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31/05/2022 | FRANCE | N°20/10150

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 31 mai 2022, 20/10150


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 31 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10150 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCC4Y



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/01041



APPELANTS



Monsieur [D] [I], né le 29 août 1974 à [Localité 3] (Algérie) ag

issant en son nom personnel et, conjointement avec Madame [W] [G] épouse [I] née le 16 septembre 1979 à [Localité 2] (Algérie) )en représentation des intérêts légaux de leu...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 31 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10150 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCC4Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/01041

APPELANTS

Monsieur [D] [I], né le 29 août 1974 à [Localité 3] (Algérie) agissant en son nom personnel et, conjointement avec Madame [W] [G] épouse [I] née le 16 septembre 1979 à [Localité 2] (Algérie) )en représentation des intérêts légaux de leurs enfants :

- [U] [N] [I], né le 23 avril 2009 à [Localité 4] (Algérie)

- [R] [I], né le 25 mars 2010 à [Localité 5] (Algérie)

- [Y] [I], née le 20 juin 2017 à [Localité 6] (Algérie)

[Adresse 7]

[Adresse 7] - ALGÉRIE

représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté à l'audience par Mme Laure de CHOISEUL-PRASLIN, magistrat honoraire, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2022, en audience publique, l' avocat des appelants et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 12 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, dit que M. [D] [I], né le 29 août 1974 à [Localité 3] (Algérie), [U] [N] [I], né le 23 avril 2009 à [Localité 4] (Algérie), [R] [I], né le 25 mars 2010 à [Localité 5] (Algérie) et [Y] [I], née le 20 juin 2017 à [Localité 6] (Algérie) sont irrecevables à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française, jugé que M. [D] [I], [U] [N] [I] et [R] [I] sont réputés avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, jugé que [Y] [I] est réputée n'avoir jamais eu la nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné in solidum M. [D] [I] et Mme [W] [G] aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 21 juillet 2020 et les dernières conclusions notifiées le 1er avril 2022 par M. [D] [I] et Mme [W] [G] qui demandent à la cour de constater que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, de déclarer l'appel recevable et rejeter la demande de caducité, d'infirmer le jugement, de dire que M. [D] [I], agissant en son nom personnel, est recevable en son action déclaratoire de nationalité française, que M. [D] [I] et Mme [W] [G] sont recevables dans leur action conjointe en représentation des intérêts légaux de leurs enfants légitimes mineurs, que M. [D] [I], [U] [N] [I], [R] [I] ainsi que [Y] [I] sont de nationalité française et de condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 21 mars 2022 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de confirmer le jugement, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner les appelants aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 5 avril 2022 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par le récépissé d'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception le 13 avril 2022. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient aux appelants, en application de l'article 30 du code civil, de rapporter la preuve qu'ils réunissent les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

M. [D] [I], né le 29 août 1974 à [Localité 3] (Algérie) soutient qu'il est français, par filiation paternelle, en vertu de l'article 17 du code de la nationalité dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, pour être le fils de [F] [I], né le 12 janvier 1942 à [Localité 3] et qui a conservé la nationalité française lors de l'accession de l'Algérie à l'indépendance pour être descendant de [U] [L], né le 2 mai 1856 à [Localité 3], admis à la qualité de citoyen français de statut civil de droit commun suivant décret du 17 septembre 1908 pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865.

Il considère ensuite avec la mère de ses enfants, qu'étant de nationalité française, ses enfants le sont également.

Le ministère public leur oppose les dispositions de l'article 30-3 du code civil. Ce dernier dispose que :

« Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue. »

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir (Civ 1ère, 13 juin 2019, pourvoi n°18-16.838).

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les dispositions de l'article 30-3 du code civil ne font aucune différence entre les Français musulmans originaires d'Algérie et les autres Français. La référence aux « Français d'origine par filiation », dont les intéressés entendent tirer la non application de l'article 30-3 du code civil à leur situation, ne ressort pas de ces dispositions mais de celles de l'article 23-6 du même code auquel l'article 30-3 ne renvoie que pour fixer les modalités de constat de la perte de la nationalité française. En tout état de cause, cette expression vise à distinguer la nationalité française d'origine « par la naissance en France » (section II du chapitre II du Titre I bis du code civil) de celle « de la nationalité française d'origine par filiation » (section I du chapitre II du Titre I bis du code civil) qui seule est concernée par les articles 23-6 et 30-3 du code civil, et nullement à exclure les personnes « originaires » de territoires anciennement sous souveraineté française.

En outre, les textes relatifs aux effets de l'indépendance de l'Algérie en matière de nationalité française ne sont pas des dispositions spéciales qui évinceraient l'application des articles 26-3 et 30-3 du code civil, les dispositions prévoyant que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats d'autodétermination conservent la nationalité française, codifiées à l'article 32-1 du code civil inséré au sein du chapitre VII sur les effets sur la nationalité française des transferts de souveraineté relatifs à certains territoires, n'écartant pas les dispositions de l'article 30-3 du code civil relatives à la preuve de la nationalité devant les tribunaux judiciaires, figurant au chapitre VI du code civil, intitulé « Du contentieux de la nationalité » ;

M. [D] [I] fait valoir par ailleurs que l'égalité devant la loi et la sécurité juridique exigent, qu'à l'instar de l'action déclaratoire de nationalité, aucun délai ne puisse être opposé à un demandeur à une action déclaratoire. Ce moyen n'est pas plus opérant dès lors que les dispositions des articles 30-3 et 26-3 du code civil n'instaurent pas un délai pour intenter une action déclaratoire de nationalité française mais un régime probatoire de telle sorte qu'aucune rupture d'égalité avec l'action négatoire de nationalité, ne peut être invoquée.

Enfin, l'article 30-3 n'exige ni que la personne à laquelle est opposée la désuétude, ni que le parent dont il tiendrait sa nationalité française soit âgé de plus de 50 ans, la condition de fixation à l'étranger depuis plus d'un demi-siècle s'appréciant, s'il n'est pas âgé de 50 ans, sur la lignée des ascendants dont l'intéressé tiendrait par filiation la nationalité française.

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu, au regard des pièces produites, d'une part, que la résidence à l'étranger tant de M. [D] [I] et de son père pendant plus de cinquante ans était acquise, le certificat de scolarité produit pour la seule année 1994/1995 étant insuffisant à démontrer le lieu de résidence de l'appelant pour cette période 'que des enfants de M. [D] [I] était établie et d'autre part, que M. [D] [I] ne justifiait, ni pour lui ni pour son père, pas plus que pour ses enfants, d'une possession d'état de Français.

En conséquence, les conditions prévues par l'article 30-3 sont réunies, de sorte que M. [D] [I] et [N], [R] et [Y] [I] ne sont pas admis à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française. M. [D] [I], [N] et [R] [I] sont présumés avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012 et [Y] [I] est réputée n'avoir jamais eu la nationalité française. Le jugement est confirmé sur ces points.

Le jugement sera cependant infirmé en ce qu'il a déclaré M. [D] [I], [N], [R] et [Y] [I] irrecevables à faire la preuve, qu'ils ont par filiation, la nationalité française, l'article 30-3 du code civil n'édictant pas une fin de non-recevoir.

Les dépens seront supportés par M. [D] [I] en son nom personnel et conjointement avec Mme [W] [G], ès qualité de représentants légaux de leurs enfants, qui succombent en leurs prétentions. 

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté que les conditions de l'article 30-3 du code civil sont remplies à l'égard de M. [D] [I], [N], [R] et [Y] [I], et que M. [D] [I], [N] et [R] [I] sont présumés avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012 et [Y] [I] est réputée n'avoir jamais eu la nationalité française,

l'infirme pour le surplus

Statuant à nouveau,

Dit que que M. [D] [I], né le 29 août 1974 à [Localité 3] (Algérie), [U] [N] [I], né le 23 avril 2009 à [Localité 4] (Algérie), [R] [I], né le 25 mars 2010 à [Localité 5] (Algérie) et [Y] [I], née le 20 juin 2017 à [Localité 6] (Algérie) ne sont pas admis à faire la preuve de ce qu'ils ont, par filiation, la nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [D] [I] en son nom personnel et conjointement avec Mme [W] [G], ès qualité de représentants légaux de leurs enfants, aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/10150
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.10150 ?
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