La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2022 | FRANCE | N°20/05256

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 02 juin 2022, 20/05256


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 02 JUIN 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05256 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVJ7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 décembre 2019 - Tribunal d'Instance de NOGENT SUR MARNE - RG n° 11-18-000824





APPELANTE



La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, soci

été anonyme à conseil d'Administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits de la société SOLFI...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05256 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVJ7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 décembre 2019 - Tribunal d'Instance de NOGENT SUR MARNE - RG n° 11-18-000824

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'Administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits de la société SOLFINEA anciennement dénommée BANQUE SOLFEA

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [C] [Y]

né le 4 janvier 1978 à EL DAKAHLA (EGYPTE)

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

Madame [X] [S] épouse [Y]

née le 7 novembre 1982 à [Localité 7] (33)

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

La SELARL JSA représentée par son représentant légal en qualité de mandataire ad hoc de la société AVENIR ENERGIE (SAS)

[Adresse 2]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon acte du 31 octobre 2011, M. [C] [Y] et Mme [X] [S] épouse [Y] ont, à la suite d'un démarchage à domicile, conclu avec la société Avenir Energie, anciennement dénommée Vivaldi Environnement, un contrat d'achat et d'installation de panneaux photovoltaïques pour un montant de 21 100 euros. Cette installation a été intégralement financée par un contrat consenti le même jour à M. et Mme [Y] par la société banque Solfea, ledit prêt d'un montant de 21 100 euros étant remboursable en 180 mensualités dont 7 mensualités d'un montant de 104 euros puis 162 mensualités d'un montant de 196 euros, moyennant un taux nominal annuel de 5,60 %. Le contrat de crédit précise que le paiement de la première échéance devait intervenir 11 mois après la date de mise à disposition des fonds.

Le 12 janvier 2012, M. [Y] a signé une attestation de fins de travaux et réclamé le déblocage des fonds.

Par jugement du 3 avril 2013, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société Avenir Energie, et désigné la société Gauthier-Sohm devenue la SELARL JSA en qualité de mandataire ad hoc.

Saisi les 21 et 23 août 2018 par M. et Mme [Y] d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, le tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne, par un jugement contradictoire rendu le 31 décembre 2019 auquel il convient de se reporter, a :

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale,

- déclaré prescrite 1'action en nullité du contrat,

- déclaré recevable 1'action en nullité du contrat pour dol,

- rejeté le surplus des fins de non-recevoir,

- annulé le contrat de vente,

- annulé le contrat de crédit conclu avec la banque Solfea, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance,

- dit que la banque a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité,

- dit que la société BNP Paribas Personal Finance ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation du contrat de prêt à 1'égard des emprunteurs et que les emprunteurs sont exonérés de leur obligation à remboursement du capital prêté par la banque Solfea,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea à restituer à M. et Mme [Y] la somme de 15 232 euros au titre des échéances payées jusqu'au 8 octobre 2019 ainsi que les échéances de prêt éventuellement payées depuis cette date,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Le premier juge a relevé au visa des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil que le moyen tiré de la nullité pour irrégularité de forme du contrat principal était irrecevable comme prescrit. Il a constaté que le rendement de la centrale était largement inférieur à celui annoncé, caractérisant des allégations mensongères de la venderesse ayant vicié le consentement des acquéreurs. Il a prononcé en conséquence la nullité du contrat de prêt avant de retenir que la banque avait commis une faute en versant les fonds au regard d'une attestation de fin de travaux incomplète ne permettant pas de s'assurer de la complète exécution de ses obligations par la venderesse.

Par une déclaration en date du 13 mars 2020, la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNPPPF) a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 21 février 2022, l'appelante demande à la cour':

- d'infirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale et déclaré prescrite 1'action en nullité du contrat fondée sur des irrégularités formelles,

- de débouter M. et Mme [Y] de leur demande d'injonction de communication de pièces,

- à titre principal, de déclarer irrecevables leurs demandes en nullité ou en résolution des contrats, et à tout le moins les en débouter,

- de prononcer la résiliation du contrat de crédit du fait des impayés à compter du 12 mars 2020,

- de condamner M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 14 535,01 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,60 % l'an à compter du 13 mars 2020 sur la somme de 13 469,16 euros et au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées à M. et Mme [Y] en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées, soit la somme de 16 212 euros et les de condamner en tant que de besoin, solidairement à lui restituer cette somme de 16 212 euros,

- subsidiairement, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 5 096 euros au titre des échéances échues impayées de mars 2020 à avril 2022 inclus, outre la somme de 16 212 euros au titre des mensualités précédemment restituées, et leur enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme,

- subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [Y] visant à leur décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en débouter, et de les condamner à lui payer la somme de 21 100 euros en restitution du capital prêté,

- très subsidiairement, de limiter la réparation qu'elle devrait eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice et limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. et Mme [Y] d'en justifier,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de décharge de l'obligation de l'emprunteur, de condamner in solidum M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 21 100 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable ; de leur enjoindre de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à la société JSA, ès-qualités de mandataire ad hoc, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de dire qu'à défaut de restitution, ils resteront tenus de la restitution du capital prêté,

- subsidiairement, de priver M. et Mme [Y] de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,

- de débouter les intimés de toute autre demande,

- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- en tout état de cause, de condamner in solidum M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Visant les articles 2224 et 1304 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, l'appelante confirme que l'action en nullité fondée sur de prétendues irrégularités formelles est irrecevable comme prescrite. Elle relève que les acquéreurs avaient connaissance dès le raccordement de l'installation (en août 2012) de la quantité d'électricité qui serait produite, de sorte qu'ils auraient dû agir plus tôt et que leur action en nullité pour dol est également irrecevable comme prescrite.

Elle conteste les griefs émis à l'encontre du libellé du bon de commande, rappelle le caractère strict de l'interprétation des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation et souligne que le premier juge est allé au-delà des exigences prévues par les textes. Elle indique subsidiairement que les acquéreurs ont confirmé l'acte entaché de nullité en réceptionnant sans réserve les travaux, en sollicitant le paiement de la prestation puis en raccordant l'installation et en revendant l'électricité à EDF.

Elle note que les allégations de dol au sens des articles 1109 et 1116 anciens du code civil ne sont aucunement étayées et qu'aucun élément n'est fourni sur la réalité d'une promesse d'autofinancement ou sur la rentabilité de l'installation, ni sur une présentation fallacieuse de la nature du bon de commande. Elle souligne que les acquéreurs ne peuvent se plaindre d'une absence de rentabilité en l'absence de toute expertise contradictoire à ce sujet. L'appelante conteste toute méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation et relève que la remise des fonds opérée par la banque Solfea sur demande des emprunteurs valait agrément au sens de cet article.

Après avoir rappelé au visa de l'article 1147 du code civil que la faute ne peut entraîner réparation qu'à hauteur du préjudice subi et que l'établissement de crédit n'était pas garant du respect par le vendeur de ses obligations, elle relève que la nullité du contrat principal entraînerait celle du contrat de crédit de sorte qu'aucun manquement contractuel ne pourrait lui être reproché et que seule sa responsabilité délictuelle serait susceptible d'être engagée.

Visant notamment les articles L. 311-31 et L. 311-51 du code de la consommation, elle conteste toute obligation de contrôler la validité du bon de commande, toute faute dans la vérification du bon de commande, de l'exécution de la prestation qui ne lui incombe pas ou dans la délivrance des fonds sur la base d'un mandat de payer donné par le client (en rappelant les obligations du mandataire) ; elle souligne que les demandes des emprunteurs à son encontre sont vaines dès lors qu'ils ne justifient pas du moindre préjudice ni d'un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque.

Elle rappelle que le maintien du contrat obligera les intimés à restituer le capital perçu au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué. À titre subsidiaire, l'appelante fait valoir que la nullité du contrat de crédit emporterait obligation pour les emprunteurs de restituer le capital emprunté.

Elle note que l'évaluation d'un éventuel préjudice doit prendre en compte la valeur du bien que les acquéreurs conserveront et souligne que la légèreté blâmable avec laquelle les emprunteurs ont signé l'attestation de fin de travaux constitue une faute occasionnant un préjudice correspondant au capital prêté dont elle serait privée.

Par des conclusions remises le 29 novembre 2021, M. et Mme [Y] demandent à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- de débouter la société BNPPPF de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de dire que la société BNPPPF a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à leur égard et qu'elle ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs,

- de la condamner à leur payer la somme de 17 000 euros, à titre de dommage et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque, la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance et celle de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- de la condamner à leur payer la somme 4 554 euros, au titre du devis de désinstallation,

- de la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au visa de l'article L. 621-40-I du code de commerce, les intimés indiquent que leur action tend à l'annulation du contrat conclu avec la société Vivaldi Environnement, et non à la condamnation de celle-ci à quelque somme que ce soit, de sorte qu'elle est recevable. Visant les articles 1144 et 2224 du code civil, ils rappellent que le point de départ du délai de prescription est fixé au jour de la découverte de la tromperie, soit en l'espèce à la date de première facturation, le 9 février 2014 de sorte que leur demande en nullité est recevable.

À titre principal, ils allèguent au visa des articles L. 121-23 à L. 121-25 du code de la consommation des violations de dispositions impératives régissant le bon de commande, notamment en ce qui concerne la description du matériel proposé, les conditions et délais d'exécution des prestations, les dispositions relatives aux garanties les éléments relatifs au paiement, le nom du démarcheur, les ambiguïtés et dénoncent la mauvaise lisibilité du bon de commande, ou encore le droit de rétractation.

Ils dénoncent des abstentions malicieuses, la référence mensongère à un partenariat avec la société EDF, une présentation fallacieuse de la rentabilité prévisible de l'installation et une dénomination trompeuse de l'acte qui ont affecté la validité de leur consentement au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil.

Les intimés rappellent que l'annulation du contrat de vente emporte de plein droit la nullité du contrat de crédit en vertu de l'article L. 311-32 du code de la consommation et contestent avoir renoncé à se prévaloir des causes de nullité du contrat de vente, indiquant n'avoir pas eu connaissance des irrégularités affectant l'acte. Ils invoquent en outre une violation par la banque des dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation.

Les emprunteurs soutiennent que la banque est tenue de vérifier la régularité du contrat principal, et qu'elle a commis une faute en n'y procédant pas, en finançant un contrat nul et en libérant les fonds avant l'achèvement de l'installation. Elle soutient qu'une telle faute doit conduire à la privation de sa créance de restitution.

Après avoir rappelé que l'annulation du contrat obligerait la banque à leur restituer les sommes perçues en exécution du contrat, ils indiquent que les fautes de celle-ci leur ont causé de nombreux préjudices justifiant l'octroi de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et trouble de jouissance ainsi que la prise en charge des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture.

Régulièrement assignée par acte d'huissier délivré le 17 juin 2020 conformément aux dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile, la SELARL JSA ès-qualités n'a pas constitué avocat. Les conclusions d'appelant lui ont été signifiées le même jour et le 17 décembre 2020 et les conclusions d'intimés lui ont été signifiées le 11 septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 23 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, il convient de souligner que les parties n'ont pas discuté en appel le rejet de l'exception d'incompétence territoriale par le premier juge ni la recevabilité de l'intervention volontaire de la société BNPPPF venant aux droits de la société Banque Solfea.

Le contrat de vente conclu le 31 octobre 2011 entre M. et Mme [Y] et la société Vivaldi Environnement est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au 31 octobre 2011, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile et le contrat de crédit conclu entre M. et Mme [Y] et la société Banque Solfea est un contrat affecté soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la recevabilité des demandes des emprunteurs tirée de la prescription

La société BNPPPF soutient au visa des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les moyens tirés de l'irrégularité formelle du bon de commande, du dol, et de l'action en responsabilité du prêteur de deniers soulevés par M. et Mme [Y] sont prescrits, puisque la signature du bon de commande remonte au 31 octobre 2011 (date utile pour le bon de commande et le dol), que le déblocage des fonds remonte au 10 février 2012 (date utile pour l'action en responsabilité) alors que les assignations ont été signifiées le 21 et le 23 août 2018.

M. et Mme [Y] soutiennent au visa de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription remonte à la date du raccordement, le 29 août2012, en ce qui concerne le bon de commande, et à la date de la première facture de production le 9 février 2014 en ce qui concerne le dol.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Sur la prescription des demandes de nullité du bon de commande

En l'espèce, le bon de commande valant contrat date du 31 octobre 2011 et reproduit en leur intégralité les dispositions des articles L. 121-21 à L. 121-32, L. 121-3 à L. 121-6, L. 122-8 à L. 122-11 du code de la consommation. M. et Mme [Y] disposaient ainsi, à la date de signature du contrat, des éléments nécessaires d'information pour en apprécier son éventuelle irrégularité sur le fondement des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation. Il s'ensuit qu'à compter de la signature du contrat, ils disposaient d'un délai de 5 ans pour agir en nullité ou résolution dudit contrat soit jusqu'au 31 octobre 2016. L'instance introduite au visa des dispositions du code de la consommation suivant assignations délivrées les 21 et 23 août 2018 est donc prescrite.

Par des motifs parfaitement circonstanciés que la cour adopte sans qu'il soit besoin de les reproduire, le premier juge a dit que l'action tendant à l'annulation de ce contrat, formée le 21 et le 23 août 2018 était irrecevable car prescrite en application de l'article 2224 du code civil, le point de départ du délai quinquennal étant la date de conclusion du contrat qu'il appartenait aux acquéreurs de lire. Le jugement est par conséquent confirmé sur ce point.

Sur la prescription des demandes de nullité pour dol

Le délai quinquennal de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce est également applicable au dol et débute à la date à laquelle la personne intéressée a eu connaissance des faits lui permettant d'agir.

M. et Mme [Y] sollicitent l'annulation du contrat litigieux pour dol en soutenant que le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date de réception de la première facture d'électricité leur ayant permis de prendre connaissance des man'uvres frauduleuses opérées par la société Vivaldi Environnement, soit le 9 février 2014.

La cour constate que M. et Mme [Y] invoquent à l'appui du dol des éléments connus lors de la signature du bon de commande qui justifient de retenir cette date comme point de départ du délai de prescription ou des éléments non contractualisés et donc inopérants pour permettre de reporter le point de départ du délai de prescription à la date de réception de la première facture d'électricité. Il est en effet soutenu que les informations relatives au délai de raccordement, à l'assurance obligatoire à souscrire en cas d'acquisition de tels matériels, à la location obligatoire d'un compteur de production auprès de la société EDF sur 20 ans, et à la durée de vie des matériels et notamment, celle de l'onduleur électrique n'ont pas été communiquées, que la société Vivaldi Environnement a sciemment fait état de partenariats mensongers avec EDF et GDF, que la présentation de la rentabilité de l'installation était fallacieuse et que la présentation de l'opération contractuelle comme une simple candidature était trompeuse.

À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que ce moyen tiré du dol est prescrit au motif que les moyens de fait invoqués à l'appui du dol pouvaient être découverts à la date de signature du bon de commande comme cela est le cas du défaut d'information sur la durée de vie des matériels et notamment, celle de l'onduleur électrique, comme cela est aussi le cas des allégations relatives à la confusion avec EDF et GDF, à l'estimation de production de la première année au vu des conditions générales de vente et à la présentation trompeuse de l'opération contractuelle comme une simple candidature. Le coût du crédit et ses modalités étaient également connus des acheteurs au jour de la signature du contrat.

La cour ajoute, en ce qui concerne les moyens de faits relatifs au délai de raccordement, à la capitalisation des intérêts, à l'assurance obligatoire à souscrire en cas d'acquisition de tels matériels, à la location obligatoire d'un compteur de production auprès de la société EDF sur 20 ans, à la présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation, qu'il s'agit de moyens inopérants dès lors qu'ils portent sur des éléments non contractualisés, le bon de commande ne comportant strictement aucune indication sur la rentabilité de l'installation et étant suffisamment explicite sur les limites du contrat relatif à l'installation photovoltaïque vendue étant précisé que le raccordement a été fait dans le cadre du contrat passé par ailleurs entre M. et Mme [Y] et ERDF.

Il est au demeurant constaté que la pièce n° 3 « simulation protocole photovoltaïque » concerne un autre dossier (nom et adresse différents) et qu'il est impossible de déterminer les pièces qui leur ont effectivement été remises et celles qui concernent le contrat d'un tiers, les documents produits étant incomplets.

Enfin, le bon de commande ne comporte aucun engagement contractuel de la société Vivaldi Environnement concernant la rentabilité de l'installation vendue. Les époux [Y] ne peuvent donc soutenir avoir découvert postérieurement des éléments caractérisant une tromperie et l'erreur qui en aurait résulté. S'ils indiquent avoir adressé au vendeur, le 19 mars 2012, un courrier simple réclamant deux chèques de remboursement de deux panneaux et du coût des travaux de raccordement, ils n'ont entrepris aucune action dans les cinq années suivant ce courrier.

De la même façon, M. et Mme [Y] ont pu constater leur production électrique au vu de leur compteur installé le 29 août 2012 et ils n'ont émis aucune contestation à réception des factures de revente.

L'édition de la facture annuelle n'a donc pas révélé aux intéressés un fait qu'ils ne pouvaient connaître auparavant, à savoir le niveau de production de l'équipement et elle n'était pas de nature à leur révéler les faits frauduleux imputés au prestataire de services relatifs notamment aux partenariats dont s'est prévalue la venderesse ou à la présentation générale des possibilités offertes en matière d'énergies renouvelables. Les appelants ne justifient nullement d'événements postérieurs légitimant un report du point de départ du délai de prescription.

En conséquence, l'action en nullité fondée sur l'article 1116 du code civil introduite le 21 août 2018 est prescrite. Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la prescription de l'action en responsabilité des emprunteurs contre le prêteur de deniers

M. et Mme [Y] formulent également des demandes indemnitaires à hauteur de 17 000 euros et 6 000 euros, outre la dispense de restitution et soutiennent enfin que la banque a commis une faute dans la mesure où, étant spécialisée dans les opérations de crédit, il lui incombait de vérifier que le contrat était conforme aux dispositions du code de la consommation, qu'elle a commis une faute en délivrant les fonds avant l'achèvement de l'installation alors que le raccordement était un élément déterminant du contrat.

À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'action en responsabilité est prescrite au motif que les moyens de fait invoqués à l'appui de l'action en responsabilité du prêteur pouvaient être découverts soit à la date de signature du contrat de crédit affecté le 31 octobre 2011 comme cela est le cas des éventuelles non conformités du contrat principal aux dispositions du code de la consommation, soit à la date du déblocage des fonds le 10 février 2012 comme cela est le cas de l'éventuelle faute dans le déblocage des fonds.

La cour ajoute, en ce qui concerne les moyens de faits relatifs à la date du raccordement, et aux devoirs d'information, de mise en garde et de conseil sur la réalité de l'opportunité économique de l'opération et le caractère illusoire des rendements escomptés, qu'il s'agit de moyens inopérants dès lors qu'ils portent sur des éléments non contractualisés, le bon de commande ne comportant strictement aucune indication sur la rentabilité de l'installation.

En l'espèce, plus de cinq années se sont écoulées entre le contrat conclu le 31 octobre 2011 ou le déblocage des fonds survenu le 10 février 2012 et l'assignation délivrée le 21 août 2018, en sorte que l'action en responsabilité engagée par M. et Mme [Y] est irrecevable par application de l'article L. 110-4 précité.

En conséquence, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions et la cour déclare que M. et Mme [Y] sont irrecevables en leur action en nullité, en leur action en responsabilité et en toutes leurs demandes découlant de ces actions.

Sur la demande de communication de pièces

Dans le dispositif de leurs écritures, M. et Mme [Y] demandent qu'il soit ordonné à la société BNPPPF la communication d'un état des sommes remboursées au titre du crédit souscrit, sans toutefois développer de moyen à l'appui de cette demande. Ils indiquent eux même avoir versé à la banque, entre janvier 2013 et septembre 2020, une somme de 17 388 euros.

Cette demande n'est fondée ni en fait, ni en droit et le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur l'exécution du contrat de crédit

Il ressort des motifs qui précèdent que M. et Mme [Y] sont tenus de rembourser le crédit litigieux de sorte que les sommes qu'ils ont acquittées de ce chef ne sont pas dépourvues de cause et qu'ils sont mal fondés en leur demande de restitution.

L'appelante se prévaut de l'inexécution du contrat de crédit depuis le jugement dont appel pour solliciter la résiliation du contrat et le paiement du solde restant dû outre intérêts au taux contractuel. Cette situation judiciaire ne suffit pas à qualifier de grave le manquement imputable aux emprunteurs qui avaient spontanément assumé leurs obligations jusqu'à février 2020.

Il convient donc de rejeter la demande de résiliation du crédit.

Pour autant, les mensualités échues depuis le jugement dont appel et jusqu'à la date du présent arrêt sont exigibles.

À la date du présent arrêt, M. et Mme [Y] sont donc redevables de la somme de 5 292 euros (27 mensualités de 196 euros échues entre mars 2020 et mai 2022).

En conséquence, M. et Mme [Y] sont condamnés solidairement à payer à la société BNPPPF la somme exigible de 5 292 euros et ils devront reprendre le remboursement du crédit à compter de l'échéance du mois de juin 2022.

Il convient de rappeler que les intimés sont en outre redevables de plein droit du remboursement des sommes qu'ils ont perçues en exécution du jugement qui est infirmé, soit la somme de 16 212 euros.

Les motifs qui précèdent rendent sans objet les prétentions et moyens subsidiaires des parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence, en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en nullité du contrat pour inobservation de l'article L. 131-23 du code de la consommation, rejeté le surplus des fins de non-recevoir, rejeté la demande de communication et en ce qu'il a rejeté les demandes plus amples ou contraires de chacune des parties ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare M. [C] [Y] et Mme [X] [S] épouse [Y] irrecevables en leur action en nullité pour dol et en toutes leurs demandes en découlant et en leur action en responsabilité à l'encontre de la société BNP Paribas personal finance ;

Ajoutant,

Déboute la société BNP Paribas personal finance de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de crédit ;

Condamne solidairement M. [C] [Y] et Mme [X] [S] épouse [Y] à payer à la société BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Banque Solfea la somme de 5 292 euros au titre des mensualités échues entre mars 2020 et mai 2022 incluses ;

Dit que M. et Mme [Y] devront reprendre le remboursement du crédit à compter du 10 juin 2022 ;

Condamne in solidum M. [C] [Y] et Mme [X] [S] épouse [Y] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SELARL Cloix & Mendès-Gil, avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [C] [Y] et Mme [X] [S] épouse [Y] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/05256
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.05256 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award