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09/06/2022 | FRANCE | N°19/07894

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 09 juin 2022, 19/07894


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 09 JUIN 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07894 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKYP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 16/07722





APPELANTE



SA BNP PARIBAS

[Adresse 2]

[Localité

3]



Représentée par Me Christophe FERREIRA SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0575







INTIMÉE



Madame [W] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Fabrice FEVRI...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 09 JUIN 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07894 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKYP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 16/07722

APPELANTE

SA BNP PARIBAS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe FERREIRA SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0575

INTIMÉE

Madame [W] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabrice FEVRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [W] [F] a été engagée par la société Synteco le 13 avril 1981en qualité de comptable.

Après plusieurs transferts de son contrat de travail, au Groupement d'Etudes et de Prestations du Groupe de la Compagnie Bancaire le 1er octobre 1983, au GIE APEC 1% le 1er septembre 1993 puis au Groupement Kléber Services le 1er janvier 2002, l'intéressée est devenue salariée de la société BNP Paribas SA à compter du 1er avril 2007.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative à la banque.

Le 31 mars 2016, date à laquelle Mme [F] était devenue contrôleur de gestion, niveau I de la convention collective applicable, l'intéressée a pris sa retraite et perçu à cette occasion une indemnité de fin de carrière de 10 838,69 euros.

Contestant le montant alloué à ce titre, elle a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 1er juillet 2016 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 14 juin 2019, notifié le 17 juin 2019, cette juridiction a :

- condamné la Société Bnp Paribas à lui payer :

- 33 536,67 euros à titre de rappel d'indemnité de fin de carrière,

-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisent intérêts à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la présente décision ;

-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

-débouté les parties du surplus de leurs demandes respectives ;

-condamné la SA Bnp Paribas aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 10 juillet 2019, BP a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 10 mai 2021,la société demande à la Cour :

- de dire et juger la société BNP Paribas recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu le 14 juin 2019 par le conseil de prud'hommes Paris,

En conséquence,

- d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- de débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner Mme [F] à rembourser à BNP Paribas la somme de :

-20 522,05 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2019,

-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 20 mai 2021, Mme [F] demande à la Cour :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 19 septembre 2017 (RG n°16/07722 - Pièce n°14) en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

- condamné la SA BNP Paribas à lui verser à Mme [F] :

- 33 536,67 euros à titre de rappel d'indemnité de fin de carrière,

- 2 000 euros au titre de I 'article 700 du Code de procédure civile,

Et y ajoutant :

- de condamner la S.A BNP Paribas à lui verser 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 Code de Procédure Civile,

-de condamner la S.A BNP Paribas aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 mars 2022 pour y être plaidée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

L'article 1132-1 du Code du Travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, inclus dans le chapitre 2 fixant les règles sur le principe de non-discrimination et inclus dans le titre III intitulé 'Discriminations', prohibe toute mesure discriminatoire directe ou indirecte à raison notamment de l'âge du salarié et l'article 1134-1 du même code aménage les règles de preuve pour celui qui s'estime victime de discrimination au sens du chapitre 2, l'intéressé devant alors seulement présenter 'des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte', la partie défenderesse devant 'prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination', et le juge formant 'sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

L'article 1133-2 du code du travail dispose quant à lui que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, cet article fixant lui même certains de ces buts légitimes et déterminant en quoi peuvent notamment consister ces différences.

Affectée le 1er janvier 2002 au Groupement Kleber Services (GKS), la salariée relevait jusqu'alors du statut déterminé par l'accord de groupe du Groupe Compagnie Bancaire (GCB) dont l'article 25 précisait que l'indemnité de départ en retraite était accordée selon les modalités suivantes :

- aux membres du personnel ayant plus de cinq années de présence dans le groupe au moment de leur départ en retraite

- s'élevait à autant de quarantième de leur dernier salaire annuel garanti (...) Qu'ils comptent d'années entières ou partielles de présence avec un plafond de 34 années. Le montant ainsi obtenu devant être majoré d'une somme forfaitaire équivalent à 150 points AFB.

A compter du 1er janvier 2002, l'article 2-2 du statut collectif du GKS, précisait que :

- article 2-2-1 : pour les collaborateurs qui au 31 décembre 2001 ont 51 ans et plus, employés par une entité du groupe BNP Paribas régie par le même accord d'entreprise que celui applicable à la société jusqu'à cette même date,(...) l'indemnité de départ en retraite sera calculée sur la base d'autant de quarantième de leur dernier salaire annuel qu'ils comptent d'années entières ou partielles de présence (avec un plafond de 34 années). (...),

- article 2-2-2 : pour les collaborateurs qui au 31 décembre 2001 étaient âgés de moins de 51 ans et qui étaient employés par une entité du groupe BNP Paribas régie par le même accord d'entreprise que celui applicable à la société jusqu'à cette même date, l'indemnité de départ en retraite sera calculée au prorata temporis :

- a concurrence de la durée d'activité dans l'une de ces entités antérieurement au 1er janvier 2002, sur la base d'autant de quarantième de leur dernier salaire annuel qu'ils comptent d'années entières ou partielles de présence,

- à concurrence de la durée d'activité au sein de la société à compter du 1er janvier 2002, sur la base des règles résultantes de la convention collective de la Banque.

Ladite convention collective du 10 janvier 2000 dispose en son article 31 que les salariés comptant au moins dix ans d'ancienneté dans l'entreprise perçoivent au moment de la cessation d'activité une indemnité qui, sauf dispositions d'entreprise plus favorables est égale à :

- de 10 à 14 ans d'ancienneté dans l'entreprise: 2/3 de mensualité,

- de 15 à 19 ans d'ancienneté dans l'entreprise: 1 mensualité 1/4,

- de 20 à 29 ans d'ancienneté dans l'entreprise: 2 mensualités,

- 30 ans d'ancienneté et plus dans l'entreprise: 2 mensualités et demi majorées de 1/20 de mensualité par année d'ancienneté acquise dans l'entreprise à compter de la 31ème année.

Aux termes d'une lettre d'engagement du 19 mars 2007que la salariée a signée en mentionnant 'bon pour accord', cette dernière a été intégrée à compter du 1er avril 2007, en qualité de contrôleur de gestion niveau I au sein de la société BNP Paribas à laquelle son contrat de travail avec la société GKS était transféré, avec reprise d'ancienneté.

Sur l'indemnité de fin de carrière cette lettre précisait qu'elle serait calculée : 'sur la base des règles en vigueur au sein de BNP Paribas en prenant en compte la totalité de l'ancienneté acquise au sein du groupe. Cependant si votre contrat de travail a été transféré dans BNP Paribas (ou une autre société du groupe) depuis moins de huit ans au moment de la date de votre départ en retraite, et s'il s'avère que le calcul sur l'ancienneté totale acquise dans le groupe est plus favorable en appliquant les règles en vigueur dans la société d'origine où votre contrat de travail était établi avant ce transfert, c'est celui-ci qui sera appliqué.'

Ces mêmes dispositions étaient reprises dans le guide de la mobilité de la société BNP Paribas.

Au 1er janvier 2002, lorsque son contrat de travail a été transféré à la société GKS la salariée était âgée de 48 ans et au 1er avril 2016 date à laquelle elle est partie à la retraite, elle bénéficiait d'une ancienneté de plus de huit ans dans la société BNP Paribas qu'elle a rejointe à compter du 1er avril 2007, à l'âge de 53 ans.

Son indemnité de fin de carrière a été calculée sur la base des dispositions de l'article 31 de la convention collective applicable en référence à son ancienneté de plus de trente ans (2 mensualités et demi majorées de 1/20 de mensualité par année d'ancienneté acquise dans l'entreprise à compter de la 31ème année).

Pour analyser les dispositions de la lettre d'engagement du 19 mars 2007, reprises dans le guide de mobilité, comme constitutives d'une discrimination indirecte liée à l'âge, la salariée relève que la condition posée par la société BNP Paribas pour bénéficier du calcul le plus favorable de l'indemnité de fin de carrière (à savoir le transfert dans les effectifs depuis moins de huit ans au moment du départ effectif à la retraite) aboutit à prendre en considération le fait que le contrat de travail ait été transféré dans la société d'accueil depuis moins de huit ans lorsque le salarié a atteint l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans, BNP Paribas privant ainsi mécaniquement du bénéfice du calcul favorable tous les salariés dont le contrat a été transféré avant qu'ils aient atteint l'âge de 54 ans, (soit 62 ans, âge légal, - 8ans) et commettant ainsi une discrimination liée à l'âge.

Cependant, l'application du calcul dérogatoire n'est pas attachée à l'âge de la salariée, mais à un temps de présence maximum dans la société BNP Parisbas au moment de son départ effectif en retraite, lequel ne se confond pas avec le moment où est atteint l'âge légal de la retraite, alors au demeurant qu'en ce qui la concerne ce dernier était fixé à 61 ans et deux mois, comme étant née en 1953 et non à 62 ans.

Il ne peut donc être considéré que le seul fait d'avoir moins de 54 ans au moment du transfert du contrat de travail était le critère déterminant pour la mise à l'écart du calcul le plus favorable.

Au delà, la société BNP Paribas n'était pas tenue de maintenir sans limite, une règle dérogatoire de calcul de l'indemnité de fin de carrière plus favorable que celle applicable en son sein et elle pouvait soumettre le maintien de cette règle à des conditions y compris temporelles pourvu que ces mesures soit objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime.

Or, la différence de traitement résultant de la prise en considération d'une ancienneté plus ou moins supérieure à huit ans doit être admise comme reposant sur le but légitime de permettre de maintenir pour les salariés dont le transfert du contrat de travail est intervenu seulement quelques années avant leur départ à la retraite, le calcul de leur indemnité selon les règles plus favorables qui leur étaient applicables avant le dit-transfert, tout en veillant à ne pas créer une inégalité de traitement avec les autres salariés historiquement rattachés à la société BNP Paribas, le délai maximal de huit ans dont il est considéré par l'employeur comme nécessaire à l'intégration totale d'un salarié devant être considéré comme ainsi justifié.

Les dispositions de l'article 31 de la convention collective sont donc applicables, la salariée devant être déboutée de sa demande et le jugement du conseil des prud'hommes infirmé en toutes ses dispositions.

L'infirmation du jugement valant titre de remboursement des sommes versées en exécution de cette décision, il n'y a pas lieu d'en ordonner la restitution.

Malgré l'issue du litige, il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

REJETTE l'ensemble des demandes de Mme [F],

LAISSE à chacune des parties la charge de leurs frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/07894
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.07894 ?
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