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09/06/2022 | FRANCE | N°19/16704

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 09 juin 2022, 19/16704


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 09 JUIN 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16704 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASO6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 mars 2019 - Tribunal d'Instance de BOBIGNY - RG n° 11-18-002510





APPELANTE



La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiÃ

©e prise en la personne de son président en exercice, demeurant audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée et assistée de Me Sé...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16704 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASO6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 mars 2019 - Tribunal d'Instance de BOBIGNY - RG n° 11-18-002510

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée prise en la personne de son président en exercice, demeurant audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [U] [I]

né le [Date naissance 2] 1953 au SRI LANKA

[Adresse 4]

[Localité 6]

DÉFAILLANT

Madame [H] [B] épouse [I]

née le [Date naissance 1] 1959 au SRI LANKA

[Adresse 4]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 25 mai 2012, la société Sogefinancement a consenti à M. [U] [I] et Mme [H] [I] un prêt personnel d'un montant en capital de 25 000 euros remboursable au taux nominal conventionnel de 7,50 % l'an (soit un TAEG de 7,97 % l'an) en 64 mensualités.

Ce contrat de crédit a fait l'objet de deux avenants ayant eu pour objet le réaménagement de la dette au même taux d'intérêt.

Des échéances étant demeurées impayées, la société Sogefinancement a fait assigner M. et Mme [I] devant le tribunal d'instance de Bobigny par acte d'huissier en date du 5 novembre 2018, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 18 067 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % à compter du 13 juillet 2017,

- 1 297,73 euros au titre de l'indemnité légale de résiliation,

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Devant le premier juge, la forclusion et la déchéance du droit aux intérêts contractuels ont été mis dans le débat d'office.

Par jugement réputé contradictoire du 15 mars 2019 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le tribunal d'instance de Bobigny a rendu la décision suivante :

« PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement au titre du prêt souscrit par M. et Mme [I] le 25 mai 2012, à compter de cette date,

CONDAMNE M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 276 euros au titre de ce prêt en ce compris la clause pénale ;

REJETTE la demande de délai de paiement ;

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,

CONDAMNE M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 100 euros au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE M. et Mme [I] au paiement des entiers dépens ».

Le tribunal a principalement retenu que la société Sogefinancement doit être déchue intégralement de son droit aux intérêts conventionnels pour n'avoir pas remis à M. et Mme [I] la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance les concernant, notamment le nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus ; le tribunal ayant retenu que la synthèse versée au débat par la société Sogefinancement ne saurait constituer une telle remise en ce qu'elle ne comporte pas les conditions générales de l'assurance. En outre le tribunal a réduit l'indemnité légale de 8 % à la somme de 50 euros, celle-ci apparaissant manifestement excessive.

La société Sogefinancement a relevé appel de ce jugement par déclaration du 13 août 2019.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 12 novembre 2019, la société Sogefinancement demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Bobigny le 15 mars 2019 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement au titre du prêt souscrit par M. et Mme [I] le 25 mai 2012, à compter de la date de cette date ; en ce qu'il a limité la condamnation de M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 276 euros au titre de ce prêt en ce compris la clause pénale ; en ce qu'il a débouté la société Sogefinancement de ses demandes en ce compris sa demande en condamnation de M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 16 648,54 euros, représentant les mensualités impayées, le capital restant dû et les intérêts échus, augmentée des intérêts de retard courus au taux conventionnel de 7,50 % l'an sur la somme en principal de 16 641,96 euros à compter du 13 juillet 2017 jusqu'au jour du parfait paiement, sa demande en condamnation de M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 297,73 euros au titre de l'indemnité légale de 8 % du capital restant dû, outre la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs critiqués, DIRE ET JUGER que les arguments visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou contractuel sont prescrits eu égard au délai de prescription quinquennale ; DÉCLARER, en conséquence, le moyen irrecevable ; subsidiairement, CONSTATER que la société Sogefinancement rapporte la preuve de la remise de la notice d'assurance par la clause figurant au contrat, aux termes de laquelle M. et Mme [I] ont reconnu avoir conservé ladite notice annexée à leur exemplaire de l'offre de crédit, et qu'il incombe à l'emprunteur d'apporter la preuve contraire qu'il n'aurait pas reçu ladite notice ou qu'elle serait irrégulière au regard des dispositions du code de la consommation sans que le Juge ne puisse le présumer, étant rappelé qu'il incombe aux parties d'alléguer et établir les faits à l'appui d'une irrégularité ; CONSTATER, en outre, que l'exposante produit en cause d'appel copie de la notice d'assurance remise à l'emprunteur ; DIRE ET JUGER que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est pas encourue ;

CONSTATER que la déchéance du terme a été prononcée ; subsidiairement, PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l'emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 12 juillet 2017 ;

En tout état de cause, CONDAMNER solidairement M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme 18 002,56 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 7,50 % l'an à compter du 10 janvier 2019 sur la somme de 14 831,17 euros et au taux légal sur le surplus en remboursement du crédit n° 34198131624, en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 9 janvier 2019 ; subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, CONDAMNER solidairement M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 6 082,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2017, en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 9 janvier 2019 ;

En tout état de cause, CONDAMNER in solidum M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les CONDAMNER in solidum aux entiers dépens avec distraction au profit de la société Cloix & Mendès-Gil en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».

L'appelante soutient que :

- le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel est irrecevable car prescrit, le point de départ du délai de 5 ans partant de la date de conclusion du contrat, soit le 25 mai 2012,

- le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel est mal fondé en ce que la société Sogefinancement apporte régulièrement la preuve de la remise de la notice d'assurance par la clause du contrat,

- la demande de condamnation de M. et Mme [I] est par conséquent bien fondée, ceux-ci devant être condamnés au paiement du capital restant dû outre les intérêts au taux contractuel, soit la somme de 18 002,56 euros,

- subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, la société Sogefinancement reste bien fondée à demander la restitution du capital restant dû, soit la somme de 6 082,19 euros.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel de la société Sogefinancement ont été régulièrement signifiées à M. et Mme [I] par procès-verbal de remise à étude délivré le 20 novembre 2019 ; M. et Mme [I] n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 8 mars 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 avril 2022.

Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 9 juin 2022 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

L'article L. 141-4 (R. 632-1 dans la nouvelle numérotation) du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le premier juge, étant rappelé qu'en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur, ou soulevé d'office par le juge, constitue une défense au fond et n'est donc pas soumis à la prescription (article 72 du code de procédure civile et Avis n° 15014 du 18 septembre 2019 de la première chambre civile de la Cour de cassation).

L'article L. 311-24 (L. 312-39 dans la nouvelle numérotation) du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 (dans leur rédaction alors applicable) du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D. 311-6 (D. 312-16 dans la nouvelle numérotation) du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 311-24 (L. 312-39 dans la nouvelle numérotation), il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Cofidis au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, ne fait pas l'objet de contestation.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l'article 1315 (devenu l'article 1353) du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1134 (devenu l'article 1103) du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1184 (devenu l'article 1224) du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1184 (devenu l'article 1225) précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article 5.6) mais la société Sogefinancement ne produit aucun courrier de mise en demeure préalable.

Or, le contrat de prêt qui se contente d'indiquer de façon générique que « en cas de défaillance de la part de l'emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés » n'exclut pas de manière expresse et non équivoque l'envoi d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.

Par ailleurs, cette absence d'avertissement, dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, sur les risques encourus au titre de la défaillance de l'emprunteur est contraire à l'article L. 311-22-2 devenu L. 312-36.

Les mises en demeure de payer qui sont produites visent toutes les deux la totalité des sommes du prêt et ne contiennent aucune mise en demeure de payer les seules échéances impayées ni avertissement de ce que la déchéance du terme est encourue à défaut.

Il en résulte que la déchéance du terme n'a pu régulièrement intervenir et qu'il convient ainsi d'examiner la demande subsidiaire en prononcé de résiliation/résolution judiciaire.

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il sera également rappelé que le prêt qui se réalise par la remise des fonds à l'emprunteur, est un contrat instantané, dont les échéances ne sont que le fractionnement d'une obligation unique de remboursement (1re'Civ., 5'juillet'2006 n° 05-10.982), et que la sanction du manquement contractuel est ainsi bien la résolution judiciaire et non la résiliation judiciaire.

En l'espèce, il ressort de l'historique de compte produit que les échéances du prêt sont impayées depuis le 12 mai 2017 et que depuis et jusqu'à ce jour à part une mensualité de 310,79 euros versée fin juillet 2017, seules une somme de 200 euros et des sommes de 100 euros ont été versées entre août 2017 et juin 2019, alors que le paiement des mensualités de remboursement figure comme première essentielle de l'emprunteur. Ce défaut de paiement pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit aux torts de l'emprunteur au jour du jugement.

La cour prononce donc la résolution du contrat de crédit aux torts de l'emprunteur à effet au 12 juillet 2017 à la date de mise en contentieux du dossier après la survenance de plusieurs échéances impayées non régularisées.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'en déduit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat litigieux à l'article L. 311-12 devenu L. 312-21 et la société Sogefinancement est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

Sur le fond de la déchéance du droit aux intérêts

La société Sogefinancement produit :

- l'offre de contrat de crédit « compact »,

- la fiche d'explications et de mise en garde « regroupements de crédits »,

- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,

- la fiche de solvabilité,

- la notice d'assurance (pièce produite en appel),

- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement du 6 juin 2012,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique de prêt,

- un décompte de créance du 9 janvier 2019,

- les deux avenants et les tableaux d'amortissement afférents.

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment, à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-48 devenu L. 341-1 du code de la consommation) :

- la fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- (article L. 311-6 devenu L. 312-12),

- la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L. 311-19 devenu L. 312-29),

- la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L. 311-9 devenu L. 312-16),

- la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L. 311-9 devenu L. 312-16),

- la justification de la fourniture à l'emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement (article L. 311-8 devenu L. 312-14).

En l'espèce, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Sogefinancement produit la FIPEN, la notice assurance, le justificatif de la consultation du FICP et suffisamment d'éléments de preuve pour justifier qu'il a effectué la vérification de la solvabilité de l'emprunteur exigée par la loi étant précisé que M. et Mme [I] ont signé une formule qui mentionne qu'ils ont pris connaissance de la notice d'assurance et qu'un exemplaire de la notice leur a été remis.

Compte tenu de ce qui précède la cour dit que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit n'y avoir lieu à prononcer d'office la déchéance du droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

La cour constate que la somme demandée à hauteur de 18 002,56 euros se décompose notamment en :

- 985,89 euros au titre des échéances échues impayées,

- 15 656,07 euros au titre du capital à échoir restant dû,

- 1 297,73 euros au titre de l'indemnité légale de 8 %,

- des intérêts conventionnels.

A l'examen des pièces produites, la cour retient que M. et Mme [I] ont versé non seulement 1 810,79 euros comme le premier juge le mentionne au vu de la pièce n° 11 mais aussi les sommes de 72,35 euros, de 76 euros et de 228 euros que mentionnent en sus la pièce n° 8, soit au total la somme de 2 187,14 que la cour impute sur le capital restant dû.

En application de l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation et au regard du décompte de créance, du tableau d'amortissement et de l'historique de compte, il résulte qu'à la date de la déchéance du terme, il est dû à la société Sogefinancement :

- 985,89 euros au titre des échéances échues impayées, avec intérêts au taux contractuel à compter du 6 octobre 2017 de payer le solde restant dû après la date d'effet de la résolution judiciaire,

- 13 468,93 euros au titre du capital à échoir restant dû, avec intérêts au taux contractuel à compter du 6 octobre 2017.

Le contrat de prêt prévoit une indemnité forfaitaire due au prêteur en cas de prononcé de la déchéance du terme égale à 8 % du capital dû à la date de la défaillance, soit la somme de 1 254,48 euros calculée comme suit : 8 % x 15 656,07 ; cependant, en application de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d'office le montant de la clause pénale par le juge si elle est manifestement excessive. En l'espèce, la clause pénale de 8 % du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt est manifestement excessive compte tenu de ce que des indemnités ont déjà été retenues lors de l'opération de regroupement des crédits, des 2 avenants de réaménagements, du préjudice réellement subi par la société Sogefinancement et du taux d'intérêt pratiqué ; elle sera donc réduite à la somme de 10 euros.

M. et Mme [I] sont ainsi tenus au paiement de la somme totale de 14 464,82 euros (985,89 + 13 468,93 + 10) avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l'an à compter du 6 octobre 2017.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 276 euros au titre du crédit impayé, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne solidairement M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 14 464,82 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l'an à compter du 6 octobre 2017.

Sur les autres demandes

La cour condamne in solidum M. et Mme [I] aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner in solidum M. et Mme [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau dans les limites de l'appel, et ajoutant,

Prononce la résolution du contrat de crédit aux torts de M. [U] [I] et Mme [H] [I] à effet au 12 juillet 2017 ;

Déclare recevable le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne solidairement M. [U] [I] et Mme [H] [I] à payer à la société Sogefinancement la somme de 14 464,82 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l'an à compter du 6 octobre 2017 ;

Condamne in solidum M. [U] [I] et Mme [H] [I] à verser à la société Sogefinancement la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne in solidum M. [U] [I] et Mme [H] [I] aux dépens dont distraction au profit de la SELAS Cloix et Mendes-Gil pour ceux la concernant en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/16704
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.16704 ?
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