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22/06/2022 | FRANCE | N°19/12524

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 22 juin 2022, 19/12524


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 22 JUIN 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12524 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFMV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/07094





APPELANTE



Madame [Z] née le 28 décembre 1963 à [Localité 4] (In

de),



[Adresse 1]

[Adresse 1].

INDE



représentée par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599





INTIME



LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de M...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 22 JUIN 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12524 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFMV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/07094

APPELANTE

Madame [Z] née le 28 décembre 1963 à [Localité 4] (Inde),

[Adresse 1]

[Adresse 1].

INDE

représentée par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2022, en audience publique, l'avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 25 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté la régularité de la procédure au regard de l'article 1043 du code de procédure civile, dit que Mme [Z], se disant née le 28 décembre 1963 à [Localité 4] (Inde), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et l'a condamnée aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 20 juin 2019 et les dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2021 par Mme [Z] qui demande à la cour de réformer le jugement, de dire qu'elle est de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 18 février 2021 par le ministère public qui demande à titre principal à la cour de déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté par Mme [Z], puis à titre subsidiaire, de confirmer le jugement, de dire que l'appelante n'est pas de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et à titre très subsidiaire, de juger qu'elle a perdu la nationalité française le 17 août 2012 et de la condamner aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 avril 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 16 février 2021 par le ministère de la Justice. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

Sur la recevabilité de l'appel

Moyens des parties

Le ministère public soutient que l'appelant ne pouvait valablement relever appel que jusqu'au 27 mars 2019, la signification du jugement ayant été effectuée le 27 décembre 2018 et qu'en conséquence, l'appel interjeté le 20 juin 2019, est irrecevable.

Mme [Z] soutient que son appel est recevable en raison des dispositions applicables aux significations faites en Inde en vertu de la convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaire et extra-judiciaires en matière civile et commerciale et que la signification du jugement ayant été transmise le 21 mars 2019 au District Munsif's Court, le point de départ du délai d'appel est le 21 mars 2019 et non le 18 décembre 2018.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 684 du code de procédure civile, l'acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement européen ou un traité international autorise l'huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'Etat de destination.

L'article 687-2 du même code réglant la question de la date de notification à l'égard du destinataire de l'acte n'ayant été introduit que par le décret n°2019-402 du 3 mai 2019, n'est pas applicable à l'espèce.

Mais, il résulte de l'article 684 précité que la date de signification d'un jugement à l'adresse indiquée dans celui-ci, selon les modalités de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, est, à l'égard de son destinataire, celle à laquelle l'autorité étrangère compétente lui a remis l'acte. Lorsque cet acte n'a pu lui être remis, la signification est réputée faite à la date à laquelle l'autorité étrangère compétente a établi l'attestation conforme à la formule modèle annexée à la Convention précisant le fait qui aurait empêché l'exécution.

En l'espèce, le 18 décembre 2018, l'huissier de justice a adressé, par lettre recommandé avec avis de réception, la notification du jugement à l'autorité compétente indienne désignée aux termes de la convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (ministère de la loi et de la justice indien) pour signification à Mme [Z].

Le cachet apposé sur l'acte de notification atteste qu'il a été reçu le 21 mars 2019 par le « District Munsif's court Nannilam, députy Nazir ».

L'attestation établie conformément à la formule modèle annexée à la Convention, en application de l'article 6, alinéa 1, relatant l'exécution de la demande de signification et indiquant la forme, le lieu et la date de l'exécution ainsi que la personne à laquelle l'acte a été remis, en application de l'article 6, alinéa 2, ou précisant le fait qui aurait empêché l'exécution de la demande, n'est pas produit par le ministère public. Ainsi, il n'est pas établi que l'acte a été remis à Mme [Z].

Le délai d'appel n'a donc pas valablement couru à l'égard de l'appelante, de sorte que son appel est recevable.

Sur le fond

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil.

Il appartient ainsi à l'appelante qui ne dispose pas d'un certificat de nationalité française de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

Mme [Z] argue qu'elle est de nationalité française par filiation maternelle, sa mère, Mme [V] ayant été déclarée française par jugement rendu le 19 mars 2010 par le tribunal de grande instance de Paris.

Le ministère public lui oppose l'article 30-3 du code de procédure civile qui dispose que : « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français ». Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

Le délai d'un demi-siècle de résidence à l'étranger s'apprécie au jour de l'introduction de l'action déclaratoire de nationalité française.

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a dit en conséquence, dans son arrêt rendu le 13 juin 2019 (pourvoi n°18-16.838, publié), que « la solution retenue par l'arrêt du 28 février 2018 (1ère Civ., pourvoi n° 17-14.239) doit, donc, être abandonnée ».

Cet article empêche l'intéressée, si les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation. Dès lors qu'il ne suppose pas que la nationalité de l'intéressée soit établie préalablement mais seulement qu'elle soit revendiquée par filiation, la désuétude doit être examinée à titre principal.

En l'espèce, l'appelante a déclaré avoir son domicile en Inde tant en première instance qu'en appel. Elle ne prétend pas avoir fixé sa résidence en France. Elle ne justifie pour lui-même d'aucun élément de possession d'état de Français.

Il n'est pas non plus allégué que sa mère dont elle dit tenir la nationalité française aurait résidé en France.

S'agissant de la possession d'état de Français de sa mère, elle soutient que celle-ci est caractérisée par le jugement rendu le 19 mars 2010 par le tribunal de grande instance de Paris la déclarant française, et qu'en raison de l'effet rétroactif attaché à ce jugement, il est considéré comme français depuis sa naissance. Mais, le jugement rendu le 19 mars 2010, même s'il a été rendu durant la période antérieure au 17 août 2012, lendemain de la date anniversaire des 50 ans de l'entrée en vigueur du Traité de cession par la France à l'Inde, des Etablissements français de [Localité 7], [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 8], signé le 28 mai 1956, entre la République française et l'Union indienne, constitue un titre de nationalité, qui ne suffit pas à caractériser une possession d'état de Français durant la période antérieure au 17 août 2012 dès lors qu'il n'établit pas que Mme [V] s'est comportée comme une Française et qu'elle a été traitée comme telle par l'Etat français dans le passé. Or, l'appelante ne produit aucune autre pièce pour établir la possession d'état de Française de sa mère.

Les conditions de l'article 30-3 étant donc remplies, l'appelante n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française. Elle est réputée avoir perdu la nationalité française à la date du 17 août 2012. Le jugement est infirmé en ce qu'il a dit que Mme [Z] n'était pas de nationalité française.

Mme [Z], succombant à l'instance, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Dit que l'appel de Mme [Z] est recevable,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que que Mme [Z], se disant née le 28 décembre 1963 à [Localité 4] (Inde), n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française,

Dit que que Mme [Z], se disant née le 28 décembre 1963 à [Localité 4] (Inde), est réputée avoir perdu la nationalité française le 17 août 2012,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [Z] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/12524
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;19.12524 ?
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