La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2022 | FRANCE | N°19/19094

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 23 juin 2022, 19/19094


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 23 JUIN 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19094 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZT5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 juin 2019 - Tribunal d'Instance de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-18-000216





APPELANTS



Monsieur [G] [T]

né le 28 août 19

60 à [Localité 4] (88)

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511





Madame [W] [B] épouse [T]

née le ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19094 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZT5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 juin 2019 - Tribunal d'Instance de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-18-000216

APPELANTS

Monsieur [G] [T]

né le 28 août 1960 à [Localité 4] (88)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

Madame [W] [B] épouse [T]

née le 25 novembre 1960 à [Localité 4] (88)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

INTIMÉS

Maître [J] [R] en qualité de mandataire liquidateur de la société ECO SYNERGIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

DÉFAILLANT

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Ophanie KERLOC'H

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christophe BACONNIER, président et par Camille LEPAGE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 21 décembre 2011, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [G] [T] et Mme [W] [T] ont conclu avec la société Eco Synergie, un contrat de vente portant sur une centrale photovoltaïque constituée de 16 panneaux solaires au prix TTC de 21 500 euros.

Cette installation a été financée au moyen d'un crédit souscrit par eux le même jour auprès de la société Banque Solfea, pour un montant de 21 500 euros remboursable sur une durée de 197 mois au taux d'intérêt contractuel de 5,60 % l'an.

Le 28 janvier 2012, M. [T] a signé une attestation de fin de travaux à destination de la banque Solfea aux termes de laquelle il atteste que les travaux sont terminés et conformes au devis, en conséquence de quoi le déblocage des fonds est sollicité.

Le raccordement de l'installation a été réalisé le 11 avril 2012 et les acquéreurs ont signé un contrat de rachat d'électricité le 12 juin 2012.

La société Eco Synergie a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 2 juillet 2018 et Maître [J] [R] désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Saisi le 10 avril 2018 et 30 octobre 2018 par M et Mme [T] d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté consentis, le tribunal d'instance de Montreuil-sous-Bois par un jugement réputé contradictoire rendu le 27 juin 2019 auquel il convient de se reporter, a déclaré M. et Mme [T] irrecevables en leurs prétentions et les a condamnés à payer la somme de 1 000 euros à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu au visa des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, que les demandes se heurtaient au principe d'arrêt des poursuites suite au placement de la venderesse en liquidation judiciaire.

Par une déclaration remise le 11 octobre 2019, M. et Mme [T] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions numéro 4 remises le 12 avril 2022, les appelants demandent à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- de dire leurs demandes recevables et les déclarer bien fondées.

- de prononcer l'annulation du contrat de vente les liant à la société Eco Synergie et l'annulation du contrat de crédit affecté les liant à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea,

- de dire que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à leur égard,

- de dire que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs,

- d'ordonner le remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance des sommes qu'ils ont versées jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, outre les mensualités acquittées postérieurement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir,

- subsidiairement, de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 23 000 euros, à titre de dommage et intérêts, sauf à parfaire, du fait de la négligence fautive de la banque,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que la banque n'a pas commise de faute, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du crédit affecté,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer les sommes de 4 050 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial, 3 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance, 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour rejetait leurs demandes, de dire et juger qu'ils reprendront le paiement mensuel des échéances du prêt.

Les appelants soutiennent que leur action est parfaitement recevable en ce qu'ils ne formulent aucune demande en paiement de sommes d'argent à l'encontre de la société Eco Synergie et que leurs prétentions ne visent qu'à l'annulation du contrat de vente.

Ils sollicitent l'annulation du contrat de vente pour non-respect des dispositions impératives de l'article L. 121-23 du code de la consommation. Ils dénoncent l'absence de désignation précise du matériel vendu dans le bon de commande, à défaut de précision de la marque, du modèle et des références des panneaux, de leur dimension, poids, aspect et couleur et de l'absence de précision de la marque du modèle, des références, de la performance, de la dimension, du poids de l'onduleur.

S'agissant des conditions d'exécution du contrat et des délais de mise en service des panneaux, ils soutiennent que rien n'est indiqué concernant les modalités de pose à savoir l'impact visuel, l'orientation des panneaux et leur inclinaison et le délai de mise en service. Ils font état de l'absence de remise d'un plan technique.

S'agissant des éléments relatifs au paiement, ils pointent l'absence de nom de l'établissement de crédit, du nombre et du montant des mensualités et du taux nominal et du taux effectif global. Ils déplorent que le coût de l'installation ne soit pas précisé ni le coût total de l'emprunt.

Ils dénoncent les ambiguïtés et l'absence de lisibilité du bon de commande ayant conduit les acquéreurs à penser qu'il ne s'agissait que d'une candidature sans engagement de leur part.

Ils invoquent le caractère contradictoire des dispositions relatives aux garanties du matériel et le fait que les clauses du contrat ne sont pas rédigées en caractères apparents ou de façon claire et compréhensible au regard des conditions générales de vente qui ne respectent pas le corps huit par application de l'article L. 133-2.

Ils notent que le nom du démarcheur n'est pas précisé.

Ils invoquent l'absence de faculté de renonciation, au sens de l'article L. 121-23 du code de la consommation sanctionnée par la nullité du contrat en ce que le formulaire détachable fait partie intégrante du contrat signé par le client et ne peut en être séparé, sans endommager le contrat.

M. et Mme [T] sollicitent également l'annulation du contrat de vente sur le fondement du dol. Ils dénoncent des rétentions d'information malicieuses, telles que l'assurance obligatoire à souscrire ou la durée de vie des matériels, la référence mensongère à un partenariat avec la société EDF, une présentation fallacieuse de la rentabilité prévisible de l'installation et une dénomination trompeuse de l'acte en simple candidature sans engagement, tous éléments qui ont affecté la validité de leur consentement au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil.

Visant l'article L. 311-32 du code de la consommation, ils rappellent que la nullité du contrat principal entraîné de plein droit celle du contrat de crédit affecté. Ils ajoutent que le délai de 7 jours pour faire connaître la décision d'octroi du crédit prévu par les articles L. 311-13 et L. 311-35 du code de la consommation n'a pas été respecté, justifiant à titre autonome la nullité du contrat de crédit.

Ils soutiennent que la banque a commis une faute en s'abstenant de vérifier la régularité du contrat principal et en finançant un contrat nul et qu'en participant au financement des installations dont elle ne pouvait ignorer le caractère ruineux, elle a nécessairement manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde quant à l'opportunité économique du projet en contradiction avec les dispositions de l'article L. 311-8 du code de la consommation.

Ils ajoutent que la banque est tenue de vérifier les capacités financières de l'emprunteur au jour où il octroie le crédit et en tenant compte de sa solvabilité et de sa situation à venir et que la banque doit, si la vérification des capacités financières de l'emprunteur laisse apparaître un risque d'endettement excessif, justifier qu'elle a exécuté son obligation à l'égard de son cocontractant. Ils estiment que ces manquements doivent priver la banque, le cas échéant de son droit aux intérêts contractuels, et que les appelants ne seront tenus qu'au seul remboursement du capital, suivant l'échéancier prévu.

Ils observent que la déchéance du droit aux intérêts ne saurait être considérée comme une demande nouvelle puisqu'elle n'est que l'accessoire de la nullité des contrats.

Ils invoquent une faute de la banque dans la libération des fonds sans que les travaux aient été achevés et sur la base d'une attestation de livraison ne présumant pas de l'exécution totale et complète du contrat de vente et de la prestation de service. Ils font observer que si le raccordement est effectué par EDF, il n'en demeure pas moins que la société installatrice sert d'intermédiaire entre les clients et ERDF et doit être également présente lors dudit raccordement ou postérieurement, afin de câbler l'onduleur au compteur, prestation non effectuée par ERDF, qui ne fait qu'installer le compteur et le raccorder au réseau.

Ils font valoir en outre que la banque a accepté de financer des installations réalisées sans accord municipal, s'agissant pourtant d'une condition suspensive du contrat en cause.

Ils estiment que les préjudices qu'ils ont subis justifient que la banque soit déboutée de sa demande de restitution du capital emprunté.

Ils contestent avoir fait preuve d'une légèreté blâmable.

Par des conclusions remises le 24 mars 2022, la société BNP Paribas Personal Finance ci-après dénommée société BNPPPF demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- de débouter M. et Mme [T] de l'intégralité de leurs demandes,

- de déclarer irrecevables ou à tout le moins infondées les demandes de M. et Mme [T] tendant à la nullité des contrats et en restitution des sommes versées et les en débouter,

- de déclarer irrecevable ou à tout le moins infondée la demande tendant à voir prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels et la rejeter,

- subsidiairement en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demandes des appelants visant à être déchargés de l'obligation de restituer le capital prêté, la rejeter, et les condamner in solidum à lui payer la somme de 21 500 euros en restitution du capital prêté,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevables les demandes visant à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, les dire infondées et les rejeter,

- très subsidiairement de limiter la réparation qu'elle devrait eut égard au préjudice effectivement subi par les emprunteurs, à charge pour eux de l'établir et eu égard à la faute des emprunteurs ayant concouru à leur propre préjudice et limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et dire et juger que les emprunteurs restent tenus de restituer l'entier capital à hauteur de 21 500 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait la priver de sa créance, de condamner M. et Mme [T] à lui payer la somme de 21 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable,

- d'enjoindre à M. et Mme [T], de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à Maître [J] [R] en sa qualité de liquidateur Judiciaire de la société Eco Synergie, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de dire qu'à défaut de restitution, ils resteront tenus de la restitution du capital prêté et subsidiairement, de priver M. et Mme [T], de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,

- de débouter M. et Mme [T], de toutes autres demandes, fins et conclusions,

- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- de condamner in solidum M. et Mme [T], à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société BNPPPF fait valoir que la demande de nullité du contrat de vente sur le fondement des irrégularités formelles du code de la consommation est irrecevable comme étant prescrite au regard du délai quinquennal courant à compter de la signature du contrat, celui-ci ayant été signé en date du 21 décembre 2011 et l'assignation ayant été signifiée le 10 avril 2018.

Elle invoque la même irrecevabilité concernant l'action fondée sur le dol estimant que les époux [T] ne justifient pas qu'ils auraient découvert des éléments caractérisant une tromperie et l'erreur qui en auraient résulté postérieurement à la souscription des contrats.

La banque soutient que l'action à l'encontre du vendeur en liquidation judiciaire, qui vise directement ou indirectement au paiement d'une somme d'argent, ne peut être initiée et se poursuivre que si le requérant a effectué une déclaration de créance à la procédure collective, ce qui n'est pas le cas en l'espèce rendant les demandes irrecevables.

Elle invoque l'irrecevabilité ou le caractère infondé de la demande de nullité des contrats au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil en ce que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que l'une des parties peut obtenir en justice la remise en cause du contrat et sans mauvaise foi. Elle considère qu'est de mauvaise foi la partie qui tend à détourner une cause de nullité de son objet ou de sa finalité à seule fin de remettre en cause le contrat tout en sachant qu'en réalité elle conservera le bien acquis du fait de l'impossibilité matérielle pour l'autre de la récupérer.

Elle rappelle le caractère strict de l'interprétation de l'article L. 121-23 du code de la consommation, soutient que les clauses du contrat sont apparentes et lisibles et conteste toute violation de la réglementation relative au droit de rétractation. Elle invoque la conformité du bon de commande aux dispositions des articles L. 121-23 et R. 121-23 du code de commerce et précise que la violation des dispositions relatives au bordereau de rétractation n'est pas sanctionnée par la nullité conformément aux dispositions de l'article L. 121-24 du même code. Elle fait observer que les dispositions de l'ancien article L. 133-2 dudit code invoquées par les appelants concernent les clauses abusives dont la présence dans un contrat n'est pas sanctionnée par la nullité.

Elle relève que les acquéreurs n'allèguent aucun préjudice pouvant résulter d'une éventuelle irrégularité formelle du bon de commande.

Subsidiairement, elle fait valoir que les acquéreurs ont confirmé le contrat et renoncé à se prévaloir d'une nullité du bon de commande en réceptionnant le matériel, en attestant de l'exécution conforme des travaux sans aucune réserve, en ordonnant le paiement du prix puis en signant un contrat de rachat d'électricité avec la société EDF, en vendant l'électricité produite par l'équipement et en utilisant l'installation pendant plusieurs années avant d'engager une action en nullité par acte du 10 avril 2018.

Elle soutient que les allégations de dol au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil ne sont aucunement étayées et qu'aucun élément n'est fourni sur la réalité d'une promesse d'autofinancement ou sur la rentabilité effective de l'installation.

L'intimée indique que la banque a versé les fonds le 1er février 2012 sur demande expresse de l'emprunteur, ce qui vaut tout à la fois agrément et manifestation de la volonté du client à continuer à bénéficier du crédit de sorte que le moyen soulevé est inopérant.

Visant les articles L. 311-31 et L. 311-51 du code de la consommation, elle conteste toute obligation de contrôle de la validité du bon de commande, toute faute dans la vérification du bon de commande, de l'exécution de la prestation qui ne lui incombe pas ou dans la délivrance des fonds sur la base d'un mandat de payer donné par les clients. Elle souligne que toutes les demandes des emprunteurs à son encontre sont vaines dès lors que les intéressés ne justifient pas du moindre préjudice ni d'un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque.

Sur les prétendus manquements liés à l'absence d'accréditation du vendeur à distribuer des crédits, à la participation de la banque au dol de son prescripteur, à ses obligations de dispensateur de crédit et à la mise en place de crédits délibérément inappropriés, elle soutient qu'ils ne sont pas fondés. Elle fait observer qu'il est sollicité à cet égard, outre la privation de la créance de restitution de la banque, sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, et que cela conduirait à obtenir une double indemnisation du préjudice de sorte que la demande de dommages et intérêts est irrecevable.

Elle fait remarquer qu'aux termes de conclusions d'appelants signifiées le 4 mars 2022, les époux [T] formulent, pour la première fois, en cause d'appel, une demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels qui doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle. Elle soutient que les arguments soulevés au titre d'une déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou du formalisme contractuel ne pouvaient être invoqués que jusqu'au 1er décembre 2016 dans la mesure où l'offre de crédit a été acceptée le 21 décembre 2011.

Elle rappelle que le maintien du contrat obligera les appelants à restituer le capital perçu au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué. À titre subsidiaire, elle fait valoir que la nullité du contrat de crédit emporterait obligation pour les emprunteurs de restituer le capital emprunté.

Elle note que l'évaluation d'un éventuel préjudice doit prendre en compte la valeur du bien que les acquéreurs conserveront et souligne que la légèreté blâmable avec laquelle les emprunteurs ont signé l'attestation de fin de travaux constitue une faute occasionnant un préjudice correspondant au capital prêté dont elle serait privée.

Régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 27 novembre 2019 conformément aux dispositions de l'article 658 du code de procédure civile, Maître [R] ès-qualités n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective du vendeur

Le premier juge a déclaré M. et Mme [T] irrecevables en leurs prétentions en l'absence de déclaration de leur créance au passif de la procédure collective de la société Eco Synergie.

La société BNPPPF soutient que les demandes d'annulation des contrats doivent être déclarées irrecevables en ce qu'elles affectent indirectement le passif de la venderesse admise en liquidation judiciaire

Par application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. L'article L. 622-22 prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

Si la société Eco Synergie fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, force est de constater que M. et Mme [T] n'ont formé aucune demande de condamnation pécuniaire à l'encontre de celle-ci, mais une demande principale tendant à voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, peu important que cette action est susceptible d'entraîner des restitutions.

L'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Eco Synergie par les appelants est donc indifférente à la recevabilité de leur action.

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et qu'il convient d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

En l'espèce, les contrats de vente et de crédit dont l'annulation est demandée ont été conclus le 21 décembre 2011 et M. et Mme [T] ont engagé leur instance par assignations délivrées les 10 avril et 30 octobre 2018.

Plus de cinq années s'étant écoulées entre ces deux dates, M. et Mme [T] sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat de vente sur le fondement des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation alors applicables, et du contrat de crédit affecté, en invoquant des irrégularités formelles qui - à les supposer avérées - étaient visibles par eux, à la date de conclusion du contrat sans que l'invocation d'une méconnaissance de la réglementation applicable puisse faire échec à l'application des règles de la prescription ou en reporter le point de départ du délai.

La même prescription rend irrecevable la demande d'annulation du contrat fondée sur les articles 1108, 1109 et 1116 anciens du code civil applicables au litige, dès lors que M. et Mme [T] n'invoquent aucun élément qu'ils auraient découvert postérieurement à la souscription des contrats, caractérisant une tromperie et l'erreur qui en auraient résulté et susceptibles de reporter le point de départ du délai de prescription.

Il n'est justifié d'aucune contestation ou envoi de courrier postérieurement au raccordement au réseau le 11 avril 2012 et la signature du contrat d'achat d'énergie électrique le 12 juin 2012, mis à part un courrier du 7 février 2013 relatif à un dégât des eaux réparé par la pose d'une bâche comme en atteste le bon de fin de travaux signé le 12 avril 2013, et un courrier adressé à ERDF le 11 juin 2015 sollicitant des précisions quant à la rentabilité de l'installation.

En conséquence, l'action en nullité fondée sur le dol introduite par actes des 10 avril et 30 octobre 2018 est prescrite.

M. et Mme [T] invoquent par ailleurs des fautes commises par la banque lors de l'octroi du crédit le 21 décembre 2011 ou lors de la libération des fonds au mois de février 2012 et forment des demandes indemnitaires à l'encontre du prêteur en sus de la demande liée à la privation de la créance de restitution de la banque.

Or, plus de cinq années s'étant écoulées entre ces dates et celle de l'assignation délivrée à la société BNPPPF venant aux droits de la société Banque Solfea, l'action en responsabilité engagée par M. et Mme [T] est irrecevable par application de l'article L. 110-4 précité.

En conséquence, M et Mme [T] sont déclarés irrecevables en leur action et demandes sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par les parties étant précisé que la demande de déchéance du droit aux intérêts formée à titre subsidiaire est une sanction demandée accessoirement à la nullité du contrat de crédit et à l'action en responsabilité sans qu'il ne soit articulé de moyen propre sur la régularité de l'offre de contrat de crédit tiré de la violation des dispositions du code de la consommation.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Eco Synergie ;

Déclare M. [G] [T] et Mme [W] [T] irrecevables en leurs demandes comme étant prescrites ;

Condamne M. [G] [T] et Mme [W] [T] in solidum aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SELARL Cloix & Mendès-Gil, avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [G] [T] et Mme [W] [T] in solidum à payer à la société BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société'Banque Solfea une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/19094
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;19.19094 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award