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27/05/2022 | FRANCE | N°19/11014

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 27 mai 2022, 19/11014


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 27 MAI 2022



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11014 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAA5U



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mars 2019 - Tribunal d'Instance de SENS - RG n° 11-18-000279





APPELANTE



La société FRANFINANCE, société anonyme agissant poursuites e

t diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 719 807 406 00884

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 5]



représentée par Me Thierry...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 27 MAI 2022

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11014 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAA5U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mars 2019 - Tribunal d'Instance de SENS - RG n° 11-18-000279

APPELANTE

La société FRANFINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 719 807 406 00884

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Thierry FLEURIER de la SCP REGNIER-SERRE-FLEURIER-FELLAH-GODARD, avocat au barreau de SENS

INTIMÉS

Monsieur [X] [I]

né le 9 janvier 1972 à [Localité 8] (77)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

Madame [T] [Z] épouse [I]

née le 5 février 1981 à [Localité 9] (94)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

La SELARL BAILLY MJ mandataire liquidateur de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 6 juin 2013, Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] ont souscrit par actes sous seing privés, dans le cadre d'un démarchage à domicile, un contrat de vente et d'installation de panneaux photovoltaïques avec la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France (GSF) et un contrat de crédit affecté avec la société Franfinance.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés le 19 juillet 2013 et le document intitulé « attestation de livraison - demande de financement » a été signé le même jour.

Par courrier du 22 juillet 2013, la société Franfinance a informé M. et Mme [I] de l'acceptation de l'offre de prêt et des modalités de financement.

L'installation a été raccordée au réseau ERDF le 17 février 2014.

Par jugement du 17 novembre 2014, la société Nouvelle Régie des jonctions des énergies de France (la société NRJEF) a été placée en liquidation judiciaire.

Saisi le 5 juin 2018 d'une demande tendant à l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, le tribunal d'instance de Sens, par un jugement réputé contradictoire rendu le 20 mars 2019 auquel il convient de se reporter, a rendu la décision suivante :

« Rejette la demande de sommation de communiquer de M. et Mme [I],

Rejette des débats la pièce n° 2 communiquée par la société Franfinance,

Déclare recevable l'action de M. et Mme [I] à l'encontre de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe Solaire de France prise en la personne de la société Bally M.J ès qualité de mandataire liquidateur,

Prononce l'annulation du contrat du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I] et la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe Solaire de France de France,

Prononce l'annulation du contrat de crédit affecté du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I] et la société Franfinance,

Condamne la société Franfinance à restitution à M. et Mme [I] la somme de 10 923,06 euros,

Dit que M. et Mme [I] ne sont redevables d'aucune somme à la société Franfinance au titre des restitutions engendrées par l'annulation du contrat de crédit affecté,

Rejette la demande formée par M. et Mme [I] de condamnation de la société Franfinance à leur payer les frais de remise en état de la toiture,

Ordonne à M. et Mme [I] de restituer la centrale photovoltaïque à la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe Solaire de France de France prise en la personne de la société Bally M.J ès qualité de mandataire liquidateur,

Ordonne à la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe Solaire de France de France prise en la personne de la société Bailly M.J ès qualité de mandataire liquidateur de procéder ou faire procéder à la dépose des panneaux de la toiture du domicile de M. et Mme [I] et de remettre en état la toiture dans le délai de 6 mois suivant la signification du présent jugement,

Dit que passé ce délai, M. et Mme [I] pourront disposer des panneaux photovoltaïques,

Rejette la demande de M. et Mme [I] de condamnation de la société Franfinance à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,

Rejette la demande de M. et Mme [I] de condamnation de la société Franfinance à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

Condamne la société Franfinance à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Franfinance formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Franfinance aux dépens,

Ordonne l'exécution provisoire du jugement ».

Le tribunal a principalement retenu que le contrat d'achat méconnaissait les prescriptions de l'article L. 121-3 du code de la consommation, que par conséquent la nullité du contrat de vente devant être prononcée, le contrat de crédit affecté devait l'être lui aussi en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation. Il a relevé que la banque avait commis une faute en finançant un contrat irrégulier et en procédant au déblocage des fonds sans vérifier la conformité du contrat principal de son partenaire à la législation sur le démarchage à domicile, que la faute de la banque engageait sa responsabilité et la privait de son droit à restitution du capital prêté après déduction des versements opérés par eux et que les emprunteurs qui n'ont commis aucune faute ont droit, eux, à la restitution des sommes versées à la banque.

Par une déclaration en date du 24 mai 2019, la société BNP Franfinance a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 2 juillet 2019, la société Franfinance demande à la cour de :

« Réformer la décision rendue le 20 mars 2019 par le Tribunal d'instance de Sens,

En conséquence,

Débouter M. et Mme [I] de l'intégralité de leurs demandes,

Condamner solidairement M. et Mme [I] à payer à la société Franfinance la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum M. et Mme [I] aux entiers dépens ».

La société Franfinance soutient que :

- la nullité du contrat principal doit être écartée en ce que l'installation est opérationnelle, que le raccordement au réseau ERDF a été effectué, que l'installation produit de l'électricité, que dès lors la demande d'annulation est mal fondée au motif que le contrat principal a été exécuté,

- en outre, M. et Mme [I] ne démontrent pas en quoi l'installation est dysfonctionnelle et que par conséquent une demande de résolution du contrat de vente n'est pas justifiée,

- en conséquence, il convient de tirer toutes les conséquences de l'absence de nullité du contrat principal, et notamment l'absence de faute de l'organisme de crédit.

Par des conclusions remises le 25 novembre 2021, M. et Mme [I] demandent à la cour, à défaut de conciliation amiable, de :

« DÉBOUTER la société Franfinance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONFIRMER le jugement du tribunal d'instance de Sens, en date du 20 mars 2019, en ce qu'il a :

- Déclaré recevable l'action de M. et Mme [I] à l'encontre de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe Solaire de France de France

- Prononcé l'annulation du contrat du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I] et la société Groupe Solaire de France de France

- Prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I]

- Condamné la société Franfinance à restituer à M. et Mme [I] la somme de 10 923,06 euros

- Dit que M. et Mme [I] ne sont redevables d'aucune somme à l'encontre de la société Franfinance

- Ordonné à M. [I] de restituer la centrale photovoltaïque à la société Groupe Solaire de France de France

- Ordonné à la société Groupe Solaire de France de France de procéder ou de faire procéder à la dépose des panneaux de la toiture au domicile de M. et Mme [I] et de remettre en état la toiture dans le délai de 6 mois suivant la signification du présent jugement

- Dit que passé ce délai, M. et Mme [I] pourront en disposer des panneaux photovoltaïques

- Condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Rejeté la demande de la société Franfinance formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné la société Franfinance aux dépens

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

INFIRMER le jugement du Tribunal d'instance de Sens en date du 20 mars 2019 pour le surplus

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER la société Franfinance, à verser à M. et Mme [I] la somme de :

- 2 960 euros au titre de leur préjudice financier,

- 4 000 euros au titre de leur préjudice économique et du trouble de jouissance,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER la société Franfinance à payer à M. et Mme [I], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société Franfinance, au paiement des entiers dépens.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si le Tribunal ne faisait pas droit aux demandes de M. et Mme [I] considérant que la banque n'a pas commise de fautes :

PRONONCER la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

Si par extraordinaire, la Cour venait à débouter M. et Mme [I] de l'intégralité de leurs demandes,

DIRE ET JUGER que M. et Mme [I] reprendront le paiement mensuel des échéances du prêt ».

M. et Mme [I] soutiennent que :

- il faut remettre l'affaire dans un contexte plus large de pratiques commerciales trompeuses sur le marché du panneau photovoltaïque, avec un certain nombre d'arrêts d'espèce similaires rendus devant le tribunal correctionnel dans lesquels la société installatrice des panneaux a été condamnée,

- le contrat de vente est nul du fait que les mentions relatives à la désignation des biens vendus, aux modalités d'exécution et aux modalités de paiement sont insuffisantes au regard des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation, faute de mention d'une part de la marque, du modèle, de la performance et des références des équipements composant l'installation, faute de mention des délais de livraison et de mise en service, et faute de mention d'autre part du détail de l'identité de l'organisme bancaire qui accorde le crédit, du taux nominal, du taux effectif global et du montant total du crédit souscrit et enfin du détail du coût de l'installation. Des irrégularités sont aussi constatées relativement au caractère contradictoire des dispositions relatives aux garanties du matériel, aux ambiguïtés et à la mauvaise lisibilité du bon de commande, à l'absence du nom du démarcheur,

- la nullité est aussi encourue pour vice du consentement, faute des mentions obligatoires précitées ; mais également en ce que M. et Mme [I] n'ont pas été renseignés sur les caractéristiques essentielles du contrat vendu relativement au délai de raccordement, à l'assurance obligatoire à souscrire, à la location obligatoire d'un compteur de production sur 20 ans, à la durée de vie des matériels. En outre le vendeur a fait état d'un partenariat mensonger avec EDF destiné à les induire en erreur et leur a fait espérer un rendement exceptionnel avec des formules trompeuses comme « garantie de rendement » et « autofinancement », mais également s'agissant du caractère définitif de l'engagement dans l'ensemble contractuel,

- le crédit affecté est nul dès lors que le contrat de vente est nul,

- ils n'ont aucunement couvert les nullités encourues ; l'exécution volontaire des contrats ne saurait emporter confirmation des actes nuls dès lors qu'ils en ignoraient les vices,

- le prêteur de deniers a engagé sa responsabilité la privant de son droit à remboursement en finançant un contrat de vente nul, en participant au dol de la société Groupe solaire de France et en commettant une faute lors de la libération des fonds. A titre subsidiaire, les manquements du prêteur de deniers à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil, la prive à son droit à remboursement des sommes mises à dispositions et des intérêts conventionnels,

- la restitution du capital emprunté doit être écartée dès lors que le vendeur a perçu cette somme mais pas l'emprunteur et que ce dernier ne peut plus se retourner contre le vendeur en liquidation judiciaire,

- les sommes qu'ils ont versées au prêteur de deniers à hauteur de 10 923,06 euros doivent lui être restituées ; à titre subsidiaire ils ont droit à des dommages et intérêts de 11 000 euros,

- la dépose de l'installation et la remise en état du toit va leur coûter 2 960 euros,

- ils ont subi un préjudice financier et un trouble de jouissance de 4 000 euros et un préjudice moral de 3 000 euros.

Régulièrement assigné à personne morale par acte d'huissier délivré le 29 juillet 2019, la société Bally M.J ès qualité de liquidateur judiciaire n'a pas constitué avocat. Les conclusions lui ont été signifiées le 29 juillet 2019 pour celles de la société Franfinance et le 18 octobre 2019 pour celles de M. et Mme [I].

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2022.

L'affaire a été appelée en audience le 8 mars 2022.

Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 27 mai 2022 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le contrat de vente conclu le 6 juin 2013 entre M. et Mme [I] et la société NRJEF, après démarchage à domicile, est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au 6 juin 2013, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile et le contrat de crédit conclu entre M. et Mme [I] et la société Franfinance est un contrat affecté soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la demande de nullité du contrat d'achat

Sur le moyen tiré des mentions obligatoires

Il est constant que le contrat de vente et de prestation de services litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 ancien et suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au 6 juin 2013, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.

L'article L. 121-23 dispose : « Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ».

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, M. et Mme [I] produisent :

- l'original et une copie du contrat d'achat signé le 6 juin 2013,

- la facture de la société NRJEF du 22 juillet 2013,

- 3 factures d'achat d'électricité photovoltaïque de 2015, 2016 et 2017 portant sur les montants respectifs de 507,11 euros, 1 029,81 euros et 535,10 euros, montrant que M. et Mme [I] vendaient l'électricité produite par l'installation,

- le contrat de crédit affecté signé le 6 juin 2013 et le tableau d'amortissement du 22 juillet 2013,

- des pièces sans lien avec le contrat de vente litigieux ne mentionnant pas M. et Mme [I] et mentionnant d'autres personnes morales,

- le mandat de raccordement à ERDF signé le 6 juin 2013,

- le contrat d'achat de l'énergie signé avec EDF qui mentionne le raccordement de l'installation le 17 février 2014,

- le mandat donné pour effectuer la déclaration préalable de travaux signé le 6 juin 2013,

- l'arrêté de non-opposition à la déclaration préalable de travaux du 26 août 2013 mentionnant la déclaration préalable de travaux du 12 juillet 2013,

- deux devis relatifs à la remise en état du toit.

Le contrat d'achat ne comporte aucune indication sur les modalités d'exécution des travaux, alors que le contrat portait non seulement sur une vente mais aussi sur une prestation de services. Partant, le contrat d'achat n'est pas conforme au 5° de l'article L. 121-23 précité et encourt l'annulation.

Il est admis que la nullité formelle résultant du texte précité est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

Selon l'article 1338 du code civil dans sa version applicable au litige, l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en nullité, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Dans le rôle qu'elle reconnaît au juge national dans l'application d'une réglementation d'ordre public de protection, la Cour de justice de l'union européenne impose un examen in concreto qui implique notamment que le juge apprécie la cohérence entre les griefs émis par une partie et la réalité de ses prétentions et motivations.

Le contrat de vente mentionne qu'il est assorti d'un formulaire d'annulation de la commande dont M. et Mme [I] n'ont pas souhaité faire usage.

Mme [I] a signé le 19 juillet 2013 un document intitulé "attestation de livraison - demande de financement", destiné au prêteur de deniers, mentionnant sans que cela ne soit contredit qu'elle a obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises, qu'elle a constaté que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été réalisés et qu'elle a demandé à la société Franfinance de procéder au décaissement du crédit de 19 900 euros et d'en verser le montant directement entre les mains de la société NRJEF en une seule fois.

M. et Mme [I] ne justifient d'aucune doléance émise à l'encontre de la société prestataire et n'ont émis aucun grief sur le fonctionnement de l'équipement. Ils ne justifient d'aucun dysfonctionnement et le contrat d'achat de l'énergie signé avec EDF et les 3 factures d'achat d'électricité photovoltaïque de 2015, 2016 et 2017 qu'ils produisent montrent au contraire qu'ils exploitent l'installation photovoltaïque et revendent l'électricité ainsi produite, pour des montants variant de 507,11 euros à 1 029,81 euros en ce qui concerne la période 2015-2017.

Ces actes positifs non équivoques caractérisent une volonté de percevoir les avantages attendus des contrats, confirmée même après introduction de l'instance, qui exclut que M. et Mme [I] puissent se prévaloir d'une nullité tirée de l'irrégularité formelle du contrat d'achat.

L'action judiciaire engagée par M. et Mme [I] résulte d'une déception sur le montant de la vente d'électricité rapporté au coût du crédit et non des défauts d'information inhérents au texte du contrat d'achat.

Partant, il est retenu que M. et Mme [I] ont renoncé en toute connaissance à se prévaloir des irrégularités formelles affectant le contrat d'achat et qu'ils ne peuvent se prévaloir de la nullité formelle du contrat d'achat.

Sur le moyen tiré du vice du consentement

Selon l'article 1116 ancien du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le document contractuel est intitulé « bon de commande » dont il ressort que le matériel photovoltaïque est garanti 20 ans.

Cette mention contractualise une garantie de 20 ans pour la production des panneaux photovoltaïques, laquelle n'est pas critiquée, mais elle ne contractualise aucunement le rendement financier de l'installation photovoltaïque.

C'est donc en vain que M. et Mme [I] soutiennent subir des pertes alors qu'il leur avait été annoncé que l'installation serait autofinancée, que le vendeur a conforté l'illusion d'une opération économique lucrative et a fait état de partenariats mensongers destinés à les induire en erreur et qu'il leur a fait espérer un rendement exceptionnel avec des formules trompeuses comme « garantie de rendement » et « autofinancement ».

En effet le contrat est clair et ne contient pas de formules trompeuses contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [I] et en outre, ces derniers ne produisent aucun élément de preuve pour prouver que la mention de partenariat est mensongère.

M. et Mme [I] ne démontrent donc pas le dol qu'ils imputent à la société NRJEF.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme [I] sont mal fondés en leur demande d'annulation du contrat de vente.

Il n'y a donc lieu à annulation du contrat principal et il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 311-32 du code de la consommation.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a :

- prononcé l'annulation du contrat du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I] et la société NRJEF,

- prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I] et la société Franfinance,

et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. et Mme [I] de leurs demandes d'annulation du contrat de vente et du crédit affecté.

Compte tenu de ce qui précède, la demande en dispense de restitution du capital emprunté est devenue sans objet, en l'absence d'annulation du contrat de vente et de crédit qui lui est affecté.

Cependant, M. et Mme [I] forment des demandes indemnitaires et invoquent plusieurs fautes de la société Franfinance.

Sur la responsabilité de la banque

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Les dispositions de l'article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l'égard de l'emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et l'appelante fait valoir à juste titre que l'obligation de plein droit à l'égard de l'emprunteur mise à sa charge par l'article L. 311-51 du code de la consommation ne concerne que le contrat de crédit et ne saurait la rendre garante de l'exécution du contrat principal.

Sur la responsabilité de la société Franfinance pour avoir financé un contrat nul ou participé au dol commis par la société NRJEF.

L'exécution du contrat de crédit ne fait pas obstacle à ce que l'emprunteur recherche la responsabilité du prêteur de deniers dans les obligations spécifiques qui lui incombent dans le cadre d'une opération économique unique.

Les motifs qui précèdent suffisent à écarter les griefs émis par M. et Mme [I] à l'encontre du prêteur de deniers aux motifs que celui-ci aurait commis une faute en finançant un contrat nul ou en participant au dol commis par la société NRJEF.

Sur la responsabilité de la société Franfinance lors du déblocage des fonds

M. et Mme [I] font aussi grief à la société Franfinance d'avoir décaissé les fonds alors que l'installation n'était que partiellement installée sur la présentation par le vendeur d'une attestation de fin de travaux signée le 19 juillet 2013 à une date où les travaux ne pouvaient être terminés. Il dénonce ainsi le déblocage des fonds alors que le raccordement au réseau et l'obtention des autorisations administratives ne pouvaient pas être finalisés.

Il ressort cependant du document intitulé "attestation de livraison - demande de financement" que Mme [I] a signé le 19 juillet 2013 ce document qui mentionne sans que cela ne soit contredit qu'elle a obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises, qu'elle a constaté que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été réalisés et qu'elle a demandé à la société Franfinance de procéder au décaissement du crédit de 19 900 euros et d'en verser le montant directement entre les mains de la société NRJEF en une seule fois.

Les fonds ont été débloqués le 22 juillet 2013 à l'appui de cette attestation dès lors que Mme [I] a attesté que la prestation a bien été réalisée et a elle-même disposé des fonds en donnant l'ordre de paiement.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. et Mme [I] sont mal fondés à rechercher la responsabilité de la société Franfinance lors du déblocage des fonds au motif que le document intitulé "attestation de livraison - demande de financement" est conforme au contrat d'achat et mentionne la réalisation des travaux prévus, à l'exclusion des autorisations administratives et du raccordement au réseau qui ne relèvent pas des obligations à la charge du vendeur comme cela ressort d'ailleurs des mandats donnés à la société NRJEF de s'occuper des démarches auprès de la mairie et de ERDF.

Partant, la demande de dispense de remboursement du crédit affecté est rejetée.

Sur la responsabilité de la société Franfinance pour manquement au devoir de conseil et de mise en garde

M. et Mme [I] reprochent aussi à la banque le non-respect des dispositions de l'article L. 311-8 du code de la consommation en l'absence d'avertissement quant à la rentabilité de l'opération qui ne pouvait pas être garantie.

L'article L. 311-8 du code de la consommation dans sa version applicable à la date du contrat, prévoit que le prêteur fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. et Mme [I] sont mal fondés dans leur action en responsabilité au visa de l'article L. 311-8 du code de la consommation au motif d'une part que le devoir de conseil et de mise en garde de l'établissement de crédit ne s'étend pas aux risques relatifs à la rentabilité de l'opération et au motif que M. et Mme [I] qui exploitent sans difficultés depuis huit ans l'équipement financé, ne justifient pas suffisamment du préjudice pouvant résulter du défaut de conseil et de mise en garde qu'ils allèguent étant ajouté que la rentabilité ne peut pas être appréciée sur 3 années mais devrait l'être, s'il le fallait, au moins sur toute la durée de l'opération de crédit. La responsabilité de la banque n'est donc pas engagée non plus sur ce point.

Partant la demande de déchéance du droit aux intérêts formée sur le fondement de l'article L. 311-8 du code de la consommation est rejetée.

Compte tenu de ce que la responsabilité de la société Franfinance n'a pas été retenue par la cour, le jugement est confirmé de ce chef en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de M. et Mme [I] au titre de la remise en état de la toiture, du trouble de jouissance, du préjudice financier et du préjudice moral.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [I] la somme de 10 923,06 euros en remboursement des sommes perçues au titre du crédit affecté susvisé, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. et Mme [I] de leur demande d'exonération de l'obligation de remboursement du crédit affecté et de déchéance du droit aux intérêts.

Le jugement déféré est en revanche confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [I] de leurs demandes formées à hauteur de 2 960 euros au titre du devis de désinstallation, de 4 000 euros au titre de leur préjudice économique et du trouble de jouissance, et de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral.

Il résulte des motifs qui précèdent que M. et Mme [I] sont tenus de rembourser le crédit litigieux et devront reprendre son remboursement selon l'échéancier prévu au contrat.

Ils sont également redevables des sommes dues au titre des échéances impayées au jour de la signification de l'arrêt à intervenir.

Il convient de rappeler que M. et Mme [I] restent redevables de plein droit du remboursement des sommes perçus en exécution du jugement qui est infirmé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a :

- prononcé l'annulation du contrat du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I] et la société Groupe Solaire de France de France,

- prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté du 6 juin 2013 conclu entre M. et Mme [I],

- condamné la société Franfinance à restituer à M. et Mme [I] la somme de 10 923,06 euros,

- dit que M. et Mme [I] ne sont redevables d'aucune somme à l'encontre de la société Franfinance,

- ordonné à M. [I] de restituer la centrale photovoltaïque à la société Groupe Solaire de France de France,

- ordonné à la société Groupe Solaire de France de France de procéder ou de faire procéder à la dépose des panneaux de la toiture au domicile de M. et Mme [I] et de remettre en état la toiture dans le délai de 6 mois suivant la signification du présent jugement,

- dit que passé ce délai, M. et Mme [I] pourront en disposer des panneaux photovoltaïques,

- condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la société Franfinance formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Franfinance aux dépens ;

Confirme le jugement dans les limites de l'appel, en ce qu'il a déclaré recevable l'action initiée par Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] à l'égard de la société Franfinance et la société NRJEF, et rejeté les demandes de Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] formées au titre des frais de désinstallation, de leur préjudice économique et du trouble de jouissance, et de leur préjudice moral ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant,

Déboute Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] de leurs demandes de nullité des contrats de vente et de crédit affecté et de leur demande de dommages et intérêts ;

Déboute Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] de l'intégralité de leurs autres demandes ;

Condamne solidairement Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] à payer à la société Franfinance les échéances impayées au jour de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Condamne Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] à reprendre l'exécution du contrat de crédit du 6 juin 2013 conformément aux stipulations contractuelles à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Rappelle que Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] sont redevables de plein droit du remboursement des sommes perçus en exécution du jugement qui est infirmé ;

Condamne in solidum Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] à payer à la société Franfinance la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande ;

Condamne in solidum Mme [T] [Z] épouse [I] et M. [X] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/11014
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;19.11014 ?
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