total de 300 000 euros HT (TVA non applicable). Elle l'a livré à PARIS (pelouse de REUILLY, bois de VINCENNES) et a assisté à son montage avec le chef d'atelier pour un spectacle programmé du 7 novembre 2014 au 11 janvier 2015.

A l'issue du montage, la commission de sécurité de la Préfecture de PARIS a visité les lieux le 6 novembre 2014 et a émis un avis favorable. Une attestation de solidité à froid a été établie par l'organisme agréé ALPES CONTROLES. Une attestation de bon montage et de liaisonnement au sol du chapiteau a également été établie par M. [B] [L], directeur des chapiteaux.

Dans la nuit du 26 au 27 décembre 2014, des rafales de vent d'intensité modérée ont affecté le chapiteau et l'ont endommagé au niveau de la couverture au droit de la couronne du grand mât.

A la suite du sinistre du 27 décembre 2014, la société ORTONA a récupéré les toiles du chapiteau endommagé pour les «réparer» à ses frais. Les toiles réparées ont ensuite été livrées à la société PROMOGIL.

Les désordres occasionnés compromettant la sécurité des personnes et des biens, la société PROMOGIL a été contrainte d'annuler un certain nombre de représentations du cirque PINDER, en pleine période de fêtes (saison 2014/2015). Ces annulations ont généré d'importantes pertes d'exploitation indemnisées par les assureurs sur la base des informations communiquées par la société PROMOGIL.

C'est ainsi que les compagnies LLOYD'S de LONDRES et AMTRUST ont indiqué avoir indemnisé la société PROMOGIL à concurrence de la somme de 271 299 euros.

Considérant que le sinistre était la conséquence d'un défaut de fabrication du chapiteau, elles ont adressé à la société ORTONA par l'intermédiaire de leur expert, des courriers de réclamation qui sont demeurés vains.

Par acte en date du 6 octobre 2017, subrogées dans les droits de leur assurée, elles ont assigné la société ORTONA devant le tribunal de grande instance de PARIS aux fins essentiellement de voir :

- condamner la société ORTONA au paiement de la somme de 244 169,10 euros assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20/02/2015 au profit des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD' DE LONDRES ;

- condamner la société ORTONA au paiement de la somme de 27 129,90 euros assortie des

intérêts capitalisés au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20/02/2015 au profit de la société AMTRUST EUROPE LIMITED, en réparation du préjudice subi par la société PROMOGIL au titre de ses pertes d'exploitation consécutives au sinistre du 27 décembre 2014.

Par jugement en date du 10 décembre 2020, le tribunal, les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes, a dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les a condamnées aux dépens, a dit n'y avoir lieu à exécution provisioire et a déboutées les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration électronique du 20 janvier 2021, enregistrée au greffe le 25 janvier 2021, les compagnies LES SOUCRIPTEURS DU LLOYDS LONDRES et AMTRUST EUROPE LIMITED ont interjeté appel de la décision.

L'intimé n'ayant pas constitué avocat, les appelantes ont justifié de la remise de leur acte d'huissier le 26 avril 2021, de la signification des conclusions et de la déclaration d'appel en date du 16 juin 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2021, les appelantes, demandent à la cour, au visa des articles 35 et s., 45 et 74 et s. de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, du contrat de vente conclu entre la société PROMOGIL et la société ORTONA, de l'article L. 121-12 du code des assurances, de l'ancien article 1250-1° du code civil, de :

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

o débouté LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES et AMTRUST EUROPE LIMITED de l'ensemble de leurs demandes ;

o condamné LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES et AMTRUST EUROPE LIMITED aux dépens ;

o dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

o débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l'exposé du litige ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société ORTONA au paiement de la somme de 244.169,10 euros assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2015 au profit des souscripteurs du LLOYD'S DE LONDRES ;

- condamner la société ORTONA au paiement de la somme de 27.129,90 euros assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2015 au profit de la société AMTRUST EUROPE LIMITED ;

- condamner la société ORTONA au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ORTONA aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera relevé comme le tribunal qu'en l'absence de fin de non recevoir soulevée, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des appelantes tendant à se voir déclarer recevables en leurs demandes.

Sur les causes du sinistre et les reponsabilités

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en considérant que le sinistre trouve son origine dans la non conformité de la toile qui aurait dû résister à la force du vent pouvant atteindre ou dépasser les 100 km/h de sorte que la société ORTONA doit être déclarée responsable des conséquences des dommages subis par le chapiteau.

Cependant, le tribunal n'ayant pas tranché cette question dans le cadre de son dispositif, la cour dira que la société ORTONA est responsable des conséquences des dommages subis par le chapiteau, sans qu'il y ait lieu à confirmation du jugement.

Sur le recours subrogatoire

En application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

En l'espèce, les appelantes apportent la preuve des paiements effectués au bénéfice de la société PROMOGIL à concurrence des sommes de 100 000 euros, de 150 000 euros (lettres d'acceptation de paiements d'acomptes) puis de 21 299 euros, soit un total de 271 299 euros (selon lettre d'acceptation finale du 10 mars 2017). Ces éléments sont confortés par les ordres de virements produits. Elles produisent également le contrat d'assurance démontrant que sont garantis les 'indirect looses and fees' (préjudices indirects et honoraires), de sorte qu'elles justifient être intervenues en exécution du contrat d'assurance.

En cause d'appel, les assureurs sollicitent l'infirmation du jugement en ce que, tout en ayant reconnu dans ses motifs la responsabilité de la société ORTONA dans la survenance du sinistre ainsi que la validité de leur recours subrogatoire, il les a déboutées au motif d'une insuffisance de preuves de l'existence et du quantum de la perte d'exploitation subie par la société PROMOGIL.

Elles font essentiellement valoir que :

- les désordres occasionnés au chapiteau ont contraint la société PROMOGIL d'annuler un certain nombre de représentations du cirque PINDER, en pleine période de fêtes (saison 2014/2015) ;

- ces annulations ont entraîné d'importantes pertes d'exploitation indemnisées sur la base des informations communiquées par la société PROMOGIL ; lesdites informations ont été examinées et le chiffrage des indemnités évalué par leur expert technique (loss adjuster) comme en témoignent les différentes lettres adressées à la société ORTONA ;

- elles produisent en outre une note de l'expert technique mandaté par elles, le cabinet SW ASSOCIATES, décrivant précisément l'évaluation de la perte d'exploitation de l'assurée, ainsi que les éléments comptables à l'appui ;

- la perte d'exploitation de la société PROMOGIL est donc suffisamment établie.

Sur ce,

La confirmation de couverture produite par les appelantes prévoit les conditions d'intervention des assureurs et notamment la prise en charge des «pertes indirectes» à concurrence de la somme de 300.000 euros.

En cause d'appel, les assureurs produisent aux débats notamment les documents suivants :

*un document intitulé «synthèse» établi par la société PROMOGIL présentant ses demandes financières et faisant ressortir une perte de marge de 235.719 euros et une demande complémentaire en paiement compte tenu des acomptes perçus ;

*un tableau faisant apparaître l'évolution du chiffre d'affaires de 2012/2013, 2013/2014 et 2014/2015 ;

*un tableau présentant le «chiffre d'affaires TTC cumulé/ hors gala et hors publicité» sur la même période ;

* la note de l'expert technique mandaté par les appelantes, le cabinet SW ASSOCIATES, décrivant précisément l'évaluation de la perte d'exploitation de l'assurée, ainsi que les éléments comptables à l'appui (pièces n°22 et 23),

Ces éléments sont suffisants pour démontrer le préjudice réellement subi par la société PROMOGIL au titre de ses pertes d'exploitation.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les assureurs de leurs demandes pour absence de preuve de la perte d'exploitation de la société PROMOGIL et de condamner la société ORTONA au paiement :

* de la somme de 244.169,10 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2015, au profit des souscripteurs du LLOYD'S DE LONDRES;

* de la somme de 27.129,90 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2015, au profit de la société AMTRUST EUROPE LIMITED.

La capitalisation des intérêts est de droit lorsqu'elle est sollicitée. Elle sera donc ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ainsi qu'il sera dit au dispositif.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les assureurs aux dépens.

En cause d'appel, la société ORTONA qui succombe sera condamnée à payer une indemnité de 2. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant en dernier ressort par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que la société ORTONA est responsable des conséquences des dommages subis par le chapiteau de cirque livré en novembre 2014 à la société PROMOGIL ;

DIT que les compagnies LLOYD'S DE LONDRES (90%) et la compagnie AMTRUST EUROPE LIMITED (10%) sont subrogées dans les droits de leur assurée la société PROMOGIL ;

CONDAMNE la société ORTONA au paiement de la somme de 244.169,10 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2015, au profit des souscripteurs du LLOYD'S DE LONDRES ;

CONDAMNE la société ORTONA au paiement de la somme de 27.129,90 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2015, au profit de la société AMTRUST EUROPE LIMITED ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil qui dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière ; produisent intérêt ;

CONDAMNE la société ORTONA au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société ORTONA aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/01414
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;21.01414 ?
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