COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
No RG 21/19190 - No Portalis 35L7-V-B7F-CETK2
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 03 Novembre 2021
Date de saisine : 08 Novembre 2021
Nature de l'affaire : Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Décision attaquée : no18/11040 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris le 14 Septembre 2021
Appelante :
Société SMABTP en qualité d'assureur de la société LEVAUX, aux droits de laquelle venait la société ACH CONSTRUCTION, Prise en la personne de son président du conseil d'administration,
Asssitée de Me Laurence BROSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0449
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 - No du dossier 20210633
Intimés :
Monsieur [I] [F],
Monsieur [T] [P],
M.A.F.- MLUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, agissant en la personne de son Directeur Général,
Assistés de Me Jacqueline OCTON, avocat au barreau de PARIS, toque : G706, substituant Me Sophie TESSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : G706
Représentés par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653 - No du dossier 20210267
S.A. ALLIANZ IARD recherchée en qualité d'assureur de la société HUGENSCHMITT,
Assistée et représentée par Me Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0675 - No du dossier 7030
S.A. ALLIANZ IARD, venant aux droits du GAN EUROCOURTAGE, recherchée en qualité d'assureur de la société SFP,
Représentée par Me Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0675 - No du dossier 7030
Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES, dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux (assureur de lasociété NOVIAS).,
Assistée et représentée par Me Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133 - No du dossier ARE8594J
Etablissement Public DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE,
Représenté par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337 - No du dossier 2016.133
FONDATION NATIONALE DE TRANSFUSION SANGUINE "FNTS" Pris en la personne de son représentant légal,
Non assistée, non représentée (régulièrement assignée)
S.A. GENERALI IARD, agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général prise en sa qualité d'assureurde la Société DEKRA INDUSTRIAL.,
Assistée de Me Gwenael HUET, avocat au barreau de PARIS, toque : A158
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque: L0018 - No du dossier 41250
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
( 5 pages)
Nous, Valérie GEORGET, magistrat en charge de la mise en état,
Assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier,
FAITS ET PROCEDURE
Le département de l'ESSONNE, maître d'ouvrage, a entrepris la construction d'un collège situé [Adresse 2].
Pour cette opération, la société d'Economie Mixte d'Aménagement BURES ORSAY (SAMBOE) est intervenue en qualité de mandataire du maître d'ouvrage.
Ont notamment participé à l'acte de construire l'équipe de maîtrise d'oeuvre composée de :
- deux architectes, Monsieur [F] et Monsieur [P], étant observé que Monsieur [F] était le mandataire commun du Groupement de maîtrise d'oeuvre ;
- bureaux d'études techniques : la société SOMETE (BET STRUCTURES), la société BRI (BET FLUIDES), Monsieur [V] (BET ACOUSTIQUE) et la société AGENCE CBK HOTELLERIE (BET CUISINISTE).
Ces intervenants sont assurés auprès de la MAF.
La société AFITEST - aux droits de laquelle est venue la société NORISKO puis la société DEKRA INDUSTRIAL - est intervenue en qualité de Bureau de Contrôle, assurée auprès de la société GENERALI.
Suivant acte d'engagement du 24 juillet 2001, la société LEVAUX est intervenue en qualité d'entreprise générale.
La société LEVAUX a fait appel à des sous-traitants :
- société SFP (liquidée) : lot « protections solaires extérieures et occultations » suivant devis accepté le 25 juin 2002, assurée auprès du GAN ;
- société NOVIAS (liquidée) : lot « étanchéité et couverture zones 2 et 3 sauf salle audiovisuelle dans la zone 3 » suivant devis accepté le 23 novembre 2001, assurée auprès de la société AREAS dommages ;
- société ILISS (liquidée) : lot « revêtements des sols durs » suivant proposition acceptée le 17 avril 2002, assurée auprès de la MAAF ASSURANCES SA ;
- société EIF : lot « couverture zone 1 et salle audiovisuelle zone 3 » suivant devis accepté le 23 novembre 2001;
- société LEUILLET : lot « menuiseries extérieures, mur rideau, bardage, hors protections solaires extérieures et occultations » suivant devis accepté le 9 octobre 2001.
La réception est intervenue le 8 juillet 2003 à effet au 31 décembre 2002, avec réserves.
Par procès-verbal du 8 juillet 2003, les réserves ont été levées, à l'exception de celles relatives à la reprise des enrobés.
Au cours de l'année 2004, le département de l'ESSONNE s'est plaint de l'apparition de divers désordres.
Par ordonnance de référé du tribunal administratif de Versailles du 15 avril 2008 , M. [C] a été commis en qualité d'expert judiciaire.
Par ordonnance de référé du 4 septembre 2008, les opérations d'expertise ont notamment été rendues communes et opposables aux parties suivantes :
- La société SFP et son assureur, le GAN ;
- La compagnie AREAS DOMMAGES, recherchée en qualité d'assureur de la société NOVIAS ;
- La compagnie MAAF ASSURANCES, recherchée en qualité d'assureur de la Société ILISS ;
- La société HUGENSCHMITT (liquidée) et son assureur, la société AGF aux droits de laquelle vient désormais la compagnie ALLIANZ IARD ;
- La société EIF ;
- La société LEUILLET.
La société LEVAUX nouvellement dénommée ACH CONSTRUCTION a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 25 juin 2012.
M. [C] a déposé son rapport d'expertise le 8 mars 2013.
Le département de l'ESSONNE a, par requête introductive d'instance saisi le tribunal administratif de VERSAILLES le 17 novembre 2014.
Par jugement du 12 février 2018, le Tribunal administratif de VERSAILLES a, entre autres dispositions, condamné M. [F], M. [P], les sociétés SOMETE, BRI, DEKRA et LEVAUX à payer au département de L'ESSONNE diverses sommes en indemnisations de ses préjudices.
Le département de l'ESSONNE a, par acte du 13 avril 2018, saisi le tribunal de grande instance de PARIS afin d'obtenir la garantie de la SMABTP, recherchée en qualité d'assureur de la société LEVAUX.
MM [F] et [P] ont assigné, à leur tour, par exploit d'huissier du 5 juin 2018, dans le cadre de leurs recours en garantie, la SMABTP (en sa qualité d'assureur de la société LEVAUX) et GENERALI IARD (en sa qualité d'assureur de NORISKO).
La SMABTP a appelé en garantie la compagnie AREAS DOMMAGES, recherchée en qualité d'assureur de la société NOVIAS, la société ALLIANZ IARD, recherchée en qualité d'assureur de la Société HUGENSCHMITT, la MAAF ASSURANCES SA, recherchée en qualité d'assureur de la Société ILISS et le GAN ASSURANCES, recherché en qualité d'assureur de la Société SFP.
La société GENERALI IARD (en sa qualité d'assureur de NORISKO) a, assigné en garantie la MAF, en sa qualité d'assureur de MM [F] et [P].
Ces affaires ont été jointes.
Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
? DECLARE irrecevable l'action en garantie de la SMABTP contre la société ALLIANZ en qualité d'assureur de la société HUGENSCHMITT ;
? DECLARE irrecevable l'action en garantie de la SMABTP contre la société AREAS DOMMAGES en qualité d'assureur de la société NOVIAS ;
? CONDAMNE in solidum la SMABTP en qualité d'assureur de la société LEVAUX, Monsieur [F], Monsieur [P] à payer la somme de 4.168,39 € au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE ;
? CONDAMNE la SMABTP à payer au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE la somme de 119 533 € ;
? CONDAMNE la SMABTP à payer au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE la somme de 30 777,86 € ;
? DEBOUTE MM [F] et [P] et la MAF de leur demande d'appel en garantie à l'encontre de la société GENERALI ;
? CONDAMNE la SMABTP à garantir Messieurs [F] et [P] et la MAF à hauteur de 915,94 € ;
? DEBOUTE la société GENERALI de sa demande en paiement in solidum de la somme de 3 252,43 € à Monsieur [F], Monsieur [P] et la MAF ;
? CONDAMNE la SMABTP, en qualité d'assureur de la société LEVAUX, à payer à la société GENERALI la somme de 541 654,14 € ;
? DÉBOUTE la société ALLIANZ de sa demande d'intervention volontaire en qualité d'assureur de la société SFP ;
? DÉBOUTE la demande de condamnation in solidum de la Société SFP et de la société GAN ASSURANCES à verser à la SMABTP la somme de 3 800 € au titre des désordres relatifs à la chute des stores extérieurs ;
? DÉBOUTE la SMABTP de sa demande en paiement à la société LEUILLET de la somme de 141.456 € ;
? CONDAMNE la société MAAF, en sa qualité d'assureur de la société ILISS à verser à la SMABTP la somme de 4.019 € au titre des désordres relatifs aux fissurations et décollement des carrelages ;
? DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
? CONDAMNE la SMABTP à payer au DÉPARTEMENT DE L'ESSONNE la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
? CONDAMNE la SMABTP à payer la somme de 1.500 € à la société GENERALI au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
? CONDAMNE la société MAAF à payer à la SMABTP la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
? DÉBOUTE pour le surplus la SMABTP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
? DÉBOUTE la société MAAF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
? CONDAMNE in solidum la SMABTP, Monsieur [F], Monsieur [P] et la MAF aux entiers dépens ;
? AUTORISE le recouvrement direct des dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;
? ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 3 novembre 2021, la SMABTP a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions d'incident, la SMABTP a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir :
- juger que la fin de non-recevoir qu'elle soulève est recevable ;
- juger que l'action de la société Generali, de MM [F] et [P] et de la MAF sont prescrites ;
- déclarer irrecevables les demandes formées par la société Generali, MM [F] et [P] et de la MAF ;
- déclarer irrecevables les demandes formées par la société Generali, MM [F] et [P] et de la MAF contre la SMABTP ;
- débouter la compagnie Aréas dommages, en sa qualité d'assureur de la société Novias, la société Allianz Iard, en sa qualité d'assureur de la société Hugenschmitt, la société Generali, MM [F] et [P] et la MAF de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner in solidum la société Areas dommages, en sa qualité d'assureur de la société Novias, la société Allianz Iard, en sa qualité d'assureur de la société Hugenschmitt, la société Generali, MM [F] et [P] et la MAF à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MM [F], [P] et la MAF, s'en rapportent sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non-recevoir, et lui demandent de :
- constater que la cour n'est pas saisie de la question de la prescription de leur action, non mentionnée dans les chefs du jugement critiqués de la déclaration d'appel du 3 novembre 2021 ;
- se déclarer incompétent pour statuer sur ladite prescription ;
- juger que la SMABTP est irrecevable à soulever la prescription de l'action en garantie formée à son encontre ;
- condamner la SMABTP au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
La compagnie GENERALI IARD demande au conseiller de la mise en état de :
- à titre principal, se déclarer incompétent pour examiner la fin de non-recevoir invoquée par la SMABTP au profit de la cour statuant au fond ;
- à titre subsidiaire, rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par la SMABTP ;
- déclarer recevable l'action en paiement exercée par la compagnie Generali Iard ;
- condamner la SMABTP à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699.
La compagnie ALLIANZ Iard, ès qualités d'assureur des sociétés HUGENSCHMITT et SFP, demande au conseiller de la mise en état de se déclarer incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SMABTP. A titre subsidiaire, elle s'en rapporte à justice sur cette fin de non-recevoir. Elle demande de condamner la SMABTP à lui régler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
AREAS DOMMAGES s'en rapporte à justice sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur l'incident soulevé par la SMABTP et sur la recevabilité de l'action de GENERALI contre la SMABTP. Elle demande de rejeter toute demande dirigée contre elle et de condamner la SMABTP à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens avec application de l'article 699.
MOTIFS
Par application combinée des articles 789, 6o et 907 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Cependant, le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou le tribunal, ni celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge.
La SMABTP demande de déclarer prescrite l'action exercée par la société Generali et MM [F] et [P] et la MAF à son encontre.
Le tribunal n'a pas été saisi de cette fin de non-recevoir mais il a, entre-autres dispositions :
- condamné la SMABTP à garantir MM [F] et [P] et la MAF à hauteur de 915,94 euro ;
- condamné la SMABTP à payer à la société GENERALI la somme de 541 654,14 euros.
Le conseiller de la mise en état n'a donc pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par la société GENERALI, MM [F] et [P] et la MAF contre la SMABTP. En effet, si elle était accueillie, cette fin de non-recevoir aurait pour conséquence de remettre en cause ce qui a été jugé par le tribunal.
L'appréciation de cette fin de non-recevoir relève du pouvoir exclusif de la cour d'appel statuant au fond.
Le conseiller de la mise en état dira, en conclusion, qu'il n'a pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir soumise par la SMABTP.
Au regard de ce qui précède, les dépens de l'incident seront supportés par la SMABTP.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Disons que le conseiller chargé de la mise en état n'a pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par la société GENERALI, MM [F] et [P] et la MAF contre la SMABTP ;
Condamnons la SMABTP aux dépens de l'incident avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats pouvant y prétendre ;
Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonnance rendue par Valérie GEORGET, magistrat en charge de la mise en état assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier présent lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Paris, le 16 juin 2022
L'adjoint faisant fonction de greffier,Le magistrat en charge de la mise en état,