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02/06/2022 | FRANCE | N°19/16187

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 02 juin 2022, 19/16187


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 02 JUIN 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16187 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARGU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juillet 2019 - Tribunal d'Instance de PALAISEAU - RG n° 11-18-000870





APPELANT



Monsieur [Z] [J]

[Adresse 3]

[Localité 4]>


représenté par Me François BUTHIAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1048





INTIMÉE



Madame [X] [Y]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] (M...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16187 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARGU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juillet 2019 - Tribunal d'Instance de PALAISEAU - RG n° 11-18-000870

APPELANT

Monsieur [Z] [J]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me François BUTHIAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1048

INTIMÉE

Madame [X] [Y]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Nejma LABIDI de la SELEURL NEMJA LABIDI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1702

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 12 septembre 2017, M. [Z] [J] a certifié régler à Mme [X] [Y] la somme de 12 000 euros à raison de 500 euros par mois, à compter du 15 septembre 2017 et jusqu'à complet paiement. Le document a été contresigné par Mme [Y].

Saisi le 8 novembre 2018 par Mme [Y] d'une demande principale en paiement de la somme de 9 500 euros restant due au titre de la reconnaissance de dette, le tribunal d'instance de Palaiseau, suivant jugement contradictoire rendu le 2 juillet 2019 auquel il convient de se reporter, a condamné M. [J] à payer à Mme [Y] la somme de 9 315 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement outre la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le tribunal a relevé que l'acte du 12 septembre 2017 ne pouvait constituer une reconnaissance de dette au sens de l'article 1376 du code civil à défaut de comporter mention de la somme due en toutes lettres, mais qu'il valait commencement de preuve par écrit. Il a considéré qu'au vu des éléments complémentaires produits, la demande était fondée à hauteur de 9 315 euros compte tenu des versements d'ores et déjà effectués en remboursement.

Par déclaration du 2 août 2019, M. [J] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 22 octobre 2019, il demande à la cour de :

- d'infirmer le jugement,

- de prononcer la nullité de l'acte du 12 septembre 2017,

- à titre subsidiaire, de dire et juger qu'il a versé à Mme [Y] les sommes qu'il s'était engagé à verser audit acte,

- en conséquence et en tout état de cause, de débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'exception de celle relative au déferrement d'office du serment au cas où la cour s'estimerait insuffisamment éclairée,

- de condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelant sollicite la nullité de l'acte sur le fondement des articles 1162 et 1169 du code civil en ce qu'il ne respecte pas les conditions de l'article 1376 du code civil à défaut de mention écrite de la main de M. [J] de la somme qui serait due en toutes lettres et chiffres. Il soulève également la nullité pour défaut de cause car M. [J] ne déclare pas avoir reçu quelque somme que ce soit de la part de Mme [Y] qu'il s'engagerait à rembourser et alors que Mme [Y] n'a jamais reçu cette somme. Il soutient que ce ne sont pas les quelques chèques, pour ceux non déchirés, les autres ne prouvant strictement rien qu'il aurait émis en usurpant l'identité de Mme [Y] qui viendraient démontrer la dépossession par cette dernière d'une somme de 12 000 euros. Il précise qu'il disposait d'une procuration sur le compte de Mme [Y].

Il explique avoir été en concubinage pendant plusieurs années avec Mme [Y] et avoir été en situation de faiblesse à la fois physique, du fait des multiples opérations qu'il a dû subir, mentale (dépression) et de ce fait affective, ayant nourri une véritable dépendance matérielle et morale envers Mme [Y] qui a su en profiter. Il prétend que cette dernière l'a conduit à engager des dépenses inconsidérées à son profit, pour plusieurs centaines de milliers d'euros (achat de biens immobiliers au Maroc, travaux d'aménagement et des dépenses de décoration de sa résidence principale, dépenses de chirurgie esthétique notamment). Il explique s'être trouvé dans une situation impossible, ayant été contraint de signer l'acte du 12 septembre 2017. Il fait valoir que cet engagement apparaît contraire à l'ordre public dès lors qu'il repose sur une cause illicite et dès lors qu'il matérialise une donation déguisée, laquelle est illicite et donc nulle entre concubins.

Il indique à titre subsidiaire, avoir versé une somme supérieure à 9 500 euros à Mme [Y] à compter du mois de septembre 2017, par l'intermédiaire de tiers. Il affirme lui avoir versé un minimum de 12 724,26 euros et que Mme [Y] bénéficierait alors d'un enrichissement sans cause.

Par des conclusions remises par voie électronique le 5 décembre 2019, Mme [Y] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- en tout état de cause, de condamner M. [J] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Mme [Y] indique n'avoir jamais contesté le caractère imparfait de la reconnaissance de dette qu'elle a toujours qualifié de commencement de preuve par écrit, ne rendant pas l'acte nul. Elle ajoute avoir complété cet écrit par la preuve d'un commencement d'exécution.

Concernant la cause et la prétendue nullité pour donation déguisée, elle fait valoir que la jurisprudence a déjà jugé sur le fondement de l'article 1132 du code civil devenu 1162 que la règle édictée par cet article institue une présomption que la cause de l'obligation invoquée existe et est licite et qu'il incombe à la partie qui se prévaut d'un défaut de cause d'en rapporter la preuve. Elle estime que l'obligation est parfaitement causée et a reçu un commencement d'exécution puisque M. [J] a réglé cinq échéances tout en reconnaissant par texto qu'il devait encore des fonds. Elle fait remarquer que la preuve n'est pas rapportée du caractère prétendu illicite de l'acte litigieux, ni qu'il se serait agi d'une donation déguisée.

Elle soutient que M. [J] a profité de sa confiance et de sa vulnérabilité alors qu'elle élève seule son enfant handicapé, pour utiliser à son profit son compte bancaire en émettant des chèques et des règlements à son profit ou au profit de tiers, et en lui dérobant un carnet de chèques qu'il a cru pouvoir utiliser à son profit puisqu'il est interdit bancaire de longue date. Elle précise avoir déposé plainte pour ces faits auprès du commissariat de [Localité 5] le 8 janvier 2018 dès qu'elle s'en est aperçue. Elle pense que c'est raison pour laquelle M. [J] lui a adressé une lettre d'excuse le 26 janvier 2018 aux termes de laquelle il reconnaît le vol des chèques et s'engage à rembourser les sommes indiquées dans la reconnaissance de dette qu'il lui a dérobées en lui restituant une partie des chèques qu'il avait remis à des tiers.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 5 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité de l'acte du 12 septembre 2017

L'appelant soulève la nullité de l'acte du 12 septembre 2017 pour non-respect des conditions de l'article 1376 du code civil à défaut de mention écrite de la main de M. [J] de la somme qui serait due en toutes lettres et chiffres, pour absence de cause et cause illicite sur le fondement des articles 1162, 1169 et 1376 du code civil.

Aux termes des articles 1376 du code civil, l'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.

Aux termes de l'article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, il n'est pas contesté que suivant acte unilatéral du 12 septembre 2017, dactylographié mais signé de la main de M. [J] et de la main de Mme [Y], M. [J] a « certifié régler à Madame [X] [Y] la somme de 12 000 euros à raison de 500 euros par mois à compter du 15 septembre 17, jusqu'à expiration de ladite dette ».

Faute de mention manuscrite de la somme en toutes lettres et en chiffres, cet acte ne répond en effet pas aux exigences du texte susvisé. Toutefois, il est admis que l'omission d'une des formalités précitées n'entraîne pas la nullité de l'acte qui constitue un commencement de preuve par écrit tel que défini à l'article 1362 par le code civil, pouvant être complété par d'autres éléments versés aux débats.

En l'espèce, Mme [Y] communique un SMS émanant de M. [J] du 30 septembre 2018 dont l'envoi est non contesté indiquant notamment « donnez-moi un mémorandum de ce que je vous dois ». Elle justifie d'un commencement d'exécution caractérisé par un chèque émanant de M. [J] d'un montant de 500 euros encaissé par elle le 2 novembre 2017 (date de valeur au 3 novembre 2017) sur son compte ouvert auprès de la Société générale, par un virement de 500 euros du 21 février 2018 du compte de M. [Z] [J] au compte de Mme [Y].

Il est justifié également de trois ordres de transfert par cash de 695, 495 et 495 euros les 30 juillet 2018, 02 août 2018 et 10 août 2018, soit 2 685 euros au total que Mme [Y] reconnaît avoir perçus.

Aussi, le commencement de preuve par écrit apparaît utilement complété par ces éléments faute pour M. [J] de prouver la réalité de l'absence de remise de fonds.

Aux termes des articles 1162 et 1169 du code civil, le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations ni par son but que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. Le contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

Il n'est pas démontré en quoi l'engagement du 12 septembre 2017 aurait poursuivi un but contraire à l'ordre public au regard de l'existence de relations de concubinage entre les parties ou de l'exploitation de la faiblesse de son souscripteur ni qu'il ne correspondrait qu'à une contrepartie illusoire.

Il n'est pas non plus démontré en quoi cet engagement constituerait une donation déguisée entre concubins et en particulier au regard des conditions de sa formation exigée par l'article 1376 du code civil.

La demande d'annulation de l'acte doit être rejetée.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

A titre subsidiaire, M. [J] prétend avoir versé une somme supérieure à 9 500 euros à savoir un minimum de 12 724,26 euros depuis septembre 2017 par l'intermédiaire de sa fille [R] [J] ou de son ami M. [G] [E], de sorte qu'il ne doit plus aucune somme.

Les pièces remises par M. [J] à savoir des relevés du compte de Mme [Y] à la Société générale annotés avec des mentions relatives à des versements en espèces ou des remises de chèques et des copies largement illisibles de bordereaux de versements d'espèces ou de remise de chèques ne permettent pas de dire si les sommes créditées au compte de Mme [Y] proviennent de M. [J] et ni si ces versements sont en lien avec l'acte du 12 septembre 2017.

Il n'est pas non plus possible d'établir un lien entre les versements effectués par Mme [R] [J] et M. [G] [E] et la somme de 12 000 euros due par M. [J].

L'attestation rédigée par M. [E] datée du 5 octobre 2018 doit être écartée en ce qu'elle ne répond pas aux exigences prévues à l'article 202 du code de procédure civile et au regard des relations amicales entretenues entre M. [E] et M. [J].

Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a déduit de la somme de 12 000 euros les versements effectués au profit de Mme [Y] à hauteur de 2 685 euros soit un solde de 9 315 euros auquel M. [J] est condamné. Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, contradictoirement, par décision mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] [J] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [Z] [J] à payer à Mme [X] [Y] une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/16187
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.16187 ?
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