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23/06/2022 | FRANCE | N°19/15400

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 23 juin 2022, 19/15400


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 23 JUIN 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15400 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOWI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juin 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-18-220810





APPELANTE



La société SINGAPORE AIRLINES LIMITED dont la succursale franÃ

§aise est située [Adresse 2]

N° SIRET : 303 200 893 00012

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 9]



représentée par Me Anne QUENTIER de la SELAS LSIX, avocat au barreau de PARIS...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15400 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOWI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juin 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-18-220810

APPELANTE

La société SINGAPORE AIRLINES LIMITED dont la succursale française est située [Adresse 2]

N° SIRET : 303 200 893 00012

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée par Me Anne QUENTIER de la SELAS LSIX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381

substituée à l'audience par Me Lucy FIGUEIREDO de la SELAS LSIX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381

INTIMÉS

Monsieur [X] [G]

né le 18 mai 1967

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-Lore GASCUEL-MATHIOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 113

Madame [M] [F] épouse [G]

née le 30 avril 1968

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Anne-Lore GASCUEL-MATHIOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 113

Monsieur [L] [G]

né le 10 mars 2001

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-Lore GASCUEL-MATHIOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 113

Mademoiselle [V] [G] représentée par ses parents [X] [G] et [M] [F] épouse [G]

née le 14 octobre 2002

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Anne-Lore GASCUEL-MATHIOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 113

Monsieur [O] [G] représenté par ses parents [X] [G] et [M] [F]-[G]

né le 16 avril 2004 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-Lore GASCUEL-MATHIOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 113

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 16 avril 2017, M. [X] [G] et Mme [M] [G], ainsi que leurs trois enfants mineurs, [L] [G], [V] [G] et [O] [G] ont quitté [Localité 9] par avion par le vol n° SQ336 de la Singapour Airlines à destination de [7]. L'arrivée à destination était prévue le 16 avril 2017 à 7h30.

Le 16 avril 2017 à 05h28, en raison d'une fuite d'huile dans le moteur n° 2 de l'appareil, l'avion a dû être dérouté et a atterri d'urgence à New Delhi. Les passagers sont alors restés 5 heures enfermés dans l'avion, sans climatisation, par une température de plus de 30°, sans repas. Puis la famille [G] a dû attendre plus de trois heures dans l'aéroport, toujours sans se voir proposer de quoi se restaurer. Ils ont alors été conduits dans un hôtel (soit plus de 8 heures après l'atterrissage), le dernier repas servi datant de la veille à 22h30, heure indienne. Ils ont bénéficié d'un peu plus d'une heure de repos après le repas du soir avant d'être réveillés et contraints à se regrouper au sein de l'hôtel où ils ont patienté plus d'une heure avant d'être transportés vers l'aéroport. Les passagers ont dû alors attendre 4 heures dans l'aéroport au milieu de la nuit.

L'avion a finalement décollé à 4h50, soit 23h50 après l'atterrissage à [Localité 5], et s'est posé le 17 avril 2017 à 10h à l'aéroport [7], au lieu de 7h le 16 avril 2017, accusant un retard à l'arrivée de 26h30.

M. [G] a adressé un courrier circonstancié à la société Singapour Airlines Limited afin d'obtenir une indemnisation, cette dernière lui répondant que la Convention de Montréal ne s'appliquant pas, il ne serait donné suite à ses demandes. Suite à de nouveaux mails échangés entre le 23 août 2017 et le 4 octobre 2017, la société Singapour Airlines Limited a proposé un bon d'achat FNAC de 100 euros comme compensation.

Saisi le 16 novembre 2018 par M. et Mme [G], pour eux-mêmes et en qualité de représentants de leurs enfants mineurs, d'une demande tendant au paiement en réparation du préjudice subi du fait du retard, le tribunal d'instance de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 11 juin 2019 auquel il convient de se reporter, a rendu la décision suivante :

« Condamne la société Singapour Airlines Limited à payer à M. [X] [G], Mme [M] [G], M. [L] [G], Mme [V] [G] et M. [O] [G], chacun, la somme de 4 150 droits de tirages spéciaux, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Rappelle que la conversion en devise des droits de tirage spéciaux doit s'effectuer à la date du présent jugement, selon l'article 23 de la convention de Montréal du 28 mai 1999,

Déboute la famille [G] de ses demandes au titre de son préjudice matériel et moral,

Condamne la société Singapour Airlines Limited à payer à M. [X] [G], Mme [M] [G], M. [L] [G], Mme [V] [G] et M. [O] [G], chacun, la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens,

Ordonne l'exécution provisoire ».

Le tribunal a principalement retenu que la convention de Montréal était applicable au litige, et conduisait à engager la responsabilité du transporteur du fait du retard causé dans la limite de 4 150 droits de tirage spéciaux, sans qu'il ne parvienne à démontrer des causes d'exonération sérieuses puisqu'il ne démontre pas en quoi il a mis tout en 'uvre pour éviter le problème technique ayant causé l'atterrissage d'urgence de l'aéronef.

Par une déclaration en date du 24 juillet 2019, la société Singapour Airlines Limited a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 4 février 2022, la société Singapour Airlines Limited demande à la cour de :

« A titre principal de :

INFIRMER le jugement du Tribunal d'instance de Paris du 11 juin 2019 en ce qu'il a :

- condamné la société à payer à [M], [X], [L], [V] et [O] [G] la somme de 4 150 droits de tirages spéciaux chacun, avec intérêts à taux légal à compter de la date du jugement ;

- condamné la société à payer à [M], [X], [L], [V] et [O] [G] la somme de 300 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux entiers dépens.

CONFIRMER le jugement suscité en ce qu'il a débouté [M], [X] [L], [V] et [O] [G] de leur demande de dommages et intérêts accessoires ;

En conséquence,

DÉBOUTER [M], [X], [L], [V] et [O] [G] de l'ensemble de leurs demandes ;

CONDAMNER in solidum [M], [X], [L], [V] et [O] [G] à rembourser à la société la somme de 26 850,37 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement susvisé ;

CONDAMNER in solidum [M], [X], [L], [V] et [O] [G] à payer à la société Singapour Airlines Limited la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER in solidum [M], [X], [L], [V] et [O] [G] au dépens.

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la Cour jugeait l'inexistence d'une circonstance extraordinaire aux termes de la Convention de Montréal, il lui est demandé de :

RÉDUIRE aux plus justes proportions les indemnités allouées à la famille [G] ».

La société Singapour Airlines Limited soutient que :

- la demande d'indemnisation de M. et Mme [G] et leurs trois enfants est infondée en ce que la société doit être exonérée de responsabilité du fait que l'incident relève d'une circonstance extraordinaire caractérisée par une défaillance imprévue pouvant affecter la sécurité d'un vol,

- elle a pris toutes les mesures raisonnables à sa portée pour l'entretien de l'appareil, et elle ne pouvait anticiper l'entretien d'une pièce qui n'était pas sujette à une recommandation de maintenance spécifique par le constructeur,

- la famille [G] n'a subi aucun préjudice du fait du retard du vol litigieux en ce que l'ensemble de leur séjour à New-Dehli a été pris en charge et ne démontre pas le préjudice prétendument subi du fait du retard de leur vol,

- à titre subsidiaire, une réduction des indemnités octroyées à la famille [G] est justifiée,

- à titre reconventionnel, les sommes versées par la société Singapour Airlines Limited à M. et Mme [G] et leurs enfants doivent être restituées.

Aux termes de conclusions remises le 13 janvier 2020, M. et Mme [G] et leurs trois enfants demandent à la cour de :

« CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Singapour Airlines Limited à payer à [M], [X], [L], [V] et [O] [G] la somme de 4 150 droits de tirages spéciaux et rappelé que la conversion en devise des droits de tirages spéciaux s'effectuait à la date du jugement et à payer à chacun et 300 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNER la société Singapour Airlines Limited à payer à [M], [X], [L], [V] et [O] [G] la somme de 500 euros à chacun à titre de dommages et intérêts;

CONDAMNER la société Singapour Airlines Limited à payer à [M], [X], [L], [V] et [O] [G] la somme de 500 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNER la société Singapour Airlines Limited aux entiers dépens de première instance et d'appel.

DÉBOUTER la société Singapour Airlines Limited de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ».

M. et Mme [G] et leurs trois enfants soutiennent que :

- l'exonération de responsabilité invoquée par la société Singapour Airlines Limited n'est pas fondée, puisqu'un problème technique tel que celui qui est survenu ne constitue pas une circonstance extraordinaire, peu important les mesures d'entretien prises par la compagnie,

- seule une circonstance extraordinaire pourrait constituer une cause d'exonération de responsabilité de la société Singapour Airlines Limited,

- le préjudice de la famille [G] est démontré.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022.

L'affaire a été appelée en audience le 29 mars 2022.

Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 16 juin 2022 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC), délibéré prorogé au 23 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en responsabilité

La cour constate que l'applicabilité de la Convention de Montréal de 1999 n'est plus contestée.

L'article 19 de la Convention de Montréal dispose « Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n 'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre ».

L'article 22 de la Convention de Montréal dispose « En cas de dommage subi par des passagers résultant d'un retard, aux termes de l'article 19, la responsabilité du transporteur est limitée à la somme de 4150 droits de tirage spéciaux par passager ».

Il ressort des considérants 1, 2,14 et 15 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 que « (') Tout comme dans le cadre de la convention de Montréal, les obligations des transporteurs aériens effectifs devraient être limitées ou leur responsabilité exonérée dans les cas où un événement est dû à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. De telles circonstances peuvent se produire, en particulier, en cas d'instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grèves ayant une incidence sur les opérations d'un transporteur aérien effectif.

Il devrait être considéré qu'il y a circonstance extraordinaire, lorsqu'une décision relative à la gestion du trafic aérien concernant un avion précis pour une journée précise génère un retard important, un retard jusqu'au lendemain ou l'annulation d'un ou de plusieurs vols de cet avion, bien que toutes les mesures raisonnables aient été prises par le transporteur aérien afin d'éviter ces retards ou annulations ».

À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Singapour Airlines Limited est mal fondée à revendiquer l'exonération de sa responsabilité au motif qu'elle ne produit pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir, comme elle le soutient, que « la cause de l'incident s'est révélée être le frottement d'une clampe dénudée sur les conduits d'arrivée d'huile, générant une fuite d'huile du réacteur n° 2 et nécessitant l'arrêt d'un des moteurs de l'avion en plein vol, qu'il ressort du rapport de l'incident, que la fuite d'huile est remontée jusqu'à une fissure du tube d'arrivée d'huile reliant la pompe à huile et l'échangeur thermique carburant-huile (FOHE), que cet incident, doit être considéré comme une défaillance imprévue qui pouvait affecter la sécurité du vol, en effet, avant le 16 avril 2017, la société ROLLS ROYCE, constructeur de la pièce, n'avait émis aucune recommandation relative à une maintenance spécifique de cette clampe et que ce n'est qu'à compter de novembre 2017, à la suite d'une enquête, que la société ROYCE ROLLS a émis une recommandation relative à la maintenance de cette pièce soit plus de 7 mois suivant le vol dérouté connu par M. et Mme [G] et leurs trois enfants » ; en effet il n'est produit comme éléments de preuve sur la cause de l'incident que le rapport de déroutement (pièce 5) et un courrier électronique du 18 mars 2018 (pièce 6) qui ne prouvent pas que la fuite d'huile est due à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

En effet le rapport de déroutement (pièce 5) énonce en ce qui concerne la fuite :

« L2308 TD - FUITE D'HUILE MOTEUR DANS REACTEUR NUM 2

Résumé chronologique du Déroutement

0400 ALERTE PAR COM DU DEROUTEMENT DU VOL SQ336/16AVR CAUSE FUITE D'HUILE

0528 ATTERISSAGE AVION ET PARKING SUR TARMAC

0535 LIAISON AVEC LE POSTE DE PILOTAGE, L'EQUIPAGE & ET LES INGENIEURS AU SUJET DE LA "MARCHE A SUIVRE"

0545 PREMIERE ANNONCE AUX PASSAGERS

0615 DEUXIEME ANNONCE AUX PASSAGERS (PAR LE COMMANDANT DE BORD)

0645 POSSIBLE AOG. ACTIVATION DU TOST. ORGANISATION DE L'HEBERGEMENT ET DU TRANSPORT.

0726 AOG NON DECLARE, MAIS TEMPERATURE INCONFORTABLE A CAUSE DU GAP HIS. DECISION PRISE AVEC LE T/C DE DEBARQUER LES PASSAGERS

0745 EN ACCORD AVEC LE COM ET LES INGENIEURS, IMMOBILISATION DE L'APPAREIL DECLAREE. PIECE DE RECHANGE PLACE SUR LE VOL A DESTINATION DE DEL SUR SQ406/16AVR PREVU A 2010

0847 PREMIERE VAGUE DE PASSAGERS DEBARQUES DE L'APPAREIL

1020 DERNIERS PASSAGERS DEBARQUES DE L'APPAREIL

1040 DEBARQUEMENT DE L'EQUIPAGE DE L'APPAREIL

1140 PASSAGE DE LA DOUANE PAR L'EQUIPAGE

(...) ».

Il ne ressort en effet pas de cet pièce la preuve que la fuite d'huile est due à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

Et le courrier électronique du 18 mars 2018 est dépourvu de valeur probante étant précisé que ni l'expéditeur ([E] [W]) ni le destinataire ([H] [S]) ne sont les auteurs des « informations transmises » mais simplement des transmetteurs d'informations dont rien ne permet de connaître la valeur probante faute d'indication du nom de leur auteur ou de leurs auteurs et de leur expertise, étant ajouté que la production du rapport technique ou du rapport d'expertise établi sur cet incident était indispensable.

C'est donc en vain que la société Singapour Airlines Limited soutient que la défaillance produite le 16 avril 2017 durant le vol transportant la famille [G] est une défaillance imprévue, qui doit être qualifiée comme une circonstance extraordinaire, que la société n'est pas responsable d'un prétendu dommage causé par le retard du vol litigieux dans la mesure où elle démontre avoir été dans l'impossibilité de prendre des mesures relatives à une avarie qui n'était pas connue au moment du vol litigieux, et qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le retard du vol dans la mesure où l'avarie n'était pas connue au motif qu'elle ne produit pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir ces faits.

Si la société Singapour Airlines Limited échoue à écarter la présomption de responsabilité qui pèse sur elle sur le fondement de l'article 19 précité, il n'en reste pas moins que la responsabilité est limitée à la somme de 4 150 droits de tirage spéciaux par passager et qu'il appartient aux passagers d'établir leur préjudice.

Il est suffisamment établi que les 5 membres de la famille [G], dont trois enfants mineurs, ont subi un retard de 26 heures 30 sur leur vol [Localité 9]-[Localité 6] suite à une panne détectée sur leur avion, qu'ils ont été retenus 5 heures dans l'avion sans climatisation à l'atterrissage par plus de 30°, sans nourriture, provoquant des malaises parmi les passagers, dont l'un des enfants de la famille [G], qu'entre l'atterrissage et l'arrivée à l'hôtel 8 heures se sont écoulées, sans repas, que seules des boissons leur ont été proposées avant de rejoindre l'hôtel, qu'ils sont restés 15 heures 30 sans manger entre le dîner pris dans l'avion vers 22 heures 30 et le déjeuner du lendemain servi à l'hôtel vers 14 heures, qu'ils n'ont pu se reposer qu'une heure et trente minutes à l'hôtel après le repas avant d'être réveillés pour être regroupés avec les autres passagers dans le hall de l'hôtel puis dans l'aéroport et patienter plus de 5 heures au milieu de la nuit avant de redécoller pour [Localité 6].

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par chacun des 5 membres de la famille [G] doit être évaluée à la somme de 1 500 euros, étant précisé que M. et Mme [G] ne prouvent pas que le préjudice de chacun des membres de la famille doit être fixé à la somme maximum de 4 150 droits de tirages spéciaux à laquelle est limitée la responsabilité encourue par la société Singapour Airlines Limited à laquelle devrait de surcroît être rajoutée 500 euros.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Singapour Airlines Limited à payer à M. [X] [G], Mme [M] [G], M. [L] [G], Mme [V] [G] et M. [O] [G], chacun, la somme de 4 150 droits de tirages spéciaux, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et débouté la famille [G] de ses demandes au titre de son préjudice matériel et moral, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Singapour Airlines Limited à payer à M. [X] [G], Mme [M] [G], M. [L] [G], Mme [V] [G] et M. [O] [G], chacun, la somme de 1 500 euros en réparation du retard et des préjudices matériels et moraux qu'ils ont subis.

Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré

La société Singapour Airlines Limited demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire, avec des intérêts moratoires.

Cependant, la cour rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Singapour Airlines Limited de ce chef.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La cour condamne la société Singapour Airlines Limited aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société Singapour Airlines Limited à payer à M. [X] [G], Mme [M] [G], M. [L] [G], Mme [V] [G] et M. [O] [G], chacun, la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts en réparation du retard et des préjudices matériels et moraux qu'ils ont subis ;

Dit que les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamne la société Singapour Airlines Limited aux dépens.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/15400
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;19.15400 ?
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