Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 22 JUIN 2022
(n° 2022/ , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01190 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBPG
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 - TJ de CRETEIL
DEMANDEUR
Madame [P] [K] épouse [X]
née le 10 Mars 1969 à [Localité 3] (94)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée et plaidant par Me Dominique TROUVE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 30
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIEr-CAYOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis le 20.05.2022.
ARRÊT :
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
[V] [J], né le 12 juillet 1935 à [Localité 5], de nationalité française, veuf en uniques noces de Mme [L] [N] [O] [B], et non remarié ni soumis à un pacs ou partenariat, en son vivant retraité, demeurant [Adresse 1], est décédé à [Localité 4] le 21 septembre 2021, sans laisser aucun ascendant, descendant, ni aucun héritier à réserve.
Un acte de notoriété a été dressé le 14 octobre 2021 par Me [I] [C].
Aux termes de quatre testaments olographes en date du 07 février 2018, du 27 septembre 2018, du 02 octobre 2019 et du 02 mai 2021, [V] [J] a institué Mme [P] [K] son légataire universel.
Me [C] a fait publier un avis de saisine de légataire universel le 27 octobre 2021 (délai d'opposition article 1007 du code civil dans le Journal Spécial des Sociétés).
Le 28 octobre 2021 une opposition a été reçue en l'étude de Me [C].
Mme [P] [K] a sollicité devant le président du tribunal judiciaire de Créteil son envoi en possession.
Par une ordonnance du 13 décembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Créteil a rejeté sa requête en raison de la contestation sérieuse opposée.
Mme [P] [K] a interjeté appel de cette ordonnance par courrier daté du 27 décembre 2021, reçu le 28 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil.
Aux termes de son courrier daté du 27 décembre 2021 adressé au président du tribunal judiciaire de Créteil et reçu le 28 décembre 2021, Mme [P] [K] formait appel de l'ordonnance du 13 décembre 2021 au fondement de la motivation suivante :
-l'article 1008 du code civil a été abrogé et le recours à l'envoi en possession judiciaire n'est plus requis que lorsqu'il y a opposition au legs, donc la seule opposition au legs ne peut être un motif en soi de refus d'envoi en possession puisque c'est cette opposition qui justifie la requête,
-le juge ne doit se prononcer que sur la régularité apparente du testament (date écriture, signature),
-l'envoi en possession ne fait pas obstacle à la possibilité d'exercer une action judiciaire ultérieure en contestation de la validité du testament, il appartient donc à celui qui fait opposition de contester le testament en justice.
Le président du tribunal judiciaire de Créteil a refusé de se rétracter le 28 décembre 2021 et l'appel a été transmis à la cour d'appel.
Le Ministère Public est d'avis de confirmer l'ordonnance eu égard à l'enquête pénale en cours sur des faits dont [V] [J] a été victime.
L'affaire a été appelée à l'audience le 25 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Lorsque le titre testamentaire n'a pas été passé en la forme authentique, mais résulte d'un testament olographe ou mystique, il est soumis à l'exigence de l'envoi en possession, mais uniquement pour les successions ouvertes avant le 1er novembre 2017.
En effet, l'article 44 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a remanié le régime applicable à l'envoi en possession .
L'article 1008 du code civil a été abrogé, mettant ainsi fin à la mise en 'uvre de la procédure d'envoi en possession du légataire universel désigné par testament olographe ou mystique, en l'absence d'héritiers réservataires.
Le notaire est amené à vérifier les conditions de la saisine du légataire au regard de son caractère universel et de l'absence d'héritiers réservataires, le contrôle étant désormais extra-judiciaire.
L'article 1007 du code civil est ainsi rédigé :
« Tout testament olographe ou mystique sera, avant d'être mis à exécution, déposé entre les mains d'un notaire. Le testament sera ouvert s'il est cacheté. Le notaire dressera sur-le-champ procès-verbal de l'ouverture et de l'état du testament, en précisant les circonstances du dépôt. Dans le cas prévu à l'article 1006, le notaire vérifiera les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l'absence d'héritiers réservataires. Il portera mention de ces vérifications sur le procès-verbal. Le testament ainsi que le procès-verbal seront conservés au rang des minutes du dépositaire.
Dans le mois qui suivra la date du procès-verbal, le notaire adressera une expédition de celui-ci et une copie figurée du testament au greffier du tribunal judiciaire du lieu d'ouverture de la succession, qui lui accusera réception de ces documents et les conservera au rang de ses minutes.
Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s'opposer à l'exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu du même article 1006. En cas d'opposition, ce légataire se fera envoyer en possession. Les modalités d'application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d'État ».
Cependant, en cas d'opposition formée au visa de l'article 1007 du code civil pour les successions ouvertes après le 1er novembre 2017, le légataire doit solliciter un envoi en possession comme antérieurement et suivre la même procédure.
En l'espèce, le premier juge a à juste titre retenu que le notaire, Maître [C], avait reçu le 28 octobre 2021 une opposition du neveu de [V] [J], Monsieur [Z] [J], à l'exercice de ses droits par le légataire universel en application des dispositions de l'article 1007 alinéa3 du code civil.
Toutefois, la seule opposition au legs n'est pas un motif en soi de refus de l'envoi en possession puisque, désormais, c'est précisément dans l'hypothèse de l'existence d'une opposition que le juge doit être saisi.
La demande d'envoi en possession impose au juge un contrôle de la vérification externe de la validité apparente et de la sincérité de l'écriture du testament. Le juge ainsi saisi ne peut fonder un refus sur des éléments ou des circonstances extrinsèques, notamment pas en étudiant, au fond, la licéité de l'acte. Il n'entre pas dans la mission du juge saisi d'une demande d'envoi en possession de rechercher un éventuel vice du consentement, ou insanité d'esprit, ou incapacité du testateur.
En l'espèce, il n'existe aucune contestation portant sur un élément intrinsèque au testament : date du document, identité du scripteur ou authenticité de la signature, caractère équivoque de l'institution universelle ou doute quant au bénéficiaire.
Si, en cause d'appel, le ministère public a confirmé l'existence d'une enquête pénale en cours sur des fait dont le testateur aurait été victime de la part de la requérante, qui ont été signalés au Procureur de la République de Créteil par l'assistante sociale de l'établissement dans lequel il était hospitalisé, puis par Monsieur [Z] [J] le 25 février 2020, le 27 janvier 2021 et le 16 février 2021, et qui ont d'ores et déjà conduit le juge des tutelles du tribunal de proximité de Nogent sur Marne, saisi par Procureur de la République de Créteil, à placer [V] [J] sous sauvegarde de justice par ordonnance du 2 avril 2021 avant de le placer sous curatelle renforcée par décision du 22 juin 2021, ces éléments, extrinsèques au testament, ne sont pas de nature à empêcher l'envoi en possession.
Il appartient à l'opposant, le cas échéant, d'agir en nullité du testament.
Par suite, l'ordonnance entreprise sera infirmée et il sera fait droit à la demande d'envoi en possession.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l'ordonnance entreprise,
Y substituant,
Ordonne l'envoi en possession de Madame [P] [K] en sa qualité de légataire universelle de [V] [J] selon testament en date du 2 mai 2021.
Laisse les dépens à la charge de l'appelante.
Le Greffier, Le Président,