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23/06/2022 | FRANCE | N°18/10416

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 23 juin 2022, 18/10416


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 23 JUIN 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10416 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6L6S



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F17/00281





APPELANTE



SELARL MJC2A prise en la personne de Me [M] [C] ès q

ualités de mandataire liquidateur de SASU METBA

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Pierre TONOUKOUIN de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10416 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6L6S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F17/00281

APPELANTE

SELARL MJC2A prise en la personne de Me [M] [C] ès qualités de mandataire liquidateur de SASU METBA

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Pierre TONOUKOUIN de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

INTIMÉS

Monsieur [L] [P]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Juliette PAPPO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1094

PARTIE INTERVENANTE

ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente et Madame Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée faisant fonction de conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] [P] (le salarié), a été engagé par la société Metba (la société), en qualité de directeur de travaux chargé d'affaires le 2 juin 2015.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative au bâtiment, cadre de la région parisienne.

Le 6 octobre 2016, le salarié était convoqué à un entretien préalable fixé au 13 octobre suivant et le 20 octobre 2016, il était licencié pour motif économique.

Par courrier du 5 décembre 2016, la société notifiait à l'intéressé une mise à pied à titre conservatoire.

Contestant le bien fondé des mesures prises à son encontre il saisissait le conseil des prud'hommes de Longjumeau le 27 avril 2017 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 6 juillet 2018, notifié le 27 août suivant, cette juridiction a:

- fixé la moyenne des salaires de M. [P] à 6 821,67 euros bruts mensuels,

- dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Metba prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [P] les sommes de :

- 4 222,93 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 19 octobre 2016

- 422,29 euros au titre des congés payés afférents

-20 465,01 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 2 046,50 euros au titre des congés payés afférents

- 824,68 euros au titre du remboursement des frais professionnels

- 3 287,64 euros à titre de rappel de primes de vacances

- 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

- 2 228,40 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non représentation du CSP

- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des obligations en matière de visite médicale

- ordonné à la société Metba prise en la personne de son représentant légal à remettre l'attestation pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie conformes au jugement,

-dit que les sommes dues ayant le caractère de salaires produiraient des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2017, date de saisine du Conseil et que les autres sommes allouées produiraient des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2018 date de prononcé du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts sur les sommes dues ayant le caractère de salaires

- condamné lasociété Metba prise en la personne de son représentant légal à payer 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit sur les sommes visées par les articles R1454-28 et R1454-14 du code du travail,

- débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

- débouté Metba de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné Metba aux entiers dépens de la présente procédure.

Par déclaration en date du 5 septembre 2018, la société a interjeté appel.

Par jugement en date du 27 juillet 2020, le tribunal de commerce d'Evry l'a placée en liquidation judiciaire et désigné Maître [C] en qualité de mandataire liquidateur.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 7 mars 2022, ce dernier ès qualités demande à la Cour :

- de lui donner acte, qu'il se désiste de son action et de son instance à l'encontre de M. [P],

- de dire que chaque partie conservera à sa charge ses dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 4 février 2019, M. [P] demande à la Cour :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamné la société Metba à lui verser les sommes suivantes :

- 4 222,93 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 19 octobre 2016,

- 422,29 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 465,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (20 octobre 2016 au 20 janvier 2017),

- 2 046,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 824,68 euros au titre du remboursement des frais professionnels,

- 3 287,64 euros au titre des rappels de primes de vacances,

-2 228,40 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- condamné la société Metba aux entiers dépens,

- débouté la société Metba de ses demandes reconventionnelles.

- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- condamné la société Metba à lui verser les sommes suivantes :

-7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

-7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non présentation du CSP,

-100 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de visite médicale,

-1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise sans astreinte de l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie conformes au jugement à intervenir,

- débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

et statuant à nouveau ,

- de condamner la société Metba à lui verser les sommes de:

-798,52 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d'août 2016,

-79,85 euros au titre des congés payés afférents,

- 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 6 821,67euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

-13 600 euros à titre de dommages et intérêts pour non présentation du CSP,

-13 600 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,

-13 600 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

-2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de visite médicale,

-5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour et par document : l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie conformes au jugement à intervenir,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

- de condamner la société Metba aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 21 janvier 2021 l'Association de Gestion du régime d'assurance des créances des Salaires (l'AGS CGEA IDF, demande à la Cour :

- d'infirmer la décision dont appel en l'ensemble de ces dispositions,

- de débouter M. [P] de l'ensemble de ces demandes,

Subsidiairement :

- de dire que l'AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et suivants et L 3253-17 du code du travail,

- de limiter l'éventuelle l'exécution provisoire, à supposer qu'intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail ;

- de rappeler que la somme éventuellement due au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'une éventuelle astreinte, qu'elle soit ou non liquidée n'entrent pas dans le champ de la garantie de l'AGS,

- de statuer ce que de droit concernant les dépens.

Les intimés ont informé la cour qu'ils refusaient le désistement de l'appelant.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 avril 2022 pour y être plaidée.

Par note en délibéré du 15 juin 2022, à laquelle il convient de se référer, la cour a sollicité des parties leurs observations sur les dispositions de l'article L. 625-3 du code de commerce et l'arrêt du 10 novembre 2021, N° 20-14529, aux termes duquel la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence en considérant qu'il appartenait à cette dernière de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement.

Les parties ont fait parvenir leurs réponses les 15 et 16 juin 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour et aux notes précitées pour les précisions sollicitées par la cour.

MOTIFS

I- sur l'exécution du contrat de travail,

A- sur les rappels de salaires,

1° pour le mois d'août 2016 et le mois d'octobre 2016,

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, en vertu de l'article L. 3171-4 du Code du Travail, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.

S'agissant du mois d'août 2016, M. [P] fait état à l'appui de sa demande de sa présence au travail pendant cette période pendant huit jours, versant aux débats les réclamations qu'il a faite à ce sujet les 30 septembre et 6 octobre 2016 .

Les AGS, font état sans en justifier d'une fermeture de la société et d'un arrêt de toute activité pendant tout le mois d'août tout en reconnaissant de manière contradictoire, la réalisation d'un travail effectif de cinq jours sur cette période ayant justifié le versement d'un salaire de 1 574,23 euros.

Le mandataire liquidateur de la société Metba n'apporte aucun élément et ne répond donc pas utilement à ceux présentés par le salarié.

Le jugement doit en conséquence être infirmé, et il doit être alloué à M. [P] la somme de 798,52 euros à titre de rappel de salaire et 79,85 euros au titre des congés payés afférents.

S'agissant de la période d'octobre 2016, le salarié présente à l'appui de sa demande des courriers électroniques et des devis relatifs à des appels d'offres qu'il dit avoir établis et qui ont été adressés pendant la période litigieuse (du 1er au 19 octobre).

Face à cela, les AGS soulignent que le salarié ne s'est plus présenté sur son lieu de travail, évoquent des fautes commises dans la réalisation des tâches et concluent en évoquant la prise d'acte par l'employeur de l'absence du salarié justifiant qu'il ne soit plus rémunéré jusqu'à l'expiration de son préavis.

Aucune de ces allégations n'est étayée alors que l'employeur ne verse pas d'élément venant permettre à la cour de remettre en cause la réalité d'un travail effectué par M [P] pour la société, tel qu'il ressort des documents susvisés, adressés sur la période litigieuse.

La somme de 4 222,93 euros doit être allouée de ce chef et 422,29 euros au titre des congés payés afférents.

2° sur la mise à pied conservatoire,

Il est admis que pendant la durée du préavis, les obligations réciproques de parties subsistent et l'inexécution ou l'exécution défectueuse du préavis peut constituer une faute contractuelle justifiant une interruption immédiate et la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire.

M. [P] a été licencié le 20 octobre 2016 pour motif économique, son préavis débutant selon la lettre de licenciement le lendemain et devant se terminer le 20 janvier 2017.

A raison de graves défaillances dans l'exécution de son travail, tenant notamment à des décisions prises sans consultation de l'employeur, et à des absences injustifiées, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire pour faute grave le 5 décembre 2016.

Cependant il n'est justifié d'aucune mise en oeuvre de procédure disciplinaire et il n'est pas contesté qu'il n'a reçu aucune rémunération au titre de la période de préavis qui s'est ouverte le 21 octobre 2016.

La somme de de 20 465,01 doit être allouée de ce chef et 2 046,50 euros au titre des congés payés afférents.

B- sur les remboursement de frais,

Il est admis que la charge des frais professionnels nécessaires à l'exécution du contrat de travail doivent être remboursés au salarié par l'employeur à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu que le salarié en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire.

L'article 5 du contrat de travail stipule que les frais professionnels doivent être remboursés sur présentation des justificatifs

L'AGS sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions mais ne développe sur ce point aucun moyen pour soutenir sa demande, précisant seulement qu'elle s'en rapporte à justice.

Le salarié verse aux débats les réclamations qu'il a formées auprès de son employeur et auxquelles étaient joints les justificatifs de frais exposés à hauteur de 598,34 euros.

A défaut de tout autre justificatif de dépense, le montant dû au titre de remboursement de frais sera fixé à cette somme.

C- sur la prime de vacances,

L'article 33 de la convention collective applicable prévoit une prime de vacances égale à 30 % de l'indemnité de congés payés, versée à tout cadre réunissant à la fin de l'année de référence 6 mois de présence dans l'entreprise.

Se fondant sur une absence d'activité du salarié pour la société à compter d'octobre 2016, les AGS sollicitent l'infirmation du jugement mais seulement relativement aux primes de vacances dues en considération de cette période.

Or, outre que le salarié n'était pas absent comme le soutient l'AGS mais en période de préavis, les conditions de l'article 33 précité étaient réunies dès lors que même avant octobre M.[P] avait été présent en 2016 plus de six mois dans l'entreprise sur l'année de référence.

Il doit être alloué de ce chef la somme de 3 287,64 euros.

D- sur le harcèlement moral,

Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du Code du Travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1154-1 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Enfin, pendant la période de préavis, même si le contrat de travail doit prendre fin prochainement, les parties demeurent tenues de leurs obligations respectives.

Parmi les faits présentés par M. [P], doivent être considérés comme précis et circonstanciés, les faits suivants :

- l'absence de versement des salaires dus malgré les réclamations formulées, en août puis à compter d'octobre 2016, tels qu'elle ressort des développements précédents,

- l'envoi par l'employeur pendant toute la période de préavis, d' avertissements et de reproches écrits,

- ses plaintes écrites auprès de son employeur pour déplorer les agissements dont il s'estimait ainsi victime et répondre aux accusations qui lui étaient faites (notamment son courrier recommandé du 6 décembre 2016),

- la privation des clés de l'entreprise et donc de sa possibilité d'y entrer,

Pris dans leur ensemble, ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral dès lors qu'ils ont contribué à la dégradation des conditions de travail, ce que stigmatise les courriers recommandés par lesquels le salarié a contesté auprès de son employeur, les conditions dans lesquels il était mis en cause.

Or face à cela la société n'apporte pas de justification d'éléments objectifs fondant ses décisions.

L'AGS se contente pour sa part de contester le bien fondé des demandes salariales dont il a été dit précédemment qu'elles étaient fondées.

Le harcèlement moral doit donc être considéré comme établi le jugement entrepris devant être infirmé de ce chef.

Au regard de la durée relativement brève pendant laquelle se sont déroulé les faits, il doit être alloué la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi subi.

E- sur les visites médicales d'embauche,

En application de l'article R 4624-10 tout salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail, puis en application de l'article R 4624-16 du Code du Travail d'examens médicaux périodiques.

La défaillance de l'employeur sur ce point justifie l'octroi de dommages et intérêts en fonction du préjudice dont l'existence et l'étendue doivent être établies.

Le salarié sollicite de ce chef la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en relevant, ce qui n'est pas contesté, qu'il n'a jamais bénéficié de visite médicale d'embauche et justifie du préjudice afférent en considérant que cette défaillance ne lui a pas permis de se prémunir des conséquences que son licenciement a eu sur sa santé.

Sans autre élément permettant de considérer que la somme allouée par le conseil des prud'hommes à ce titre ne répare pas l'entier préjudice subi, le montant de l'indemnité due sera fixé à 100 euros.

II- sur la rupture du contrat de travail,

A- sur le bien fondé du licenciement,

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

L'article L.1233-16 du code du travail, dispose pour sa part que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur.

Ainsi, la lettre de licenciement doit-elle mentionner à la fois l'élément causal du licenciement, à savoir la cause économique qui fonde le licenciement et l'élément matériel du licenciement, à savoir son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.

La lettre de licenciement du 20 octobre 2016, dont les termes fixent les limites du litige fait état d'une baisse conséquente du chiffre d'affaire et l'absence de commande pour les mois à venir.

Outre l'extrême imprécision de l'élément causal du motif économique, la lettre ne comporte aucune référence aux conséquences du motif retenu sur l'emploi du salarié.

A ce seul titre le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

B- sur le non respect de la procédure de licenciement.

De l'article L. 1233-15 du code du travail il résulte que la lettre de licenciement économique ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable et de l'article L. 1235-5 dans sa rédaction applicable à l'espèce, il résulte que le salarié d'une ancienneté de moins de deux ans et/ ou dont l'employeur comptait moins de onze salariés et dont le licenciement a été considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse peut prétendre à une indemnité visant à réparer le préjudice né de l'irrégularité de procédure qu'il a subie.

En l'espèce il résulte du rapprochement des dates de convocation à l'entretien préalable (20 octobre 2016) et de la lettre de licenciement (20 octobre 2016), que le délai de sept jours n'a pas été respecté.

C - sur les sommes dues,

1°- sur les dommages-intérêts pour licenciement abusif,

En application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, M. [P], dont l'ancienneté est inférieure à deux ans, peut prétendre à une indemnité pour licenciement abusif correspondant au préjudice subi.

A l'appui de sa demande formée à hauteur de 45 000 euros équivalente à 6,5 mois de salaire, le salarié justifie de son admission à l'Aide au Retour à l'Emploi jusqu'en octobre 2018.

Sans autre élément sur ce point, et au regard d'une ancienneté d'un peu plus de seize mois, il doit être alloué de ce chef la somme de 10 000 euros.

2°- sur l'indemnité légale de licenciement,

Le jugement dont il est demandé l'infirmation en toutes ses dispositions par l'AGS n'est critiqué par aucun moyen sur ce point.

Il doit être alloué de ce chef la somme de 2 228,40 euros, montant identique à celui fixé en première instance.

3°- sur les dommages-intérêts pour irrégularité de procédure,

Au regard du préjudice dont M. [P] justifie de ce chef, il y a lieu de lui allouer la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts, application de l'article L. 1235-5 précité dans sa rédaction applicable à l'espèce.

III- sur les autres demandes,

A- absence de proposition du Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP)

L'article L. 1233-6- du code du travail impose à l'employeur de proposer à tout salarié dont le licenciement économique est envisagé, un Contrat de Sécurisation Professionnelle.

Par ailleurs, la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne

peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Rien ne justifie de ce que la proposition de CRP ait été effectivement formulée auprès du salarié qui a ainsi perdu une chance d'adhérer à ce processus.

Au regard des éléments fournis, le préjudice lié à cette perte de chance doit être indemnisé à hauteur de 300 euros.

B- absence de priorité de réembauche,

Aux termes de l'art.1233-45 du code du travail le salarié licencié pour motif économique doit bénéficier d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la rupture de son contrat de travail.

L'absence de mention dans la lettre de licenciement du droit à la priorité de réembauche peut entraîner l'allocation de dommages-intérêts sous réserve de la démonstration de l'existence et de l'étendue du préjudice.

Par ailleurs, selon l'article 1235-13 du code du travail , le salarié peut obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire lorsque la priorité de réembauche n'a pas été respectée, disposition qui n'est pas applicable à d'absence de mention dans la lettre de licenciement.

M. [P] fait état de huit embauches postérieures à son licenciement en se référant à une pièce adverse qu'il ne verse pas aux débats, malgré le désistement de l'appelant et sans mettre la cour en mesure de considérer que les conditions de l'article 1235-13 précité sont réunies.

Par ailleurs il ne justifie pas d'un préjudice spécifique lié à l'absence de la mention requise dans sa lettre de licenciement.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de la demande formée de ce chef.

C- sur la remise de documents,

L'employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif par année civile, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt sans que le prononcé d'une astreinte soit à ce stade justifié.

D- sur les intérêts,

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, jusqu'à la décision ouvrant la procédure collective qui arrête le cours des intérêts en application de l'article L622-28 du code de commerce.

Dans la même limite, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil.

E- sur l'opposabilité du jugement aux AGS CGEA IDF,

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA IDF . dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail.

IV- sur la demande de condamnation de la société Metba,

Aux termes de l'article L. 625-3 du code de commerce, les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective étant poursuivies en présence des organes de la procédure u ceux-ci dûment appelés, la demande en paiement d'une créance résultant d'un contrat de travail antérieure au jugement d'ouverture est recevable dès lors que la juridiction prud'homale en est saisie avant l'ouverture de la procédure, et après celle-ci, elle doit après mise en cause des organes de la procédure, statuer sur son bien fondé et, le cas échéant, constater l'existence de la créance et en fixer le montant au passif de la procédure collective.

Les conclusions dont M. [P] a saisi la cour, en ce compris postérieurement à la mise en cause du liquidateur judiciaire de cette dernière et des AGS CGEA, et dont le dispositif est rappelé ci dessus, sollicitent la condamnation de la société METBA.

Cette demande est irrecevable en application de l'article L. 625-3 précité.

Cependant, le liquidateur judiciaire étant dans la cause, il appartient à la cour de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement.

Le jugement ayant prononcé la condamnation de la société Metba au paiement de diverses sommes doit donc être infirmé à ce titre.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M. [P] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

FIXE la créance de M. [P] au passif de la liquidation judiciaire de la société Metba aux sommes de:

- 4 222,93 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 19 octobre 2016,

- 422,29 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 465,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 046,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 598,34 euros au titre du remboursement des frais professionnels,

- 3 287,64 euros au titre des rappels de primes de vacances,

- 2 228,40 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 300 euros de dommages et intérêts pour non présentation du CSP,

- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de visite médicale,

-798,52 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d'août 2016,

-79,85 euros au titre des congés payés afférents,

- 300 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, jusqu'à la décision ouvrant la procédure collective qui arrête le cours des intérêts,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans la même limite,

DIT que l'employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif par année civile, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail,

CONDAMNE maître [C] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Metba à verser à M.[P] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

DIT que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de la société Metba.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/10416
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;18.10416 ?
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