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22/06/2022 | FRANCE | N°20/02044

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 22 juin 2022, 20/02044


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 22 JUIN 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02044 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBL5I



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/09326





APPELANTE



Madame [B] [J] née le 19 février 1953 à [Localité 3

] (Algérie),



[Adresse 4]

[Localité 3] (ALGERIE)



représentée par Me Stéphanie CALVO, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : A0599

assistée de Me Nohra BOUKARA, avocat ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 22 JUIN 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02044 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBL5I

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/09326

APPELANTE

Madame [B] [J] née le 19 février 1953 à [Localité 3] (Algérie),

[Adresse 4]

[Localité 3] (ALGERIE)

représentée par Me Stéphanie CALVO, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : A0599

assistée de Me Nohra BOUKARA, avocat plaidant du barreau de STRASBOURG

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2022, en audience publique, l'avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 13 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, dit que Mme [B] [J], née le 19 février 1953 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française, l'a déboutée de sa demande tendant à voir ordonner au service d'état civil de Nantes de procéder à la transcription de ses actes d'état civil, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, l'a déboutée de ses demandes formulées sur le fondement des articles 700 et 699 du code procédure civile et l'a condamnée aux dépens;

Vu la déclaration d'appel en date du 23 janvier 2020 et les dernières conclusions notifiées le 24 mars 2022 par Mme [B] [J] qui demande à la cour d'annuler le jugement, d'ordonner le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire, et à défaut statuer à nouveau comme il est dit ci-après, subsidiairement d'infirmer le jugement, de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de dire qu'elle est de nationalité française par filiation depuis la naissance, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner le Trésor public au titre des articles 700 et 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 avril 2022 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 mars 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 14 mai 2020.

Sur l'annulation du jugement

Moyens des parties

Mme [B] [J] soutient que les premiers juges ont violé le principe de la contradiction en en estimant que le lien de filiation entre son père et sa grand-mère paternelle n'était pas établi par des documents probants, faute de traduction des cachets apposés sur l'acte de mariage de sa grand-mère et sur le jugement du 12 avril 1997 alors que ce moyen n'avait pas été soulevé par le ministère public.

Le ministère public n'a pas formulé d'observation sur ce point.

Réponse de la cour

En retenant l'absence de traduction du cachet arabe figurant sur l'acte de mariage de [S] [Z] et [H] [J] et sur le jugement du 12 avril 1997 ayant ordonné la transcription du mariage de ces derniers pour considérer que l'appelante ne justifiait pas d'une chaîne de filiation interrompue à l'égard de [S] [Z] dont elle disait tenir la nationalité française, les premiers juges ont procédé à une analyse des pièces qui leur étaient soumises, usant de leur pouvoir d'appréciation. L'appelante est donc mal fondée à demander l'annulation du jugement pour violation du principe de la contradiction.

Sur la nationalité de l'intéressée

Mme [B] [J] soutient avoir conservé la nationalité française à l'indépendance de l'Algérie pour être la petite-fille de [S] [Z], laquelle relevait du statut civil de droit commun.

Mme [B] [J] n'étant pas titulaire d'un certificat de nationalité, en application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il lui appartient de rapporter la preuve de sa nationalité en établissant que [S] [Z] dont elle dit tenir la nationalité française relevait du statut civil de droit commun et en justifiant d'une chaîne de filiation légalement établie entre elle et [S] [Z] au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Les certificats de nationalité française délivrés aux membres de sa famille n'ont pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur l'intéressée. En effet, aux termes de l'article 30 du code civil, seul le titulaire du certificat de nationalité peut s'en prévaloir, cette limitation procédant de la nature même du certificat, qui ne constitue pas un titre de nationalité mais un document destiné à faciliter la preuve de la nationalité française, dont la délivrance dépend des éléments produits par le requérant à l'appui de sa demande et de l'examen par un agent administratif de sa situation individuelle au regard du droit de la nationalité.

Les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements français d'Algérie sont régis par l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966, dont les dispositions sont codifiées aux articles 32-1 et 32-2 du code civil. Il résulte de ces textes que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie le 3 juillet 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française, alors que les Français de statut de droit local originaires d'Algérie qui se sont vus conférer la nationalité de cet État ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf s'ils justifient avoir souscrit la déclaration récognitive prévue aux articles 2 de l'ordonnance précitée et 1er de la loi du 20 décembre 1966.

L'article 32-1 du code civil dispose que « Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ».

Selon l'article 32-2 du même code, « La nationalité française des personnes de statut civil de droit commun, nées en Algérie avant le 22 juillet 1962, sera tenue pour établie, dans les conditions de l'article 30-2, si ces personnes ont joui de façon constante de la possession d'état de Français ».

Il ressort de l'acte de naissance de Mme [B] [J] qu'elle est née le19 février 1953 à [Localité 3] (Algérie) d'[V] [J], âgé de 29 ans et de [W] [F], âgée de 23 ans, l'acte ayant été dressé sur déclaration du père.

Le ministère public ne critique ni la force probante de l'état civil de Mme [B] [J] ni son lien de filiation à l'égard d'[V] [J]. Il ne conteste pas non plus la force probante de la copie délivrée le 22 mars 2012 de l'acte de naissance détenu par le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères de [V] [J] mentionnant qu'il est né le 9 février 1924 à [Localité 5] (Algérie) de [H] [J], né le 9 février 1897 et de [S] [Z], né le 22 juin 1898 à [Localité 6], son épouse, l'acte ayant été dressé sur déclaration du père.

En revanche, le ministère public conteste le lien de filiation de [V] [J] à l'égard de [S] [Z] en faisant valoir d'une part que l'acte de mariage de ses parents ([S] [Z] et [H] [J]) ne comporte ni le code barre ni le nom de l'officier d'état civil qui a délivré la copie et d'autre part, que le jugement ayant ordonné la transcription de leur mariage est inopposable en France, pour être contraire à l'ordre public international, faute de motivation.

Mais en premier lieu, l'appelante produit une copie de l'acte de mariage de [S] [Z] et [H] [J] délivrée le 20 mars 2022 par [C] [D], officier d'état civil de [Localité 3] indiquant que le mariage a été célébré en 1918, l'acte ayant été dressé à la suite d'un jugement rendu le 12 avril 1997 par le tribunal de [Localité 3]. Cette copie comporte un code barre ainsi que le nom de l'officier d'état civil qui a délivré l'acte et est donc conforme aux dispositions algériennes sur l'état civil.

En second lieu, s'agissant du jugement rendu le 12 avril 1997 dont la régularité internationale doit être appréciée au regard de la convention franco algérienne relative à l'exequatur et à l'extradition du 29 août 1964, son dispositif ordonne « la confirmation de l'acte de mariage coutumier conclu devant un groupe de musulmans à [Localité 3] courant de l'année 1918 entre le défunt [H] [J], né le 9 février 1897 à [Localité 3], fils d'Omar, et la défunte [S] [Z] née le 22 juin 1898 à [Localité 6] fille de [G] ». Par jugement du 5 mai 2016, le jugement du 12 avril 1997 a été rectifié en raison d'une erreur matérielle entachant les seuls motifs. Contrairement à ce que soutient le ministère public, ces deux jugements sont motivés dès lors qu'ils relatent qu'une enquête a été effectuée, que les requérants ont produit une attestation de non inscription de mariage et une attestation de deux témoins ayant assisté au mariage intervenu entre le défunt [H] [J] la défunte [S] [Z]. Nonobstant l'âge des témoins lors du jugement rendu en 1997, il n'appartient pas à cette cour de substituer sa propre appréciation de la valeur des éléments de preuve à celle des juges algériens, sous peine de procéder à une révision au fond de ce jugement, laquelle est interdite. Le jugement du 12 avril 1997 est donc opposable en France.

Le ministère public soutient enfin que Mme [B] [J] ne produit aucun élément quant à la filiation de [S] [Z] permettant d'établir l'origine de ses ascendants et qu'elle relevait ainsi du statut civil de droit commun.

Mais, en premier lieu Mme [B] [J] produit l'acte de naissance de [S] [Z] indiquant qu'elle est née le 22 juin 1898 à [Localité 6] de [Y] [Z] et [S] [X] (pièce 12 de l'appelante) dont la force probante n'est pas contestée par le ministère public.

En outre, comme l'appelante le soutient, à supposer que [S] [Z] ne relève pas du statut civil de droit commun en tant que personne descendante d'ascendante métropolitaine, elle est française en application de l'article 8, 4° de la loi du 26 juin 1889 aux termes duquel est Français tout individu né en France d'un étranger et qui à l'époque de sa majorité est domicilié en France à moins que dans l'année qui suit sa majorité, telle qu'elle est réglée par la loi française, il n'ait décliné la qualité de Français et prouvé qu'il a conservé la nationalité de ses parents par une attestation en due forme de son gouvernement. En effet, [S] [Z] est née en France et y était domiciliée à sa majorité, comme en atteste son mariage en 1918 et la naissance de ses enfants en 1919, 1924 et 1928 (pièce 5 de l'appelante).

L'appelante justifiant d'une chaîne de filiation jusqu'à [S] [Z], de nationalité française, est elle-même de nationalité française. Le jugement est infirmé.

Les dépens seront supportés par le Trésor public.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Rejette la demande de nullité du jugement,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [B] [J], née le 19 février 1953 à [Localité 3] (Algérie), est de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/02044
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;20.02044 ?
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