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19/05/2022 | FRANCE | N°18/08507

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 19 mai 2022, 18/08507


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08507 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6B33



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONJIUMEAU - RG n° 15/00830





APPELANT



Monsieur [F] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]>


Représenté par Me Sandra RAMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0921





INTIMÉS



SELAS M.J.S PARTNERS prise en la personne de Maître [M] [I], en qualité de mandataire Liquida...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08507 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6B33

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONJIUMEAU - RG n° 15/00830

APPELANT

Monsieur [F] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandra RAMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0921

INTIMÉS

SELAS M.J.S PARTNERS prise en la personne de Maître [M] [I], en qualité de mandataire Liquidateur de la Société CERBERE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Vincent JARRIGE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0373

Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, entendue en son rapport, et Madame Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente,

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er avril 2003 de Monsieur [F] [Y], exerçant des fonctions d'agent de sécurité puis de responsable de secteur, a été transféré le 1er juillet 2010 à la société Cerbère, avec reprise d'ancienneté.

A compter du 7 mars 2011, puis du 9 juin 2015, M. [Y] a exercé un mandat de délégué syndical.

Par jugement en date du 13 janvier 2011, la société Cerbère a fait l'objet d'un redressement judiciaire, puis par jugement du 26 octobre 2011 d'un plan de redressement.

Souhaitant obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, M. [Y] a saisi le 29 septembre 2015 le conseil de prud'hommes de Longjumeau.

Par lettre en date du 1er octobre 2015, la société Cerbère l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 12 octobre suivant et l'a mis à pied à titre conservatoire.

En date du 28 octobre 2015, la société Cerbère a demandé à l'Inspection du travail l'autorisation de licencier M. [Y], laquelle a été refusée par décision en date du 1er décembre 2015.

Par jugement du 6 juin 2018, le tribunal de commerce de Bobigny a placé la société Cerbère en liquidation judiciaire.

Par jugement en date du 14 juin 2018, notifié aux parties par lettre en date du 26 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :

-mis hors de cause l'AGS CGEA d'Île de France Est,

-dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [Y] à la SAS Cerbère,

-débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

-débouté la SAS Cerbère de sa demande reconventionnelle,

-dit que chaque partie supportera la charge de ses éventuels dépens.

Par déclaration du 6 juillet 2018, M. [Y] a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique en date du 5 octobre 2018, M. [Y] demande à la Cour :

-de le dire et juger recevable et bien fondé en ses moyens, fins et prétentions,

y faisant droit,

-d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 14 juin 2018,

par conséquent,

-de prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur et dire le licenciement nul,

-de fixer au passif de la société Cerbère les sommes de :

-8 497,08 euros à titre d'indemnité de licenciement

-5 561,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois)

-556,17 euros à titre de congés payés y afférents

-33 370,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

-3 337,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

-33 370,44 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur

-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale

-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

-5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée du travail

-d'annuler la mise à pied disciplinaire du 16 septembre 2015,

-500 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée

-1 978,20 euros à titre de rappel prime d'ancienneté de janvier 2013 à décembre 2013

-197,82 euros à titre de congés payés y afférents

-186,32 euros à titre de rappel de salaire de mai 2015

-18,63 euros à titre de congés payés y afférents

-10 710 euros à titre de rappel de la prime de « frais » de janvier 2013 à l'arrêt à intervenir (calcul à parfaire arrêté à octobre 2018)

-2 775,10 euros à titre de rappel d'indemnité de transport de janvier 2013 à l'arrêt à intervenir (calcul à parfaire arrêté à octobre 2018)

-1 400 euros à titre de rappel d'indemnité de prime de tenue de janvier 2013 à l'arrêt à intervenir (calcul à parfaire arrêté à octobre 2018)

-3 312,17 euros à titre de rappel des heures de délégation de janvier 2013 au 27 juin 2016

-1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement intégral des heures de délégation

-de dire l'arrêt à intervenir opposable à tous les organes de la procédure dont l'AGS CGEA d'Île de France Est,

-d'ordonner la remise des bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

-de condamner la société Cerbère à verser à M. [Y] la somme de 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure de première instance,

-de condamner la société Cerbère à verser à M. [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d'appel,

-d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile,

-de condamner la société Cerbère aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 décembre 2018, la selas MJS Partners, prise en la personne de Maître [I], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Cerbère, demande à la Cour :

-de déclarer infondé l'appel de M. [Y],

-de confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance,

en conséquence:

-de débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Cerbère,

en tout état de cause:

-de dire et juger que toute condamnation ne pourra donner lieu qu'à la fixation d'une créance au passif de la société Cerbère,

-de dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS CGEA IDF EST,

-de débouter M.[Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-de condamner M. [Y] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2018, le CGEA AGS d'Ile de France demande à la Cour :

-de confirmer le jugement dont appel en l'ensemble de ses dispositions,

-de débouter intégralement M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

subsidiairement :

-de dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 (ex- L 143-11-1) et suivants du code du travail,

-de limiter la garantie des éventuelles créances de salaire à 45 jours de salaire,

-de dire inopposables à l'AGS-CGEA toutes les indemnités de rupture,

-de condamner M.[Y] en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la discrimination syndicale :

M. [Y] soutient qu'il a fait l'objet d'une discrimination syndicale, ayant été qualifié d' 'élément perturbateur' par son employeur après avoir dénoncé des cas de travail dissimulé auprès de l'inspection du travail, ayant été menacé de déduction de ses heures de délégation en échange du paiement d' heures non payées en mai 2015, ayant été inscrit sur le planning d'août 2015 un week-end, la société Cerbère lui reprochant manifestement son comportement en référence à ses activités syndicales.

Il invoque également avoir été mis à l'écart, n'ayant été affecté sur aucun site de juin à juillet 2012, n'avoir reçu aucune réponse à sa demande de documents faite dans le cadre de ses activités syndicales, avoir été interdit d'accès à des réunions de représentant du personnel durant ses heures de délégation, lesquelles n'ont pas été payées comme heures supplémentaires alors qu'elles étaient posées les jours où il ne travaillait pas. M. [Y] déplore enfin que son employeur ait programmé d'office certaines de ses heures de délégation sur ses plannings de travail, l'ait intimidé par texto l'accusant d'un trafic de votes pour les élections professionnelles et lui ait refusé l'accès sur un site en compagnie d'un délégué syndical le 26 septembre 2015.

Il sollicite la somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Selon l'article L 1132- 1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, en raison de ses activités syndicales ou mutualistes, notamment.

Par ailleurs, l'article L2141-5 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose qu''il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.'(...)

En vertu de l'article L 1134-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

M. [Y] produit :

- une décision du 22 octobre 2014 du Défenseur des droits,

- son courrier du 11 septembre 2015 à l'Inspection du travail attirant son attention sur une fraude à l'URSSAF, à la caisse de retraite et à la sécurité sociale ainsi qu'un travail dissimulé de la part de la société Cerbère,

- en réponse à son courriel du 17 juin 2015 relevant une erreur sur son bulletin de salaire de mai 2015 au sujet d'une vacation de 12 heures, un courriel de réponse de l'employeur en date du 18 juin 2015 lui indiquant 'si vous voulez vraiment être payé je suis d'accord, en contrepartie les heures de délégation que vous vous êtes octroyées en plus du quota autorisé pendant deux ans vont vous être déduit',

- sa contestation du 29 juillet 2015 (sic) ' j'ai reçu mon planning du mois d'août 2015, vous m'avez planifié le samedi 01 août 2015 de 06 h 00 à 18 h 00 comme vous avais très bien depuis 2007 je n'ai jamais travailler les week-end et les jours fériés voir mes plannings des années précédentes. Sans oublier que j'ai un statut cadre et je suis délégué syndical CFTC en cas de changement de planning ça demande d'aviser l'inspection du travail et un avenant de contrat avec mon accord',

-sa demande de documents en date du 7 décembre 2011 faisant état de plusieurs relances restées vaines,

- sa demande de numéros de téléphone des postes de sécurité pour pouvoir 'téléphoner sur les sites,' la réponse reçue ne contenant pas lesdites informations,

- un courriel du 25 février 2015 lui transmettant le procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise, non signé par les parties,

- le courrier de l'employeur en date du 20 janvier 2016 indiquant 'nous avons reçu votre demande d'absence en raison de votre présence au conseil de prud'hommes de Longjumeau à l'audience de 9 heures qui est un motif légitime d'absence non rémunérée. Vous nous avez demandé par courriel du 12 janvier 2016 le paiement de vos heures de délégation. Or vous avez initié une action prud'homale pour demander le paiement de vos heures de délégation depuis juin 2011. Nous laissons donc à l'appréciation du conseil de prud'hommes le paiement des heures litigieuses',

- son courriel du 30 septembre 2015 à la direction de l'entreprise faisant état de ce que le samedi 26 septembre précédent, à 9h39, sur le site ND Bruyère avec un autre délégué syndical, le responsable de secteur lui a refusé l'entrée sur le site, portant 'atteinte à l'exercice du droit syndical' et commettant selon lui 'un délit d'entrave', par lequel le salarié sollicite qu'il soit fait le nécessaire pour que ces entraves ne se reproduisent pas.

En l'état des explications et pièces fournies, et bien que la décision du Défenseur des droits ne soit pas relative à la présente instance, M. [Y] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à son encontre, à raison de ses activités syndicales.

Pour sa part, la selas MJS Partners, ès qualités de mandataire judiciaire, conclut à l'absence de discrimination syndicale, relève que c'est à l'occasion de son absence injustifiée le 17 juin 2015 que l'employeur lui a demandé d'être un exemple et non un 'élément perturbateur', dans la mesure où il devait trouver d'urgence un agent de sécurité en remplacement, que d'ailleurs les propos de l'employeur, antérieurs à la dénonciation de M. [Y] à l'Inspection du travail, ne sauraient être considérés comme la réaction de la direction à cette démarche, que l'intéressé s'était octroyé pendant deux ans 15 heures de délégation syndicale pendant son temps de travail en lieu et place des 10 heures prévues par la loi et que la remarque de la direction est objectivement justifiée. Le liquidateur conteste toute mise à l'écart et rappelle qu'en mai 2012, l'intéressé affecté sur le site Valeo à la Verrière, ayant fait état de son mal-être sur son poste, a cessé d' y être envoyé, dans l'attente d'une nouvelle affectation, puis a été affecté sur un site lui épargnant 65 km de trajet par journée de travail. En outre, la selas MJS Partners souligne que la convention collective contient une disposition assimilable à une clause de mobilité, qui est opposable au salarié.

L'intimée souligne que la société Cerbère a transmis à M. [Y] l'intégralité des documents qu'il sollicitait le 7 décembre 2011, rappelle que pour des questions de sécurité il ne pouvait obtenir la liste des numéros de téléphone des postes de garde des sites surveillés, relève que l'intéressé a été systématiquement convoqué et a même participé aux réunions du personnel en qualité d'invité permanent et qu'il a été dûment payé de ses heures de délégation dans la mesure où ne travaillant pas la nuit ni les week-ends, il ne rapporte pas la preuve des nécessités de son mandat lui imposant de prendre en dehors de son temps de travail ses heures de délégation, lesquelles étaient posées par l'intéressé à sa convenance.

Enfin, en l'état du procès-verbal de constat reflétant la démarche du salarié d'enregistrer sous le nom de C. R., le nom de son employeur, le numéro d'où provenait le texto litigieux du 4 mai 2015, document par conséquent dépourvu de toute force probante, le mandataire liquidateur critique les arguments du salarié au sujet d'un refus illégitime d'accès sur un site le 26 septembre 2015, et conclut à l'absence de discrimination syndicale et au rejet de la demande d'indemnisation à ce titre.

Le CGEA s'en rapporte aux explications du représentant de la société Cerbère et aux pièces qui pourront être en sa possession.

La selas MJS Partners verse aux débats différents exemples de procès-verbaux de réunions du comité d'entreprise portant mention de la présence de M. [Y] ainsi que quelques convocations à son nom à ces réunions; d'ailleurs, le grief fait par le salarié à ce sujet n'est pas précis et ne comporte aucune date spécifique.

En ce qui concerne l'absence de transmission de numéros de téléphone des sites surveillés, elle est justifiée par la mission exercée par les salariés de l'entreprise et la nécessité de pouvoir joindre les sites en cas d'urgence, sans autre interférence téléphonique.

Relativement à la pose des heures de délégation, la liste des documents renseignés et signés par le salarié en ce sens permet de rejeter le grief formulé.

En revanche, en ce qui concerne le refus d'accès à un site le 26 septembre 2015, le mandataire liquidateur invoque le planning du mois de septembre 2015 et l'absence de démonstration de la part du salarié de l'objet de sa visite sur le site litigieux en sa qualité de délégué syndical.

Toutefois, alors qu'une atteinte au fonctionnement d'une instance représentative du personnel et à la liberté de circulation des délégués syndicaux est constatée, il n'est apporté aucun élément objectif permettant de vérifier que la restriction d'accès imposée était nécessaire, adaptée et proportionnée.

Le mandataire liquidateur se réfère par ailleurs en ce qui concerne la critique du terme 'élément perturbateur' :

- au bulletin de paie de M.[Y] pour le mois de juin 2015 mentionnant une absence injustifiée,

- à son courriel du 20 juillet 2015, reprochant à l'appelant ladite absence et expliquant 'il faut vraiment que vous arrêtiez de nous faire perdre notre temps, car en tant que représentant syndical de la CFTC vous devez être un exemple et non pas un élément perturbateur',

- à sa demande d'autorisation de licenciement du 28 octobre 2015 adressée à l'Inspection du travail et contenant les dates de plusieurs absences injustifiées de la part du salarié; cependant, l'existence d'une absence indue ne saurait légitimer les critiques ou projections faites à M. [Y] relativement à son mandat syndical.

La selas MJS Partners invoque en outre le courrier du salarié à l'Inspection du travail se plaignant d'être épié et dénigré auprès du client sur le site Valeo de [Localité 8], et verse aux débats un plan contenant des détails sur ses trajets domicile-lieu de travail ; mais il ne résulte pas de ces documents une quelconque demande du salarié d'être affecté sur un autre site, pas plus que son accord en ce sens. En effet, l'extrait du procès-verbal de la réunion de la délégation unique du personnel du 27 octobre 2015 indiquant 'le changement de site de M. [Y] de Valeo [Localité 8] à K+N [Localité 9] a été fait à la demande de l'intéressé car celui-ci se plaignait d'être harcelé par la chef d'équipe Mademoiselle B et le responsable de secteur M. T, d'ailleurs la décision a été prise instantanément par M. [S] de l'enlever du site pour l'épargner au harcèlement qu'il se plaignait et de continuer à le payer en attente de lui trouver un site qui lui convenait et beaucoup plus près de son domicile'(sic) ne permet pas de vérifier l'auteur de cette déclaration, puisqu'il est écrit 'après avoir fait lire le courrier de la CFTC concernant M. [Y] par tous les membres présents au C.E., ceux-ci ont rétorqué que c'était un amas de mensonges, d'ailleurs M. B et M. [J]. ainsi que tous les autres ont affirmé qu'ils se rappelaient bien de certains faits précis' et ne saurait constituer la preuve d'une réclamation faite par le salarié pour être changé d'affectation.

Par ailleurs, le salarié est resté sans affectation, certes en étant rémunéré, près d'un mois ; aucun élément objectif, étranger à toute discrimination n'est produit permettant de justifier cette absence de fourniture de travail.

En outre, si les plannings auxquels la selas MJS Partners se réfère ne montrent aucun travail de nuit ou de week-end de la part de M. [Y], force est de constater que l'employeur non seulement ne justifie pas du paiement des heures de délégation à leur échéance mais encore le revendique, en l'état de la saisine de la juridiction prud'homale.

Cependant, l'article L2315-3 du code du travail prévoit que le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.

Par conséquent, l'utilisation du crédit d'heures est présumée conforme à son objet, y compris pour les heures de délégation prises en dehors du temps de travail.

Il en résulte que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, le cas échéant comme heures supplémentaires, et que l'employeur ne peut contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé, ni suspendre son paiement.

Par conséquent, certains des éléments présentés par le salarié comme laissant présumer une discrimination syndicale à son encontre restent injustifiés par les pièces produites, le représentant de l'employeur échouant à démontrer leur caractère étranger à ladite discrimination.

En l'état des préjudices démontrés, il a lieu d'accueillir la demande d'indemnisation à hauteur de 2000 €. Le jugement de première instance doit donc être infirmé de ce chef.

Sur la mise à pied disciplinaire du 16 septembre 2015 :

Par courrier du 16 septembre 2015, la société Cerbère a notifié à M.[Y] une mise à pied disciplinaire de trois jours pour les motifs suivants :

'*Abandon de Poste : vous avez abandonné le poste de sécurité, à la demande du chef d'Exploitation du site, pour intervenir sur le Système de Détection Incendie afin de neutraliser une alarme. Or, comme le stipulent les Consignes Générales du site, l'Agent de Sécurité ne doit effectuer aucune autre tâche que l'activité de surveillance, se conformer aux lois, respecter et connaître parfaitement les consignes, respecter le droit de réserve [...] rendre compte à sa hiérarchie et à la direction du site. Le chef d'Exploitation n'étant pas le Directeur du site, vous auriez dû contacter votre Directeur d'Exploitation, M. M. L., afin de connaître la conduite à tenir ; chose que vous n'avez pas fait. Vous avez abandonné votre poste de 9h03 à 9h15, soit 13 minutes pendant lesquelles vos fonctions n'ont pas été assurées (contrôle des véhicules entrants et sortants, contrôle des plombs, contrôle du personnel et des visiteurs).

*Accès d'un employé non autorisé dans le poste de sécurité. À la demande du chef d'Exploitation, vous avez laissé une personne étrangère à notre société et non habilitée à pénétrer dans le poste de sécurité et à vous « remplacer » pendant votre déplacement. Le poste de sécurité comporte des consignes et des mains courantes confidentielles, les pièces d'identité d'intérimaires et de visiteurs présents sur site ainsi que du matériel de sécurité. La personne en question a d'ailleurs touché au dit matériel (PTI) et a déclenché une alarme « AGRESSION » engendrant le départ d'urgence de M. C. R., PDG de [Localité 7] et de M. M. L. vers le site de [Localité 9] avant que vous n'appeliez à notre siège à 9h16 précises pour nous dire que c'était une erreur de manipulation de la part de l'intérimaire en question et qu'aucune agression n'était en cours. Votre acte de laisser seule une personne non habilitée dans le poste de sécurité aurait pu engendrer de graves incidents (fuite d'informations confidentielles, vol de matériel ou de pièces d'identité, accès libre à des individus mal intentionnés sur site, vol de marchandises etc...) et causer des dommages irréversibles à notre client et par conséquent à notre entreprise.

*Manipulation d'un Système de Sécurité Incendie : employé en tant qu'agent de sécurité et non en tant qu'agent SSIAP ( Service de Sécurité Incendie et d'Assistance aux Personnes), vous ne disposez d'aucune autorisation ou dérogation à la manipulation d'un Système de Sécurité Incendie. Vous avez délibérément engagé la responsabilité de notre Société dans une tâche qui ne vous incombe pas. Tout dysfonctionnement suite à votre manipulation aurait pu causer des dommages irréversibles aux intérêts de notre client ainsi que mettre en danger la vie des collaborateurs présents sur le site.'

Si cette sanction a été implicitement annulée par l'employeur qui a procédé au versement du salaire correspondant en décembre 2015, M. [Y], mis à pied pour avoir abandonné son poste et y avoir laissé pénétrer une personne étrangère au service, considère qu'elle apparaît toujours dans son dossier, constitue une critique continuelle de son professionnalisme, s'avère vexante et doit être annulée. Il sollicite 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Le mandataire liquidateur affirme que le salarié ayant méconnu les règles de sécurité applicables, la mise à pied critiquée était justifiée, comme l'a très justement constaté le conseil de prud'hommes, et que l'intéressé ne démontre aucun préjudice, encore moins à hauteur de 500 €.

Le CGEA fait sienne l'argumentation de la selas MJS Partners.

En cas de contestation du bien-fondé d'une sanction disciplinaire, l'annulation est encourue si la sanction apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Il appartient à l'employeur de fournir les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction et au salarié de produire également les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si le mandataire liquidateur se réfère à la convocation à entretien préalable du 7 août 2015, à la notification de la mise à pied disciplinaire du 16 septembre 2015 et au bulletin de paie du mois de septembre 2015, ces éléments, en l'état de la contestation du salarié sur les faits reprochés et du compte rendu d'entretien préalable versé par ce dernier dans lequel il invoque avoir été absent de son poste pour une intervention incendie et avoir appelé l'adjoint du directeur qui lui a envoyé un remplaçant, ne sauraient suffire à démontrer le bien-fondé de la sanction, à défaut de tout élément objectivant les reproches formulés.

Il convient donc d'annuler cette sanction disciplinaire et d'accueillir la demande d'indemnisation du préjudice démontré à hauteur de 150 € , en l'état de la régularisation de salaire intervenu dans l'intervalle.

Sur le harcèlement moral :

M. [Y] affirme avoir été victime de harcèlement moral, son employeur cherchant à l'évincer, et soutient qu'il a été retiré en juin 2012 sans motif du site où il était affecté depuis plus de cinq ans, qu'il a subi un retrait de salaire injustifié en mai 2015, ainsi qu'une mise à pied disciplinaire de trois jours injustifiée en septembre 2015, puis une mise à pied conservatoire pendant deux mois, non suivie d'effet, qu'il a été privé de rémunération pendant deux mois. Il invoque également la demande d'autorisation de licenciement présentée deux semaines après la première audience de conciliation et reposant sur des faits fantaisistes et dénigrants, puis sa convocation le 25 février 2016 en vue d'une sanction disciplinaire, la modification de ses tâches puisqu'il a été rétrogradé comme simple agent de sécurité. Il fait état également d'un texto intimidant, constaté par huissier de justice,

envoyé par son employeur, de ses plaintes au commissariat pour dénoncer les agissements intolérables de son employeur, des insultes et menaces de ses collègues. Rappelant ses arrêts de travail et le contrôle médical dont il a fait l'objet, il invoque son état anxiodépressif et réclame 20'000 € en réparation de son préjudice moral et matériel résultant de ce harcèlement.

Selon l'article L1154-1 du code du travail dans sa version applicable en l'espèce, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [Y] se prévaut de ses différentes pièces produites au soutien de la discrimination syndicale, mais aussi notamment :

- d'un relevé d'opérations relatives à un crédit de 4 000 € souscrit par lui,

- de la demande d'autorisation de licenciement en date du 28 octobre 2015 et de la décision de refus opposée par l'Inspection du travail relevant un manquement de l'employeur au délai de prévenance et empêchant l'absence injustifiée du 1er août 2015 d'être fautive, l'absence de précision du grief relatif à l'information tardive des arrêts maladie, ainsi que la non-constitution d'autres faits invoqués comme fautifs,

- de ses courriers à l'Inspection du travail, dont un non daté, indiquant que depuis qu'il a dénoncé un dysfonctionnement et sollicité des explications, il est 'constamment « fliqué »', son courrier du 19 juin 2012 contenant le grief suivant 'le mercredi 13 juin 2012 j'ai reçu un appel de M. R. C. le président de la société Cerbère, pour m'informer de plus aller effectuer le reste de mes vacations sur le site de Valeo la verrière 78 que je suis affecté depuis 2007 à partir de cette date de 13 juin 2012, et de resté chez moi en attente d'une possible affectation sur un autre site'( sic),

- de son courrier à l'employeur en date du 19 juin 2012 attestant de sa non-affectation sur le site Valeo de [Localité 8] et dans lequel il indique être dans l'attente d'une convocation pour une possible affectation sur un autre site,

- de différents plannings de janvier 2011 à septembre 2015,

-du courrier recommandé avec accusé de réception du syndicat CFTC adressé à l'employeur le 11 septembre 2015 et faisant part des agissements multiples et illicites dont M. [Y] est l'objet, listant de nombreux reproches, et sommant l'entreprise de mettre un terme aux manquements invoqués sous peine de saisine de la juridiction répressive,

- de sa convocation du 25 février 2016 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire,

-du procès-verbal de constat d'un huissier de justice en date du 7 octobre 2015 retranscrivant un SMS d'un contact correspondant au gérant de l'entreprise, contenant divers reproches d'incohérence notamment, le fait d'avoir enregistré le salarié et lui reprochant de vouloir trafiquer le vote, avant de le menacer de tout 'balancer's'il parlait dans son dos,

- de la déclaration de main courante du 5 mai 2015 de M.[Y] au sujet du texto reçu,

- de sa déclaration de main courante du 23 juin 2015 au sujet d'insultes et d'accusations de vol reçues sur son lieu de travail de la part de son patron,

- de sa déclaration de main courante du 3 septembre 2015 au sujet d'une filature dont il aurait fait l'objet jusqu'à son domicile de la part d'un véhicule transportant trois individus inconnus,

-de sa déclaration de main courante du 18 janvier 2016, au sujet de propos menaçants tenus par un de ses collègues 'il m'a répondu je m'occupe de toi et de tes syndicats de merde',

- de la convocation qui lui a été adressée le 19 septembre 2015 pour un contrôle médical, et l' 'avis de passage' concluant que l'arrêt de travail était médicalement justifié au jour du contrôle,

-de différents avis d'arrêts de travail ainsi que d'une prescription médicamenteuse.

Hormis le procès-verbal de constat d'huissier concluant à un lien entre le texto reçu en mai 2015 et le dirigeant de l'entreprise, document ne pouvant être probant dans la mesure où le salarié lui-même dans sa déclaration de main courante du 5 mai 2015 affirmait ne pas connaître le numéro à l'origine dudit texto, n'ayant que des soupçons ( ' mais je pense qu'il peut s'agir de M. R.'), M.[Y] présente, au moyen des autres pièces produites, des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

La selas MJS Partners, suivie en cela par le CGEA, conteste tout harcèlement moral, rappelle que M.[Y] a été affecté en 2012 sur un autre site à sa demande, et pour préserver sa santé, que le planning du mois de mai 2015 avait été modifié et qu'une absence injustifiée du salarié a été reportée sur son bulletin de salaire, que la mise à pied disciplinaire de septembre 2015 était justifiée par la faute grave commise le 6 août précédent, M.[Y] ayant abandonné son poste de travail, laissant le poste de surveillance entre les mains d'une personne extérieure pour neutraliser une alarme en méconnaissance des consignes applicables, qu'aucun lien n'est établi entre la procédure de licenciement engagé le 1er octobre 2015 et la saisine du conseil de prud'hommes dont elle n'a été informée que le 30 octobre suivant, et rappelle que dès le refus d'autorisation de licenciement, le paiement des salaires a repris.

L'intimée, qui conteste que M.C.R., dirigeant de l'entreprise, soit l'auteur du SMS litigieux, fait valoir par ailleurs que la sanction disciplinaire du 25 février 2016 repose sur des faits précis objectivement répréhensibles et relevant de son pouvoir disciplinaire, que M.[Y] a vu à compter de janvier 2014 ses fonctions modifiées, avec son accord, dans la mesure où il conservait sa catégorie professionnelle et ses avantages et n'a émis aucune réserve au sujet de cette situation. Elle critique enfin la valeur probante des différentes mains courantes produites et rappelle avoir le droit de faire procéder à une contre-visite au domicile d'un salarié, ce qu'elle a fait une seule fois en 10 ans de relation de travail malgré les absences répétées de l'intéressé.

La selas MJS Partners verse aux débats différentes pièces d'ores et déjà produites dans le cadre de la discrimination syndicale mais également, en ce qui concerne l'absence injustifiée du 13 mai 2015, le planning du mois de mai 2015 modifié qu'elle compare avec le planning initial produit par le salarié, ainsi que les courriels des 17 et 18 juin 2015 expliquant les raisons de la retenue sur salaire ; cependant dans sa décision du 1er décembre 2015, l'Inspection du travail a considéré que l'absence du 13 mai n'était pas imputable à M.[Y] qui n'était pas planifié à cette date.

Alors que la convention collective applicable prévoit que la modification ayant pour effet de remettre en cause l'organisation du cycle doit être portée à la connaissance des salariés par écrit au moins 7 jours avant son entrée en vigueur et qu'en cas d'ajustement ponctuel de l'horaire de travail justifié par des nécessités de service, se traduisant par des services ou heures supplémentaires, le salarié doit en être informé au moins 48 heures à l'avance, il n'est pas justifié par la société Cerbère de l'information de l'intéressé, dans le respect du délai de prévenance, de la modification de planning intervenue.

Par conséquent, le reproche de l'appelant au sujet de la retenue de cette journée litigieuse sur le salaire du mois de mai 2015 est fondé.

Par ailleurs, il a été vu que la mise à pied disciplinaire du 16 septembre 2015 n'était pas fondée.

Si, comme le montre la convocation de la société Cerbère devant le conseil de prud'hommes en date du 27 octobre 2015, l'employeur n'était pas officiellement informé de la procédure entamée par le salarié devant le conseil de prud'hommes de Longjumeau, aucun élément permettant de justifier la mise à pied du 1er octobre 2015 n'est versé aux débats.

Par ailleurs, le courriel de M. L. F. C, dirigeant une société cliente, ainsi que le rapport d'intervention de la police municipale, produits par le mandataire liquidateur au sujet de la journée du 16 janvier 2016, sont inopérants à ce sujet.

En ce qui concerne la mise à pied disciplinaire de cinq jours notifiée le 15 mars 2016, son bien-fondé n'est pas établi par des éléments objectifs, a fortiori en l'état de la contestation 'vigoureuse' du salarié émise dans son courrier du 21 mars suivant.

Il a été vu, dans le cadre de la discrimination syndicale, que la justification du changement d'affectation de M.[Y] n'est pas effective, et ce alors que sa qualité de salarié protégé rendait nécessaire son accord pour ce faire.

En outre, si le mandataire liquidateur affirme que la société Cerbère a obtenu l'accord de M.[Y] pour une modification de ses fonctions à compter du 1er janvier 2014, à savoir occuper à nouveau un poste d'agent de sécurité tout en conservant sa catégorie professionnelle et ses avantages de cadre, force est de constater que cette affirmation n'est aucunement objectivée.

Enfin, l'avis d'aptitude du médecin du travail en date du 3 février 2017, produit par le mandataire liquidateur, apparaît indifférent quant à l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral.

Par conséquent, si la société Cerbère pouvait valablement, dans le cadre de ses pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction, saisir l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement et programmer une contre-visite médicale, en revanche, son représentant dans le cadre de la liquidation judiciaire échoue à justifier les autres faits reprochés par le salarié comme étrangers à un harcèlement moral.

En l'état des éléments de préjudice versés aux débats, il y a lieu d'accueillir la demande d'indemnisation à hauteur de 2 000 €.

Sur la violation de la durée du travail :

Alors que l'article 7.08 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité prévoit une durée quotidienne maximale de travail de 12 heures, M.[Y] invoque les plannings établis par l'employeur et relève qu'il a été contraint au minimum une soixantaine de fois de travailler plus de 13 heures par jour. Il soutient en outre que l'entreprise ne faisait appel à un agent de remplacement qu'en cas de retard dépassant une heure de la part d'un salarié prenant la relève sur un poste. En raison de la diminution de la concentration, de la mémoire, de l'immunité, de la satiété, de la masse cérébrale qu'entraîne le manque de repos, mais également le risque d'accident, l'augmentation de l'émotivité, le risque de maladie cardiaque et le risque de mortalité, l'appelant sollicite 5000 € à titre de dommages- intérêts en réparation de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité.

Le mandataire liquidateur fait valoir que dans les entreprises de prévention et de sécurité, la durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder 12 heures, mais que l'amplitude de la journée de travail, qui est constituée des temps de travail effectif et des temps de pause, ne peut dépasser 13 heures et que les plannings versés aux débats font référence à cette amplitude de travail comprenant les périodes de pause. Il relève que le salarié, qui n'a jamais invoqué une quelconque violation des dispositions applicables en matière de durée du travail, bénéficiait d'une pause-repas et n'effectuait pas 13 heures de vigilance constante comme il le prétend. Il souligne que l'intéressé ne justifie en outre d'aucun préjudice, surtout à hauteur de 5 000 €.

Le CGEA fait sienne la position de la selas MJS Partners.

M. [Y] verse aux débats un courriel de sa part du 29 février 2016 se plaignant d'avoir dû attendre la relève à plusieurs reprises, notamment lors de retards des agents devant le remplacer.

La lecture des plannings qu'il produit permet en outre de relever certains mois des horaires de travail totalisant 13 heures.

Si le représentant de la société Cerbère invoque l'organisation de temps de pause, aucune preuve de leur effectivité n'est rapportée, alors qu'elle lui incombe.

Toutefois, en l'absence de démonstration d'un préjudice subi par le salarié, qui ne produit que des éléments de documentation générale sur les effets d'un manque de repos, sa demande d'indemnisation ne saurait être accueillie.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

Sur le rappel de prime d'ancienneté :

M.[Y] sollicite la somme de 1978,20 € à titre de rappel de prime d'ancienneté, ainsi que les congés payés y afférents, dans la mesure où il affirme n'en avoir bénéficié qu'en janvier 2014 alors que son ancienneté date d'avril 2003.

Le mandataire liquidateur, rappelant que M.[Y] occupait un poste d'agent d'exploitation, puis d'agent de sécurité, catégorie cadre, ne pouvait bénéficier des dispositions conventionnelles applicables aux catégories inférieures. Il considère que l'avantage octroyé par la société Cerbère, à savoir le bénéfice d'une prime d'ancienneté conventionnelle à compter du 1er janvier 2014, alors qu'il ne remplissait pas les conditions pour y prétendre, ne saurait être constitutif d'un avantage à effet rétroactif lui permettant de réclamer cette prime pour les périodes antérieures.

L'article 9.03 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité dispose qu' ' une prime d'ancienneté est accordée aux agents d'exploitation, employés, techniciens et agents de maîtrise'.

Il n'est pas contesté que M. [Y] a été promu cadre, responsable de secteur le 22 décembre 2003 et que si la société Cerbère a repris son contrat au même statut, il a par la suite exercé des fonctions d'agent de sécurité.

Cependant, en conservant son statut de cadre et les avantages en résultant, il ne saurait réclamer l'application de dispositions conventionnelles applicables à une autre catégorie que la sienne, nonobstant la réalité de ses fonctions et la décision de l'entreprise de lui payer une prime d'ancienneté à compter de janvier 2014.

La demande doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur le rappel de salaire de mai 2015 :

M.[Y] réclame la somme de 186,32 € ainsi que les congés payés afférents, correspondant à une retenue sur son salaire de mai 2015 pour une absence injustifiée qu'il conteste.

Il a été vu que la légitimité de ladite retenue n'était pas démontrée par les pièces produites par la société Cerbère, par l'intermédiaire de son mandataire liquidateur. Il convient donc d'accueillir la demande, par infirmation du jugement entrepris, à hauteur du montant réclamé, correspondant aux droits de l'intéressé.

Il en va de même pour les congés payés y afférents.

Sur le rappel de prime de frais :

Invoquant l'usage en vigueur dans l'entreprise et consistant en une prime de frais payée en sus de l'indemnité de transport pour un montant mensuel de 153 €, M.[Y], qui a cessé de la percevoir en octobre 2010 et qui considère que cet usage n'a pas été régulièrement dénoncé, sollicite la somme - actualisée au mois d'octobre 2018- de 10'710 € à ce titre. Il fait valoir que toutes les sociétés au sein desquels a été transféré son contrat de travail appartiennent au même groupe Cerbère depuis son embauche et ont respecté ledit usage.

Le mandataire liquidateur de la société Cerbère rappelle que le salarié a successivement travaillé pour le compte de sociétés distinctes, que son contrat de travail a été transféré en dernier lieu dans un cadre conventionnel et non par application de l'article L 1224-1 du code du travail, et que le nouvel employeur n'est donc pas lié par les usages en vigueur au sein de l'entité économique précédente. Il fait valoir en outre que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un tel usage au sein de la société Cerbère, puisque la prime de frais à laquelle il se réfère est un simple remboursement des frais professionnels, non soumis à charges sociales. Le salarié ne démontrant nullement que la somme qu'il réclame correspond à des frais professionnels exposés pour les besoins de son activité, M. [Y] doit être débouté de sa demande, selon la selas MJS Partners.

Le CGEA adopte les moyens du mandataire judiciaire.

Les pièces produites permettent de constater que M. [Y], engagée par la société Securicor a vu son contrat de travail transféré à la société Cerbère ADM , puis à la société Qualigest, puis à la société Vigilance Sécurité, avant de l'être à la société Cerbère.

Si certaines de ces sociétés ont pu faire partie du groupe Cerbère, elles demeurent juridiquement distinctes et l'existence d'un transfert conventionnel du contrat de travail ne saurait être remise en cause.

Sauf dispositions conventionnelles contraires, lorsque le nouveau titulaire d'un marché reprend les contrats de travail des salariés affectés audit marché sans y être tenu par les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il n'est lié que par les clauses des contrats de travail et non par les usages en vigueur dans une entité économique qui ne lui a pas été transférée.

Les modalités de transfert des contrats de travail en cas de perte d'un marché dans le secteur de la sécurité sont régis par l'avenant du 28 janvier 2011à l'accord du 5 mars 2002.

Les dispositions de l'article 3.1.2 de cet avenant prévoient que l'entreprise entrante doit obligatoirement mentionner dans l'avenant au contrat de travail du salarié transféré la reprise notamment du salaire de base et des primes constantes soumises à cotisation, payées chaque mois et figurant sur les neuf derniers bulletins de paye ainsi que les éventuels éléments bruts de rémunération contractuels à l'exclusion de ceux ayant le même objet déjà pris en charge sous une autre forme par l'entreprise entrante, mais que les autres éléments de salaire non soumis à cotisation sociale ne sont pas repris sauf ceux prévus par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Selon ce texte, les usages collectifs ou autres avantages individuels en vigueur au sein de l'entreprise sortante ne sont pas transférés.

Il y a lieu de relever, en premier lieu, que les sommes litigieuses ne sont pas soumises à cotisation sociale.

Par ailleurs, un usage est une pratique constante, fixe et générale qui, lorsque ces trois critères sont réunis, aboutit à la création d'un véritable droit pour les salariés. Ces trois conditions sont cumulatives.

Si, en l'espèce, à la lecture de ses bulletins de salaire, M. [Y], percevant une somme mensuelle de 153€ en 'remb.frais' ou ' frais' ou 'frais réel' ou ' frais forfaitaire', rapporte la preuve d'un paiement constant (répété et périodique) et fixe à compter de février 2005, force est de constater que la preuve de sa généralité n'est pas faite, en l'absence de toute information sur la situation des autres membres du personnel ou de la catégorie de personnel à laquelle l'appelant appartient.

Il convient donc de rejeter la demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le rappel d'indemnité de transport :

M. [Y], qui affirme avoir travaillé sur l'ensemble des sites de la couronne parisienne, relève que son employeur, qui lui a remboursé certains mois la moitié de ses frais de transport, ne lui a pas versé la plupart du temps d'indemnité de transport ; il réclame donc la somme de 2775,10 € à ce titre ( octobre 2018 inclus).

Le mandataire liquidateur relève que malgré le courrier de la société Cerbère du 8 décembre 2011, le salarié n'a jamais justifié pendant l'exécution de son contrat de titres d'abonnement qu'il aurait souscrits pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail et qu'il a d'ailleurs déclaré le 3 septembre 2015 utiliser son véhicule pour se rendre sur son lieu de travail. Elle souligne que quand des justificatifs lui ont été fournis, elle a payé ce qui était dû sans difficulté et que M. [Y] est affecté à [Localité 9] et non sur l'ensemble des sites de la couronne parisienne. Il conclut au rejet de la demande.

Le CGEA s'en remet aux explications du mandataire liquidateur.

Selon l'article L3261-2 du code du travail, 'l'employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos.'

À défaut de justifier des frais exposés pour ses déplacements au moyen de transport public de personnes ou de service public de location de vélos entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, M. [Y] ne saurait voir sa demande accueillie.

Le jugement de première instance doit donc être confirmé de ce chef.

Sur la prime d'entretien :

L'appelant fait valoir qu'en sa qualité d'agent de sécurité, il devait revêtir une tenue professionnelle réglementaire dont le port était obligatoire et que son employeur devait assumer les frais d'entretien de cette tenue, ce qu'il n'a pas fait. Se référant aux décisions rendues en la matière, et retenant une base forfaitaire mensuelle de 20 €, il sollicite la somme de 1400 € pour la période comprise entre janvier 2013 et octobre 2018.

Le mandataire liquidateur de la société Cerbère fait valoir que M. [Y] doit être en mesure de prouver qu'il a eu des frais découlant directement des conditions d'exécution de son travail et qu'ils ont été payés sur ses fonds personnels, ce que l'intéressé ne fait pas. Il conclut au rejet de la demande, suivi en cela par le CGEA d'Île-de-France.

Selon l'article R 4323-95 du code du travail, les équipements de protection individuelle et les vêtements de travail mentionnés à l'article R. 4321-4 sont fournis gratuitement par l'employeur qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires.

Les frais d'entretien d'une tenue de travail imposée au salarié reviennent à l'employeur.

Le caractère obligatoire du port d'une tenue règlementaire en l'espèce n'est pas contesté.

Il n'est pas justifié cependant que la société Cerbère ait assumé les frais liés à l'entretien de cette tenue.

Il convient donc d'accueillir la demande à hauteur de 300 € à titre de remboursement des frais exposés par le salarié sur la période de référence.

Sur le rappel des heures de délégation :

Rappelant que les heures de délégation prises en dehors de l'horaire de travail doivent être rémunérées en heures supplémentaires et qu'il n'a pas bénéficié de cette majoration, M. [Y] réclame la somme de 3212,17 € à ce titre. Il sollicite également, en l'état du refus de son employeur de lui payer ses heures de délégation à échéance normale et du caractère abusif de cette résistance, la somme de 1 500 € de dommages-intérêts.

La selas MJS Partners soutient que la charge de la preuve de la nécessité de prendre des heures de délégation en dehors de l'horaire normal de travail repose sur le salarié, que M. [Y] n'apporte pas cette preuve, pas plus que celle d'un dépassement de la durée hebdomadaire de 35 heures. Elle relève que l'intéressé est en tout état de cause dans l'impossibilité de justifier d'un quelconque préjudice à ce titre et conclut au rejet de la demande et à la confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Le CGEA conclut de même.

L'article L2315-3 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.

L'utilisation du crédit d'heures est présumée conforme à son objet, y compris pour les heures de délégation prises en dehors du temps de travail.

Il en résulte que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, le cas échéant comme heures supplémentaires, et que la société Cerbère ne pouvait valablement invoquer l'instance en cours devant le conseil de prud'hommes pour s'abstenir de les payer.

Il convient donc d'accueillir la demande à hauteur du montant réclamé.

En revanche, en l'absence de tout préjudice distinct de celui qui sera réparé par les intérêts dilatoires, la demande d'indemnisation d'une résistance abusive de l'employeur ne saurait prospérer.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

M. [Y] soutient que le harcèlement moral, la discrimination syndicale, la violation de l'obligation de sécurité par le dépassement de la durée du travail, le comportement déloyal de la société Cerbère dans l'exécution du contrat de travail sont des manquements suffisamment graves pour permettre le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, laquelle doit produire les effets d'un licenciement nul.

Il sollicite donc la somme de 8 497,08 € à titre dindemnité de licenciement, celle de 5 561,74 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, ainsi que la somme de 33 370,44 € à titre de dommages-intérêts.

La selas MJS Partners considère la demande totalement infondée, rappelant que les manquements invoqués ont cessé et n'ont pas empêché la poursuite de la relation de travail.

Le CGEA s'en rapporte à l'argumentaire du mandataire liquidateur.

La résiliation judiciaire, en raison du caractère synallagmatique du contrat, permet à l'une ou l'autre des parties au contrat de travail de demander au juge de prononcer sa rupture sans faire usage de son droit de résiliation unilatérale (démission pour le salarié, licenciement pour l'employeur).

Il convient de vérifier si les manquements invoqués par le salarié au soutien de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail sont imputables à l'employeur et suffisamment graves pour le rendre responsable de la rupture du contrat.

En l'espèce, en l'état des manquements retenus, touchant notamment les conditions de travail, le statut de salarié protégé, la rémunération de M. [Y], il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, laquelle doit produire les effets d'un licenciement nul.

La date d'effet de cette résiliation doit être fixée au jour de la présente décision, qui la prononce, dès lors que le contrat de M. [Y] n'a pas été rompu avant cette date, l'intéressé n'ayant pas été licencié dans les 15 jours de la liquidation judiciaire prononcée le 6 juin 2018 et se trouvant en situation de travail le 6 septembre 2018, lors de la cessation d'activité de l'entreprise.

Il convient d'accueillir les demandes présentées relativement à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés y afférents, dont les montants ne sont pas contestés et qui sont conformes aux droits de l'intéressé.

Tenant compte de l'âge de M. [Y] ( né en 1960), de son ancienneté ( remontant au 1er avril 2003), de son salaire moyen mensuel brut (soit 2 780,87 €, montant non contesté), il y a lieu de lui allouer la somme de 18 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, par application de l'article L1235-3-1 du code du travail.

Sur la violation du statut protecteur :

M. [Y] sollicite la somme de 33'370,44 € d'indemnisation au titre de la violation de son statut protecteur.

Le mandataire liquidateur, suivi en cela par le CGEA d'Ile de France Est, conclut au rejet de la demande.

La résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié protégé prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, ouvrant ainsi le droit pour le salarié d'être réintégré ou de demander réparation du dommage subi en raison de la violation du statut protecteur. L'indemnité due à ce titre est égale à la rémunération qui aurait été perçue jusqu'à l'expiration de la protection en cours au jour de la demande jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de trente mois.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [Y] a été désigné délégué syndical le 9 juin 2015.

A défaut de limite légale fixée à la durée du mandat des délégués syndicaux, ce dernier prend automatiquement fin lors du renouvellement des institutions représentatives du personnel, quel que soit le résultat des élections professionnelles.

En l'espèce, il n'est pas justifié de ce renouvellement, ni de la désignation d'un autre salarié en remplacement de M. [Y] par le syndicat qui l'avait désigné.

Il convient donc d'accueillir la demande à hauteur de la somme réclamée par l'appelant.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

M. [Y] sollicite, sur le fondement de l'article L 3141-3 du code du travail, la somme de 3337,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

La selas MJS Partners conclut au rejet de la demande. Le CGEA s'en remet à cette position.

Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.

En cas de litige portant sur le respect des droits légaux ou conventionnels à congés payés d'un salarié, la charge de la preuve incombe à l'employeur. Il lui appartient de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

En l'espèce, aucun élément n'est produit relativement aux congés payés pris ou non pris par M. [Y].

Il y a lieu par conséquent d'accueillir la demande.

Sur la remise de documents:

La remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la selas MJS Partners représentant la société Cerbère n'étant versé au débat.

Sur la garantie de l'AGS :

M. [Y] sollicite que l'arrêt soit dit opposable à tous les organes de la procédure dont l'AGS Île-de-France Est. Il sollicite que le jugement qui a mis hors de cause cet organe soit infirmé.

Le CGEA conclut, s'agissant de sommes entre le redressement et la liquidation judiciaire, à l'éventuelle garantie de l'AGS, limitée à 45 jours de salaire, mais concernant les éventuelles indemnités de rupture, à l'absence de toute garantie de sa part.

Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail doit se faire dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L3253-20 du code du travail.

L'article L3253-8 du code du travail dispose que 'l'assurance mentionnée à l'article L.3253-6 couvre :

1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;

2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

a) Pendant la période d'observation ;

b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession;

c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité ;

3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l'une des périodes indiquées au 2°, y compris les contributions dues par l'employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ;

4° Les mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 avant ou après l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :

a) Au cours de la période d'observation ;

b) Au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité.

La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1°, 2° et 5° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts.'

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS et au CGEA d'Ile de France Est dans les limites de la garantie et conformément aux plafonds applicables.

En l'état de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en date du 29 septembre 2015, postérieure à la procédure collective ouverte le 13 janvier 2011, de la date de la liquidation judiciaire de la société Cerbère et de la date de la rupture du contrat de travail, il y a lieu de dire inopposables à l'AGS-CGEA les indemnités de rupture fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Cerbère.

Sur les intérêts :

Comme le sollicite le CGEA d'Ile de France Est, il convient de rappeler que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Cerbère a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels ( en vertu de l'article L. 622-28 du code de commerce).

Sur les dépens :

La liquidation judiciaire de la société Cerbère devra les dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au rappel d'indemnité de transport, au rappel de prime de frais, au rappel de prime d'ancienneté, à l'indemnisation de la violation de la durée de travail et du non-paiement intégral des heures de délégation,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [F] [Y],

DIT que cette rupture a les effets d'un licenciement nul,

PRONONCE l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 16 septembre 2015,

FIXE au passif de la société Cerbère les créances de M. [Y] à hauteur de :

- 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

- 2 000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

- 186,32 € à titre de rappel de salaire ( mai 2015),

- 18,63 € au titre des congés payés y afférents,

- 300 € en remboursement des frais d'entretien de la tenue,

- 150 € en réparation de la mise à pied disciplinaire injustifiée,

- 3 312,17 € à titre de rappel d'heures de délégation,

- 8 497,08 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 5 561,74 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 556,17 € au titre des congés payés y afférents,

- 18'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 33'370,44 € au titre de la violation du statut protecteur,

- 3 337,04 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Cerbère a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS d'Ile de France Est dans les limites de sa garantie,

DIT que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L3253-20 du code du travail,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Cerbère.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/08507
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;18.08507 ?
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