Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 23 JUIN 2022
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09237 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6FMD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Meaux - RG n° F 17/00119
APPELANT
Monsieur [E] [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Eric ALLERIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
INTIMÉE
Société NESTLE HEALTH SCIENCE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-bénédicte VOLOIR de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente et Madame Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice
Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [E] [G] (le salarié) a été engagé le 24 septembre 1990, en qualité de directeur national des ventes par la société Nestle Health Science (la société).
La convention collective applicable à la relation de travail est celle de l'industrie pharmaceutique.
Par avenant en date du 24 avril 2013, il a été promu au poste de 'directeur commercial hôpital' classification 8 niveau B et soumis à un forfait de 214 jours, un avenant du 1er septembre 2015 fixant ses fonctions au poste de Directeur commercial groupe 9 niveau A, soumettant le salarié à un forfait annuel de 213 jours, et arrêtant sa rémunération calculée sur 13,5 mois.
L'intéressé a été placé en arrêt de travail du 1er février au 9 mars 2015.
Lors de la première visite de reprise du 10 mars 2015, il a été déclaré apte mais sous réserve d'aménagement de poste pour deux journées de télétravail par semaine pour une durée de deux mois, aménagement temporaire qu'un avenant du 12 mars 2015 venait consacrer à titre .
Le 7 mai suivant, le médecin du travail le déclarait apte au poste pour un mois.
Dans le cadre de la visite périodique du 10 juin 2015, le praticien le déclarait apte mais pour une durée de deux mois, et le 10 août suivant, l'aptitude était reconnue pour une durée d'un mois.
Du 2 novembre au 4 décembre suivant le salarié était de nouveau placé en arrêt de travail.
Lors de la visite de reprise du 9 décembre 2015 le médecin du travail le déclarait pate sous réserve d'aménagement du poste de travail, soulignant dans son avis le 'risque sous tendu de burn out'.
Le 16 décembre 2015, un avenant au contrat de travail était soumis à l'accord du salarié aux termes duquel :
- il devenait chef de mission 'accélérateur de performances'
- il était déchargé de toute responsabilité managériale et plus globalement de toute responsabilité dévolues à son poste de directeur commercial hôpital.
Après un avis du médecin du travail rendu le 9 février 2016 aux termes duquel il y a avait lieu à 'un aménagement du poste de travail pour allégement de la charge de travail' , et soulignant que 'la charge en terme de déplacement' telle que résultant de la proposition n'était pas en adéquation, la société a proposé une nouvelle description des fonctions en sollicitant que le salarié se positionne pour le 29 février suivant.
En arrêt de travail à compter de cette date et jusqu'au 24 mars suivant, le salarié informait son employeur le 8 mars 2016, que cette proposition était à ses yeux constitutive de harcèlement moral et de discrimination, le mettant en demeure 'de lui conserver ses attributions le tout en tenant compte des préconisations du médecin du travail'.
Le 10 mars 2016, il était convoqué à un entretien préalable fixé au 22 mars suivant et le 25 mars 2016, il était licencié et dispensé de l'exécution de son préavis.
Au dernier état de son emploi, la partie fixe du salaire était de 11 628,30 euros.
Contestant les conditions d'exécution de son contrat de travail en estimant notamment avoir été victime de harcèlement moral et de discrimination et remettant en cause le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, le salarié saisissait le conseil des prud'hommes de Meaux le 16 février 2017 pour faire valoir ses droits.
Par jugement du 28 juin 2018, notifié aux parties par lettre en date du 4 juillet 2018, cette juridiction a :
- constaté que M. [G] n'a été ni harcelé, ni discriminé et que la SAS Nestle Health Science a exécuté le contrat de travail loyalement et n'a pas manqué à son obligation de sécurité,
- dit que le licenciement pour mésentente de M. [G] est bien fondé,
- dit que M. [G] n'apporte pas la preuve des heures supplémentaires revendiquées,
- condamné la SAS Nestle Health Science à verser à M. [G] la somme brute de :
-12 287,07 euros au titre du solde de la contrepartie financière de la clause de non concurrence dont il conviendra de déduire la somme nette de 5 000 euros déjà versée,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,
- débouté M. [G] du surplus de ses demandes,
- débouté la SAS Nestle Health Science de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Nestle Health Science aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d'exécution du présent jugement par voie d'huissier de justice;
Par déclaration du 20 juillet 2018, le salarié a interjeté appel.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 18 janvier 2021, il demande à la Cour :
- de déclarer recevable et en tout cas bien fondé M. [G] en ses demandes et appel.
- d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Au titre de l'application à son cas particulier de la mise en 'uvre du forfait jours.
A titre principal,
- de condamner la SAS NHS à lui payer à ce titre la somme de :
- 50 000 euros à titre de rappel d'éléments de rémunération
-5 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent.
A titre subsidiaire,
- de condamner la SAS NHS à lui payer la somme de :
-50 000 euros de dommages et intérêts pour les conséquences de cette situation illicite et pour exécution déloyale du contrat de travail.
En tout état de cause,
- de condamner la SAS NHS à lui payer 69 769,80 euros sur le fondement des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail .
Au titre des conditions d'exécution de son contrat de travail :
A titre principal :
- de condamner la SAS NHS à lui payer 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice causé par le harcèlement moral dont M. [G] a été victime.
A titre subsidiaire :
-de condamner la SAS NHS à lui payer une somme de :
- 50 000 euros au titre de la réparation de ces comportements fautifs.
Sur le licenciement :
A titre principal :
- de juger que le licenciement de M. [G] est nul.
- de condamner la SAS NHS à lui payer un montant de 560 000 euros à titre d'indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant de la nullité du licenciement
A titre subsidiaire :
- de juger que le licenciement de M. [G] est sans cause réelle et sérieuse de condamner la SAS NHS à lui payer 560 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
En tout état de cause :
- d'ordonner conformément à l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement aux organismes intervenus de toutes les indemnités de chômage versées à M. [G] du jour du licenciement prononcé au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois de salaire.
Sur la discrimination :
- de juger que la SAS NHS sera condamnée à payer à M. [G] une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la discrimination dont il a été l'objet et qui est distincte de la rupture du contrat de travail.
En tout état de cause :
- de juger que pour l'ensemble des condamnations de nature indemnitaire qui seront prononcées, il sera fait application des articles 1153 (devenu 1231-6) et 1154 (devenu 1343-2) du code civil le point de départ du délai d'un an étant fixé à compter du jugement.
- de juger que les sommes ayant la nature de rémunération dont il est demandé le paiement seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine et qu'il sera fait application de l'article 1154 (devenu 1343-2) un an à compter de cette date.
- d'ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi rectifiée et du bulletin de salaire correspondant, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
- d'ordonner le remboursement des indemnités chômage sur le fondement de l'article L1235-4 du code du travail ,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile
- de condamner la SAS NHS à payer à M. [G] 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du du code de procédure civile et aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.
- de débouter la SAS NHS de sa demande de condamnation de M. [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- de condamner la SAS NHS aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par la Selarl Taze-Bernard Allerit, en la personne de Maître Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 18 décembre 2018, la société demande au contraire à la Cour de:
- confirmer le jugement rendu en première instance par le conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il a:
- constaté que M. [G] n'a pas été discriminé ni harcelé,
- constaté que la société a exécuté le contrat de travail loyalement et qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité,
- constaté que M. [G] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires revendiquées,
- dit et jugé que le licenciement pour mésentente de M. [G] est bien fondé,
- dit et jugé que les demandes de dommages et intérêts de M. [G] sont injustifiées,
En conséquence :
- débouter M. [G] de I'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [G] à verser à la société 2 000 euros au titre de I'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 3 mars 2022.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
I- sur l'exécution du contrat de travail
A- sur les forfaits jours,
1° sur la validité et l'opposabilité des forfaits jours.
Selon l'article L. 3121-43 dans sa rédaction applicable à l'espèce, devenu L.3121-58 du code du travail, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année,
- les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés,
- les salariés dont la durée du travail ne peut pas être déterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qu leur sont confiées.
La mise en place d'une convention individuelle de forfait en heures ou en jours est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif déterminant notamment le nombre d'heures ou de jours dans le forfait, et les règles de suivi de la charge de travail des salariés, ainsi que la période de référence du forfait.
A défaut d'un tel accord, la convention de forfait est nulle.
La mise en place de la convention de forfait nécessite la conclusion d'une convention individuelle de forfait passée par écrit.
La sanction du défaut d'exécution par l'employeur des dispositions de l'accord collectif prévoyant la possibilité de conclure des conventions de forfait en jours, notamment l'absence de suivi de la charge de travail du salarié, est la privation d'effet de la convention de forfait en jours.
Le salarié rappelle qu'il a d'abord signé le 24 avril 2013, un avenant à son contrat de travail fixant la durée du travail à 214 jours par an sur la base d'un accord collectif dont il n'a pas eu connaissance et que l'employeur n'a pas communiqué dans le cadre du débat judiciaire, malgré les demandes formées à ce titre, ce dont la cour doit tirer toute conséquence sur l'inopposabilité du forfait jour (sic).
Pour la période postérieure au 17 juillet 2015, date à laquelle le salarié produit un accord d'entreprise dont il ne conteste pas la conformité aux exigences légales ci-dessus rappelées, et l'avenant du 1er septembre suivant instaurant pour lui le forfait jours en référence au dit accord, il considère que le forfait lui est inopposable en ce qu'il n'a bénéficié d'aucun suivi effectif et régulier de sa charge de travail.
Sur la période antérieure au 1er septembre 2015, l'employeur ne verse aucun accord collectif conforme aux dispositions de l'article L. 3141-43 telles que ci-dessus rappelées.
Pour ce qui est de la période postérieure, les documents versés aux débats ne permettent pas de retenir que le salarié a bénéficié du suivi nécessaire sur sa charge de travail et le contrôle de l'adéquation de cette dernière avec le droit au repos dont il devait bénéficier.
En effet, les fiches d'entretiens et d'évaluation de la performance ne démontrent pas la réalité d'un suivi effectif de la charge de travail ni de l'articulation de cette dernière avec la vie personnelle du salarié alors qu'il n'y est pas fait référence à cette question, mais à la seule appréciation de la performance de l'intéressé par rapport aux objectifs fixés.
Le courrier électronique du 22 décembre 2016 dont l'employeur fait état pour démontrer que les managers étaient tenus d'intégrer dans leurs discussions avec leurs subordonnés la problèmatique de la charge de travail, de l'organisation de ce dernier et de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée est sans effet sur ce point, alors au surplus que ce document est postérieur au licenciement de M.[G] et que rien, hors mis l'affirmation qu'il contient, ne permet de le considérer comme un simple rappel.
Il en est de même du relevé versé en pièce N° 59 qui ne fait qu'opérer le décompte des jours dits de RTT, de congés et d'arrêts de travail du salarié.
En conséquence, dans la limite de la demande, les forfaits jours conclus en 2013 et en 2015 doivent être considérés comme inopposables à M.[G].
2° sur les conséquences de l'inopposabilité des forfaits-jours,
a) sur le rappel de salaire et les congés payés afférents,
Lorsque l'employeur ne respecte pas les stipulations de l'accord collectif qui avait pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jour est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, en vertu de l'article L. 3171-4 du Code du Travail, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.
A l'appui de sa demande, fixée à hauteur d'un rappel de salaire de 50 000 euros et
5 000 euros au titre de l'indemnité de congés payés, le salarié ne verse aucune pièce, reprochant à la société de n'en verser elle même aucune pour justifier des horaires effectivement réalisés et l'empêchant ainsi de pouvoir présenter ses moyens de défense.
Cependant de l'article L. 3171-4 du code du travail ci-dessus rappelé il résulte que c'est au salarié demandeur en paiement de rappels de salaire qu'il appartient en premier lieu d'apporter des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur doit pouvoir répondre utilement.
A défaut d'avoir, par la production d'élément précis, lancé utilement le débat judiciaire sur ses heures de travail effectivement accomplies, la demande de rappel de salaire et celles afférentes, en particulier celle relative à l'indemnité spécifique pour travail dissimulé doivent être rejetées et le jugement confirmé de ce chef.
b) sur la demande liée au manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution de la convention de forfait-jours,
Comme tout autre contrat, le contrat de travail s'exécute de bonne foi ce que l'article L. 1222-1 du code du travail rappelle.
En l'absence de tout suivi effectif de la charge de travail du salarié, il convient de considérer que la société a manqué à son obligation générale d'exécution de bonne foi, s'agissant des modalités qu'elle a mises en oeuvre pour l'exécution de la convention de forfait.
Il en est résulté pour M. [G] un préjudice qu'il évoque en se plaignant de la surcharge de travail dont il a été victime et qu'a accru le licenciement d'un de ses collaborateurs dont il a dû assumer le travail.
Faute de plus amples éléments il convient d'indemniser le dommage ainsi subi à hauteur de 2 000 euros.
Le jugement entrepris doit être infirmé dans cette mesure.
B- sur le harcèlement moral,
1) sur l'existence du harcèlement moral,
Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du Code du Travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Par ailleurs, aux termes de l'article 1154-1 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable à l'espèce dès lors que l'action de M. [G] a été engagée le 16 février 2017, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de sa demande le salarié présente les faits suivants :
- initialement responsable en sa qualité de directeur commercial d'une équipe composée de 3 manageurs de terrain, 27 délégués hospitaliers sous l'autorité des trois premiers et 'd'un staff localisé au siège et comprenant notamment des responsables grands comptes', l'un des trois managers de terrain a depuis février 2014 cessé d'assurer ses fonctions et a été licencié par la suite sans avoir été remplacé, la charge des fonctions de ce dernier lui ayant été confiée.
- ces nouvelles fonctions supplémentaires représentent le tiers de l'activité de la commercialisation de produits de nutrition clinique sur le territoire français mais également la gestion des collaborateurs rattachés à cette activité et la mise en oeuvre de la stratégie commerciale associée,
- a persisté l'absence de recrutement sur le poste en cause, et l'absence de toute modification sur la charge de travail postérieurement à cette nouvelle organisation même après les arrêts de travail à répétition et les avis du médecin du travail selon lesquels l'aptitude était temporaire,
- dégradation de son état de santé telle qu'elle résulte tant des certificats de son médecin traitant des 9 mars 2015 et 13 avril 2016 que des avis successifs du médecin du travail à compter du 10 mars 2015, lequel évoque le risque sous tendu de burn-out dans son avis d'aptitude du 9 décembre 2015.
- absence de toute recherche d'adaptation à son état de santé, de ses fonctions de directeur commercial pour lesquelles il a été pourtant déclaré apte avec aménagement, et proposition d'un autre poste de 'chef de mission accélérateur de performance' dont l'employeur reconnaît qu'il impliquait la décharge de toute responsabilité managériale et que le salarié analyse de ce fait comme une rétrogradation.
Pris dans leur ensemble ces faits sont de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, au regard de la concomitance de la dégradation de l'état de santé du salarié avec les autres éléments précis et concordants présentés, parmi lesquels l'insuffisance professionnelle puis l'absence d'un des trois managers non remplacé de son équipe, ainsi que la proposition d'un autre poste que celui de directeur commercial malgré la reconnaissance de son aptitude par le médecin du travail.
Dès lors il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont objectivement justifiées.
Sur la surcharge de travail, la société soutient que l'insuffisance professionnelle du responsable de zone licencié de ce fait en juillet 2015 n'a eu aucune conséquence sur la charge de travail de M. [G] dès lors que l'absence d'une personne sur une équipe de trente ne peut avoir autant de conséquence.
Cependant la qualité de manager de ce salarié défaillant n'est pas contestée et n'est pas davantage remis en cause le fait que l'équipe de M. [G] était justement constituée outre les 27 autres collaborateurs, de trois managers entre lesquels le travail était réparti par zones géographiques et qui étaient chargés de superviser l'équipe de ces 27 délégués hospitaliers, rien ne permettant de considérer que la défaillance puis l'absence d'un de ces trois responsables ait été sans conséquence pour leur supérieur hiérarchique direct, en l'espèce M. [G], et ce, quand bien même n'aurait-il pas été désigné pour exécuter les tâches de ce manager absent.
Ce d'autant que la réalité de la répartition du travail de ce collaborateur sur les deux seuls autres responsables de zone à l'exclusion de tout impact sur l'ampleur des tâches de M. [G], ne ressort d'aucun autre élément que des lettres successives adressées entre le 24 décembre 2015 et le 18 janvier 2016 par la directrice des ressources humaines laquelle procède par affirmations non autrement corroborées dans le cadre du présent litige.
En outre de ce qui précède il résulte que la société n'avait pas mis en place les moyens de contrôle et d'adaptation de la charge de travail à la vie personnelle du salarié, rien ne justifiant donc que, comme elle l'affirme, notamment dans le courrier adressé le 24 décembre 2015, que les fonctions de directeur commercial étaient exercées 'actuellement dans un cadre normal et sans stress spécifique associé'.
Quant à la proposition d'un poste de chargé de mission 'accélérateur de performance', elle ne constitue pas un aménagement du poste de directeur commercial pour lequel le salarié a été déclaré apte par le médecin du travail sous réserve d'aménagement, la société reconnaissant la modification de fonctions en résultant dès lors que le nouveau poste n'impliquait plus de responsabilités managériales, expliquant ce choix par la difficulté qu'il y aurait à aménager le poste de directeur commercial sans autrement en justifier alors même qu'un aménagement par le biais de deux jours de télétravail était intervenu pendant une durée de deux mois en mars 2015 (avenant du 12 mars 2015).
Ainsi doit il être retenu que le salarié a été victime de harcèlement moral ayant impliqué la dégradation de son état de santé et de ses conditions de travail.
Le salarié fait état en conséquence d'un préjudice devant être indemnisé à hauteur de 50 000 euros.
Au regard de la durée des faits subis, lesquels coïncident avec l'insuffisance professionnelle de son directeur de zone, que l'employeur dit avoir été embauché en 2014, et avec les événements médicaux sérieux dont il a été victime, tels qu'ils résultent des certificats du médecin traitant évoquant un infarctus du myocarde et les avis d'aptitude délivrés à titre très temporaires par le médecin du travail évoquant la nécessité d'un aménagement du poste, le montant de dommages-intérêts alloués de ce chef doit être fixé à 6 000 euros.
C - sur la discrimination,
1) sur l'existence de la discrimination à raison de l'état de santé,
L'article 1132-1 du Code du Travail inclus dans le chapitre 2 fixant les règles sur le principe de non-discrimination et inclus dans le titre III intitulé 'Discriminations', prohibe toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte à l'encontre d'un salarié, en raison notamment de son état de santé et l'article 1134-1 du même code aménage les règles de preuve pour celui qui s'estime victime de discrimination au sens du chapitre 2, l'intéressé devant alors seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte , la partie défenderesse devant prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge formant sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
A l'appui de sa demande, M. [G] présente les faits tenant à l'absence de volonté de l'employeur d'adapter son poste à son état de santé conformément aux préconisations du médecin du travail et sans justifier de l'impossibilité dans laquelle la société se trouvait de faire par exemple perdurer le recours au télétravail deux jours par semaine appliqué temporairement à compter de mars 2015.
Ces faits laissent présumer la prise en compte de l'état de santé du salarié dans la décision prise de lui proposer, bien que reconnu apte par le médecin du travail dans ses avis successifs, un autre poste que celui de directeur commercial dont rien ne justifie ainsi qu'il a été précédemment démontré, qu'il était impossible de l'aménager, cette impossibilité seulement alléguée comme constituant 'une mission délicate', n'étant pas démontrée par la référence à l'avenant du 24 avril 2013 et à la description du poste de directeur commercial, alors qu'elle avait été précédemment surmontée par le biais du télétravail.
M. [G] a donc été victime de discrimination à raison de son état de santé.
2) sur les conséquences de la discrimination à raison de l'état de santé,
Le salarié sollicite de ce fait 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Les différents échanges entre lui et la société relativement au poste qui était envisagé pour lui démontrent l'attachement du salarié à ses fonctions de directeur commercial qu'il occupait depuis 2013.
Au regard de la durée des faits subis, lesquels ont été initiés avec la première proposition faite en décembre 2015 d'un autre poste, le montant des dommages-intérêts alloués de ce chef doit être fixé à 3 000 euros.
II- sur la rupture du contrat de travail,
A- sur la nullité du licenciement,
En application de l'article L. 1152-3 du Code du Travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, tout acte contraire est nul.
En conséquence, toute rupture du contrat ayant pour origine le harcèlement moral dont le salarié a été victime est nulle.
De même , selon l'article L.1132-4 , toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre [ chapitre II : principe de non discrimination], est nul.
Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
Le salarié demande à ce que son licenciement soit déclaré nul comme étant lié à la discrimination dont il a été l'objet et également au fait d'avoir dénoncé le harcèlement moral dont il a été victime.
La lettre de licenciement lui fait grief de ses difficultés de communication avec les membres du CODIR et des désaccords croissants apparus avec ce même CODIR et ses collaborateurs.
Il lui est aussi reproché d'avoir fait obstacle à toute discussion relative à l'aménagement de son poste conformément aux préconisations du médecin du travail, les échanges intervenus ayant cristallisé un contexte conflictuel dont le salarié est dit avoir été le seul à l'origine.
Il est rappelé que la teneur des courriers du salarié n'est pas acceptable et qu'il s'est inscrit dans une stratégie de rupture, cette hostilité s'étant également exprimée avec ses collaborateurs à l'égard desquels son management est constitué de pressions constantes.
L'employeur considère que les graves désaccords ainsi que les méthodes de management ont abouti à une situation de mésentente persistante perturbant le fonctionnement de la société, le tout et l'attitude conflictuelle nécessitant le licenciement.
Cependant de ce qui précède il résulte que les modalités de proposition d'un autre poste ont été constitutives de la discrimination à raison de l'état de santé dont le salarié a été victime.
L'une des causes retenue par l'employeur à l'appui de la rupture, telles qu'elles ressortent de la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige, est d'avoir été à l'origine de la rupture de toute discussion relative à la proposition d'aménagement du poste telle qu'elle avait été formulée , les échanges intervenus ayant cristallisé un contexte conflictuel dont le salarié est dit avoir été le seul à l'origine.
Il existe donc un lien entre le licenciement et la discrimination à raison de l'état de santé justifiant le prononcé de la nullité de cette mesure.
B- sur les effets de la nullité du licenciement,
Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne réclame pas sa réintégration peut prétendre à une indemnité réparant l'intégralité de son préjudice et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce.
Agé de 61 ans, le salarié bénéficiait d'une ancienneté de 26 ans au moment de son licenciement.
Il justifie de son admission à l'Aide au retour à l'emploi à compter de février 2017 jusqu'à son admission à la retraite à son 62 ème anniversaire.
Il évoque le fait d'avoir été contraint de faire valoir ses droits cinq ans avant l'échéance qu'il s'était fixée et estime ainsi subir une perte de presque mille euros par mois.
Il soutient avoir été contraint de vendre un bien immobilier sans avoir fait la plus-value escomptée et d'être désormais dépendant du respect par ses locataires du paiement de leurs loyers relativement à un investissement immobilier l'ayant amené à contracter un prêt dans le cadre de la constitution d'une société civile immobilière.
Cependant, il ne pouvait d'une part, prétendre au maintien inéluctable de son emploi jusqu'à la date à laquelle son admission à la retraite au delà de l'âge légal lui serait apparue opportune et donc à l'indemnisation intégrale de ses pertes de salaires jusqu'à ce terme.
D'autre part, l'existence d'un lien suffisamment direct entre la vente d'un bien immobilier ou le risque de non paiement de loyers et le licenciement n'est pas établie, alors au surplus que le préjudice dont il fait ainsi état s'analyse en une perte de chance dont il est admis que la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
La combinaison de ces éléments justifie, sur la base d'un salaire mensuel fixe de 11 628,30 euros non autrement contesté, l'octroi d'une somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
III- sur le remboursement des allocations de chômage,
Les conditions d'application de l'article L. 1235 - 4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016 n'étant pas réunies au moment du licenciement nul du 25 mars 2016, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement le remboursement des allocations de chômage versées au salarié.
IV- sur les autres demandes,
L'employeur sera tenu de présenter au salarié une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt sans que le prononcé d'une astreinte soit à ce stade justifié,
Les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil.
En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M. [G] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
Le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire en l'espèce, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les demandes formées de ce chef devant être rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites des appels,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement d'un rappel de salaire, d'une indemnité de congés payés afférente, et d'une indemnité au titre du travail dissimulé,
INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés :
DIT inopposable la convention de forfait,
DIT nul le licenciement,
CONDAMNE la société Nestlé Health Science France à verser à M. [G] les sommes de :
- 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination à raison de l'état de santé,
- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail relativement à la convention de forfait-jours,
- 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
DIT que ces sommes, à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DIT que l'employeur sera tenu de présenter au salarié une attestation Pôle Emploi conforme aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,
DIT n'y avoir lieu à ordonner le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié,
DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1154 devenu l'article 1343-2 nouveau du code civil,
CONDAMNE la société Nestlé Health Science France à verser à M. [G] 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
CONDAMNE la société Nestlé Health Science France aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE