La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°19/10758

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 09 juin 2022, 19/10758


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 09 JUIN 2022



(n° , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10758 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAJU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 mars 2019 - Tribunal d'Instance de SENS - RG n° 11-18-000194





APPELANTE



La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, SA à conseil d'admin

istration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la société SOLFINEA, anciennement dénommée BANQUE ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

(n° , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10758 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAJU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 mars 2019 - Tribunal d'Instance de SENS - RG n° 11-18-000194

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, SA à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la société SOLFINEA, anciennement dénommée BANQUE SOLFEA

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [H] [V]

né le 22 octobre 1948 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

Madame [U] [W] épouse [V]

née le 22 avril 1954 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

La SELARL [I] MJ représentée par Maître [R] [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ÉNERGIES DE FRANCE, (SAS)

N° SIRET : 821 325 941 00010

[Adresse 3]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 4 octobre 2012, la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (la société NRJEF) à l'enseigne Groupe solaire de France a conclu avec M. [H] [V] et Mme [U] [W] épouse [V] un contrat ayant pour objet la fourniture, la livraison et la pose d'une centrale photovoltaïque pour un prix de 19 990 euros.

Selon offre préalable acceptée le 4 octobre 2012, la société Banque solfea, a consenti à M. et Mme [V] un crédit affecté de 19 990 euros destiné au financement de cette centrale photovoltaïque, remboursable en 168 mensualités d'un montant de 212,98 euros assurance incluse, avec un report de 11 mois de la première mensualité, assorti d'un taux fixe de 5,60 % l'an, soit un taux annuel effectif global de 5,75 % l'an.

M. [V] a signé l'attestation de fin de travaux le 15 octobre 2012 et les fonds ont aussitôt été débloqués.

Le 22 avril 2013, le raccordement de l'installation à ERDF a eu lieu.

Le 4 mars 2014, la société Électricité de France (EDF) a conclu avec M. et Mme [V] un contrat d'achat de l'énergie électrique produite par leur installation ; ils revendent l'électricité produite par la centrale photovoltaïque depuis le raccordement et la première facture relative au contrat d'achat photovoltaïque a donc été émise le 23 avril 2014.

Le 18 mai 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société NRJEF (Groupe solaire de France), puis convertie en procédure de liquidation judiciaire le 12 novembre 2014.

Par courriers en date des 11 juin 2015 et 14 octobre 2016, M. et Mme [V] ont exprimé leur insatisfaction à la société EDF du fait de factures qui ne correspondent pas aux promesses effectuées par le prestataire de services lors de la conclusion du contrat de vente des panneaux photovoltaïque, en vain.

La société BNP Paribas personal finance (la société BNPPPF) vient aux droits de la société Banque solfea par suite de l'acte de cession de créances signé le 28 février 2017.

Saisi le 20 avril 2018 par M. et Mme [V] d'une demande tendant principalement à la condamnation de la société BNPPPF et de la société Groupe solaire de France à l'annulation du contrat de crédit et de vente, le tribunal d'instance de Sens, par jugement réputé contradictoire, a rendu le 28 mars 2019 la décision suivante :

« Déclare recevable l'action en justice de M. et Mme [V] à l'encontre de la société Groupe Solaire de France et de la SA BNP Paribas Personal Finance,

Prononce la nullité du contrat conclu avec la société Groupe solaire de France le 4 octobre 2012,

Prononce en conséquence la nullité du contrat de crédit accessoire conclu par la SA BNP Paribas Personal Finance le 4 octobre 2012,

Constate l'engagement de la responsabilité de la SA BNP Paribas Personal Finance du fait d'une faute contractuelle,

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [V] la somme de 12 000 euros (Douze mille euros), au titre des sommes versées par ces derniers,

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme. [V] la somme de 1 500 euros (Mille cinq cents euros), sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de la présente instance,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ».

Le tribunal a principalement retenu :

- la nullité du contrat de vente, sur le fondement de l'article L. 121-23 du code de la consommation, pour défaut de désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, ainsi que pour défaut de précision concernant les modalités et le délai d'exécution de la prestation dans le contrat ;

- la nullité du contrat de crédit affecté, accessoire au contrat principal, sur le fondement de l'article L. 311-32 du code de la consommation ;

- la responsabilité de l'établissement de crédit pour négligence fautive de nature contractuelle du fait de l'absence de diligences suffisantes relatives au contrôle de la régularité de l'opération financée (absence de vérification de la régularité du bon de commande) ;

- la privation de la créance de restitution de l'établissement de crédit au titre du préjudice causé à M. et Mme [V] par sa faute, outre la restitution des sommes versées par M. et Mme [V].

Par une déclaration en date du 21 mai 2019, la société BNPPPF a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 9 décembre 2021, la société BNPPPF demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu par le tribunal d'instance de Sens le 28 mars 2019 :

- en ce qu'il a dit que M. et Mme [V] sont recevables en leur action ;

- en qu'il a déclaré recevable l'action en justice de M. et Mme [V] à l'encontre de la société Groupe solaire de France (Nouvelle régie des jonctions des énergies de France) et de la SA BNP Paribas Personal Finance ;

- en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu avec la société Groupe solaire de France (Nouvelle régie des jonctions des énergies de France) le 4 octobre 2012 ;

- en ce qu'il a prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit accessoire conclu avec la SA BNP Paribas Personal Finance le 4 octobre 2012 ;

- en ce qu'il a constaté l'engagement de la responsabilité de la SA BNP Paribas Personal Finance du fait d'une faute contractuelle ;

- en ce qu'il a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [V] la somme de 12 000 euros au titre des sommes versées par ces derniers ;

- en ce qu'il a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea, en ce compris, sa demande visant à voir déclarer les demandes de M. et Mme [V] irrecevables, sa demande subsidiaire visant à les voir déboutés de leurs demandes, sa demande subsidiaire en cas de nullité des contrats en condamnation in solidum de M. et Mme [V] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea la somme de 19 990 euros en restitution du capital prêté, sa demande très subsidiaire visant à les voir condamnés à lui payer cette somme à titre de dommages et intérêts, sa demande très subsidiaire visant à les voir enjoindre à restituer le matériel à la SELARL [I] MJ, es-qualité de Liquidateur Judiciaire, sa demande visant à la compensation des créances réciproques à due concurrence, sa demande en condamnation in solidum de M. et Mme [V] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande formée au titre des dépens ;

- en ce qu'il a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau sur les chefs contestés,

A titre principal, DÉCLARER irrecevable la demande de M. et Mme [V], en nullité du contrat conclu avec la société Groupe solaire de France ; DÉCLARER, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. et Mme [V], en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Banque Solfea ; DIRE ET JUGER à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées ; DÉBOUTER M. et Mme [V], de leur demande en nullité du contrat conclu avec la société Groupe solaire de France, ainsi que de leur demande en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Banque Solfea et de leur demande en restitution des mensualités réglées ;

DÉCLARER irrecevable la demande de M. et Mme [V], visant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels ; à tout le moins, les en DÉBOUTER ;

CONSTATER que M. et Mme [V] sont défaillants dans le remboursement du crédit ; PRONONCER la résiliation du contrat de crédit du fait des impayés ; CONDAMNER, en conséquence, solidairement M. et Mme [V] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea la somme de 17 914,54 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,60 % l'an à compter du 28 mars 2019 sur la somme de 16 587,54 euros au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées aux époux [V] en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées ; les CONDAMER, en tant que de besoin, à restituer cette somme à la SA BNP Paribas Personal Finance ; subsidiairement, les CONDAMNER à régler à la SA BNP Paribas Personal Finance les mensualités échues impayées au jour où la cour statue et lui enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme ;

Subsidiairement, en cas de nullité des contrats, DÉCLARER irrecevable la demande de M. et Mme [V], visant à être déchargés de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en DÉBOUTER ; CONDAMNER, en conséquence, in solidum M. et Mme [V], à régler à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 19 990 euros en restitution du capital prêté ;

En tout état de cause, DÉCLARER irrecevable la demande de M. et Mme [V], visant à la privation de la créance de la SA BNP Paribas Personal Finance, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts ; à tout le moins, les DÉBOUTER de leurs demandes ;

Très subsidiairement, LIMITER la réparation qui serait due par la SA BNP Paribas Personal Finance eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice ; LIMITER, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. et Mme [V], d'en justifier ; en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, LIMITER la réparation à hauteur du préjudice subi, et DIRE ET JUGER que M. et Mme [V], restent tenus de restituer l'entier capital à hauteur de 19 990 euros ;

A titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de créance de la Banque, CONDAMNER M. et Mme [V], à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 19 990 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable ; ENJOINDRE à M. et Mme [V], de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à la société Groupe solaire de France, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et DIRE ET JUGER qu'à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement du capital prêté ; subsidiairement, PRIVER M. et Mme [V], de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable ;

DÉBOUTER M. et Mme [V] de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea ;

ORDONNER le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence ;

En tout état de cause, CONDAMNER in solidum M. et Mme [V] au paiement à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la SELAS Cloix & Mendes-Gil ».

La société BNPPPF soutient que :

- la demande en nullité est irrecevable en raison de l'absence de déclaration de créance à la procédure collective du vendeur,

- l'action en nullité sur le fondement d'irrégularités formelles et sur le fondement du dol est irrecevable pour forclusion ; le point de départ du délai doit être celui de la conclusion du contrat et non de la date de la facture de la première production d'électricité,

- la nullité de forme (L. 121-23 du code de la consommation) est infondée en ce que les mentions du bon de commande respectent ses prescriptions (notamment concernant la désignation du matériel, le prix de vente et des modalités de paiement, le délai de livraison, les mentions afférentes à la garantie, l'absence de preuve d'un préjudice)'; à titre subsidiaire, la nullité de forme est couverte du fait que M. et Mme [V] ont confirmé le contrat en l'exécutant et en manifestant une volonté de conserver le matériel et de l'utiliser (réception de la commande, paiement du prix, raccordement au réseau ERDF) ; ils renoncent de ce fait à se prévaloir d'une éventuelle omission des mentions devant figurer sur le bon de commande (L. 131-23 code de la consommation),

- M. et Mme [V] ne prouvent aucunement le dol qu'ils invoquent, étant précisé que la rentabilité doit s'apprécier sur la durée de vie de l'installation qui est de 30 ans en moyenne et au regard du crédit d'impôt dont il n'est d'ailleurs aucunement justifié,

- en l'absence de nullité du contrat principal entraînant la nullité du contrat de crédit, ce dernier ne fait pas l'objet d'un anéantissement rétroactif et doit donc recevoir exécution ; par voie de conséquence, les sommes remboursées par la banque au titre des mensualités réglées devront être restituées par M. et Mme [V]. En outre, l'exposante n'a d'autre choix que de solliciter le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de crédit avec effet au 28/03/2019 du fait des mensualités impayées postérieurement au jugement et à défaut la reprise du paiement des mensualités.

Subsidiairement, si la Cour retient la nullité du contrat principal, la société BNPPPF soutient que :

- M. et Mme [V] ne sauraient solliciter une exonération d'avoir à restituer le capital prêté en ce qu'ils ne caractérisent pas l'existence d'une faute du prêteur. En effet, il n'existe aucune obligation pour le prêteur de derniers de vérifier la régularité du bon de commande et que si éventuellement une telle obligation était retenue, une telle faute ne saurait être caractérisée qu'au cas par cas. En outre, aucune négligence n'est établie à son encontre dans le déblocage des fonds. De plus, M. et Mme [V] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité,

- au visa des articles 1794 et suivants du code civil, l'évaluation d'un éventuel préjudice doit prendre en compte la valeur du bien que M. et Mme [V] conserveront et souligne subsidiairement que la légèreté blâmable avec laquelle il a signé l'attestation de fin de travaux constitue une faute occasionnant un préjudice correspondant au capital prêté dont elle serait privée,

- la demande de dommages et intérêts ainsi que la demande de déchéance aux intérêts contractuels sont infondées dans la mesure où M. et Mme [V] ont tout d'abord confirmé le contrat, mais également parce qu'ils ne peuvent solliciter à être indemnisés doublement, à la fois par la voie de décharge et par la voie de l'octroi de dommages et intérêts.

En outre, la faute de la société Banque Solfea n'est pas démontrée : l'argument relatif à l'accréditation et à la formation du vendeur à la distribution de crédit n'est pas fondé, elle précise que M. et Mme [V] ne rapportent pas la preuve d'une participation au prétendu dol de la venderesse, enfin les arguments relatifs au prétendu non-respect des obligations précontractuelles de l'établissement de crédit sont non fondés (concernant notamment son manquement au devoir de mise en garde et devoir d'information). Elle ajoute également que le préjudice et le lien de causalité sont absents.

Par des conclusions remises le 10 décembre 2021, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

« CONFIRMER le jugement Tribunal d'instance de Sens en date du 28 mars 2019, en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action en justice de M. et Mme [V] à l'encontre de la société Groupe solaire de France (Nouvelle régie des jonctions des énergies de France) et de la SA BNP Paribas Personal Finance ;

- prononcé la nullité du contrat conclu avec la société Groupe solaire de France (Nouvelle régie des jonctions des énergies de France) le 4 octobre 2012 ;

- prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit accessoire conclu avec la SA BNP Paribas Personal Finance le 4 octobre 2012 ;

- constaté l'engagement de la responsabilité de la SA BNP Paribas Personal Finance du fait d'une faute contractuelle ;

- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [V] :

- la somme de 15 540 euros au titre des sommes versées par ces derniers ;

- la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté l'ensemble des demandes de la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea.

INFIRMANT POUR LE SURPLUS ET STATUANT A NOUVEAU

- DÉBOUTER la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- ORDONNER le remboursement par la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Banque Solfea, des sommes qui lui ont été versées par M. et Mme [V], au jour de l'arrêt à intervenir.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- CONDAMNER la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solfea à verser à M. et Mme [V], la somme de 15 540 euros, sauf à parfaire, à titre de dommage et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque.

- PRONONCER la déchéance du droit de la Banque BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Banque Solfea aux intérêts du crédit affecté.

ET STATUANT A NOUVEAU,

- CONDAMNER la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Banque Solfea, à verser à M. et Mme [V] la somme de :

- 4 554 euros au titre de leur préjudice financier

- 3 000 euros au titre de leur préjudice économique et du trouble de jouissance,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral ».

M. et Mme [V] soutiennent que :

à titre liminaire

- les actions ne tendant pas au paiement d'une somme d'argent ne sont pas concernées par le principe de l'arrêt des poursuites et que par conséquent une procédure collective ne s'oppose nullement à une action en nullité d'un contrat,

- l'action en nullité du contrat n'est pas prescrite, en vertu de l'article 2224 du code civil en ce qu'il faut tenir compte, comme point de départ du délai, le jour de la manifestation du dommage ou la date à laquelle il a été révélé à la victime. Or les nullités potentielles ne pouvant être identifiées au seul vu du bon de commande, les époux n'ont pu en prendre conscience que progressivement, à mesure que les factures d'électricité se révélaient inférieures aux rendements par eux escomptés. Le point de départ du délai de prescription ne peut donc être fixé plus tôt qu'au 22 avril 2014, date d'établissement de la première facture de vente à EDF de l'électricité produite par leur installation. L'assignation étant délivrée le 20 avril 2018, l'action n'est pas prescrite. A titre subsidiaire, si la Cour considérait que le délai de prescription ne court pas du jour de l'établissement par M. et Mme [V], il faudrait alors considérer que celui-ci court à compter de la dernière obligation finalisant l'ensemble des obligations mises à la charge de la société installatrice (à savoir la date du raccordement soit le 22 avril 2013) étant donné que la relation contractuelle entre la société installatrice et son client repose sur une prestation de services à exécution successive. L'assignation est également antérieure à la date de prescription.

De même, le point de départ du délai de prescription au regard du dol devrait correspondre à leur première facture de production, soit le 22 avril 2014, et non la date de conclusion du contrat. A partir de cette date en effet, le différentiel entre le remboursement annuel du crédit et les revenus énergétiques s'élève à 1 655,76 euros alors que l'autofinancement de l'opération était l'argument phare du démarcheur,

- les articles 8 et 23 de la directive 2008/48/CE devant être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'un délai de prescription issu d'un ordre juridique interne puisse faire échec au juge de relever d'office les manquements du prêteur (CJUE, 5 mars 2020, aff. C-679/18), les fautes commises par le prêteur peuvent être relevées d'office par le juge sans que l'on puisse lui opposer un délai de prescription,

à titre principal

- le contrat de vente est nul du fait que les mentions relatives à la désignation des biens vendus, aux modalités d'exécution et aux modalités de paiement sont insuffisantes au regard des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation, faute de mention du nombre, de la marque, du modèle, des références et de la performance des équipements composant l'installation, faute de mention des modalités de pose des panneaux et de délai de mise en service, et faute de mention d'autre part du détail du coût de l'installation, du coût total du prêt et du prêteur des deniers ; en outre les dispositions relatives aux garanties du matériel sont contradictoires ' au recto est fait mention d'un « SAV pendant 20 ans comprenant tout le matériel » alors qu'au verso du contrat, à l'article 2, intitulé GARANTIE, des conditions de vente, indiquent « La durée de ces garanties varient selon le constructeur et la nature du produit » de sorte qu'il est impossible de déterminer la durée de la garantie effective,

- la nullité est aussi encourue pour vice du consentement, faute des mentions obligatoires précitées ; en outre la société Groupe solaire de France a fait état de partenariats mensongers avec EDF et GDF Suez destiné à l'induire en erreur et à donner un faux gage de qualité de la prestation alors que la prestation d'ensemble s'avérait être ruineuse pour M. et Mme [V],

- le crédit affecté est nul dès lors que le contrat de vente est nul,

- ils n'ont aucunement couvert les nullités encourues ; l'exécution volontaire des contrats ne saurait emporter confirmation des actes nuls dès lors qu'ils en ignoraient les vices,

- l'annulation du contrat entraîne son anéantissement rétroactif, la banque ne pouvant se prévaloir des effets de l'annulation pour réclamer le remboursement des fonds fautivement versés,

- le prêteur de deniers a engagé sa responsabilité en finançant un contrat de vente nul, en commettant une faute consistant en l'absence de vérifications formelles du contrat financé au regard des dispositions sur la vente par démarchage,

- une faute peut être retenue à l'encontre du prêteur de deniers du fait qu'il a délivré les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation (qui consiste dans le raccordement), privant le prêteur de sa créance de restitution ; en outre il ne saurait s'exempter de responsabilité en se prévalant de l'attestation de fin de travaux,

- les multiples fautes commises par la banque justifient la privation de la créance de restitution du capital emprunté et à titre subsidiaire des dommages et intérêts de 15 540 euros pour négligence fautive,

- en outre, le défaut de justificatif de consultation du fichier des incidents de paiements justifient la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- enfin, les multiples fautes commises par la banque ont causé d'importants préjudices au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial (4 554 euros), du préjudice économique et un trouble de jouissance (3 000 euros) et du préjudice moral (3 000 euros),

- les demandes reconventionnelles de la BNPPPF doivent être rejetées.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelant, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Les conclusions de la société BNPPPF ont été signifiées à la SELARLU [I] M.J., prise en la personne de Maître [I] en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Nouvelle régie des jonctions des énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France, le 10 décembre 2021 par procès-verbal de remise à personne morale ; celles de M. et Mme [V] l'ont été le 23 octobre 2019 par procès-verbal de remise à personne morale ; la déclaration d'appel l'a été selon les mêmes formes en date du 29 juillet 2019.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2021.

L'affaire a été appelée en audience le 23 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera rappelé que le créancier peut, à tout moment de la procédure de surendettement, agir selon les voies du droit commun pour se procurer un titre. La mise en place de mesures imposées par la Commission de surendettement des particuliers ne fait ainsi pas obstacle à la présente action de la société BNPPPF, même si le présent jugement sera exécuté conformément à la législation applicable en matière de surendettement. En effet, son exécution est notamment différée pendant la durée du plan arrêté par la Commission, et par ailleurs, en cas d'inexécution par le débiteur des mesures imposées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d'exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l'effet d'une clause de caducité prévue par ces mesures.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la procédure collective de la société NRJEF

La société BNPPPF soulève l'irrecevabilité de la demande de nullité en l'absence de déclaration de la créance au passif de la procédure collective de la société NRJEF.

Par application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. L'article L. 622-22 prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

Si la société NRJEF fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, force est de constater que M. et Mme [V] n'ont formé aucune demande de condamnation pécuniaire à l'encontre de celle-ci, mais une demande principale tendant à voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, prononcée par le premier juge, et discutée à cause d'appel, peu important que cette action est susceptible d'entraîner des restitutions.

L'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société NRJEF par M. et Mme [V] est donc indifférente à la recevabilité de leur action.

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée à ce titre.

Sur la loi applicable

Le contrat de vente conclu le 4 octobre 2012 entre M. et Mme [V] et la société NRJEF après démarchage à domicile, est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au 4 octobre 2012, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile et le contrat de crédit conclu entre M. et Mme [V] et la société BNPPPF est un contrat affecté soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur l'irrecevabilité des demandes de nullité de l'emprunteur tirée de la prescription

La société BNPPPF soutient au visa des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les moyens tirés de l'irrégularité formelle du bon de commande et du dol soulevés par M. et Mme [V] sont prescrits, puisque la signature du bon de commande remonte au 4 octobre 2012 alors que l'assignation a été signifiée le 20 avril 2018.

M. et Mme [V] soutiennent au visa de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription remonte, à titre principal, à la date de la première facture de production le 22 avril 2014 et à titre subsidiaire à la date du raccordement, le 22 avril 2013, en ce qui concerne le bon de commande, et à la date de la première facture de production en ce qui concerne le dol.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Sur la prescription des demandes de nullité du bon de commande

En l'espèce, le contrat dont l'annulation est demandée a été conclu le 4 octobre 2012 et M. et Mme [V] ont engagé l'instance par une assignation délivrée le 20 avril 2018.

Plus de cinq années s'étant écoulées entre ces deux dates, M. et Mme [V] sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation alors applicables, en invoquant des irrégularités formelles qui - à les supposer avérées - étaient visibles par les intéressés, à la date de conclusion du contrat.

Et c'est en vain que M. et Mme [V] soutiennent que le point de départ de la prescription remonte à titre principal, à la date de la première facture de production le 22 avril 2014 et à titre subsidiaire à la date du raccordement, le 22 avril 2013 au motif que le contrat dont l'annulation est demandée a été conclu le 4 octobre 2012 et que la date du raccordement, ou a fortiori la date de la première facture de production, ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription applicable à l'action en nullité du contrat litigieux qui ne porte d'ailleurs pas sur le raccordement au réseau ERDF étant précisé que ce raccordement a été fait dans le cadre du contrat passé par ailleurs entre M. et Mme [V] et ERDF.

Sur la prescription des demandes de nullité pour dol

M. et Mme [V] sollicitent l'annulation du contrat litigieux pour dol en soutenant que le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date de réception de la première facture d'électricité leur ayant permis de prendre connaissance des man'uvres frauduleuses opérées par la société NRJEF, soit le 22 avril 2014.

La cour constate que M. et Mme [V] invoquent à l'appui du dol des éléments connus lors de la signature du bon de commande qui justifient de retenir cette date comme point de départ du délai de prescription ou des éléments non contractualisés et donc inopérants pour permettre de reporter le point de départ du délai de prescription à la date de réception de la première facture d'électricité ; en effet il est soutenu que la société NRJEF a sciemment fait état de partenariats mensongers, que la présentation de la rentabilité de l'installation était fallacieuse et que la présentation de l'opération contractuelle comme une simple candidature était trompeuse.

À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que ce moyen tiré du dol est prescrit au motif que les moyens de fait invoqués à l'appui du dol pouvaient être découverts à la date de signature du bon de commande comme cela est le cas des allégations relatives aux partenariats mensongers et à la présentation trompeuse qui sont allégués.

La cour ajoute, en ce qui concerne les moyens de faits relatifs à la présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation, qu'il s'agit de moyens inopérants dès lors qu'ils portent sur des éléments non contractualisés, le bon de commande ne comportant strictement aucune indication sur la rentabilité de l'installation et étant suffisamment explicite sur les limites du contrat relatif à l'installation photovoltaïque vendue étant précisé que le raccordement a été fait dans le cadre du contrat passé par ailleurs entre M. et Mme [V] et ERDF.

En l'espèce, plus de cinq années se sont écoulées entre le contrat conclu le 4 octobre 2012 et l'assignation délivrée le 20 avril 2018 en sorte que l'action en nullité pour dol fondée sur l'article 1116 du code civil est prescrite.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en justice de M. et Mme [V] à l'encontre de la société Groupe Solaire de France et de la SA BNP Paribas Personal Finance, prononcé la nullité du contrat conclu avec la société Groupe solaire de France le 4 octobre 2012, prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit accessoire conclu par la SA BNP Paribas Personal Finance le 4 octobre 2012, et statuant à nouveau des chefs, la cour déclare que M. et Mme [V] sont irrecevables en leur action en nullité pour irrégularités formelles et pour dol et en toutes leurs demandes découlant de ces actions.

Sur la responsabilité de la société BNPPPF

Si M. et Mme [V] invoquent d'abord une faute de la banque pour avoir consenti un crédit et débloqué les fonds sur la base d'un bon de commande nul, les motifs qui précèdent rendent sans objet ce grief dès lors que M. et Mme [V] ont été déclarés irrecevables en leur action en nullité.

M. et Mme [V] soutiennent ensuite que la banque ne peut se prévaloir d'une attestation de livraison qui ne présume pas de l'exécution totale et complète du contrat de vente en l'absence de raccordement ERDF qui ne pouvait matériellement être réalisé avant l'écoulement de plusieurs mois. Ils précisent que le financement a eu lieu alors que l'accord de la municipalité n'était pas encore obtenu et que la banque a donc financé des travaux réalisés de manière illégale.

Selon l'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.

Les dispositions de l'article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l'égard de l'emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et l'appelante fait valoir à juste titre que l'obligation de plein droit à l'égard de l'emprunteur mise à sa charge par l'article L. 311-51 du code de la consommation ne concerne que le contrat de crédit et ne saurait la rendre garante de l'exécution du contrat principal.

Il est rappelé que le contrat de crédit souscrit par M. et Mme [V] prévoit expressément que le déblocage des fonds prêtés intervient au nom et pour le compte de l'emprunteur sur sa demande directement au vendeur du ou des bien(s) ou au prestataire des services faisant l'objet du financement au titre du contrat de crédit dès la justification au prêteur de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de services à l'emprunteur.

M. [V] a signé le 15 octobre 2012 l'attestation de fin de travaux aux termes de laquelle il « atteste que les travaux objet du financement visé ci-dessus, (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administrative éventuelles) sont terminés et sont conformes au devis. Je demande en conséquence à la Banque Solfea de payer la somme de 19'990 euros représentant le montant du crédit (') » et qu'il a demandé la réduction du délai de rétractation.

La société BNPPPF a alors procédé au déblocage des fonds.

Le raccordement de l'installation à ERDF a été réalisé le 22 avril 2013 et un contrat de rachat d'électricité signé avec EDF le 4 mars 2014.

L'attestation de fin de travaux permet d'identifier sans ambiguïté l'opération financée qui ne met à la charge du vendeur que les démarches administratives ainsi que les frais afférent au raccordement réalisé par ERDF, société extérieure à la relation contractuelle. Il s'ensuit qu'il ne saurait être reproché à la société BNPPPF d'avoir procédé au déblocage des fonds au vu d'une attestation d'exécution des travaux signée par l'acheteur sans aucune réserve et portant bien sur les prestations à la charge de la société NRJEF ni de ne pas avoir opéré de vérifications complémentaires auxquelles elle n'était pas tenue de procéder.

Il est remarqué au surplus que M. et Mme [V] ne démontrent aucun préjudice qui résulterait de la faute alléguée ; en effet l'installation est fonctionnelle et ils revendent l'électricité produite par la centrale photovoltaïque depuis le raccordement et une première facture relative au contrat d'achat photovoltaïque a d'ailleurs été émise le 23 avril 2014.

Il s'ensuit que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a constaté l'engagement de la responsabilité de la société BNPPPF du fait d'une faute contractuelle.

Compte tenu de ce qui précède, les demandes de dommages et intérêts formées par M. et Mme [V], à hauteur de 15 540 euros pour négligence fautive de la banque, 4 554 euros au titre du préjudice financier, 3 000 euros au titre du préjudice économique et du trouble de jouissance, et 3 000 euros au titre du préjudice moral, doivent toutes être rejetées par voie de conséquence.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

M. et Mme [V] demandent à la cour de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du fait que la société BNPPPF ne justifie pas avoir consulté le fichier des incidents de paiements.

La société BNPPPF soutient que cette demande est irrecevable ; le moyen est articulé comme suit « L'emprunteur fait état d'autres prétendues fautes, qui à l'en suivre devraient fonder la mise en 'uvre de la responsabilité de la Banque. Il convient toutefois de rappeler que l'emprunteur a confirmé les contrats par leur exécution volontaire, de sorte qu'il ne peut opposer des moyens ou exceptions y afférent. Mais aussi, l'emprunteur ne peut solliciter à être indemnisé doublement, à la fois par la voie de décharge et par la voie de l'octroi de dommage et intérêt. La cour constatera, en conséquence, que la demande de dommages et intérêts est irrecevable, à tout le moins infondée.

Elle jugera qu'il en est de même de la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels ».

A l'examen des moyens débattus, la cour retient que la société BNPPPF est mal fondée à soutenir que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts est irrecevable au motif qu'il s'agit d'une demande indépendante des demandes de dommages et intérêts formées par ailleurs et que la cour a rejetées plus haut.

La société BNPPPF produit :

- l'offre de contrat de crédit,

- la fiche de solvabilité,

- la notice d'assurance,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique de prêt.

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment, à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-48 devenu L. 341-1 du code de la consommation) :

- la fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- (article L. 311-6 devenu L. 312-12),

- la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L. 311-19 devenu L. 312-29),

- la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L. 311-9 devenu L. 312-16),

- la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L. 311-9 devenu L. 312-16),

- la justification de la fourniture à l'emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement (article L. 311-8 devenu L. 312-14),

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société BNPPPF ne produit pas le justificatif de la consultation du FICP.

Compte tenu de ce qui précède la cour prononce la déchéance totale du droit aux intérêts.

Aux termes de l'article L. 311-48 devenu L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

La cour constate que la société BNPPPF soutient sans être utilement contredite que M. et Mme [V] ont cessé de payer les mensualités de remboursement à partir du 28 mars 2019, qui est celle du jugement.

La cour retient donc que la créance de la société BNPPPF est au 28 mars 2019 de 5 933,32 euros du fait qu'à cette date, à partir de laquelle M. et Mme [V] ont cessé de payer les mensualités de remboursement, ils avaient déjà versé 66 mensualités de 212,98 euros, soit 14 056,68 euros qui viennent en déduction du capital emprunté à hauteur de 19 990 euros.

Sur la demande reconventionnelle en paiement

La société BNPPPF demande à la cour de constater que M. et Mme [V] sont défaillants dans le remboursement du crédit, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 28 mars 2019, de condamner, en conséquence, solidairement M. et Mme [V] à lui payer la somme de 17 914,54 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,60 % l'an à compter du 28 mars 2019 sur la somme de 16 587,54 euros au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées aux époux [V] en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées ; subsidiairement, de les condamner à régler les mensualités échues impayées au jour où la cour statue et leur enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme.

Il est soutenu par la société BNPPPF, sans que cela ne soit contredit, que les emprunteurs ont cessé d'exécuter leur obligation de remboursement du crédit après que le premier juge a, par jugement rendu le 28 mars 2019, prononcé avec exécution provisoire la nullité du contrat principal et constaté par voie de conséquence la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 4 octobre 2012 conclu entre la société Banque Solfea et M. et Mme [V].

Cette situation judiciaire ne suffit pas à qualifier de grave le manquement imputable aux emprunteurs qui avaient spontanément assumé leurs obligations jusqu'alors.

Il convient donc de rejeter la demande de résiliation du crédit.

Pour autant, les mensualités échues jusqu'à la date du présent arrêt sont exigibles.

C'est donc à bon droit que la société BNPPPF sollicite la condamnation solidaire de M. et Mme [V] à lui payer les mensualités échues impayées et cela, à concurrence de la somme de 5 933,32 euros qui reste due au 28 mars 2019, compte tenu de ce que la cour a jugé plus haut en prononçant la déchéance totale du droit aux intérêts.

La cour précise que comme le montant total des mensualités échues impayées depuis environ 38 mois (28 mars 2019 - 9 juin 2022) excède largement le capital restant dû après déchéance du droit aux intérêts qui s'élève à 5 933,32 euros (soit environ 28 mensualités), il n'y a pas lieu d'ordonner la reprise du remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme.

En conséquence, M. et Mme [V] sont condamnés solidairement à payer à la société BNPPPF cette somme de 5 933,32 euros au titre du solde du crédit affecté.

Il convient de rappeler que M. et Mme [V] sont en outre redevables de plein droit du remboursement des sommes qu'ils ont perçues en exécution du jugement qui est infirmé.

Les motifs qui précèdent rendent sans objet les prétentions et moyens subsidiaires des parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Banque Solfea et en ce qu'il a débouté M. [H] [V] et Mme [U] [W] épouse [V] de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier, pour préjudice économique et trouble de jouissance et pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau,

Déclare M. [H] [V] et Mme [U] [W] épouse [V] irrecevables en leur action en nullité, et en toutes leurs demandes en découlant ;

Ajoutant,

Déclare M. [H] [V] et Mme [U] [W] épouse [V] recevables en leur demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts ;

Prononce la déchéance totale du droit aux intérêts et dit que la créance de la société BNPPPF s'élève au 28 mars 2019 à la somme de 5 933,32 euros ;

Déboute la société BNP Paribas personal finance de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de crédit avec effet au 28 mars 2019 ;

Condamne solidairement M. [H] [V] et Mme [U] [W] épouse [V] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 5 933,32 euros au titre des mensualités échues impayées représentant le solde du crédit affecté ;

Condamne in solidum M. [H] [V] et Mme [U] [W] épouse [V] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SELAS Cloix & Mendès-Gil, avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [H] [V] et Mme [U] [W] épouse [V] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Rappelle que l'exécution de ces condamnations est différée pendant la durée du plan arrêté par la Commission de surendettement des particuliers et qu'en cas d'inexécution par le débiteur des mesures imposées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d'exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l'effet d'une clause de caducité prévue par ces mesures.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/10758
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.10758 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award