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16/06/2022 | FRANCE | N°19/15448

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 16 juin 2022, 19/15448


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 16 JUIN 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15448 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAO4W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2019 - Tribunal d'Instance de MELUN - RG n° 11-18-002462





APPELANT



Monsieur [I] [M]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Loc

alité 8] (ALGÉRIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté par Me Nicolas BOUSQUET, avocat au barreau de MELUN, toque : P0119





INTIMÉES



Madame [G] [F] épouse [M]

née le [Date ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/15448 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAO4W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2019 - Tribunal d'Instance de MELUN - RG n° 11-18-002462

APPELANT

Monsieur [I] [M]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 8] (ALGÉRIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Nicolas BOUSQUET, avocat au barreau de MELUN, toque : P0119

INTIMÉES

Madame [G] [F] épouse [M]

née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 7] (77)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Céline PASCOAL de la SELARL PASCOAL-CHAMBEYRON-BERTAULT, avocat au barreau de l'ESSONNE, toque : M28

La société CARREFOUR BANQUE, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal, représenté par son mandataire, NEUILLY CONTENTIEUX, groupement d'intérêt économique régi par l'ordonnance du 23 septembre 1967 agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès-qualités audit siège

N° SIRET : 313 811 515 02132

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Coralie-Alexandra GOUTAIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0201

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable acceptée le 16 février 2011, la société Carrefour Banque a consenti à Mme [G] [M] née [F] et M. [I] [M] un prêt personnel d'un montant de 24 000 euros, remboursable en 120 mensualités de 284,01 euros, hors assurance, et de 348,33 euros, assurance comprise, moyennant un taux débiteur fixe de 7,43 % l'an.

Suite à des mensualités impayées, la société Carrefour Banque s'est prévalue de la déchéance du terme.

Saisi le 11 septembre 2018 par la société Carrefour Banque d'une demande tendant principalement à la condamnation de M. et Mme [M] au paiement des sommes dues au titre du solde de ce prêt personnel, le tribunal d'instance de Melun, par un jugement réputé contradictoire du 25 janvier 2019 auquel il convient de se reporter, a rendu la décision suivante :

« Déclare l'action de la société Carrefour Banque recevable ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la société Carrefour Banque au titre du prêt souscrit par M. et Mme [M] le 16 février 2011, à compter de cette date ;

Condamne solidairement M. et Mme [M] à régler à la société Carrefour Banque la somme de 4 599,99 euros, avec intérêts au taux légal compter du 9 janvier 2018 ;

Rejette la demande de capitalisation des intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Condamne in solidum M. et Mme [M] aux dépens ;

Déboute la société Carrefour Banque de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ».

Le tribunal a principalement retenu que la société Carrefour Banque doit être déchue de son droit aux intérêts contractuels du fait de l'absence de la production de la notice d'assurance (art. L. 311-12 du code de la consommation).

Par une déclaration en date du 25 juillet 2019, M. [M] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 24 janvier 2020, l'appelant demande à la cour de :

« Infirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a :

- condamné solidairement M. [M] et Mme [F] à payer à la société Carrefour Banque la somme de 4 599,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018

- condamné in solidum M. [M] et Mme [F] aux dépens de l'instance ;

Condamner Mme [F] à payer à la société Carrefour Banque la somme de 4 599,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018 ;

Rejeter toutes demandes formées à l'encontre de M. [M] ou subsidiairement ordonner une expertise graphologique ;

Condamner la société Carrefour Banque à payer à M. [M] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner solidairement la société Carrefour Banque et Mme [F] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner solidairement la société Carrefour Banque et Mme [F] aux dépens ».

M. [M] soutient que :

- la demande en paiement formée par la société Carrefour Banque doit être rejetée en ce que Mme [F] a conclu frauduleusement le contrat de crédit, à l'insu de M. [M] et en imitant sa signature,

- le prêteur de deniers a commis une faute engageant sa responsabilité en ne vérifiant pas que la signature était bien celle de M. [M].

Par des conclusions remises le 28 avril 2020, la société Carrefour Banque demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu le 25 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Melun en ce qu'il :

- prononce la déchéance du droit aux intérêts de la société Carrefour Banque au titre du prêt souscrit par Mme [F] et M. [M] le 16 février 2011, à compter de cette date ;

- condamne solidairement M. et Mme [M] à régler à la société Carrefour Banque la somme de 4 599,99 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018 ;

- rejette la demande de capitalisation des intérêts ;

- déboute la société Carrefour Banque de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRMER le jugement rendu le 25 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Melun pour le surplus ;

Statuant de nouveau,

Et y ajoutant :

DÉCLARER l'action en paiement de la société la société Carrefour Banque recevable ;

A titre principal

DIRE ET JUGER que toutes contestations portant sur la régularité de l'offre de prêt signé le 16 février 2011 sont prescrites depuis le 17 février 2016 ;

A titre subsidiaire

DIRE ET JUGER que l'offre de prêt souscrit le 16 février 2011 est régulière ;

En conséquence,

CONDAMNER solidairement M. [M] et Mme [F] à payer à la société CARREFOUR BANQUE la somme de 14 763,84 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,43 %, à compter du 9 janvier 2018 et ce jusqu'au jour du parfait paiement ;

Débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions d'incident en vue de la désignation d'un expert judiciaire ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour d'Appel de céans considérait qu'il y a lieu d'ordonner une expertise judiciaire,

Dire et juger que les frais d'expertise resteront à la charge seule de M. [M] ;

A titre infiniment subsidiaire,

Ordonner la vérification d'écriture de l'offre de prêt en date du 16 février 2011 avec l'écriture de M. [M],

En tout état de cause

DÉBOUTER M. [M] et Mme [F] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER solidairement M. [M] et Mme [F] à payer à la société Carrefour Banque la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés directement par Maître Goutail, Cabinet CDG, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».

La société Carrefour Banque soutient que :

- sa demande en paiement est recevable et conduit M. et Mme [M] à devoir payer à la société Carrefour Banque la somme de 14 763,84 euros outre les intérêts au taux contractuel de 7,43 % à compter du 9 janvier 2018,

- la prescription est acquise depuis le 17 février 2016 concernant les actions en contestation de la validité de l'offre de prêt,

- il ne saurait donc être opposé à la société Carrefour Banque une quelconque irrégularité des offres de prêt,

- à titre subsidiaire la société Carrefour Banque rapporte la preuve de la remise aux emprunteurs de la notice d'assurance,

- en tout état de cause, il n'existe aucune obligation pour le prêteur de joindre une notice d'assurance à l'exemplaire de l'offre préalable destiné à recevoir l'acceptation de l'emprunteur et à lui être retourné,

- les moyens de Mme [F] sont inopérants en ce que l'absence d'un bordereau de rétractation, de l'absence de preuve de la remise de la FIPEN, et de l'absence de vérification de la solvabilité des emprunteurs se heurtent à l'expiration du délai de prescription,

- chacun de ces arguments est, de toutes les façons, infondé,

- les moyens de M. [M] sont inopérants en ce que l'offre de prêt litigieux lui est opposable car il l'a signée et ne produit au débat aucun document permettant de comparer sa signature avec la signature apparaissant sur le contrat de prêt. En outre, la mesure d'instruction sollicitée par M. [M] doit être écartée. De plus, il n'explique pas pourquoi il n'a pas réagi plus tôt si la signature était effectivement frauduleuse,

- sa responsabilité ne doit pas être engagée puisqu'elle elle n'a pas commis de faute et que M. [M] ne démontre pas non plus son préjudice et un lien de causalité avec la faute qu'elle aurait commise.

Par des conclusions remises le 23 janvier 2020, Mme [F] demande à la cour de :

« Déclarer Mme [F] recevable et bien fondée

Dire que M. [M] use, de mauvaise foi, de différentes signatures afin de tromper les différentes parties sur l'authenticité de celles-ci

Dire que M. [M] ne saurait user de sa propre turpitude

Rejeter toutes demandes de M. [M] comme étant irrecevables ou, à titre subsidiaire, non fondées

Déclarer M. [M] comme cosignataire avec Mme [F] du contrat de prêt du 16 février 2011 si besoin par le recours à la technique de vérification d'écritures et, à titre subsidiaire et à la seule charge de l'appelant, d'un expert graphologue

Rejeter les demandes de M. [M] au titre de dommages et intérêts

Rejeter l'ensemble des demandes de la société

Condamner M. [M] et la société à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dès lors :

Confirmer le jugement rendu en première instance en date du 25 janvier 2019 en ce qu'il a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société au titre du prêt souscrit par les consorts [M] le 16 février 2011, à compter de cette date

- condamné solidairement les consorts [M] à régler à la société Carrefour Banque la somme de 4 599,99 euros au taux légal à compter du 9 janvier 2018

- rejeté la demande de capitalisation des intérêts

- débouté la société de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

A titre subsidiaire, si la déchéance des intérêts n'était pas prononcée, ramener la somme des intérêts dus à de plus justes proportions

Rejeter les plus amples demandes formulées ».

Mme [F] soutient que :

- la déchéance du droit aux intérêts de la société Carrefour Banque doit être retenue à compter de la date de conclusion du prêt pour violation des obligations issues du code de la consommation notamment relativement à la notice d'assurance (art. L. 311-12 du code de la consommation) ; au formulaire de rétractation (art. R. 311-4 du code de la consommation) ; à la fiche d'informations (art. L. 311-6 et R. 311-3 du code de la consommation) et à la solvabilité du débiteur,

- le contrat de crédit a bien été conclu par les deux époux, et que les éléments avancés par M. [M] pour contester la falsification de sa signature sont infondés,

- les époux doivent être tenus solidairement au remboursement du prêt.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022.

L'affaire a été appelée en audience le 29 mars 2022.

Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 16 juin 2022 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur avant le 1er mai 2011.

L'article L. 141-4 du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le premier juge.

L'article L. 311-30 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil (dans leur rédaction alors applicable), est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D. 311-11 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 311-30, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de la signature du contrat qui est contestée par M. [I] [M], de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la signature du contrat

L'article 287 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa « Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. (...) ».

Ainsi, quand une partie dénie, au cours d'un procès, la signature qui lui est attribuée, le juge a le devoir de mettre en 'uvre la procédure de vérification d'écritures de l'article 287 du code de procédure civile et la vérification doit être effectuée au vu de l'original du ou des documents contestés, les éléments de comparaison pouvant, eux, être fournis en photocopie.

Dans l'incident de vérification, c'est sur la partie qui invoque l'acte dénié que pèse la charge de la preuve de sa sincérité et si la vérification opérée par le juge ne permet pas de conclure à la sincérité de l'acte, la partie qui fonde sa prétention sur cet acte doit être déboutée.

La cour constate que la société Carrefour Banque produit l'original de l'offre de contrat de crédit et que des spécimens de la signature de M. [I] [M] sont produits tant par la société Carrefour Banque que par M. [I] [M].

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient, après avoir mis en 'uvre la procédure de vérification d'écritures de l'article 287 du code de procédure civile, que M. [I] [M] a signé l'offre de contrat de crédit litigieuse au motif que la signature contestée sur l'offre de contrat de crédit présente des analogies manifestes avec sa signature telle qu'elle est apposée sur son certificat de résident algérien (sa pièce 7).

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Carrefour Banque au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, ne fait pas l'objet de contestation.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a déclaré que la société Carrefour Banque est recevable en son action en paiement.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 311-30 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 312-39 aujourd'hui), que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article 1.4 - exécution du contrat) et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 1 817,66 euros précisant le délai de régularisation (de 8 jours) a bien été envoyée le 11 novembre 2017 ainsi qu'il en ressort de l'avis de recommandé produit (l'avis de réception ayant été par ailleurs signé le 14 novembre 2017) de sorte qu'en l'absence de régularisation dans le délai, ainsi qu'il en ressort de l'historique de compte, la société Carrefour Banque a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme le 9 janvier 2018 étant précisé que la déchéance du terme a elle-même été notifiée avec une mise en demeure de payer le solde dû.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat signé le 26 juin 2013 est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'en déduit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat litigieux à l'article L. 311-12 devenu L. 312-21 et la société Carrefour Banque est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

Sur la déchéance du droit aux intérêts tirée du défaut de production de la notice d'assurance

La société Carrefour Banque produit :

- l'offre de contrat de crédit,

- la fiche de préconisation assurance,

- la fiche de solvabilité,

- les pièces d'identité, et les pièces justificatives de revenu, de domicile et d'imposition de M. et Mme [M],

- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement du 16 février 2011,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique de prêt,

- un décompte de créance du 7 mai 2018.

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L. 311-12 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 312-29 aujourd'hui), à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-33 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 341-4 aujourd'hui), étant précisé également que la preuve de la remise de la notice et de sa conformité ne sauraient résulter d'une simple clause pré-imprimée selon laquelle l'emprunteur reconnaît la remise, une telle clause ne constitue qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents, et étant rappelé que la synthèse des garanties ne répond pas à l'exigence légale, le fonctionnement des garanties et les cas particuliers n'y figurant pas.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Carrefour Banque ne produit pas la notice assurance exigée par la loi.

Compte tenu de ce qui précède la cour prononce la déchéance totale du droit aux intérêts.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 341-8 aujourd'hui), lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société Carrefour Banque à hauteur de la somme de 4 599,99 euros au titre du capital restant dû (montant emprunté de 24 000 euros ' les règlements déjà effectués à hauteur de 19 400,01 euros).

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [M] à payer à la société Carrefour Banque la somme de 4 599,99 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L. 311-32 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 312-38 aujourd'hui), rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-29 à L. 311-31 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 312-39 et L. 312-40 aujourd'hui), ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Carrefour Banque de sa demande de capitalisation des intérêts.

Sur les autres demandes

La cour condamne M. [I] [M] aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner M. [I] [M] à payer à Mme [G] [M] née [F] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Dit que M. [I] [M] a signé l'offre de contrat de crédit litigieuse ;

Déboute la société Carrefour Banque de son moyen tiré de la prescription ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, dans les limites de l'appel ;

Ajoutant,

Condamne M. [I] [M] à payer à Mme [G] [M] née [F] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Carrefour Banque de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [I] [M] aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Goutail, Cabinet CDG pour ceux la concernant en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/15448
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.15448 ?
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