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17/05/2022 | FRANCE | N°20/07464

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 17 mai 2022, 20/07464


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 17 MAI 2022



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07464 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4A4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 octobre 2019 rendu pat le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/11249





APPELANTE



Madame [X] [R] née le 26 octobre 1963 à [Loc

alité 6] (Algérie),



[Adresse 5]

[Localité 2]



représentée par Me Olinda PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : E0168





INTIME



LE MINISTERE PUBLIC pris en la perso...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 17 MAI 2022

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07464 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4A4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 octobre 2019 rendu pat le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/11249

APPELANTE

Madame [X] [R] née le 26 octobre 1963 à [Localité 6] (Algérie),

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Olinda PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : E0168

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme M.-D. PERRIN, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2022, en audience publique, l'avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, dit que Mme [X] [R], se disant née le 26 octobre 1963 à [Localité 6] (Algérie), irrecevable à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, jugé qu'elle est réputée, si elle l'a eue, avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et l'a condamnée aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 16 juin 2020 et les dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2020 par Mme [X] [R] qui demande à la cour de la recevoir en son appel, de l'y déclarer recevable et fondée, d'infirmer le jugement, de dire qu'elle est de nationalité française, de juger les dispositions de l'article 30-3 du code civil inopposables au cas d'espèce et de surcroît inapplicables en tant qu'elles sont en contrariété avec les dispositions des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme, de juger qu'elle est Française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner le Trésor public aux dépens qui seront recouvrés par Maître Olinda PINTO dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2020 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de confirmer le jugement, de dire que l'appelante est irrecevable à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, à titre subsidiaire de dire qu'elle n'est pas de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de statuer ce que de droit sur les dépens ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 11 décembre 2020 par le ministère de la Justice.

Mme [X] [R], se disant née le 26 octobre 1963 à [Localité 6] (Algérie), indique que sa grand-mère, [M] [V], née en 1910 à [Localité 4] (Algérie), a acquis la nationalité française de plein droit en application de l'article 4 de la loi du 10 août 1927, qu'elle a ensuite conservé la nationalité française lors de l'indépendance de l'Algérie et qu'elle n'est devenue algérienne par naturalisation que le 22 février 1968. Mme [X] [R] en déduit que son père, [S] [R], né le 22 juillet 1938 à [Localité 4], était lui-même français avant de devenir algérien par un décret de naturalisation du 10 novembre 1970. Mme [X] [R] soutient qu'elle est donc elle-même française par filiation.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à Mme [X] [R], qui revendique la nationalité française, d'en rapporter la preuve, n'étant pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom.

L'article 30-3 du code civil dispose que : « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français ».

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

Le délai d'un demi-siècle de résidence à l'étranger s'apprécie au jour de l'introduction de l'action déclaratoire de nationalité française

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

La résidence habituelle à l'étranger s'entend d'une résidence hors du territoire national.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a dit en conséquence, dans son arrêt rendu le 13 juin 2019 (pourvoi n°18-16.838, publié), que « la solution retenue par l'arrêt du 28 février 2018 (1ère Civ., pourvoi n° 17-14.239) doit, donc, être abandonnée ».

Cet article empêche l'intéressé, si les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation. Dès lors qu'il ne suppose pas que la nationalité de l'intéressé soit établie préalablement mais seulement qu'elle soit revendiquée par filiation, la désuétude doit être examinée à titre principal.

Lorsque l'ascendant direct de celui qui revendique la nationalité française est né avant le 3 juillet 1962, date de l'indépendance de l'Algérie, la condition d'absence de résidence en France pendant plus d'un demi-siècle ne doit être appréciée que dans la personne de l'ascendant direct de l'intéressé.

En l'espèce, l'article 30-3 est bien applicable contrairement à ce que Mme [X] [R] soutient, dès lors qu'elle revendique la nationalité française par filiation. Par ailleurs, il y a lieu de relever que contrairement à ce que soutient l'intéressée, la détermination par un Etat de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination même au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où le droit à une nationalité est assurée, ce qui est le cas en l'espèce. Par ailleurs, les articles 8 et 14 de cette Convention ne peuvent pas faire échec au droit de chaque Etat de déterminer les conditions d'accès à sa nationalité.

Or, en premier lieu, Mme [X] [R] ne fournit aucun élément établissant que son père revendiqué aurait résidé en France, pas plus d'ailleurs que pour elle-même.

En second lieu, ainsi que le jugement l'a retenu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, Mme [X] [R] n'établit pas que son père revendiqué aurait jouit de la possession d'état de français, se bornant à indiquer de manière générale que la conservation de la nationalité française par son père lors de l'indépendance de l'Algérie présume d'une telle possession d'état, sans toutefois fournir un quelconque élément de preuve. Mme [X] [R] ne fournit par ailleurs aucun élément tendant à établir qu'elle jouirait elle-même d'une telle possession.

Il y a lieu de juger en conséquence que Mme [X] [R] n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, qu'elle est réputée l'avoir perdue à la date du 4 juillet 2012 et de constater son extranéité.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit que les conditions de l'article 30-3 sont réunies mais infirmé en ce qu'il a déclaré Mme [X] [R] irrecevable à faire la preuve, qu'elle a par filiation, la nationalité française, l'article 30-3 du code civil n'édictant pas une fin de non-recevoir.

Les dépens seront supportés par Mme [X] [R] qui succombe en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté que les conditions de l'article 30-3 du code civil sont remplies à l'égard de Mme [X] [R],

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [X] [R], se disant née le 26 octobre 1963 à [Localité 6] (Algérie), n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française,

Dit que Mme [X] [R] est réputée avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [X] [R] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/07464
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.07464 ?
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