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31/05/2022 | FRANCE | N°20/10109

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 31 mai 2022, 20/10109


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 31 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10109 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCZ5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 mai 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/01598





APPELANTE



Madame [J] [D] née le 21 mai 1989 à [Localité 3] (Algé

rie),



[Adresse 4]

[Adresse 5]

ALGERIE



représentée par Me Ahcene TALEB, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: 27





INTIME



LE MINISTERE PUBLIC pris en la pers...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 31 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10109 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCZ5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 mai 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/01598

APPELANTE

Madame [J] [D] née le 21 mai 1989 à [Localité 3] (Algérie),

[Adresse 4]

[Adresse 5]

ALGERIE

représentée par Me Ahcene TALEB, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: 27

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Mme Laure de CHOISEUL-PRASLIN, magistrat honoraire, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2022, en audience publique, l' avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, rejeté la demande du ministère public visant à voir que Mme [J] [D], se disant née le 21 mai 1989 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas admise à faire la preuve de sa nationalité française par filiation, dit qu'elle n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 21 juillet 2020 et les dernières conclusions notifiées le 14 février 2022 par Mme [J] [D] qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la désuétude opposée par le ministère public tendant à l'application de l'article 30-3 du code civil, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle n'est pas de nationalité française, de dire qu'elle est de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner le Trésor public au titre de l'article 700 du code de procédure civil ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 15 février 2022 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de débouter l'appelante de ses demandes, de juger qu'elle a perdu la nationalité française le 4 juillet 2012 et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 mars 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 16 mars 2022 par le ministère de la Justice.

Mme [J] [D] soutient qu'elle est française pour être née d'une mère française, [K] [M], née le 1er février 1960 à [Localité 3] (Algérie) elle-même née de [V] [M] lequel a souscrit une déclaration récognitive de nationalité française le 12 mai 1965 enregistrée le 26 juillet 1965.

Comme en première instance, le ministère public lui oppose la désuétude.

L'article 30-3 du code civil dispose que :

« Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue. »

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir (Civ 1ère, 13 juin 2019, pourvoi n°18-16.838).

Pour écarter la désuétude invoquée par le ministère public, le tribunal a retenu que [V] [M], grand-père maternel de l'intéressée, avait résidé en France en 1962 à 1977 et qu'il était ainsi justifié que l'ascendant de l'intéressée dont elle prétendait tenir la nationalité française par filiation n'était pas resté fixé à l'étranger pendant plus de cinquante ans.

Mais, lorsque l'ascendant direct de l'intéressé est né avant le 3 juillet 1962, la condition d'absence de résidence en France pendant plus d'un demi-siècle ne doit être appréciée que dans la personne de celui-ci.

En l'espèce, la mère de Mme [J] [D], [K] [M] est née le 1er février 1960 et il n'est pas prétendu qu'elle a résidé en France entre le 3 juillet 1962 et le 4 juillet 2012. La condition de résidence à l'étranger pendant plus d'un demi-siècle étant déjà remplie en sa personne, il n'y a pas lieu de prendre en compte la résidence du grand-père maternel de l'intéressée.

Par ailleurs, il n'est pas allégué que Mme [J] [D] réside ou a résidé habituellement en France. En outre, Mme [J] [D] ne présente ni pour elle ni pour sa mère aucun élément de possession d'état de Français.

Enfin, si l'appelante soutient que la perte de la nationalité française par non-usage porte une atteinte aux articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, il est rappelé que la perte de la nationalité française en raison de l'absence d'effectivité correspond à un motif d'intérêt général. Il est légitime pour un État de vouloir protéger le rapport particulier de solidarité et de loyauté entre lui-même et ses ressortissants ainsi que la réciprocité de droits et de devoirs, qui sont le fondement du lien de nationalité. Passé un certain délai, les personnes n'ayant plus de lien effectif avec la France, ni en ce qui concerne leur résidence, ni en ce qui concerne leur possession d'état de Français, se trouvent dans l'impossibilité de faire établir cette qualité. L'article 30-3 du code civil poursuit ainsi l'intérêt général de faire obstacle à la dévolution illimitée et perpétuelle de la nationalité française à des personnes n'ayant plus aucun lien effectif avec la France depuis plus de 50 ans, sans qu'il y ait atteinte aux principes invoqués par les appelants.

En l'espèce, Mme [J] [D] qui ne prétend pas être apatride si la nationalité française ne lui est pas reconnue, a toujours vécu et vit encore en Algérie. Elle ne rapporte pas la preuve que l'article 30-3 du code civil porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, quand bien même elle serait descendante de harki, étant précisé que l'article 21-14 du code civil lui ouvre le droit de souscrire une déclaration d'acquisition ou de réintégration dans la nationalité française.

Ainsi, elle n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française et elle est présumée avoir perdu cette nationalité le 4 juillet 2012.

Le jugement est infirmé.

Succombant à l'instance, Mme [J] [D] est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [J] [D], se disant née le 21 mai 1989 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas admise à faire la preuve de ce qu'elle a, par filiation, la nationalité française,

Dit que Mme [J] [D], se disant née le 21 mai 1989 à [Localité 3] (Algérie), est présumée avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [J] [D] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/10109
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.10109 ?
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