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09/06/2022 | FRANCE | N°19/08817

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 09 juin 2022, 19/08817


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 09 JUIN 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08817 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPKP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 13/00568





APPELANT



Monsieur [E] [T]

[Adresse 1]

[Localit

é 3]



Représenté par Me David LINGLART, avocat au barreau de PARIS, toque : P0554







INTIMÉE



SASU GILBERT JAMES VOYAGES

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Dan NAHUM, a...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 09 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08817 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPKP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 13/00568

APPELANT

Monsieur [E] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me David LINGLART, avocat au barreau de PARIS, toque : P0554

INTIMÉE

SASU GILBERT JAMES VOYAGES

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, rédactrice

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [E] [T] a été engagé à compter du 5 novembre 2009 par la sasu Gilbert James Voyages, en qualité de chauffeur d'autocar de tourisme, selon plusieurs contrats de travail à durée déterminée à temps complet.

La relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d' un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er mars 2010.

La convention collective applicable au contrat de travail est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

La société Gilbert James Voyages a notifié à M. [T] un avertissement le 17 février 2012, puis un blâme le 8 décembre 2012.

Ce dernier a été convoqué le 18 décembre 2012, pour le 27 décembre suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a été licencié le 2 janvier 2013.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits et contestant son licenciement, M. [T] a, le 14 février 2013, saisi le conseil de prud'hommes de Créteil.

Par jugement du 5 juillet 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a :

- condamné la société Gilbert James Voyages à verser à M. [T] la somme de 503,25 euros au titre du droit individuel à la formation,

- débouté M. [T] du surplus de ses demandes,

-condamné M. [T] à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la sasu Gilbert James Voyages de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

-condamné la sasu Gilbert James Voyages aux dépens.

M. [T] a interjeté appel de cette décision le 22 mai 2019.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 octobre 2019, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

- constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la sasu Gilbert James Voyages à lui payer les sommes de :

' 7 618 euros à titre de rappel de salaire,

' 761,80 euros au titre des congés payés afférents,

' 1 593,20 euros à titre d'heures supplémentaires pour l'année 2011,

' 159,32 euros au titre des congés payés afférents,

' 2 408,20 euros au titre des repos compensateurs pour l'année 2011,

' 240,82 euros au titre des congés payés afférents

' 1 968,70 euros à titre d'heures supplémentaires pour l'année 2012,

' 196,87 euros au titre des congés payés afférents,

' 2 539,20 euros au titre des repos compensateurs pour l'année 2011,

' 253,92 euros au titre des congés payés afférents,

' 14 586,60 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

' 29 173,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 503,25 euros à titre d'indemnité au titre des heures de DIF,

' 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

ces sommes étant majorées de l'intérêt au taux légal,

' 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 novembre 2019, la société Gilbert James Voyages demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. [E] [T] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 8 février 2022 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 8 avril 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

SUR QUOI

Sur le rappel de salaire :

M. [T], après avoir rappelé les dispositions de la convention collective applicable selon lesquelles le temps de travail effectif des salariés est composé de toutes les périodes durant lesquelles le travailleur mobile ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail, expose que la société Gilbert James Voyages a remplacé un nombre important de disponibilités en temps de repos, ce qui conduit à réduire la rémunération de 50 %, comme le montre, selon lui, sa carte de conducteur.

Il présente dans ses écritures un tableau comparatif entre les relevés d'activité de la société qu'elle a produit dans le cadre d'une instance en référé, des relevés qui proviennent de la lecture de sa carte par le logiciel Athmo, détenu par M. [W] et ses bulletins de paie, mettant en évidence un écart d'un montant total de 7 618 euros dont il sollicite le règlement.

La société Gilbert James Voyages conclut à l'irrecevabilité des pièces produites par l'appelant faisant valoir que les relevés proviennent d'un lecteur de carte du logiciel Athmo détenu par M. [W], salarié d'une autre entreprise de transport, qu'ils n'ont aucune force probante, que le document a été édité postérieurement à son licenciement, que le salarié reconnaît lui-même que les documents internes de l'entreprise ont été obtenus par l'intermédiaire d'une société concurrente ainsi qu'un salarié extérieur et que ces documents obtenus de manière illégale doivent être écartés des débats.

Les éléments de preuve produits par M. [T], dont rien ne permet d'établir qu'ils aient été recueillis à l'insu de la société Gilbert James Voyages, s'agissant d'une analyse de la 'carte professionnelle' du salarié par un tiers à l'entreprise sont recevables, dès lors qu'ils ont été soumis aux débats de manière loyale et contradictoire, l'employeur disposant de la possibilité d'apporter la preuve contraire.

Aux termes de l'article 3 de la directive 2002/15/CE du 11 mars 2002, on entend, notamment, par:

a) "temps de travail":

1) dans le cas des travailleurs mobiles: toute période comprise entre le début et la fin du travail, durant laquelle le travailleur mobile est à son poste de travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de ses fonctions ou de ses activités, c'est-à-dire:

- le temps consacré à toutes les activités de transport routier. Ces activités sont notamment les suivantes:

i) la conduite,

ii) le chargement et le déchargement,

iii) l'assistance aux passagers à la montée et à la descente du véhicule,

iv) le nettoyage et l'entretien technique,

v) tous les autres travaux visant à assurer la sécurité du véhicule, du chargement et des passagers ou à remplir les obligations légales ou réglementaires directement liées au transport spécifique en cours, y compris le contrôle des opérations de chargement et déchargement et les formalités administratives avec les autorités policières, douanières, les services de l'immigration, etc.;

- les périodes durant lesquelles le travailleur mobile ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail, prêt à entreprendre son travail normal, assurant certaines tâches associées au service, notamment les périodes d'attente de chargement ou de déchargement, lorsque leur durée prévisible n'est pas connue à l'avance, c'est-à-dire soit avant le départ ou juste avant le début effectif de la période considérée, soit selon les conditions générales négociées entre les partenaires sociaux et/ou définies par la législation des États membres;

2) dans le cas des conducteurs indépendants, cette définition s'applique à toute période comprise entre le début et la fin du travail, durant laquelle le conducteur indépendant est à son poste de travail, à la disposition du client et dans l'exercice de ses fonctions ou de ses activités, autres que les tâches administratives générales qui ne sont pas directement liées au transport spécifique en cours.

Sont exclus du temps de travail, les temps de pause visés à l'article 5, les temps de repos visés à l'article 6 ainsi que, sans préjudice de la législation des États membres ou d'accords entre partenaires sociaux prévoyant que de telles périodes sont compensées ou limitées, les temps de disponibilité visés au point b) du présent article.

b) "temps de disponibilité":

- les périodes autres que celles relatives aux temps de pause et aux temps de repos durant lesquelles le travailleur mobile n'est pas tenu de rester à son poste de travail, mais doit être disponible pour répondre à des appels éventuels lui demandant d'entreprendre ou de reprendre la conduite ou de faire d'autres travaux. Sont notamment considérés comme temps de disponibilité, les périodes pendant lesquelles le travailleur mobile accompagne un véhicule transporté par ferry-boat ou par train ainsi que les périodes d'attente aux frontières et celles dues à des interdictions de circulation.

Ces périodes et leur durée prévisible doivent être connues à l'avance par le travailleur mobile, c'est-à-dire soit avant le départ ou juste avant le début effectif de la période considérée, soit selon les conditions générales négociées entre les partenaires sociaux et/ou définies par la législation des États membres;

- pour les travailleurs mobiles conduisant en équipe, le temps passé pendant la marche du véhicule à côté du conducteur ou sur une couchette' (...)

L'accord de modulation du temps de travail en vigueur au sein de la société Gilbert James Voyages définit le temps de travail effectif des conducteurs comme comprenant les temps de conduite, les temps de travaux et les temps de disposition, ces derniers étant définis par l'employeur et figurant le cas échéant sur le billet collectif valant ordre de mission.

Il est précisé à l'article 2.1.3 de l'accord « temps à disposition » que les temps à disposition sont des périodes de simple présence, d'attente ou de disponibilité, passées au lieu de travail ou dans le véhicule, sous réserve d'être définis par l'employeur, et pendant lesquels, sur demande de la sasu Gilbert James Voyages, le personnel de conduite peut être amené à reprendre le travail et doit rester proche du véhicule soit pour le surveiller, soit pour être à disposition des clients et en outre que ces périodes figurent sur les documents de travail en vigueur au sein de la société (feuille de route, ordre de mission, billet collectif...).

M. [T] ne verse aucune pièce démontrant qu'il lui était expressément demandé de se tenir à la disposition de l'employeur dans les conditions définies par l'accord de modulation du temps de travail et encore moins que ce dernier lui ait donné des instructions lui imposant de rester près du véhicule pour en assurer la surveillance et/ou rester à la disposition de la clientèle.

Il est justifié par l'intimée de ce que :

- le salarié a suivi plusieurs formations professionnelles,

- dès le 14 octobre 2011, et postérieurement, les dispositions conventionnelles applicables, à savoir que d'une part les temps à disposition ne pouvaient constituer du temps de travail sous réserve qu'ils soient définis par l'employeur, lui ont, expressément et à plusieurs reprises, été rappelées et d'autre part que l'absence de manipulation du sélecteur d'activité du chronotachygraphe avait pour effet de générer des infractions à la réglementation sociale des transports.

Il incombait par conséquent à M. [T] de déclarer les périodes comprises entre l'aller et le retour des personnes transportées comme des temps de repos ou de coupure dès lors qu'il n'était soumis à aucune obligation autre que le transport de ces passagers, quand bien même ils pouvaient effectuer entre temps des visites touristiques ou se livrer à des activités autres.

Il convient de débouter l'appelant de sa demande de rappel de salaire et le jugement est ainsi confirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-1 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, M. [T] expose qu'il a effectué 761,88 heures supplémentaires représentant en réalité des heures de disponibilité qui auraient dû être rémunérées en tant que telles, avec application de majoration.

Il se réfère aux mêmes pièces que celles analysées au titre de la détermination de son temps de travail effectif.

Or, la demande de l'appelant est fondée sur une interprétation erronée des dispositions réglementaires et conventionnelles ainsi que cela résulte de ce qui précède.

De plus, le tableau qu'il produit reprend cette interprétation.

En outre, la méthodologie retenue n'est nullement explicitée.

Il n'est notamment pas fourni d'explications techniques ou autres concernant le logiciel auquel a recouru son auteur, dont il n'est pas contesté qu'il est extérieur à l'entreprise et dont tant la compétence que la qualification ne sont pas précisées.

Les éléments produits par M. [E] [T] ne sont pas de nature à étayer ses prétentions.

Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée.

Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Sur les repos compensateurs :

M. [T] étant débouté de sa demande de d'heures supplémentaires, sera par conséquent débouté de sa demande en paiement de repos compensateur.

Sur le travail dissimulé :

L'article'L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article 'L.8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article 'L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Outre le fait qu'il n'est pas démontré que la société Gilbert James Voyages ait minoré les heures de travail effectuées par M. [T], il n'est pas plus établi que cette dernière aurait agi de manière intentionnelle dans le but de se soustraire à ses obligations.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande formée au titre du travail dissimulé.

Sur le licenciement :

Tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, à défaut d'accord convenu entre les parties lors de la conciliation, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société Gilbert James Voyages invoque les motifs suivants :

'Non manipulations réglementaires du sélecteur d'activités répétées et de nature à engendrer des infractions à la réglementation sociale européenne des transports ainsi qu'aux dispositions conventionnelles relatives à la durée journalière maximale de travail.

Nous ne pouvons laisser perdurer cette situation qui crée un trouble manifeste dans l'entreprise et est de nature à engager la responsabilité pénale du dirigeant.

Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement...'.

Au soutien de son appel, M. [T] fait valoir que :

- il a été sanctionné pour les mêmes faits par un blâme en date du 6 décembre 2012,

- le motif du licenciement n'est pas précis,

- l'employeur ne respectait ni la convention collective applicable, ni la directive 2002/15/CE du 11 mars 2002, ni le règlement CE n°561/06 du 15 mars 2006, ni l'accord de modulation du temps de travail en vigueur dans l'entreprise,

- que respectant le planning qui lui était imparti, aucun dépassement de l'amplitude maximale ne peut lui être reproché.

La société Gilbert James Voyages répond que le salarié invoque en vain le cumul de sanction dès lors que sont invoqués des faits différents se répétant dans le temps, que le motif énoncé est précis et que les pièces produites par l'intéressé doivent être déclarées irrecevables, comme ayant été obtenues de manière illégale.

Il convient de se reporter, s'agissant de la recevabilité des pièces produites par le salarié à l'appui de sa contestation de la définition du temps de travail, aux développements qui précèdent.

La société Gilbert James Voyages a, le 6 décembre 2012, notifié à M. [T] un blâme pour un motif précis: avoir dépassé l'amplitude journalière légale le 25 octobre 2012 (14h25) ainsi que le lendemain (14 h 08).

Pour justifier le licenciement de M [T], la sasu Gilbert James Voyages lui reproche des 'non manipulations réglementaires du sélecteur d'activité répétées'.

Ce motif est précis et matériellement vérifiable.

Le dépassement d'amplitude journalière qui est en l'espèce la conséquence d'une manipulation incorrecte de l'appareil de contrôle chronotachygraphe, en ce que le salarié refusait de caractériser les temps de coupure et ne retenait que les périodes de conduite ou de mise en disponibilité, a été sanctionné à raison des manquementsccç des 25 et 26 octobre 2012.

L'employeur a, en notifiant au salarié un blâme le 6 décembre 2012, épuisé son pouvoir disciplinaire s'agissant des faits de même nature antérieurs à cette sanction; il est en revanche recevable, sans que puisse lui être opposé le principe « non bis in idem » lui faisant interdiction de sanctionner deux fois le salarié pour les mêmes faits fautifs, à invoquer, ainsi qu'il l'énonce expressément dans la lettre de licenciement datée du 2 janvier 2013, une éventuelle réitération de faits de même nature.

Force est de constater que la 'liste des infractions éditée le 18 décembre 2012" (pièce n°34) qu'il communique concerne la période du 1er au 30 novembre 2012, que les relevés venant au soutien de cette liste sont en date des 13, 16, 20, 22, 27, 28, 29 et 30 novembre 2012, et qu'aucun élément n'est produit pour la période postérieure au 6 décembre 2012, de sorte que rien ne permet d'établir que M. [E] [T] a persisté, après avoir été sanctionné par le blâme du 6 décembre 2017, dans son refus de manipuler le sélecteur d'activité, comme cela lui avait été demandé et comme l'impose la réglementation.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré et de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [T].

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [E] [T] (2 431,10 euros), de son âge (46 ans), de son ancienneté (3 ans et un mois), de sa capacité à trouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 14 600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant à M. [T] à compter du jour du licenciement, et à concurrence de six mois.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral :

L'appelant ne rapporte pas la preuve du préjudice moral dont il sollicite la réparation.

Le conseil de prud'hommes l'a, à juste titre, débouté de sa demande de dommages-intérêts et le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le droit individuel à la formation :

Pas plus en cause d'appel qu'en première instance, la société Gilbert James Voyages n'apporte d'éléments, ainsi que l'avait souligné le premier juge, permettant de contredire M. [T] lorsqu'il indique que le nombre d'heures relatif au droit individuel à la formation mentionné dans la lettre de licenciement n'est pas de 26,25 heures mais de 120 heures.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué à ce titre un complément de 503,25 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement est confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société Gilbert James Voyages les dépens de première instance et y ajoutant, l'intimée est également condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. [T] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la sasu Gilbert James Voyages à lui verser 2 000 euros sur le même fondement au titre des sommes exposées en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [T] reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT le licenciement de M. [E] [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Gilbert James Voyages, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer à M. [T] la somme de 14 600 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant à M. [E] [T] à compter du jour du licenciement, et à concurrence de six mois d'indemnité,

CONDAMNE la société Gilbert James Voyages, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer à M. [E] [T] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des sommes exposées en appel,

CONDAMNE la sasu Gilbert James Voyages, prise en la personne de ses représentants légaux, aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/08817
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.08817 ?
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