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17/05/2022 | FRANCE | N°21/10544

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 17 mai 2022, 21/10544


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 17 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10544 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ3J



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL - RG n° 19/08813





APPELANTE



Madame [Y] [C] née le 1er juillet 1955 à [L

ocalité 8] (Irak)



[Adresse 2]

Appt.2207

[Localité 3]



représentée par Me Lilya BELLADJEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1772



(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 17 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10544 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ3J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL - RG n° 19/08813

APPELANTE

Madame [Y] [C] née le 1er juillet 1955 à [Localité 8] (Irak)

[Adresse 2]

Appt.2207

[Localité 3]

représentée par Me Lilya BELLADJEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1772

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/010956 du 03/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Monsieur [E] [R] né le 28 mai 1961 à [Localité 8] (Irak)

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Joelle RODRIGUES, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : 424

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/034839 du 03/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Madame [S] [P] épouse [R] née le 21 février 1968 à Rabat (Maroc)

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Elodie RAMOS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : 272

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/034748 du 03/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2022, en chambre du conseil, les avocats et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Mme [Y] [C], née le 1er juillet 1955 à [Localité 8] Al Mansour (Irak), et M. [E] [R], né le 28 mai 1961 à [Localité 8] (Irak), se sont mariés à Al Bayaa (Irak), le 8 janvier 1986.

Le tribunal d'état civil et des affaires personnelles de Bayaâ-[Localité 8] (Irak) a prononcé le divorce par un jugement du 21 décembre 2003, M. [E] [R] ayant répudié son épouse.

A la demande de Mme [Y] [C], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a, par une ordonnance de non-conciliation du 18 octobre 2004, autorisé celle-ci et M. [E] [R] à résider séparément.

M. [E] [R] a épousé, le 26 mai 2006 à [Localité 5], Mme [S] [P], née le 21 février 1968 à Rabat (Maroc).

Par un arrêt du 19 février 2013, la cour d'appel de Lyon a notamment :

- déclaré le jugement irakien de divorce du 21 décembre 2003 inopposable à Mme [Y] [C] pour contrariété à l'ordre public ;

- autorisé M. [E] [R] à introduire une action en divorce :

- condamné celui-ci à verser une pension alimentaire mensuelle de 300 euros au titre du devoir de secours.

M. [E] [R] a saisi le tribunal de grande instance de Lyon d'une demande en divorce, par un acte du 29 avril 2013.

Par un jugement du 14 août 2014, ce tribunal a prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal, fixé la date des effets du divorce quant aux biens au 30 janvier 2012 et débouté Mme [Y] [C] de ses demandes de contribution aux charges du mariage et de prestation compensatoire.

Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 mai 2016, sauf en ce qui concerne la date des effets du divorce quant aux biens, fixée au 31 décembre 2003.

Mme [Y] [C] a saisi le tribunal judiciaire de Créteil le 14 novembre 2019 d'une demande de nullité du mariage, aux motifs que le mariage célébré le 26 mai 2006 entre M. [E] [R] et Mme [S] [P] était entaché de bigamie car le mariage célébré le 8 janvier 1986 entre celui-ci et Mme [Y] [C] n'était pas alors dissout au regard de la loi française.

Par un jugement du 17 décembre 2020, le tribunal a :

- dit que l'action en nullité du mariage de M. [E] [R] et de Mme [S] [P] engagée par Mme [Y] [C] est irrecevable, faute d'intérêt à agir ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [Y] [C] aux dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

- rejeté toute autre demande.

Mme [Y] [C] a formé appel le 3 juin 2021.

Par des conclusions notifiées le 16 juillet 2021, Mme [Y] [C] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel,

- infirmer le jugement,

Evoquant et statuant à nouveau,

-constater que le mariage des époux [R] / [P] du 26 mai 2006 a été contracté en France alors que M. [E] [R] et Mme [Y] [C] étaient encore mariés au regard de la loi française,

En conséquence,

- dire que le mariage des époux [Z] contracté le 26 mai 2006 en France est contraire à l'ordre public français,

- prononcer la nullité du mariage des époux [Z] contracté le 26 mai 2006 en France,

- annuler tous les actes subséquents au mariage des époux [Z],

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. [E] [R] et Mme [S] [P], épouse [R], à verser à Mme [Y] [C] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [E] [R] et Mme [S] [P], épouse [R], aux entiers dépens de la présente instance, comprenant les frais afférents aux instances, les frais d'actes de signification et d'exécution de la décision à intervenir et autres prévus et sur le fondement des dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile, et sur le fondement des dispositions des articles 42, 43, et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, telle que modifiée par l'ordonnance n°2007-392 du 22 mars 2007,

- débouter M. [E] [R] et Mme [S] [P], épouse [P], de leurs demandes non conformes aux présentes.

Par des conclusions notifiées le 23 septembre 2021, M. [E] [R] demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

- condamner Mme [Y] [C] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 6 octobre 2021, Mme [S] [P], épouse [R], demande à la cour de :

- constater que Mme [Y] [C] ne justifie d'aucun intérêt à agir dans la procédure d'appel intentée par cette dernière,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- débouter Mme [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [Y] [C] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] [C] aux entiers dépens,

- rappeler l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le ministère public, auquel le dossier a été communiqué, n'a pas émis d'avis.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action

Moyens des parties

Mme [Y] [C] fait valoir que le mariage de M. [E] [R] et de Mme [S] [P] a été célébré à Paris le 26 mai 2006 alors que le jugement de divorce irakien du 21 décembre 2013 est inopposable en France en raison de sa contrariété à l'ordre public, qu'elle a elle-même acquis la nationalité française par un décret de naturalisation du 12 janvier 2011 ce qu'il l'a fait bénéficier des dispositions françaises interdisant la polygamie, que ce mariage doit donc être annulé, qu'elle a subi un préjudice moral en raison d'un fort sentiment d'humiliation et d'abandon dû à l'infidélité de son époux ainsi que d'un épuisement physique et moral et que ce préjudice a été reconnu par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 mai 2016, qui a confirmé le jugement du 14 août 2014 lui ayant alloué une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

M. [E] [R] indique qu'il ne réside plus avec Mme [Y] [C] depuis l'année 2003 ainsi que le jugement du 14 août 2014 l'a constaté, que celle-ci ne peut donc se prévaloir d'aucun préjudice, qu'ils n'ont pas eu d'enfants, qu'elle a attendu treize ans pour demander la nullité du mariage célébré avec Mme [S] [P] et qu'elle multiplie les procédures.

Mme [S] [P] soutient que Mme [Y] [C] n'a pas d'intérêt à agir car elle est séparée de M. [E] [R] depuis 2003 et n'a plus eu de contacts avec lui depuis, que celle-ci a engagé une multitude de procédures et qu'elle ne peut se prévaloir d'aucun préjudice.

Règles applicables

L'article 147 du code civil dispose que 'on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier'.

L'article 184 du même code ajoute que 'Tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public'.

L'époux divorcé, qui n'a plus, lors de son action en nullité du mariage pour cause de bigamie la qualité de conjoint, ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 184 du code civil, propres aux époux, mais doit justifier d'un intérêt à agir (Civ. 1ère, 12 avril 2012, n° 11-11116).

Réponse de la cour

Il appartient à Mme [Y] [C] de justifier d'un intérêt à agir, au jour de l'introduction de l'instance soit au14 novembre 2019, en nullité du mariage célébré à [Localité 5] le 26 mai 2006 entre M. [E] [R] et Mme [S] [P], dès lors qu'elle ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 184 du code civil propres aux époux.

Or, en premier lieu, il est constant que la séparation de M. [E] [R] et Mme [Y] [C] est intervenue au cours de l'année 2003 et que le divorce a été prononcé par un jugement du 14 août 2014 du tribunal de grande instance de Lyon.

En second lieu, ainsi que Mme [Y] [C] l'indique elle-même, ce jugement, confirmé par un arrêt du 10 mai 2016, lui a alloué une somme de 2.000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Dès lors, ainsi que le jugement du tribunal judiciaire de Créteil l'a retenu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, l'action de Mme [Y] [C] est irrecevable, en l'absence de preuve d'un intérêt à agir.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit aux demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Mme [Y] [C], qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [Y] [C] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/10544
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;21.10544 ?
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