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31/05/2022 | FRANCE | N°19/20650

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 31 mai 2022, 19/20650


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 31 MAI 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20650 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6TQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/03989





APPELANT



LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PR

OCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté à l'audience par Mme Laure de CHOISEUL PRASLIN, avocat général, magistrat honoraire





INTIMEE



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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 31 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20650 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6TQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/03989

APPELANT

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté à l'audience par Mme Laure de CHOISEUL PRASLIN, avocat général, magistrat honoraire

INTIMEE

Madame [T] [P] née le 6 septembre 1986 à M'[L] (Algérie),

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre LEBRIQUIR de la SELEURL LEBRIQUIR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2522

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2022, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 6 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, dit que Mme [T] [P], née le 6 septembre 1986 à M'[L] (Algérie), est de nationalité française par filiation, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil en marge des actes concernés et laissé les dépens à la charge de chacune des parties ;

Vu la déclaration d'appel en date du 7 novembre 2019 ;

Vu les conclusions notifiées le 7 mai 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de dire que Mme [T] [P], se disant née le 6 septembre 1986 à M'[L] (Algérie), n'est pas française, de la débouter de l'intégralité de ses demandes et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 17 mars 2022 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement rendu le 6 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris, statuant à nouveau, débouter Mme [T] [P] de sa demande principale de nationalité par filiation, la débouter de sa demande subsidiaire d'enregistrement de sa déclaration de nationalité fondée sur la possession d'état de française, dire que celle-ci, se disant née le 6 septembre 1986 à M'Cheddallah (Algérie), n'est pas française et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2022 par Mme [T] [P] qui demande à la cour de constater que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, de confirmer le jugement, de dire qu'elle est française filiation maternelle, subsidiairement au titre de la possession d'état, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, de condamner l'État à verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de mettre les dépens à sa charge ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 mars 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 10 janvier 2020 par le ministère de la Justice.

Les conclusions notifiées par le ministère public le 17 mars 2022, moins de deux heures avant l'ordonnance de clôture, sont irrecevables n'ayant pas été notifiées en temps utile. Il convient en conséquence de se référer aux conclusions précédentes.

Mme [T] [P], se disant née le 6 septembre 1986 à M'[L] (Algérie) de [M] [P], né à [B] (Algérie) le 5 janvier 1953 et de [F] [H], née à Akbou (Algérie) le 24 septembre 1954, affirme être française par filiation maternelle. Son arrière grand-père maternel revendiqué, [E] [H], né en 1876 à Ighram (Akbou, Algérie) aurait en effet été admis à la qualité de citoyen français par décret du 28 juillet 1907 pris en application du Sénatus Consulte du 14 juillet 1865.

Subsidiairement, l'intéressée soutient avoir disposé de la possession d'état de Française pendant dix ans conformément à l'article 21-13 du code civil.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil.

Mme [T] [P] s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française le 22 avril 2016 par le greffier en chef du pôle de la nationalité française de [Localité 5] (refus n°606/2016, pièce n°2 de l'intimée). Ce refus a été confirmé par le ministère de la Justice le 8 juin 2017 suite au recours exercé par l'intéressée.

En conséquence, n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il lui appartient en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'elle réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

À cet égard, les certificats de nationalité française délivrés à [F] [H], [G] [Z] [P] et [E] [H], seraient-ils des membres de la famille de l'intimée, n'ont pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur cette dernière.

Mme [T] [P] doit établir qu'elle dispose d'un état civil fiable au moyen d'actes de l'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil, qui dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Afin d'en rapporter la preuve, l'intéressée produit notamment devant la cour un extrait de son acte de naissance transcrit dans les registres français de l'état civil, délivré à [Localité 4] le 13 décembre 2017, ainsi que deux copies de ce même acte transcrit délivrées respectivement le 19 février 1998 (sa pièce n°8) et le 4 juillet 2017 (sa pièce n°7).

Elle verse également aux débats une copie intégrale délivrée à M'[L] le 30 novembre 2021 de son acte de naissance algérien n°1143, dressé le 7 septembre 1987 (sa pièce n°50).

Cette copie de l'acte algérien n°1143 indique que la naissance de l'intéressée a été déclarée par le « secteur sanitaire de M'[L] », étant relevé par ailleurs que les copies de l'acte transcrit versées en pièces n° 6 à 8 omettent toute mention relative au déclarant. Contrairement à ce que soutient l'intimée, le ministère public peut valablement soumettre un nouveau moyen devant la cour en application de l'article 563 du code de procédure civile.

Or, comme le rappelle à juste titre le ministère public, l'article 63 de l'ordonnance 70/20 portant code de l'état civil en Algérie en date du 19 février 1970 (pièce n°39 du ministère public), prévoit que « l'acte de naissance énonce le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui sont donnés, les prénoms, noms, âge, profession et domicile des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant, sous réserve des dispositions de l'article 64 in fine », ce dernier article précisant que « l'officier d'état civil attribue lui-même les prénoms aux enfants trouvés et aux enfants nés de parents inconnus et pour lesquels le déclarant n'a pas indiqué de prénoms. L'enfant est désigné par une suite de prénoms dont le dernier lui sert de nom patronymique ».

Ces dispositions imposent la mention de l'identité du déclarant, qui a un caractère substantiel, dans l'acte, afin qu'il soit possible de vérifier s'il s'agit de l'une des personnes qui ont qualité pour procéder à la déclaration de naissance au sens de l'article 62 de la même ordonnance, prévoyant que « la naissance de l'enfant est déclarée par le père ou par la mère ou, à leur défaut, par les docteurs en médecine, sages-femmes ou autres personnes qui ont assisté à l'accouchement ; lorsque la mère aura accouché hors de son domicile par la personne chez qui elle a accouché ».

En conséquence, l'acte de naissance algérien n°1143 qui se borne à indiquer que la naissance a été déclarée par le « secteur sanitaire de M'[L] », sans préciser le nom de la personne qui a procédé à cette déclaration, n'a pas été dressé suivant les formes prescrites par la législation algérienne de l'état civil.

Il en résulte que l'acte de naissance n°1143 n'est pas probant au sens de l'article 47 du code civil.

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la circonstance que l'acte de naissance étranger a été transcrit n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes, dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, la production des cartes d'identité françaises qui lui ont été délivrées en 1998 et en 2005 (ses pièces n°9 et n°10) ainsi que de son passeport français émis en 2010 (sa pièce n°11) ne saurait suppléer l'absence d'un acte de naissance probant afin d'établir son identité devant la cour, dès lors qu'il ne s'agit pas d'actes d'état civil.

L'intéressée manque donc à justifier d'un état civil certain.

À titre surabondant, Mme [T] [P] n'établit pas que son arrière grand-père revendiqué a bien été admis à la citoyenneté française.

En premier lieu, la copie intégrale délivrée le 21 décembre 2017 de l'acte de naissance de son grand-père, [E] [H] (sa pièce n°23) indique que celui-ci est né le 9 janvier 1908 à Aïn Beida de [E] [H], âgé de trente-et-un ans. Il en résulte que ce dernier est né en 1877. Or, il découle de la copie délivrée le 26 février 2018 de l'acte de naissance du registre matrice de [E] [H] (pièce n°28 de l'intimée, page 2), que celui-ci avait quinze ans en 1891, ce qui conduit à retenir qu'il est né en 1876, circonstance d'ailleurs confirmée par le courrier du ministre des affaires sociales et de l'intégration du 23 avril 1993 (pièce n°48 de l'intéressée) indiquant que celui-ci est né en 1876, ainsi que par un deuxième courrier du ministère des affaires sociales de la santé et de la ville du 21 avril 1994 (pièce n°28 de l'intimée, page 1) comportant la même mention.

En deuxième lieu, la copie délivrée le 21 décembre 2017 (pièce n°27 de l'intéressée) de l'acte de mariage n°18, dressé le 26 octobre 1907, de l'arrière-grand-père revendiqué indique que [E] [H] s'est marié à [A] [U] devant un cadi le 23 octobre 1903 et qu'ils ont eu une fille, [O] [H], née le 24 décembre 1905, alors que le dossier d'instruction de la demande d'admission de [E] [H] indique qu'il n'a pas d'enfant (courrier du gouverneur général d'Alger du 12 juin 1907, produit par le ministère public en pièce n°42).

Enfin, l'acte de naissance du registre matrice (pièce n°28 de l'intimée, page 2) indique que l'arrière-grand-père revendiqué figure sur l'arbre généalogique n° 87, alors que le numéro d'arbre généalogique figurant sur l'extrait du registre matrice relatif à l'admis délivré le 19 avril 1907 (pièce n°48 du ministère public) est le 381.

Ainsi, Mme [T] [P] n'établit pas, compte tenu de ces divergences, que son arrière-grand-père revendiqué est bien l'admis.

A titre subsidiaire, Mme [T] [P] soutient qu'elle dispose de la possession d'état de Française et qu'elle doit donc être jugée française.

L'article 21-13 du code civil dispose que « peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration ».

Toutefois, dans la mesure où Mme [T] [P] ne justifie pas d'un état civil fiable, sa demande doit être rejetée.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a retenu que Mme [T] [P] est française. L'extranéité de cette dernière est constatée.

Mme [T] [P], qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens.

Sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Juge que Mme [T] [P], se disant née le 6 septembre 1986 à M'[L] (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Rejette la demande formée par Mme [T] [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [T] [P] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/20650
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;19.20650 ?
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