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13/05/2022 | FRANCE | N°20/003337

France | France, Cour d'appel de Paris, G6, 13 mai 2022, 20/003337


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 MAI 2022

(no /2022, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 20/00333 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBG25

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG no19/00082

APPELANTE

SARL LES CHARPENTIERS DU MORVAN agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Ad

resse 5]
[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Assisté de M...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 MAI 2022

(no /2022, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 20/00333 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBG25

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG no19/00082

APPELANTE

SARL LES CHARPENTIERS DU MORVAN agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Assisté de Me Benoit MAURIN, avocat au barreau de BESANÇON

INTIMES

Mme [D] [H]
[Adresse 4]
[Localité 3]

et

M. [B] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistés de Me Stéphane DIDIER, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président
Valérie GEORGET, Conseillère
Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Alexandra PELIER-TETREAU dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile

Greffière lors des débats : Suzanne HAKOUN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS et PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 22 septembre 2017, Mme [D] [H] et M. [B] [Z] ont conclu avec la société Les Charpentiers du Morvan un contrat de construction de maison individuelle, sans fourniture de plan, sur un terrain sis [Adresse 1]), moyennant le prix de 298 302,75 euros.

Les lots terrassement et maçonnerie n'étant pas inclus dans ledit contrat, la notice descriptive annexée à ce dernier faisait état de ce que le coût des ouvrages non compris dans le contrat s'élevait à 40 865,20 euros, dont 11 700 euros au titre du "terrassement et plateformes".

Un premier appel de fonds a été émis le 18 octobre 2017 par la société Les Charpentiers du Morvan pour un montant de 29 830,98 euros, correspondant à 10% du prix de la construction, et a fait l'objet d'un règlement le 7 novembre 2017 par Mme [H] et M. [Z].

Un devis établi le 6 décembre 2017 par la société MK Dabonneau a, de façon distincte, chiffré le coût des travaux non compris dans le forfait à la somme de 62 007,97 euros.

Le 24 janvier 2018, Mme [H] et M. [Z] ont été destinataires d'une facture de l'entrepreneur, d'un montant de 4 772,96 euros, correspondant au coût de 1'assurance dommages-ouvrage, qu'ils ont réglée le 5 mars 2018.

Selon avenant en date du 16 février 2018, les parties sont convenues de proroger le délai de réalisation des travaux de construction, compte tenu de l'exécution différée des travaux de terrassement et de maçonnerie en raison des conditions météorologiques défavorables.

Le 29 mars 2018, la société Les Charpentiers du Morvan a émis un nouvel appel de fonds pour un montant de 44 746,46 euros que Mme [H] et M. [Z] ont refusé de régler, soutenant que les travaux de terrassement et les fondations n'étaient pas achevés.

Un second projet d'avenant, prévoyant des travaux supplémentaires relatifs au raccordement électrique moyennant la somme de 2 238 euros, a été établi par la société Les Charpentiers du Morvan le 28 mai 2018 et adressé à Mme [H] et à M. [Z], lesquels ont refusé de le signer.

Deux lettres de mise en demeure de payer visant la clause résolutoire prévue au contrat leur ont été adressées les 11 mai et 4 juin 2018 par le constructeur.

Par lettre en date du 1er août 2018, le conseil de Mme [H] et de M. [Z] a sollicité du constructeur l'indemnisation des préjudices subis en suite du non-respect des obligations issues du contrat, comprenant a minima la somme de 34 602,98 euros déjà réglée par les maîtres d'ouvrage.

Le 26 novembre 2018, la société Les Charpentiers du Morvan, par l'intermédiaire de son conseil et au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, a rompu le contrat de construction qui l'unissait à Mme [H] et M. [Z] par application de la clause résolutoire, invoquant le défaut de paiement de l'appel de fonds du 30 mars 2018.

Suivant acte d'huissier de justice en date du 31 janvier 2019, Mme [D] [H] et M. [B] [Z] ont saisi le tribunal de grande instance d'Auxerre aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement réputé contradictoire du 4 novembre 2019, le tribunal de grande instance d'Auxerre a :

- déclaré irrecevable la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée selon lettre du 26 juillet 2019 de Me Béatrice Carlo-Vigouroux, avocate au barreau d'Auxerre, assurant la postulation de Me Benoît Maurin, avocat au barreau de Besançon ;
- constaté que le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan entre Mme [D] [H] et M. [B] [Z], d'une part, et la société Les Charpentiers du Morvan, d'autre part, a valablement fait l'objet d'une résolution le 26 novembre 2018 ;
- débouté en conséquence Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur prétention tendant à ce qu'il soit ordonné la résolution judiciaire du contrat ou, subsidiairement, sa résiliation judiciaire, et ce à compter du 2 septembre 2018 ;
- condamné la société Les Charpentiers du Morvan à payer à Mme [D] [H] et à M. [B] [Z] la somme globale de 34 602,98 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2018 au titre de l'appel de fonds no1 et de la facture afférente à la prime de l'assurance dommages-ouvrage ;
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts assortissant la somme précitée de 34 602,98 euros dans les termes de l'article 1843-2 du code civil ;
- condamné la société Les Charpentiers du Morvan à payer à Mme [D] [H] une somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- condamné la société Les Charpentiers du Morvan à payer à M. [B] [Z] une somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- débouté Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de la somme de 29 830,98 euros au titre du retard pris par le chantier de construction ;
- débouté Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de la somme de 50 307,97 euros représentant la différence entre le coût réel des travaux de terrassement et des fondations et celui initialement chiffré par la société Les Charpentiers du Morvan ;
- débouté Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de la somme de 1 696,82 euros au titre des frais de garde-meuble ;
- condamné la société Les Charpentiers du Morvan à payer à Mme [D] [H] et à M. [B] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Les Charpentiers du Morvan aux entiers dépens de l'instance ;
- ordonné l'exécution provisoire.

***

Par déclaration en date du 19 décembre 2019, la société Les Charpentiers du Morvan a interjeté appel du jugement, intimant Mme [D] [H] et M. [B] [Z], devant la cour d'appel de Paris.

Par conclusions notifiées par RPVA le 24 janvier 2022, la société Les Charpentiers du Morvan demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147, 1217 et suivants et 1794 du code civil, de :

- dire qu'elle est recevable et bien fondée en son appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
?constaté que le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan entre Mme [D] [H] et M. [B] [Z], d'une part, et la société Les Charpentiers du Morvan, d'autre part, a valablement fait l'objet d'une résolution le 26 novembre 2018 ;
?débouté Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de la somme de 29 830,98 euros au titre du retard pris par le chantier de construction ;
?débouté Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de la somme de 50 307,97 euros représentant la différence entre le coût réel des travaux de terrassement et des fondations et celui initialement chiffré par la société Les Charpentiers du Morvan ;
?débouté Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur demande en paiement de la somme de 1 696,82 euros au titre des frais de garde-meuble ;

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il :
?l'a condamnée à payer aux consorts [H]-[Z] la somme de 34 602,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2018 au titre de l'appel de fonds no 1 et au titre de l'assurance dommage-ouvrage, avec capitalisation des intérêts ;
?l'a condamnée à payer aux consorts [H]-[Z] chacun la somme de 2 500 euros au titre de leurs préjudices moraux respectifs ;
?l'a condamnée à payer aux consorts [H]-[Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

Statuant à nouveau de :
- constater la volonté des parties de mettre fin au contrat ;
- constater la volonté des consorts [H] d'obtenir la résiliation du contrat les unissant ;
- prononcer la résiliation du contrat aux torts de Mme [H] et de M. [Z] ;
- condamner in solidum Mme [H] et de M. [Z] à lui payer la somme de 44 746,46 euros au titre du second appel de fonds dû avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 30 mars 2018 ;
- condamner in solidum Mme [H] et de M. [Z] à lui payer la somme de 3 579,68 euros au titre des pénalités contractuelles de retard de paiement ;
- condamner in solidum Mme [H] et de M. [Z] à lui payer la somme de 29 830,90 euros à titre d'indemnité de résiliation ;
- condamner in solidum Mme [H] et de M. [Z] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

A titre subsidiaire :
Dans l'hypothèse où la cour retiendrait sa faute et dirait que la rupture des relations entre les parties lui est imputable en tout ou partie,
- débouter Mme [H] et M. [Z] de leurs demandes indemnitaires,
- condamner in solidum Mme [H] et M. [Z] à lui payer la somme provisionnelle de 44 746,46 euros au titre du second appel de fonds dû avec intérêts au taux contractuel de1% par mois à compter du 30 mars 2018,
- condamner in solidum Mme [H] et M. [Z] à lui payer la somme provisionnelle de 3 579,68 euros au titre des pénalités contractuelles de retard de paiement,
- condamner in solidum Mme [H] et M. [Z] à lui payer une somme de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Par conclusions notifiées par RPVA le 14 octobre 2021, Mme [D] [H] et M. [B] [Z] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident et en leurs conclusions ;
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre en ce qu'il :

?a constaté que le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan entre eux, d'une part, et la société Les Charpentiers du Morvan, d'autre part, avait valablement fait l'objet d'une résolution le 26 novembre 2018 ;
?les a déboutés en conséquence de leur prétention tendant à ce qu'il soit ordonné la résolution judiciaire du contrat ou, subsidiairement, sa résiliation judiciaire à compter du 2 septembre 2018 ;
?les a déboutés de leur demande en paiement de la somme de 29 830,98 euros au titre du retard pris par le chantier de construction ;
?les a déboutés de leur demande en paiement de la somme de 50 307,97 euros représentant la différence entre le coût réel des travaux de terrassement et des fondations et celui initialement chiffré par la société Les Charpentiers du Morvan ;
?les a déboutés de leur demande en paiement de la somme de 1 696,82 euros au titre des frais de garde-meuble ;

Statuant à nouveau, au visa des articles 1224, 1227, 1228 et 1229 du code civil, et des articles L. 232-1, L. 232-2 et L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation,
- constater, dire et juger que la société Les Charpentiers du Morvan a gravement manqué à ses obligations et a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de construction de maison individuelle conclu le 22 septembre 2017 avec eux ;

En conséquence,
- à titre principal, prononcer la résolution judiciaire du contrat de construction de maison individuelle aux torts de la société Les Charpentiers du Morvan ;
- subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de construction de maison individuelle avec effet au 2 septembre 2018, soit 30 jours après leur mise en demeure restée sans effet et condamner la société Les Charpentiers du Morvan à leur verser la somme de 34 602,98 euros à titre de dommages-intérêts ;

En toutes hypothèses, au visa de l'article 1231-1 du code civil,
- dire et juger que la société Les Charpentiers du Morvan a engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard ;
- en conséquence, condamner la société Les Charpentiers du Morvan à leur verser les sommes suivantes, à titre de dommages-intérêts :
?59 661,96 euros en réparation du préjudice relatif au retard pris par le chantier de construction,
?50 307,97 euros représentant la différence entre le coût du terrassement et des fondations estimé par la société Les Charpentiers du Morvan et le coût finalement supporté par eux,
?2 754,60 euros représentant le coût provisoire qui leur a été facturé depuis avril 2018 par la société de garde-meubles Brudy et Fils ;
?667,38 euros au titre du coût des deux constats d'huissier des 13 novembre 2018 et 24 janvier 2019 ;
- condamner la société Les Charpentiers du Morvan aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamner la société Les Charpentiers du Morvan à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2022.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat et son imputabilité

La société Les Charpentiers du Morvan soutient que le contrat de construction de maison individuelle conclu avec les maîtres d'ouvrage est un contrat sans fourniture de plan, dont l'échelonnement des paiements doit se faire au fur et à mesure des travaux, en application de l'article L. 232-1 et R. 232-5 du code de la construction et de l'habitation. Elle expose qu'en procédant, conformément aux modalités de paiement prévues contractuellement, au deuxième appel de fonds le 30 mars 2018, alors que les travaux de fondations et terrassement étaient réalisés, ou à tout le moins en voie d'achèvement, puis en mettant en demeure les maîtres d'ouvrage de payer, elle était en droit de leur notifier la résolution du contrat par application de la clause résolutoire, faute de règlement. Elle réclame le paiement de dommages-intérêts en réparation de la résolution du contrat à hauteur de 29 830,90 euros (correspondant au premier appel de fonds), ainsi que de la somme de 44 746,46 euros (correspondant au deuxième appel de fonds), outre 3 579,68 euros de pénalités contractuelles de retard.

Mme [D] [H] et M. [B] [Z] répliquent que les manquements de la société Les Charpentiers du Morvan sont bien antérieurs à la mise en demeure du 26 novembre 2018 du constructeur notifiant la résolution du contrat. Ils sollicitent à ce titre le prononcé de la résolution judiciaire du contrat. Ils évoquent le refus du constructeur de réaliser les travaux de fondations et terrassement en violation des dispositions de l'article L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation, l'émission d'un deuxième appel de fonds non exigible alors que les travaux de fondations et terrassement n'étaient pas achevés, l'intimidation et le blocage du chantier par le constructeur, la sous-évaluation fautive du coût des travaux restant à la charge des maîtres d'ouvrage et la faute d'appréciation du constructeur s'agissant du raccordement électrique du terrain et facturation à tort d'un supplément au forfait. Subsidiairement, ils sollicitent la résiliation judiciaire du contrat aux torts du constructeur, avec effet au 2 septembre 2018, soit 30 jours après leur mise en demeure restée infructueuse.

***

Sur la résolution judiciaire du contrat

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En vertu de l'article 1225 du même code, la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

L'article 1226 du code précité dispose que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

L'article 1227 du code civil prévoit que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

L'article 1228 de ce code précise que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

L'article 1229 du code civil dispose en outre, en ses deux premiers alinéas, que la résolution met fin au contrat et qu'elle prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Enfin, le juge peut être saisi pour prononcer la résolution judiciaire même si une clause résolutoire a été prévue au contrat, ou même si une procédure de résolution par notification a été engagée. Le choix d'un mode de résolution n'est donc nullement exclusif de la résolution judiciaire à laquelle il peut, par principe, toujours être recouru.

En l'espèce, Mme [H] et M. [Z] peuvent valablement poursuivre la résolution judiciaire du contrat de construction de maison individuelle, nonobstant la notification de résolution du 26 novembre 2018 délivrée par la société Les Charpentiers du Morvan et l'invocation par cette dernière d'une clause résolutoire prévue au contrat.

La résolution judiciaire étant subordonnée à la démonstration d'une inexécution contractuelle suffisamment grave, caractérisée soit par un manquement portant sur une obligation essentielle du contrat, soit par le préjudice substantiel subi par le créancier, soit encore par la mauvaise foi du débiteur ou par sa conduite déloyale, il convient d'examiner les fautes du constructeur alléguées par les maîtres d'ouvrage.

S'agissant de la faute commise par le constructeur au titre de l'exclusion du gros oeuvre dans le contrat de construction, il y a lieu de rappeler que, par application de l'article L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation relatif au contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, "Le contrat de louage d'ouvrage n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 231-1 et ayant au moins pour objet l'exécution des travaux de gros oeuvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage, doit être rédigé par écrit [...]".

L'étendue des prestations confiées au constructeur de maison individuelle sans fourniture de plan est ainsi déterminée par le descriptif des travaux qui lui sont confiés et qui doivent au minimum consister en la réalisation des travaux de gros oeuvre, de mise hors d'eau et mise hors d'air.

Le gros oeuvre rassemble tout ce qui concourt à la solidité, à la stabilité de l'édifice : fondations, murs porteurs, poteaux, poutres, planchers entre les étages, etc. Le gros oeuvre se différencie ainsi du second oeuvre qui est constitué de tous les autres ouvrages qui s'appuient sur lui : isolation, cloisons, revêtements, cheminées, agencements, équipement, etc.

En l'espèce, le contrat prévoit expressément que les fondations et le terrassement étaient exclus du périmètre d'intervention de la société Les Charpentiers du Morvan. La société MK Dabonneau a été retenue par les maîtres d'ouvrage pour y procéder à leurs frais exclusifs, étant précisé que les sociétés Les Charpentiers du Morvan et MK Dabonneau n'étaient liées par aucun contrat de sous-traitance.

Il s'ensuit qu'en ne réalisant pas les fondations et le terrassement, au motif inopérant qu'elle serait exclusivement spécialisée dans les constructions en ossature en bois et ne disposerait d'aucune compétence en matière de soubassement, la société Les Charpentiers du Morvan a violé les dispositions précitées d'ordre public de la loi du 19 décembre 1990, et ce dès la conclusion du contrat, soit le 22 septembre 2017.

Ce manquement à une obligation essentielle du contrat est constitutif, à lui seul et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres fautes alléguées par les intimés, d'une faute dont la gravité est suffisamment caractérisée pour leur ouvrir droit au prononcé de la résolution judiciaire du contrat les unissant au constructeur.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] et M. [Z] de leur demande de résolution judiciaire et, statuant à nouveau, de prononcer la résolution judiciaire du contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan à effet rétroactif du 22 septembre 2017.

Sur les effets de la résolution judiciaire

L'article 1229 précité envisage les restitutions en opérant une distinction entre les prestations qui ont trouvé une utilité dans l'exécution complète du contrat, et celles qui ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de son exécution.

En l'espèce, s'agissant d'un contrat à exécution successive pour lesquels les prestations forment un tout indivisible, il y a lieu de considérer que les prestations échangées ne peuvent trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat.

Il s'ensuit que la résolution opère un anéantissement rétroactif du contrat et que les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Ces restitutions concernent tant la période antérieure que postérieure à la résolution et visent d'une part à restaurer la situation patrimoniale des parties au jour de la conclusion du contrat et d'autre part à corriger le déséquilibre consécutif à l'inexécution constatée.

Par conséquent, la société Les Charpentiers du Morvan doit être condamnée à restituer à Mme [H] et M. [Z] l'intégralité de la somme qu'ils ont payée et qui correspond au stade de l'obtention du permis de construire, soit 34 602,98 euros (29 830,98 + 4 772), étant au surplus observé qu'elle n'a pas procédé elle-même à la demande de permis de construire, la société d'architecte Transform initialement mandatée ayant établi les plans.

De même, les maîtres d'ouvrage seront condamnés à restituer au constructeur les sommes qu'il a été contraint d'engager pour le démarrage des travaux correspondant aux stades postérieurs aux travaux de fondations et terrassement et dont il rapporte valablement la preuve, par le versement de factures dûment affectées au projet des consorts [H]-[Z], qu'elles ont été acquittées.

Ainsi, à l'examen des pièces versées aux débats, la cour retient la somme de 28 050,26 euros (7 856,06 + 300 + 16 729,57 + 1 789,86 + 149,15), et rejette les autres factures en ce qu'elles ne mentionnent pas le nom des maîtres d'ouvrage et n'établissent par conséquent pas qu'elles étaient destinées à l'achat de bois et matériel pour la construction de leur maison.

Sur la résolution unilatérale, l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation judiciaire

La cour ayant prononcé la résolution judiciaire, il n'y a pas lieu de statuer sur la résolution unilatérale, l'acquisition de la clause résolutoire ou encore la résiliation aux torts de l'une ou l'autre partie.

Il s'en déduit qu'il n'y a pas non plus lieu d'examiner la demande de la société Les Charpentiers du Morvan portant sur le versement du second appel de fonds assorti des intérêts de retard et pénalités, le contrat étant résolu avec effet rétroactif au 22 septembre 2017, ni sur la demande indemnitaire formée au titre de la résiliation.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la sous-évaluation des travaux restant à la charge des maîtres d'ouvrage

S'agissant de la sous-évaluation des travaux restant à la charge des maîtres d'ouvrage (notamment des travaux de fondations et terrassement confiés à la société MK Dabonneau), Mme [H] et M. [Z] font état d'une différence entre le coût réel desdits travaux et celui initialement chiffré par la société Les Charpentiers du Morvan, mais indiquent avoir accepté de poursuivre l'exécution du contrat conclu avec celle-ci malgré la conviction d'avoir été trompés par son gérant sur le coût des travaux non compris dans le forfait.

Cependant, ayant adhéré au règlement d'un surcoût, ils ne peuvent à ce jour se prévaloir d'un préjudice au titre de la différence restée à leur charge.

En outre, il convient de rappeler que l'article L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation n'oblige pas le constructeur, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, à chiffrer le coût des travaux dont le maître d'ouvrage se réserve l'exécution.

Ensuite, aucun élément produit ne permet d'apprécier la facture finale réellement acquittée par Mme [H] et M. [Z] au titre de ces travaux, le devis de la société MK Dabonneau produit aux débats n'étant pas signé par ces derniers, de sorte qu'il n'est pas établi qu'ils aient dû faire face à un différentiel important non prévu au moment de la conclusion du contrat. En outre, ledit devis peut valablement différer de l'estimation faite par le constructeur en fonction des prestations choisies par les maîtres d'ouvrage s'ils optent pour des matériaux de qualité supérieure. Au surplus, la société Les Charpentiers du Morvan justifie, aux termes d'un courriel adressé aux intimés, qu'elle leur avait conseillé de procéder à d'autres appels d'offre en raison du coût particulièrement élevé du devis du prestataire choisi initialement.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande en paiement de la somme de 50 307,97 euros représentant la différence entre le coût réel des travaux de terrassement et de fondations et celui initialement chiffré par la société Les Charpentiers du Morvan.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du retard de chantier

S'agissant de la demande de dommages-intérêts au titre du retard pris par le chantier de construction, force est de constater que Mme [H] et M. [Z] ne démontrent ni l'imputabilité du retard à la société Les Charpentiers du Morvan, ni la réalité du préjudice matériel que leur aurait causé le retard pris par le chantier de construction.

S'ils font valoir par ailleurs que celui-ci aurait également eu des répercussions sur leur vie privée et leurs projets personnels, force est de constater qu'ils n'explicitent nullement cette affirmation et qu'ils ne versent aux débats aucun élément permettant à la cour d'en appréhender le principe.

S'agissant de la demande au titre des frais de garde-meubles, un avenant au contrat de construction que Mme [H] et M. [Z] indiquent avoir régularisé le 16 février 2018 stipule que les parties sont convenues de reporter la date de livraison de la maison, initialement prévue le 22 février 2019, au 6 mars 2019.

Or, il apparaît que les factures de l'entreprise de garde-meubles, produites aux débats par les intimés, ont été émises entre le ler septembre 2017 et le 1er janvier 2019. La prestation de garde-meubles a ainsi été accomplie à des périodes où les travaux de construction de l'immeuble n'étaient pas censés être achevés.

Il y a en conséquence lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] et M. [Z] de la demande formée de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral

Concernant enfin la demande au titre du préjudice moral, le tribunal a considéré que les multiples démarches auxquelles Mme [H] et M. [Z] ont dû faire face et les désagréments générés par le conflit les ayant opposés au constructeur de leur maison justifiaient qu'il leur soit alloué à chacun d'eux la somme de 2 500 euros en réparation de ce préjudice.

La cour, considérant que les premiers juges ont exactement apprécié les circonstances de l'espèce, confirmera le jugement de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Les Charpentiers du Morvan, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à Mme [H] et M. [Z] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code précité, étant observé que le coût des constats d'huissier fait partie des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente procédure.

La demande de la société Les Charpentiers du Morvan formée sur le même fondement sera rejetée.

***

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- constaté que le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan entre Mme [D] [H] et M. [B] [Z], d'une part, et la société Les Charpentiers du Morvan, d'autre part, a valablement fait l'objet d'une résolution le 26 novembre 2018 ;
- débouté en conséquence Mme [D] [H] et M. [B] [Z] de leur prétention tendant à ce qu'il soit ordonné la résolution judiciaire du contrat ou, subsidiairement, sa résiliation judiciaire, et ce à compter du 2 septembre 2018 ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résolution judiciaire du contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan entre Mme [D] [H] et M. [B] [Z], d'une part, et la société Les Charpentiers du Morvan, d'autre part à effet rétroactif du 22 septembre 2017 ;
Condamne in solidum Mme [D] [H] et M. [B] [Z] à payer à la société Les Charpentiers du Morvan la somme de 28 050,26 euros au titre de la restitution des sommes qu'elle a engagées pour la construction de la maison en ossature de bois ;

Déboute la société Les Charpentiers du Morvan de sa demande de résiliation du contrat aux torts de Mme [H] et de M. [Z] ;

Déboute la société Les Charpentiers du Morvan de sa demande de condamnation in solidum de Mme [H] et de M. [Z] à lui payer la somme de 44 746,46 euros au titre du second appel de fonds avec intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 30 mars 2018 ;

Déboute la société Les Charpentiers du Morvan de sa demande de condamnation in solidum de Mme [H] et de M. [Z] à lui payer la somme de 3 579,68 euros au titre des pénalités contractuelles de retard de paiement ;

Déboute la société Les Charpentiers du Morvan de sa demande de condamnation in solidum de Mme [H] et de M. [Z] à lui payer la somme de 29 830,90 euros à titre d'indemnité de résiliation ;

Condamne la société Les Charpentiers du Morvan aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Les Charpentiers du Morvan à payer à Mme [H] et M. [Z] la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Les Charpentiers du Morvan formée sur le fondement de l'article 700 précité.

La Greffière La Conseillère faisant fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G6
Numéro d'arrêt : 20/003337
Date de la décision : 13/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Auxerre, 04 novembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-13;20.003337 ?
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