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25/05/2022 | FRANCE | N°21/02628

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 25 mai 2022, 21/02628


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 25 MAI 2022



(n° 13/2022, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02628 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCX4



Décision déférée à la cour : Jugement du 13 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de Paris RG n° 19/14137





APPELANTE



Madame [B] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée

et assistée par Maître Marie BURGUBURU de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L276, avocat postulant et plaidant





INTIME



Monsieur [DC] [MJ]

[...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 25 MAI 2022

(n° 13/2022, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02628 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCX4

Décision déférée à la cour : Jugement du 13 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de Paris RG n° 19/14137

APPELANTE

Madame [B] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Maître Marie BURGUBURU de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L276, avocat postulant et plaidant

INTIME

Monsieur [DC] [MJ]

[Adresse 4]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5] (92)

Représenté par Maître Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B653, avocat postulant

Assisté de Maître Benoît HUET de la SELARL AVRILLON HUET, avocat au barreau de PARIS, toque : A394, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Jean-Michel AUBAC, Président

Mme Anne RIVIERE, Assesseur

Mme Anne CHAPLY, Assesseur

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [N] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Michel AUBAC, Président, et par Margaux MORA, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

1. Suivant acte d'huissier du 3'décembre 2019, Mme'[B] [L] a fait citer M.'[DC] [MJ], son ancien compagnon, aux fins de voir, au visa des articles'29, alinéa'1, et 32, alinéa'1, de la loi du 29'juillet 1881, dire que [DC] [MJ] a commis une diffamation publique envers un particulier, en tenant les propos suivants': «'La relation dont vous parlez a été une relation avec une personne extrêmement violente vis-à-vis de mes filles. J'ai trois filles, qui étaient petites à l'époque, et cette personne a été extrêmement violente vis-à-vis d'elle. Je l'ai mise hors de chez moi, je l'ai poussée dehors, ce que je regrette, et je vous assure qu'après le comportement qu'elle a eu avec mes filles beaucoup de personnes se seraient beaucoup plus énervées'» et le voir condamner à lui verser la somme de 15'000'euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à une publication judiciaire et 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec exécution provisoire,

2. Par jugement du 13'janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris,

- l'a déboutée de ses demandes';

- l'a condamnée à payer à M.'[DC] [MJ] la somme de 2'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

- a dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement.

3. Mme'[L] a interjeté appel de ce jugement le 8'février 2021,

4. Dans ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 10'septembre 2021, Mme'[L] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de':

- dire et juger que les propos de [DC] [MJ] ont porté atteinte à l'honneur et à la considération d'[B] [L] et constituent une diffamation publique envers un particulier, du fait de l'allégation suivante':

«'La relation dont vous parlez a été une relation avec une personne extrêmement violente vis-à-vis de mes filles. J'ai trois filles, qui étaient petites à l'époque, et cette personne a été extrêmement violente vis-à-vis d'elles. Je l'ai mise hors de chez moi, je l'ai poussée dehors, ce que je regrette, et je vous assure qu'après le comportement qu'elle a eu avec mes filles beaucoup de personnes se seraient beaucoup plus énervées'».

- condamner [DC] [MJ] à lui payer la somme d'un'euro symbolique à titre de dommages et intérêts';

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à payer à [DC] [MJ] la somme de 2'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais engagés pour la première instance';

- condamner [DC] [MJ] à lui payer la somme de 8'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais engagés pour la procédure d'appel';

- condamner [DC] [MJ] aux entiers dépens afférents à la procédure d'appel,

5.'Mme'[L] estime que les propos tenus par [DC] [MJ] lui imputent d'avoir eu un comportement extrêmement violent à l'encontre de ses trois filles en bas âge, au point de justifier les coups qu'elle a reçus de leur père, allégation contenant ainsi une accusation d'avoir commis le délit de violences sur mineur prévu par l'article 222-13 du code pénal et donc diffamatoire, s'agissant d'un fait précis portant atteinte à son honneur et à sa considération.

Elle fait valoir qu'il ne peut bénéficier de la bonne foi, en l'absence de but légitime, en raison d'une animosité personnelle, d'un manque de prudence dans les propos et de base factuelle.

6. Dans ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 12'juillet 2021, M.'[MJ] demande à la cour de,

- dire l'appel mal fondé,

- confirmer le jugement du 13'janvier 2021 en ce qu'il a débouté [B] [L] de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée à lui verser la somme de 2'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- condamner [B] [L] à lui verser la somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner [B] [L] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

7. M.'[MJ] a, en réplique, soutenu que les propos poursuivis ne sont pas diffamatoires, en ce qu'ils ne renferment pas l'imputation de faits suffisamment précis pour faire l'objet d'un débat contradictoire et en l'absence d'atteinte à l'honneur et la considération d'[B] [L], qu'il doit subsidiairement bénéficier de l'exception de bonne foi en raison d'une base factuelle, d'absence d'animosité personnelle et de prudence dans les propos et en raison de la légitimité du but poursuivi.

8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 27'octobre 2021.

Rappel des faits et des motifs du jugement

9. Les propos étaient prononcés lors d'une conférence de presse à l'université de [Localité 6] à laquelle [DC] [MJ] était invité et qui portait sur le thème « Capital et idéologie'», directement inspiré du titre de son dernier ouvrage dont il assurait la promotion. Une étudiante présente dans la salle lui posait la question suivante': «Vous avez reconnu en 2009 avoir battu votre ex-conjointe, et du coup je voulais savoir ce que vous pensiez du fait de faire cette conférence, alors que dans trois jours, le 23'novembre, on va avoir une Marche contre les violences faites aux femmes. Cette semaine à l'IEP c'est la semaine des violences sexistes et sexuelles contre les femmes, donc je voulais savoir ce que vous en pensiez et savoir ce que vous pensiez, et quelle est votre pensée autour des violences économiques envers les femmes. Et du coup je voulais savoir du coup, pour les organisateurs et organisatrices, si vous ne trouviez pas cela indécent d'inviter quelqu'un... ».

10. Pour rappel, [B] [L] avait déposé plainte contre [DC] [MJ] auprès du procureur de la République de Paris, le 6'février 2009, pour des faits de violences sur concubin, procédure ayant fait l'objet d'un classement sans suite avec rappel à la loi le 16'septembre 2009.

11. La réponse complète de [DC] [MJ] fut la suivante': «'Je vais vous répondre et je vais vous dire pourquoi je trouve que c'est votre intervention que je trouve indécente. Parce que si vous voulez passer le concours de la police, ou de la magistrature pour faire des enquêtes, moi je vous invite à le passer, et à faire ces enquêtes. En l'occurrence, vous parlez d'une affaire qui a été classée sans suite à l'issue d'une enquête. Je vous mets au défi de trouver des éléments d'information qui pourraient justifier l'idée qu'il y a des choses qui aurait pu être mal enquêtées, dissimulées, et cetera...

Donc moi ce que je peux vous dire, c'est que la relation dont vous parlez a été une relation avec une personne extrêmement violente vis-à-vis de mes filles. J'ai trois filles, qui étaient petites à l'époque, et cette personne a été extrêmement violente vis-à-vis d'elles. Je l'ai mise dehors de chez moi, je l'ai poussée dehors, ce que je regrette, et je vous assure qu'après le comportement qu'elle a eu avec mes filles beaucoup de personnes se seraient beaucoup plus énervées. Je regrette de l'avoir poussée dehors de chez moi, car elle est tombée dans l'entrebâillement de la porte'».

12. Le tribunal a considéré que':

- Il est établi que [DC] [MJ] a prononcé, le 21'novembre 2019, les propos qui présentent indéniablement un caractère public dès lors qu'ils ont été prononcés lors d'une conférence universitaire devant un public varié, retransmise sur internet.

- Sans être cité nommément par la question de l'étudiante, [DC] [MJ], dont l'ouvrage était au c'ur du sujet de la conférence et qui en était l'invité principal, s'est nécessairement senti visé par les propos qui le renvoyaient à un épisode de sa vie commune avec [B] [L], médiatisé à l'époque.

- Il ne se contente pas d'exprimer une opinion sur l'attitude d'[B] [L] mais porte à son endroit l'accusation de s'être montrée violente en précisant le moment des violences à elle imputées, le degré de cette violence et les victimes. Il s'agit, dès lors, d'un fait précis, susceptible de faire l'objet d'un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité.

- Les propos litigieux sont donc diffamatoires.

- Le défendeur, qui a prononcé, dans un but légitime et avec une prudence suffisante, les allégations en cause reposant sur une base factuelle suffisante, doit bénéficier de la bonne foi dont les critères, dans le contexte qui vient d'être relevé, doivent être interprétés avec souplesse.

SUR CE,

Sur le caractère diffamatoire des propos

13. Il sera rappelé à cet égard que':

- l'article 29, alinéa'1, de la loi du 29'juillet 1881 définit la diffamation comme 'toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé'';

- il doit s'agir d'un fait précis, susceptible de faire l'objet d'un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d'une part, de l'injure - caractérisée, selon le deuxième alinéa de l'article 29, par 'toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait' - et, d'autre part, de l'expression subjective d'une opinion ou d'un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d'un débat d'idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée';

- l'honneur et la considération de la personne ne doivent pas s'apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l'allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises';

- la diffamation, qui peut se présenter sous forme d'allusion ou d'insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s'inscrivent.

14. Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l'interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l'acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l'imputation formulée par le demandeur ou celle d'un autre fait contenu dans les propos en question.

15. En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme'[L] est parfaitement identifiable et que les propos ont été tenus publiquement.

16. Comme l'a justement relevé le tribunal, M.'[MJ] ne se contente pas d'exprimer une opinion sur l'attitude de Mme'[L], les propos lui imputent une action d'une extrême violence vis-à-vis de ses filles alors petites, en situant dans le temps les violences, leur degré et les victimes.

17. Il s'agit de faits précis pouvant faire l'objet de preuve et attentatoires à son honneur ou à sa considération dès lors qu'ils sont graves et susceptibles de qualification pénale ou à tout le moins contraires à la morale, le fait que les violences ne donnent pas lieu à des poursuites pénales étant indifférent pour la qualification de la diffamation.

18. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu le caractère diffamatoire de ces propos.

Sur la bonne foi

19. Il n'appartient pas à la cour de rechercher si les violences dénoncées par l'intimé étaient constitutives d'une infraction pénale, mais uniquement si, compte tenu du contexte dans lequel les propos ont été tenus, il peut bénéficier de la bonne foi.

20. La liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.

21. La bonne foi doit être appréciée en tenant compte du caractère général du sujet sur lequel portent les propos litigieux et du contexte dans lequel ils s'inscrivent.

22. C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les propos litigieux s'inscrivent dans un débat d'intérêt général sur les violences faites aux femmes, le cadre de cet échange ayant été lui-même posé par l'étudiante ayant interpellé M.'[MJ] sur ce sujet en rappelant que': 'dans trois jours, le 23'novembre, on va avoir une Marche contre les violences faites aux femmes. Cette semaine à l'IEP c'est la semaine des violences sexistes et sexuelles contre les femmes'.

23. Au titre de la base factuelle, M.'[MJ] produit quatorze pièces.

24. Les trois premières pièces (n°'1, 2 et'3) sont des attestations des deux filles de M.'[MJ], [P] et [D] et de la mère de celui-ci.

25. L'attestation d'[R] [Y], mère de M.'[MJ], débute en dénonçant d'emblée la violence de Mme'[L] sur son fils et ses 3 filles lorsqu'elles avaient respectivement 11, 8 et 5 ans, cependant, la suite de son témoignage met en évidence un épisode en septembre'2007 où Mme'[L] s'en est pris à des photos représentant les filles de M. [MJ] puis 2 autres épisodes, l'un où la fille de Mme'[L] aurait attribué une coupure au visage de M. [MJ] à sa mère et l'autre où la mère de Mme'[L] l'aurait personnellement appelée. Il ne ressort pas de ce témoignage de violences à l'endroit des enfants eux-mêmes et il n'est pas établi que les dégradations des photographies auraient été commises en présence des enfants.

26. Si [P] [MJ]-[E] fait mention de violences verbales et de privations à l'égard de leur jeune s'ur [A], elle ne les décrit pas, ne les situe pas dans le temps. Si [D] mentionne un bol qu'aurait lancé Mme'[L] à travers le salon, [P] et [D] relatent un seul événement précis, lorsqu'elles avaient respectivement 11 ans et 8 ans, qui se serait déroulé au Mexique, au cours duquel Mme'[L] aurait 'agrippé leur plus jeune s'ur [A] par le bras, sortie de la chambre et traînée par les cheveux dans le couloir jusqu'à leur chambre', précisant qu'[A] n'a aucun souvenir de cet événement.

27. Or, M. [MJ], dont le procès-verbal d'audition est produit (pièce n°'4), a mentionné cet événement dans son audition lors de sa garde à vue le 17'mars 2009 dans ces termes': 'Là, elle va dans la chambre où dort [A], la tire de son lit et la traîne par terre dans le couloir et jusqu'à moi en me disant «'voilà ta chieuse, ça ça te fait réagir'», Ma fille s'était réveillée en sursaut et se rappelle très bien cette scène violente vis-à-vis d'elle': je l'ai recouchée en la rassurant et je suis revenu vers [B] en lui donnant une gifle sur le visage avec force. Elle m'avait poussé à bout. Les autres filles sont arrivées peu après et ont vu qu'[A] pleurait et ont constaté le froid qu'il y avait entre [B] et moi...'.

28. Il résulte de ces déclarations que ni [D], ni [P] n'ont assisté à cette scène mais sont arrivées après.

29. De même, s'il n'est pas contesté que Mme'[L] a découpé des albums photos des enfants et de l'ex-femme de M. [MJ] et aurait cassé un vase, il ne résulte ni des déclarations de [P] et [D] ni de celle de M. [MJ] que ses filles ont assisté à ces scènes, en dehors du bol lancé à travers le salon, 'certainement à la suite d'une dispute' précise [D], ne découvrant qu'après coup des morceaux cassés de vase ou des papiers brûlés.

30. Il apparaît à la cour qu'il doit être tenu compte du fait que ces attestations, dont la sincérité n'est pas remise en cause, émanent des enfants de M. [MJ], auteur des propos litigieux, et ont été établies plus de dix ans après les faits, en 2020, qu'elles comportent à plusieurs reprises des termes tels que': «'je ne me souviens plus exactement'», «'je crois que... », « je me souviens plus'», «'quelques souvenirs me restent'», «'souvenir assez flou'», «'j'ai une image de... », « un souvenir plus flou me revient'», «'Ce n'était peut-être pas en soi violent'» qui traduisent des incertitudes tant sur les faits eux-mêmes que sur le caractère violent du comportement de Mme'[L] et des souvenirs flous.

31. Il est certain, comme l'a relevé le tribunal, qu'elles sont empreintes d'une influence de leur père.

32. Or, l'attestation de [RZ] [E], la mère des trois filles de M. [MJ], laisse penser que ses filles n'étaient pas victimes de violences de quelque nature que ce soit. Elle rapporte le lendemain de l'audition de [DC] [MJ] en 2009':

«'L'été suivant, quand ils étaient au Mexique en vacances, elle m'a appelée suite à des messages que j'avais laissés sur le répondeur du téléphone de [DC] indiquant que je voulais des nouvelles des filles. Elle a dû lire ces messages et m'a appelée sur un ton très agressif en m'accusant d'être trop présente dans leur vie. Elle a eu également des propos grossiers vis-à-vis de moi dont je ne me rappelle pas les termes exacts mais qui faisaient référence au fait que je ne servais qu'à faire des enfants. Je venais de me casser la cheville et me trouvais à l'hôpital et j'ai abrégé la conversation. Heureusement, les filles m'ont appelée le soir même en me donnant de leurs nouvelles et qui semblaient parfaitement heureuses des vacances qu'elles passaient.'»

33. Le procès-verbal du commandant de police [A] [Z] du 26'mars 2009 - Réquisition judiciaire auprès des pompiers et rapports d'intervention des pompiers (pièce n°'5), également produits par M. [MJ] sont relatifs aux nombreuses interventions des pompiers pour Mme'[L] et ne font aucune allusion aux enfants et à une quelconque violence de celle-ci à l'égard de tiers.

34. La pièce n°'6 est un article du Nouvel Obs du 26'septembre 2009, la pièce n°'7 comporte des extraits du livre «'[PM] m'a tuer'» de [T] [W] et [M] [X], la pièce n°'8 est une vidéo diffusée sur le compte Twitter de [YF] [I] le 21'novembre 2019 à 21'h'08, la pièce n°'9 est une retranscription des propos dans un article de La Dépêche du Midi du 30'novembre 2019, la pièce n°'10 est un extrait du dictionnaire pour le mot «'violent'», la pièce n°'11 est une capture d'écran Twitter - réponse du 22'novembre 2019 de Mme'[L] au tweet de [YF] [I] et la pièce n°'12 est un article du journal Daily Mail du 3'mai 2014. Aucune de ces pièces ne fait allusion, en dehors des propos litigieux tenus par M.'[MJ], à des violences qu'aurait commises Mme'[L] envers les enfants de son compagnon.

35. Les deux dernières pièces sont des romans, des fictions qui ne peuvent apporter une base factuelle pertinente aux propos litigieux. Ils peuvent tout au plus apporter un éclairage sur la psychologie des personnages et de leur auteur.

36. La dernière pièce produite par M.'[MJ] (pièce n°'4) est son propre procès-verbal d'audition en garde à vue dans lequel il expose plusieurs épisodes mettant en cause Mme'[L]. Or, ses propres déclarations non corroborées par des éléments extérieurs probants ne peuvent en aucun cas constituer une base factuelle suffisante.

37. Il apparaît que l'enquête des services de police en 2009 sur les faits de violences dénoncées par l'appelante a permis d'entendre différents témoins, dont aucun n'a mentionné de violences de sa part à l'égard des filles de l'intimé et [HU] [C], la nounou des trois filles, a relaté que «'les filles s'entendaient bien avec [B]'».

38. [H] [V], fille d'[G] [V], compagnon d'[B] [L] entre'2014 et'2017, fait au contraire un portrait bienveillant de celle-ci dans son attestation':

«'[B] a toujours été agréable avec moi et mon frère [WO]. J'ai eu une bonne relation avec [B], elle n'a jamais été violente ni verbalement ni physiquement avec moi. Depuis que mon père et [B] ne sont plus ensemble, je continue de voir [B] de temps en temps et cela se passe toujours très bien. [B] est et a toujours été bienveillante avec moi depuis que je la connais (de mes 12 ans à aujourd'hui, mes 18 ans)'».

39. [K] [F] le confirme dans son attestation en ces termes':

«'Cela m'étonne beaucoup car depuis le temps que je fréquente Mme'[B] [L], je ne l'ai jamais vue agressive envers des enfants, bien au contraire. Elle est extrêmement douce et câline avec [O], comme elle l'avait été avec [U]. Je ne l'ai jamais vue s'emporter contre elles. Je l'ai toujours vue très affectueuse avec les deux filles de M. [J] [S], son précédent compagnon. Elle l'était - et l'est encore plus - avec [WO] et [H], frère et s'ur de [O]. Elle a toujours été adorable avec mes deux enfants avec qui elle a passé beaucoup de vacances. Tous les enfants cités lui témoignent en retour une même affection'».

40. M.'[MJ] ne justifie donc pas d'une base factuelle pertinente et suffisante pour imputer à Mme'[L] des actes d'une extrême violence envers ses filles.

41. Tout au plus, les éléments de l'enquête policière et les différents témoignages mettent en évidence une relation amoureuse conflictuelle et douloureuse, sans doute teintée de jalousie de Mme'[L] à l'égard des enfants de l'intimé, avec des disputes pouvant aller jusqu'à des dégradations d'objets, et des conséquences de cette relation sur la santé de l'appelante, très fragilisée. Les attestations des enfants de M. [MJ] et de sa mère tendent à confirmer la particularité de cette relation, mais pas l'existence de violences imputables à Mme'[L] à l'égard des enfants et surtout pas d'extrême violence.

42. Outre l'absence de base factuelle pertinente, la cour relève que si M.'[MJ] n'est pas à l'initiative des échanges avec l'étudiante, mais a été interpellé par celle-ci dans le cadre d'une conférence traitant d'un sujet totalement extérieur et qu'il a pu être surpris et se sentir attaqué personnellement, justifiant qu'il souhaite répondre et s'expliquer en déclarant':

«'Je vais vous répondre et je vais vous dire pourquoi je trouve que c'est votre intervention que je trouve indécente. Parce que si vous voulez passer le concours de la police, ou de la magistrature pour faire des enquêtes, moi je vous invite à le passer, et à faire ces enquêtes. En l'occurrence, vous parlez d'une affaire qui a été classée sans suite à l'issue d'une enquête. Je vous mets au défi de trouver des éléments d'information qui pourraient justifier l'idée qu'il y a des choses qui aurait pu être mal enquêtées, dissimulées, et cetera...»

la prudence aurait voulu qu'il s'abstienne de poursuivre en mettant en cause Mme'[L] de manière si virulente en répétant à deux reprises qu'elle était 'extrêmement violente vis-à-vis de ses filles' et qu''après le comportement qu'elle a eu avec mes filles beaucoup de personnes se seraient beaucoup plus énervées'.

43. Même si les critères de la bonne foi s'apprécient différemment selon le genre de l'écrit en cause et la qualité de la personne qui s'y exprime et, notamment, avec une moindre rigueur lorsque l'auteur des propos diffamatoires n'est pas un journaliste qui fait profession d'informer, mais une personne elle-même impliquée dans les faits dont elle témoigne, ce qui est le cas de M.'[MJ], celui-ci est un orateur expérimenté, rompu aux échanges oraux en public, il était donc parfaitement en mesure de s'expliquer sans aller jusqu'à tenir des propos diffamatoires.

44. Au vu de l'ensemble des éléments du dossier et dans de telles conditions, M.'[MJ] ne peut bénéficier de la bonne foi.

Sur les demandes

45. L'appelante a justement évalué son préjudice à un euro. L'intimé sera donc condamné à lui payer cette somme.

46. Le jugement sera infirmé sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

47. M.'[MJ], débouté de ses demandes, sera condamné à payer à Mme'[L] la somme de 3'500'euros au titre de l'ensemble de la procédure.

48. M.'[MJ] aura également la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 13'janvier 2021';

Statuant à nouveau,

Condamne [DC] [MJ] à payer à [B] [L] un (1) euro en réparation de son préjudice';

Condamne [DC] [MJ] à payer à [B] [L] la somme de 3'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/02628
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.02628 ?
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