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31/05/2022 | FRANCE | N°20/10340

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 31 mai 2022, 20/10340


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 31 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10340 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDMC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/10466





APPELANT



Monsieur [M] [I] né le 31 décembre 1973 à [Localité 5]

(Mali),



chez Monsieur [Z] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754



(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNEL...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 31 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10340 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDMC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/10466

APPELANT

Monsieur [M] [I] né le 31 décembre 1973 à [Localité 5] (Mali),

chez Monsieur [Z] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2020/011944 du 25/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2022, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre,

M. François MELIN , conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 24 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, dit que M. [M] [I], se disant né le 31 décembre 1973 à [Localité 5] (Mali), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et l'a condamné aux dépens dans les conditions prévues en matière d'aide juridictionnelle ;

Vu la déclaration d'appel en date du 22 juillet 2020 et les dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2020 par M. [M] [I] qui demande à la cour de déclarer recevable son appel, de reformer le jugement rendu le 24 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire que M. [M] [I], né le 31 décembre 1973 à [Localité 5] (Mali) est de nationalité française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et laisser les dépens à la charge de la partie défenderesse ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, confirmer le jugement et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 19 janvier 2021 par le ministère de la Justice.

M. [M] [I], se disant né le 31 décembre 1973 à [Localité 5] (Mali) de [N] [P], née en 1947 à [Localité 5] et de [T] [I], né en 1935 dans la même localité, affirme être français par filiation paternelle conformément à l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, en vertu duquel « est français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français ». Son père revendiqué [T] [I] aurait notamment conservé la nationalité française après l'accession à l'indépendance du Mali, intervenue le 20 juin 1960, dès lors qu'il avait à cette époque établi son domicile en dehors des États de la Communauté française, notamment en France métropolitaine.

L'intéressé s'est toutefois vu refuser la délivrance d'un certificat de la nationalité française le 17 février 2006 par le greffier en chef du service de la nationalité des français nés et établis hors de France (décision n°1105/06, pièce n°5 de l'appelant). Saisi d'un recours contre cette décision, le ministère de la Justice a confirmé le refus (pièce n°7 de l'intéressé).

Ainsi, n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à M. [M] [I] en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

A cet égard, le certificat de nationalité française délivré à [T] [I] (pièce n°11 de l'appelant), serait-il son père, n'a pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur l'intéressé.

Or, nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de l'article 47, disposant que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.

En l'espèce, M. [M] [I] affirme que son état civil résulte de l'acte de naissance n°001 dressé suivant jugement supplétif d'acte de naissance n°75 rendu par le tribunal de première instance de Kayes (Mali) le 7 janvier 2014. Cet acte aurait ensuite fait l'objet d'une rectification relative au prénom de la mère par jugement rectificatif n°309 prononcé par la même juridiction le 11 avril 2019.

Le ministère public fait toutefois valoir que l'intéressé a produit au soutien de sa demande de certificat de nationalité française une copie d'un acte de naissance distinct dudit acte n°1, portant le n°26 et dressé en 1973, circonstance relevée également par les juges de première instance.

En réponse, l'appelant indique avoir obtenu l'annulation de cet acte n°26 par un jugement du tribunal de grande instance de Kayes en date du 13 février 2020, de sorte que l'acte n°001 dont il se prévaut devant la cour est désormais son seul et unique acte de naissance.

Afin d'en rapporter la preuve, M. [M] [I] produit notamment :

- un extrait conforme (pièce n°2) délivré le 10 janvier 2014 du jugement supplétif d'acte de naissance n°75 rendu par le tribunal de première instance de Kayes le 7 janvier 2014, indiquant en qualité de mère « [N] [P] » ;

- une copie (pièce n°25) de ce même jugement supplétif n°75 rendu par le tribunal de première instance de Kayes le 7 janvier 2014, délivrée le 16 juillet 2020, dont le dispositif indique que « [M] [I], fils de [T] et de [N] [P], est né le 31 décembre 1973 à [Localité 5], comune rurale de [Localité 5] » et ordonne que « le présent dispositif tienne lieu d'acte de naissance » et soit transcrit sur le registre de l'état civil « pour l'année courante et pour l'année 1973 » ;

- un premier exemplaire du volet n°3 de l'acte de naissance n°1 de l'intéressé (pièce n°1) délivré le 13 janvier 2014 mentionnant en tant que mère « [N] [P] » et où rien n'est précisé dans l'encadré dédié à l'âge des parents ;

- une copie intégrale du même acte de naissance n°001 délivrée le 20 mars 2020 (pièce n°23) où la mère est présentée comme « [N] [P] » et mentionnant les années de naissance des parents, respectivement 1947 pour la mère et 1935 pour le père ;

- un deuxième exemplaire du volet n°3 dudit acte de naissance n°001 (pièce n°20) délivré le 29 mai 2019 où le prénom de la mère est «[N] » mais manque toute indication des années de naissance des parents de l'enfant ou de leur âge dans l'encadré dédié ;

- un troisième exemplaire dudit volet n°3 (pièce n°24 de l'intéressé) désignant à son tour la mère comme « [N] », mais mentionnant l'âge des parents (85 ans pour le père, 73 pour la mère) sans en revanche préciser les années de naissance ;

- une expédition certifiée conforme délivrée le 28 mai 2019 (pièce n°19) du jugement rectificatif d'erreur matérielle n°309 rendu par le tribunal de grande instance de Kayes le 11 avril 2019 ordonnant « la rectification de l'acte de naissance n°001 de l'année 2014 du centre principal de [Localité 5], établi au nom de [M] [I], en ce que la mère de celui-ci se pénomme [N] au lieu de Bandji, comme il figure sur ledit acte de naissance » ;

- une copie délivrée à l'intéressé « pour servir de première grosse » le 27 février 2020 du jugement d'annulation d'acte de naissance rendu par le tribunal de grande instance de Kayes le 13 février 2020 (pièce n°21) qui « annule l'acte de naissance n°26 de l'année 1974 du centre principal de Samé ; dit que le seul acte de naissance valable du sieur [M] [I] est celui numéro 001 suivant jugement supplétif numéro 75 en date 13 janvier 2014 du tribunal civil de Kayes », cette annulation étant motivée par le fait que l'acte n°26 a été « établi en main levée sans passer par les voies de droit » ;

- une copie intégrale de l'acte de naissance de l'intéressé n°26 (pièce n°22) délivrée le 3 juillet 2020, indiquant que l'acte a été dressé dans les registres de l'année 1973 à la suite de la déclaration de naissance effectuée par [T] [I], et barrée avec mention « l'acte de naissance est annulé suite au jugement rendu au tribunal civil de Kayes le 13/02/2020 » cette annulation étant également certifiée par un tampon apposé par le « maire chargé de l'état civil ».

Au vu de l'ensemble de ces pièces, force est de constater que l'intéressé manque à justifier qu'il dispose d'un état civil certain.

En effet, en premier lieu, lorsqu'un acte d'état civil assure la publicité d'une décision de justice, il devient indissociable de celle-ci, dont l'opposabilité en France, en principe de plein droit, reste subordonnée à sa régularité internationale et toute mention figurant dans l'acte d'état civil en exécution d'une décision de justice étrangère ne peut faire foi au sens de l'article 47 du code civil qu'à la condition que cette décision soit produite et remplisse les conditions pour sa régularité internationale.

En l'espèce, l'acte de naissance n°001 a été dressé suivant un jugement supplétif n°75 rendu par le tribunal de première instance de Kayes le 7 janvier 2014.

En vertu de l'article 31 de l'Accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962 pour pouvoir produire ses effets en France, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par des juridictions siégeant sur le territoire de la République du Mali doivent, pour avoir l'autorité de la chose jugée en France, « remplir les conditions prévues par la législation de cet État ». Parmi ces conditions figure la conformité à la conception française de l'ordre public international.

Or, la copie dudit jugement n°75 que l'appelant produit en pièce n°25 porte la mention « jugement supplétif d'acte de naissance ».

La motivation de la décision ne comporte aucune mention de l'acte de naissance n°26 dressé en 1973, le dispositif précisant par ailleurs que la décision tiendra lieu d'acte de naissance pour l'intéressé.

Il en résulte que dans le cadre de sa requête tendant à l'établissement dudit jugement supplétif, M. [M] [I] a dissimulé au juge malien l'existence de l'acte de naissance n°26, en vue d'obtenir une décision de justice permettant l'établissement d'un nouvel acte de naissance à son égard alors que le premier n'avait pas été annulé.

Comme l'a relevé le ministère public, le jugement a ainsi été obtenu par fraude et il est donc contraire à la conception française de l'ordre public international.

En conséquence, ladite décision n'est pas opposable en France au sens de l'article 31 de l'Accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962.

En deuxième lieu, comme le relève à juste titre le ministère public, les différentes copies de l'acte de naissance n°001 et les exemplaires de son volet n°3 que l'intéressé verse aux débats présentent entre eux une divergence relativement aux mentions substantielles de l'année de naissance et de l'âge des parents, alors que l'acte de naissance est un acte unique, conservé dans les registres des actes de naissance d'une année précise et détenu par un seul centre d'état civil de sorte que les copies de cet acte doivent comporter les mêmes références et le même contenu.

En effet, les exemplaires du volet n°3 dudit acte versés respectivement en pièce n°1 et en pièce n°20 ne donnent aucune indication à ce sujet, étant par ailleurs relevé que ces mentions ne figurent pas non plus dans la copie du jugement supplétif n°75 versées par l'appelant en pièce n°25, dont l'acte n°001 est supposé constituer l'exacte transcription sur les registres de l'état civil.

Pourtant, la copie intégrale du même acte produite en pièce n°23 porte mention de l'année où les parents sont nés et l'exemplaire du volet n°3 en pièce n°24 indique en revanche leur âge, fixé ,à 85 ans pour le père et 73 ans pour la mère.

Or, aucune référence à un jugement rectificatif ayant ordonné l'ajout ou la modification de ces informations dans l'acte n°001 ne figure sur les pièces n°23 et n°24, alors que les dispositions des articles 140 et 144 du code malien des personnes et de la famille issu de la loi n°2011-087 du 30 décembre 2011 énoncent qu'après la signature des actes d'état civil, leur rectification ne peut intervenir qu'en vertu d'un jugement, dont il sera fait mention en marge de l'acte reformé (pièce n°2 du ministère public).

Dans ces conditions, l'acte de naissance n°001 est privé de toute force probante au sens de l'article 47 du code civil.

M. [M] [I] ne justifiant donc pas d'un état civil certain, il convient de constater son extranéité. Le jugement est confirmé.

Les dépens seront supportés par M. [M] [I], qui succombe en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme le jugement,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [M] [I] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/10340
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.10340 ?
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