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23/06/2022 | FRANCE | N°19/15968

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 23 juin 2022, 19/15968


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 23 JUIN 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15968 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQQK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 février 2019 - Tribunal d'Instance du RAINCY - RG n° 11-18-0013661





APPELANT



Monsieur [F] [P]

né le [Date naissance 3] 1982 à [L

ocalité 4] (93)

[Adresse 5]

[Adresse 5]



représenté par Me Patricia Djomou DE CHACUS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS





INTIMÉE



Madame [Z] [I]

née le [Date naissance 2...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15968 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQQK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 février 2019 - Tribunal d'Instance du RAINCY - RG n° 11-18-0013661

APPELANT

Monsieur [F] [P]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 4] (93)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représenté par Me Patricia Djomou DE CHACUS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

INTIMÉE

Madame [Z] [I]

née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 6] (76)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée de Me Clémentine DELMAS, avocat au barreau de MEAUX, toque : 97

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [F] [P] et Mme [Z] [I] ont vécu en concubinage du courant de l'année 2015 au mois d'octobre 2016.

Par courriers des 6 novembre 2017 et 9 janvier 2018, Mme [I] a mis en demeure M. [P] de lui rembourser un montant de 4720 euros correspondant au solde d'une reconnaissance de dette du 27 novembre 2016 d'un montant initial de 5 820 euros.

Par acte d'huissier du 25 juillet 2018, Mme [I] a fait assigner en paiement M. [P] devant le tribunal d'instance du Raincy qui, par jugement contradictoire prononcé le 7 février 2019 et signifié le 1er juillet 2019, a :

- condamné M. [P] à payer à Mme [I] la somme de 4 720 euros ;

- dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2018 ;

- condamné M. [P] à payer à Mme [I] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [P] aux dépens ;

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir rappelé les termes de la reconnaissance de dette du 27 novembre 2016, a estimé qu'il n'était pas établi que le consentement de M. [P] avait été vicié. Le premier juge a ajouté que l'absence de précision dans l'acte sur l'objet de la dette ne suffisait pas à démontrer l'inexistence de celle-ci. Il a considéré que Mme [I] n'avait pas à justifier d'une remise de fonds préalable. La juridiction a relevé que l'acte du 27 novembre 2016 ne comportait pas la mention en toutes lettres de la somme que M. [P] s'engageait à régler, mais que des actes d'exécution suffisaient à corroborer l'écrit signé. Le tribunal a relevé que l'appelant n'établissait pas l'existence d'une quelconque obligation de Mme [I] à rembourser l'intégralité des dépenses qu'il aurait engagées au cours et pour les besoins de leur vie commune.

Le 31 juillet 2019, M. [P] a interjeté appel.

Dans ses conclusions d'appel déposées par voie électronique le 22 octobre 2019, M. [P] requiert la cour :

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 4 720 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2018, en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Mme [I], en ce qu'il l'a condamné à payer à celle-ci la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens ;

statuant à nouveau,

- de dire que la « réclamation » de la dette est dépourvue d'objet ;

- de constater que la reconnaissance de dette n'est pas conforme à l'article 1376 du code civil ;

- de prononcer la caducité de la reconnaissance de dette et de dire qu'il n'y a lieu à aucune « réclamation » de dette ;

à titre subsidiaire,

- d'opérer une compensation entre la « prétendue réclamation » et la somme qu'il a dépensée en contribution aux charges du concubinage ;

- de condamner Mme [I], avec distraction au profit de Me Patricia Djoumou de Chacus, à payer la somme de 2 500 euros au titre des honoraires et frais qu'il a exposés, non compris dans les dépens.

À l'appui de ses prétentions, il expose que Mme [I] ne rapporte pas la preuve de la remise préalable de la somme lui permettant de prétendre à un remboursement. Il souligne que la reconnaissance de dette n'indique pas l'objet pour lequel cette somme aurait été consentie. Il considère que le contenu de la reconnaissance de dette est illicite et incertain. Il estime qu'il y a aussi absence de cause de l'obligation sollicitée.

Il soutient que l'acte est irrégulier pour omission de la mention en lettres, en violation de l'article 1376 du code civil. Il ajoute que les virements de 800 euros et 300 euros ne suffisent pas à prouver l'existence de l'obligation litigieuse.

Il fait valoir qu'il a dépensé un montant de 6 999,79 euros dans l'intérêt du concubinage (dont 3 680,20 euros de virements), de sorte que, déduction faite du montant de 4 720 euros sollicité par Mme [I] pour le même motif, celle-ci reste lui devoir un solde de 2 279,79 euros.

Il prétend que Mme [I] a « usé de pratiques indécentes » pour le faire chanter et le harceler.

Il conclut que l'acte litigieux a été déchiré et recollé par Mme [I] et qu'il ne disposait même pas d'une « copie originale ».

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 16 janvier 2020, Mme [I] sollicite que la cour :

- déboute M. [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;

- condamne M. [P] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral, ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que la reconnaissance de dette du 27 novembre 2016, rédigée et signée par M. [P], ne comporte pas la mention en toutes lettres de la somme due, mais n'en vaut pas moins commencement de preuve par écrit, corroboré par deux versements intitulés « remboursement ».

Elle affirme que M. [P] ne rapporte la preuve ni d'une convention entre les concubins sur la répartition des charges du ménage ni de l'utilisation exclusive de la somme de 6 999,79 euros pour les besoins du ménage. Elle en déduit n'être redevable d'aucune somme à l'appelant.

Elle conteste tout harcèlement ou chantage de sa part et souligne que les pièces produites par M. [P] émanent de lui. Elle ajoute que la dégradation de son propre état psychique était en lien direct avec les attitudes et les agissements fautifs de l'appelant.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Le 8 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la reconnaissance de dette

Conformément à l'article 1376 nouveau du code civil, l'acte sous signature privée par lequel une partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres.

En l'espèce, Mme [I] produit copie d'une reconnaissance de dette du 27 novembre 2016 au bas de laquelle la signature de M. [P] et la sienne figurent :

« Je soussigné Mr [P] [F] né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 4] 93, résidant à ce jour (') reconnais devoir à Mme [I] [Z] née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 6] 76 demeurant (') la somme de 5 820 €.

Je m'engage à lui rembourser cette somme en une ou plusieurs fois à ma convenance au plus tard le 31 Décembre 2017 ».

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a relevé :

- que la contrainte invoquée par M. [P] lors de la conclusion de l'acte ne procède que des affirmations contenues dans ses écritures et de ses propos consignés dans une déclaration de main-courante déposée le 28 avril 2017, aucun élément n'émanant pas de M. [P] n'étant versé aux débats ;

- qu'il n'est pas établi que le consentement de M. [P] a été vicié par violence ;

- que le fait que l'objet de la dette ne soit pas mentionné ne suffit pas à démontrer l'inexistence de la dette elle-même, cette mention n'étant pas obligatoire ;

- que Mme [I] n'a pas à établir que la reconnaissance de dette dont elle se prévaut est causée par une remise de fonds préalable au bénéfice de M. [P], celui-ci supportant seul la charge de prouver que l'obligation qu'il a contractée est sans objet ;

- que le défaut de mention de la somme en toutes lettres sur la reconnaissance de dette n'a pas pour effet d'invalider cet acte, mais de lui donner la valeur d'un simple commencement de preuve au sens de l'article 1362 nouveau du code civil ;

- que Mme [I] verse aux débats ses relevés bancaires qui font apparaître deux versements effectués par M. [P] sous l'intitulé « remboursement » les 6 décembre 2016 et 9 février 2017 respectivement pour un montant de 800 euros et un montant de 300 euros ;

- que ces actes d'exécution suffisent à corroborer l'écrit.

Le premier juge en a pertinemment déduit que la créance de M. [I] est suffisamment démontrée et doit être fixée à un montant de 4 720 euros, déduction faite des deux versements.

La cour y ajoute que, même si la copie de la reconnaissance de dette produite par Mme [I] laisse apparaître une trace de déchirure en son centre, celle-ci ne permet pas d'en déduire que les parties ont entendu délier M. [P] de son engagement, les deux versements opérés postérieurement par celui-ci (voir ci-dessus) établissant l'inverse.

L'affirmation de M. [P] selon laquelle il a procédé à ces deux versements de 800 euros et 300 euros à Mme [I], car celle-ci était, selon lui, en difficulté financière, n'est étayée par rien, étant au contraire rappelé qu'ils ont été effectués sous l'intitulé « remboursement ».

M. [P] ne peut valablement se prévaloir de l'article 1186 nouveau du code civil qui dispose qu'un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît, alors qu'en l'espèce, les éléments dont l'appelant se prévaut sont antérieurs à la reconnaissance de dette litigieuse et ne sont donc pas de nature à avoir entraîné postérieurement la caducité de cet acte.

Par ailleurs, la somme due est exigible eu égard à la date limite de remboursement fixée par l'acte, soit le 31 décembre 2017, et à la mise en demeure du 9 janvier 2018.

En conséquence, le jugement est confirmé, en ce qu'il a condamné M. [P] à payer à Mme [I] la somme de 4 720 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2018, date de réception de la mise en demeure.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement

Aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de leur vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu'il a exposées.

En l'espèce, c'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a relevé :

- qu'il n'est pas démontré que toutes les dépenses dont se prévaut M. [P] ont été engagées pour les besoins de la vie commune ;

- que M. [P] n'établit pas avoir conclu avec Mme [I] une convention de concubinage ayant pour objet de définir la répartition des dépenses exposées par les parties au cours de celui-ci ;

- que les pièces produites ne permettent pas de déterminer les modalités exactes du partage des charges que les parties avaient fixées en pratique s'agissant de la prise en charge de leurs dépenses communes.

Le premier juge en a pertinemment déduit que l'existence d'une obligation de Mme [I] de rembourser l'intégralité des dépenses que M. [P] a engagées au cours de leur vie commune, pour les besoins de celle-ci, n'est pas établie.

Le jugement est donc confirmé, en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de remboursement et celle subséquente de compensation.

Sur les demandes de dommages-intérêts

Il résulte de l'article 1240 du code civil que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, comme l'a relevé le premier juge, les éléments communiqués ne suffisent ni à démontrer la particulière mauvaise foi de M. [P] ni son intention de nuire dépassant l'exercice normal de son droit d'agir.

Par ailleurs, M. [P] ne prouve pas le harcèlement que l'intimée aurait fait subir, selon lui, à sa famille et à lui-même.

En conséquence, les parties sont déboutées de leurs demandes respectives en dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [P] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [Z] [I] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/15968
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;19.15968 ?
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