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12/05/2022 | FRANCE | N°20/05020

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 12 mai 2022, 20/05020


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05020 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUYP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 décembre 2019 - Tribunal d'Instance de SUCY EN BRIE - RG n° 11-19-000677





APPELANTE



La société FINANCO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance ag

issant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 338 138 795 00467

335, rue Antoine de Saint-Exupéry

Zone de Prat Pip Nord

29490...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05020 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUYP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 décembre 2019 - Tribunal d'Instance de SUCY EN BRIE - RG n° 11-19-000677

APPELANTE

La société FINANCO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 338 138 795 00467

335, rue Antoine de Saint-Exupéry

Zone de Prat Pip Nord

29490 GUIPAVAS

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [Y] [U]

né le 14 avril 1977 à BRAGANCA (PORTUGAL)

1, rue Jean Moulin

94350 VILLIERS SUR MARNE

représenté par Me Hugues MAISON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0600

Madame [N] [R] épouse [U]

1 rue Jean Moulin

94350 VILLIERS SUR MARNE

née le 28 Août 1976 à THIAIS (94)

représentée par Me Hugues MAISON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0600

La S.A.S. [W] PONROY & ASSOCES en qualité de mandataire judiciaire de la SAS REV SOLAIRE (RCS)

6B, rue des Anglaises

45000 ORLEANS

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Ophanie KERLOC'H, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon bon de commande en date du 8 juillet 2010, M. [Y] [U] a fait l'acquisition auprès de la société Rev'solaire d'une installation de production d'électricité photovoltaïque d'une valeur de 21 400 euros TTC. Pour financer le matériel, M. [U] et Mme [N] [U] ont signé un contrat de crédit auprès de la société Financo (SA) d'un montant de 21 400 euros remboursable en 144 mensualités, d'un montant de 255,63 euros chacune, après un différé d'amortissement de 270 jours, au taux contractuel de 5,50 % l'an, le tout selon offre préalable du 8 juillet 2010.

Le tribunal d'instance de Boissy-Saint-Leger a été saisi le 5 mars 2013 par M. et Mme [U] de demandes tendant à l'annulation des contrats de vente et de crédit à l'encontre de la société Financo et de la société Rev'solaire.

Suivant jugement en date du 30 octobre 2013, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Rev'solaire.

La société Financo a assigné M. et Mme [U] les 6 juin 2014 devant le tribunal d'instance de Sucy-en-Brie et le 13 juin 2014 devant le tribunal d'instance de Boissy-Saint-Leger aux fins de voir ordonner la jonction avec la procédure déjà pendante, et à titre principal dire que le tribunal d'instance est incompétent au profit du tribunal de commerce, à titre subsidiaire, débouter M. et Mme [U] de leurs demandes et les voir condamner au paiement d'une somme de 25 912,16 euros avec intérêt au taux contractuel de 5,50 % à compter du 30 juin 2013 et à titre très subsidiaire si la nullité du contrat de prêt était prononcée condamner M. et Mme [U] à payer la somme de 21 400 euros pour le capital emprunté, 9 127,28 euros au titre des dommages et intérêts lié à la perte de gain.

Par jugement du 9 juillet 2014 le tribunal de commerce d'Orléans a prononcé la liquidation judiciaire de la société Rev'solaire et désigné comme liquidateur Maître [X] [W] lequel a été remplacé par ordonnance du président du tribunal de commerce du 1er octobre 2018 par la SAS [W]-Ponroy et associés en la personne de Maître [X] [W].

Par jugement du 6 novembre 2014, le tribunal d'instance de Boissy-Saint-Leger a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Financo ;

- rouvert les débats ;

- invité la société Financo et M. et Mme [U] à produire leurs observations sur le prononcé de la liquidation judiciaire à l'encontre de la société Rev'solaire et ses conséquences sur le sort de la procédure en cours devant le tribunal d'instance de Boissy Saint Léger.

Par jugement du 5 novembre 2015, le tribunal d'instance de Sucy-en-Brie a rendu la décision suivante :

« Constate l'interruption de l'instance par l'effet de l'ouverture de la procédure de redressement, convertie en procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS REV SOLAIRE.

Invite la partie la plus diligente à produire la déclaration de créance ou le jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire.

Réserve tout moyen et toute prétention des parties ainsi que les dépens ».

La société Financo a formé appel de ce jugement suivant déclaration du 21 janvier 2016.

Par arrêt du 22 juin 2017, la cour d'appel de Paris (pôle 4 chambre 9) a rendu la décision suivante :

« Constate que l'appel de la société FINANCO du jugement du tribunal d'instance de Sucy-en-Brie est irrecevable

Condamne la société FINANCO aux dépens de l'appel ».

La procédure s'est poursuivie devant le Tribunal de Sucy-en-Brie.

Le tribunal d'instance de Sucy-en-Brie, par un jugement contradictoire rendu le 19 décembre 2019 auquel il convient de se reporter, a rendu la décision suivante :

« DÉCLARE recevable l'action en paiement de la SA Financo à l'encontre des consorts [U],

DÉCLARE nul le contrat conclu le 8 juillet 2010 entre la société REV SOLAIRE et les consorts [U],

DÉCLARE nul le contrat de prêt conclu le 8 juillet 2010 entre la SA FINANCO et les consorts [U],

DÉBOUTE la SA FINANCO de sa demande de restitution du capital d'un montant de 21 400 euros, formulée à l'encontre des Consorts [U],

DÉBOUTE la SA FINANCO de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 9 127,28 euros, formulée à l'encontre des Consorts [U],

DÉBOUTE la SA FINANCO de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 428,00 euros, formulée à l'encontre des Consorts [U],

TIRE les conséquences du prononcé de la nullité du contrat principal du 8 juillet 2010 à l'égard de la société REV SOLAIRE :

- ORDONNE aux Consorts [U] de restituer à la société REV SOLAIRE, prise en la personne de Me [W], mandataire judiciaire, tout équipement livré et/ ou installé au terme du contrat du 8 juillet 2010,

- DIT qu'il appartient à la société REV SOLAIRE ou tout représentant, dûment mandaté et qualifié, de procéder au retrait des équipements,

- DIT qu'en cas de carence de la société REV'SOLAIRE, à l'issue d'un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, les Consorts [U] pourront solliciter un autre professionnel aux fins de retrait des équipements, dont le coût de l'intervention sera mis à la charge de la société REV SOLAIRE,

- CONDAMNE la société REV SOLAIRE, prise en la personne de son mandataire judiciaire, Me [W], à restituer la somme perçue au terme du contrat du 8 juillet 2010, conclu avec les consorts [U], soit la somme de 21 400 euros,

DÉBOUTE les consorts [U] de leur demande de dommages et intérêts d'un montant de 30 955,28 euros, formulée à l'encontre de la SA FINANCO,

CONDAMNE conjointement la SA FINANCO et la société REV SOLAIRE aux entiers dépens de l'instance,

CONDAMNE la SA FINANCO à verser la somme de 3 000 euros à M. et Mme [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SA FINANCO de sa demande au titre de l'article 700 CPC,

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ».

Le premier juge a retenu que le bon de commande litigieux était incomplet au regard des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation, a relevé que les emprunteurs n'avaient pas entendu couvrir la nullité encourue, a constaté l'annulation subséquente du contrat de prêt et a relevé que la banque avait commis une faute en finançant un contrat nul et en débloquant les fonds sur la base d'une opération irrégulière.

Par une déclaration en date du 11 mars 2020, la société Financo a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique en date du 9 novembre 2020, la société Financo demande à la cour de :

« Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamner solidairement M. [Y] [U] et Mme [N] [U] née [R] à payer à la SA Financo la somme de 25 912,16 euros au taux contractuel de 5,50 % l'an, à compter du 30 juin 2013,

A titre subsidiaire, condamner solidairement M. [Y] [U] et Mme [N] [U] née [R] à rembourser à la SA Financo le capital d'un montant de 21 400 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées,

En tout état de cause :

Condamner solidairement M. [Y] [U] et Mme [N] [U] née [R] à payer à la SA Financo une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner solidairement M. [Y] [U] et Mme [N] [U] née [R] aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l'avocat soussigné par application de l'article 699 du CPC ».

La société Financo soutient que son action en paiement est recevable et conteste la forclusion que les emprunteurs invoquent dès lors que l'assignation délivrée à M. et Mme [U] est intervenue moins d'un an après la première échéance impayée non régularisée.

Sur le fond, la société Financo s'oppose à la résolution judiciaire du contrat principal en l'absence de tout manquement contractuel grave de la part de la société Rev'solaire et rappelle que le raccordement de l'installation n'était pas à la charge de cette dernière. Elle conteste tout manquement aux dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation et indique à titre subsidiaire que M. et Mme [U] ont couvert la nullité relative encourue en signant le contrat, acceptant la livraison du matériel, attestant de la livraison des travaux et en payant les mensualités du crédit affecté. Elle rappelle que l'éventuelle nullité ou résolution du contrat entraînerait celle du contrat de crédit et obligerait M. et Mme [U] à lui restituer les sommes perçues au titre de ce contrat. Elle relève que les emprunteurs s'étant engagés solidairement, l'attestation de livraison n'avait besoin d'être signée que par l'un d'entre eux. Elle conteste avoir commis une faute lors de la libération des fonds, opérée sur la base d'une attestation de livraison laissant présumer l'exécution de la prestation financée et rappelle que les emprunteurs n'établissent pas que l'installation soit impropre à sa destination. Visant l'article 1165 dans sa rédaction applicable à la cause, elle soutient qu'aucune obligation de vérification de la validité du bon de commande ne lui incombe et relève que les emprunteurs ne rapportent pas la preuve d'un préjudice causé par un fait lui étant imputable. La société Financo relève enfin que la liquidation judiciaire de la société Rev'solaire fait obstacle à la restitution du matériel

Par des conclusions remises par voie électronique le 6 décembre 2021, M. et Mme [U] demandent à la cour de :

« A titre principal,

CONFIRMER dans l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Sucy-en-Brie RG N°11-19-000677

A titre subsidiaire, si le jugement devait être infirmé les consorts [U] sollicitent :

Débouter la SA Financo de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

A titre principal,

JUGER que la créance de Financo est prescrite et que l'action est par conséquent forclose,

A titre subsidiaire,

JUGER que le contrat liant les époux [U] à la société REV'SOLAIRE est nul ou plus subsidiairement résolu,

Par conséquent,

JUGER que le contrat liant Financo et les époux [U] est également nul ou plus subsidiairement résolu du fait du sort du contrat principal,

En tout état de cause,

JUGER que les époux [U] ne sont soumis à aucune obligation de remboursement de sommes à l'égard de la SA Financo

JUGER que si des sommes doivent être restitués au vu du crédit elles le seront par la société REV'SOLAIRE qui a perçu les fonds,

CONDAMNER la société Financo à payer une somme de 30 955,28 euros à titre de dommages et intérêts aux époux [U] juger qu'une compensation pourra être ordonnée entre les sommes éventuellement dues par les époux [U] et la société Financo,

AUTORISER les époux [U] à retirer les panneaux solaires aux frais de la société REV SOLAIRE,

En tout état de cause,

Condamner Financo à payer aux époux [U] la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût du constat d'Huissier du 31/08/2020 ».

M. et Mme [U] soutiennent au visa de l'article L. 137-2 du code de la consommation que l'action en paiement de la société Financo est irrecevable comme forclose.

Sur le fond, ils soutiennent que la pièce adverse n° 16 versée par la société Financo est falsifiée. Ils indiquent que l'installation n'a jamais été achevée, qu'elle ne fonctionne pas et que les travaux ont occasionné des dommages ; ils soutiennent avoir fait l'objet de pratiques commerciales trompeuses, le commercial de la société Rev'solaire leur ayant promis que l'installation ne leur coûterait rien puis relèvent que le bon de commande ne comporte ni l'adresse et le lieu de fourniture de la prestation ni les modalités et délais de livraison, mentions prescrites à peine de nullité par l'article L. 121-23 du code de la consommation. Ils contestent avoir entendu couvrir la nullité encourue et soutiennent n'avoir jamais payé la moindre mensualité en raison du non fonctionnement de l'installation qu'ils ont fait constater par voie d'huissier. M. et Mme [U] soutiennent que le contrat devrait à tout le moins être résolu pour inexécution. Rappelant le caractère accessoire du contrat de crédit conclu, ils se prévalent de l'article L. 311-32 du code de la consommation et invoquent les dispositions contractuelles pour que soit constatée la nullité du contrat de prêt. Ils dénoncent la faute commise par la banque qui a débloqué les fonds sur la base d'un contrat nul et d'une installation non fonctionnelle, laquelle la prive de son droit à restitution du capital prêté. Ils réclament la réparation de leur préjudice financier en raison de l'impossibilité d'utiliser ou de restituer les panneaux photovoltaïques et de l'impossibilité pour eux de se déclarer à la procédure collective de la société Rev'solaire.

La déclaration d'appel et les conclusions des parties ont été signifiées à la SAS [W]-Ponroy et associés les 3 juin 2020 à personne, 18 août 2020 par procès-verbal de remise à étude et le 10 novembre 2020 à personne.

La SAS [W]-Ponroy et associés en qualités de liquidateur judiciaire de la société Rev'solaire n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties constituées, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2022.

L'affaire a été appelée et examinée à l'audience collégiale du 2 mars 2022 et mise en délibéré au 12 mai 2022 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent litige est relatif à un crédit antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur avant le 1er mai 2011.

L'article L. 311-30 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil (dans leur rédaction alors applicable), est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D. 311-11 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 311-30, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification notamment de l'absence de forclusion de la créance qui est dans le débat du fait que M. et Mme [U] l'invoquent.

Sur la forclusion

M. et Mme [U] soutiennent que la société Financo est forclose en son action en paiement dès lors qu'elle n'a pas agi dans le délai de deux ans prévu à l'article L. 311-37 du code de la consommation.

L'article L. 311-37 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (R. 312-35 aujourd'hui), dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d'instance dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

L'article L. 133-2 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (L. 211-1 aujourd'hui), dispose que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel.

Il est constant qu'aucun règlement n'est intervenu en sorte que la date de premier incident de paiement non régularisé est celle de la première échéance.

La cour constate que les parties sont en désaccord sur cette date de la première échéance.

En effet M. et Mme [U] exposent que le contrat de prêt a été conclu le 8 juillet 2010 et que le paiement de la première mensualité était prévu à 270 jours, soit le 4 avril 2011, qu'ils n'ont jamais payé aucune mensualité et que la société Financo devait donc les assigner avant le 4 avril 2013, que l'assignation introductive d'instance est du 6 juin 2014 en sorte qu'elle est tardive. Rien ne justifie selon eux de retenir la date de déblocage des fonds comme l'a fait le tribunal et comme le demande la société Financo.

M. et Mme [U] ajoutent que la société Financo ne prouve d'ailleurs aucunement que la date de déblocage des fonds est survenue le 28 novembre 2011 alors même qu'ils ont signé leur demande de financement le 21 janvier 2011 ; à supposer que cette date soit retenue comme date du déblocage des fonds au vu du contrat de crédit, la première échéance 270 jours après devrait être fixée au 18 octobre 2011 et le délai de forclusion aurait de toutes les façons expiré le 18 octobre 2013 avant l'assignation du 6 juin 2014.

La société Financo soutient qu'à réception de l'attestation de livraison (pièce n° 3), les obligations des emprunteurs ont pris effet, que le prêt devait être remboursé conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement (pièce n° 4), que l'historique du prêt démontre que celui-ci est demeuré impayé à compter du mois d'août 2012 (pièce n° 5) et qu'il s'est donc écoulé moins de deux ans entre le premier impayé non régularisé du 22 août 2012 et la délivrance de l'exploit introductif d'instance le 13 juin 2014.

Il est constant que l'assignation délivrée à l'initiative de M. et Mme [U] en 2013 n'a pas interrompu la prescription étant précisé que la prescription est interrompue par une citation en justice que si celle-ci est notifiée par le créancier lui-même au débiteur se prévalant de la prescription.

La cour constate que le contrat stipule « Modalités de remboursement du crédit par l'emprunteur : prélèvement sur compte bancaire conformément à l'autorisation ci-jointe (') 1ére mensualité à 270 jours ».

La cour retient que cette clause doit être interprétée en ce qu'elle ne précise pas le point de départ du délai de 270 jours alors même que les parties s'opposent sur ce point, M. et Mme [U] soutenant que le point de départ du délai de 270 jours est la date du contrat de crédit faute de précision et la société Financo soutenant que c'est la date de déblocage des fonds qui est le point de départ du délai de 270 jours qu'elle fixe au 28 novembre 2011, soit une première échéance au 22 août 2012.

La cour retient que la clause de report de 270 jours de la première échéance s'interprète comme fixant la date de la première échéance 270 jours à partir de la signature du contrat, soit le 4 avril 2011 comme le soutiennent M. et Mme [U], au motif qu'en l'absence de toute précision permettant de retenir qu'il s'agit de 270 jours après le déblocage des fonds, cette interprétation favorable au consommateur doit être retenue par application de l'article L. 133-2 précité.

En l'espèce, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance du 4 avril 2011 de sorte que la demande effectuée le 6 juin 2014 est atteinte par la forclusion dès lors qu'il s'est écoulé plus de deux ans à compter du premier incident de paiement non régularisé.

À titre surabondant, à supposer qu'il eût plutôt fallu retenir la date de déblocage des fonds comme point de départ du délai de 270 jours, la cour retient que c'est la date de la demande de financement du 21 janvier 2011 qui aurait alors été la date utile en application de l'article 1.6 du contrat qui stipule « 1.6 Déblocage de fonds : Conformément aux dispositions du code de la consommation, le montant du crédit est versé entre les mains du prestataire de service ou vendeur, d'ordre et pour compte de l'emprunteur » dès lors non seulement que la société Financo n'a pas à fixer elle-même cette date de déblocage des fonds mais qu'en outre, elle ne prouve aucunement que le déblocage des fonds est intervenu, comme elle le soutient, le 28 novembre 2011 ; en effet aucune pièce comptable ne prouve ce fait : le tableau d'amortissement invoqué par la société Financo qui est daté du 28 novembre 2011 ne mentionne aucunement la date de déblocage des fonds ni même celle du 22 août 2012 que la société Financo invoque comme date du premier incident de paiement non régularisé, les échéances étant toutes au 4 à partir d'une première échéance fixée au 4 janvier 2012 ; enfin l'historique financier qui est l'autre pièce invoquée par la société Financo est daté du 11 juillet 2013 et la mention « 28/11/2011 'REAL. DU PRET » n'a aucune valeur probante s'agissant d'un élément de preuve constitué pour soi-même par la société Financo et qui n'est corroboré par aucun autre élément de preuve ; donc la date du 28 novembre 2011 ne saurait en aucun cas constituer le point de départ du délai de 270 jours et si le déblocage des fonds était retenu comme point de départ du délai, c'est alors la date du 21 janvier 2011 qui devrait être retenue, en sorte que la première échéance 270 jours après devrait être fixée au 18 octobre 2011 et que le délai de forclusion aurait de toutes les façons expiré le 18 octobre 2013 avant l'assignation du 6 juin 2014.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement de la société Financo à l'encontre de M. et Mme [U], et statuant à nouveau de ce chef, la cour déclare que la société Financo est forclose en son action en paiement à l'encontre de M. et Mme [U].

Sur la demande de nullité du bon de commande

M. et Mme [U] demandent la confirmation du jugement et invoquent l'absence de renseignements relatifs à la marque des panneaux et de l'onduleur, aux prix unitaires et aux modalités de livraison et d'exécution des prestations de raccordement. Ils ajoutent que les prestations sont insuffisamment stipulées.

L'article L. 121-23 dispose : 'Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26'.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L'absence d'utilisation de la faculté de rétractation ne fait pas obstacle à l'action tendant à l'annulation du contrat. L'action en annulation d'un contrat n'est pas davantage subordonnée à la démonstration d'un préjudice.

Le document produit décrit l'objet de la vente comme suit :

« 12 panneaux Dreamsol mono cristallin de 185 WC

1 onduleur SMA SunnyBoy de 2220 WC

1 kit d'intégration agréée par ERDF pour la toiture

1 pose

Mise en place de l'onduleur plus pose des panneaux

Frais administratifs

Garantie de 90 % de rendement sur 25

(...)

Observations

Sous réserve de tous les accords administratifs et techniques

Raccordement ERDF à la charge du producteur ».

Il convient de préciser que le matériel contenu dans la centrale est entièrement listé dans le bon de commande.

Contrairement à ce qu'a jugé le premier juge qui est allé au-delà des textes susvisés, ces mentions satisfont le 4° de l'article précité dans la mesure où elles permettaient aux acheteurs de comparer utilement les produits proposés avec d'autres produits présents sur le marché et leur permettaient de vérifier la complète installation des éléments avant de signer l'attestation de fin de travaux.

Il en est de même en ce qui concerne le droit de rétractation qui à la date du contrat était de 7 jours et non de 14 jours contrairement à ce que le premier juge a retenu.

Par ailleurs, le bon de commande mentionne expressément le prix global à payer soit 21 400 euros et les modalités de financement, conformément au 6° de l'article précité.

Néanmoins, le bon de commande ne comporte aucune indication sur le délai de livraison et les modalités d'exécution des travaux, alors que le contrat portait non seulement sur une vente mais aussi sur une prestation de services. Partant, le bon de commande n'est pas conforme au 5° de l'article L. 121-23 précité et encourt donc l'annulation.

L'établissement de crédit soutient que cette nullité est relative que M. et Mme [U] l'ont couverte. Ces derniers contestent avoir couvert cette nullité.

Il est admis que la nullité formelle résultant du texte précité est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

Selon l'article 1338 du code civil dans sa version applicable au litige, l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en nullité, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Dans le rôle qu'elle reconnaît au juge national dans l'application d'une réglementation d'ordre public de protection, la Cour de justice de l'union européenne impose un examen in concreto qui implique notamment que le juge apprécie la cohérence entre les griefs émis par une partie et la réalité de ses prétentions et motivations.

S'il est constant que le 21 janvier 2011, M. [U] a attesté « que le lien ou la prestation, objet de l'offre préalable de 21 400 €, acceptée par l'acheteur le (non renseigné) a été livré ou exécuté, conformément aux références portées sur l'offre préalable, sur le bon de commande et la facture.

(')

Je demande, en conséquence, que le prêteur procède au financement de ce crédit, après expiration des délais légaux s'il y a lieu (') », et qu'il a aussi demandé à la société Financo de payer la somme de 21 400 euros représentant le montant du crédit à l'ordre du vendeur, il est cependant justifié que M. et Mme [U] ont formulé une réclamation dès 2012 à la société Rev'solaire pour se plaindre que malgré les relances téléphoniques faites depuis 2010, le branchement des panneaux à l'onduleur n'était toujours pas fait et que l'installation n'était toujours pas fonctionnelle, qu'ils ont refusé de payer les mensualités du crédit affecté ab initio et qu'ils ont fait constater par procès-verbal d'huissier du 27 décembre 2012 que l'installation n'était toujours pas achevée, qu'elle ne fonctionnait pas et que les travaux de pose des panneaux photovoltaïques avaient occasionné des dommages sur le toit.

La cour relève d'ailleurs qu'il n'est pas rapporté de preuve contraire à ce que soutiennent M. et Mme [U] et que corrobore suffisamment le procès-verbal d'huissier du 27 décembre 2012, à savoir que la centrale solaire n'a jamais été mise en service, faute de finalisation des travaux de branchement des panneaux photovoltaïques en sorte que le raccordement à ERDF n'a même pas pu être envisagé.

La cour retient que ces éléments suffisent amplement à contredire les moyens de fait relatifs à l'exécution volontaire des contrats et à la confirmation de la nullité formelle que la société Financo invoque sans rapporter la preuve que l'installation est fonctionnelle.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que ces éléments équivoques ne caractérisent aucunement la volonté de M. et Mme [U] de confirmer le contrat de vente litigieux, que M. et Mme [U] peuvent donc se prévaloir de la nullité tirée de l'irrégularité formelle du bon de commande et qu'ils sont bien fondés dans leur demande d'annulation du contrat de vente.

Il y a donc lieu à l'annulation du contrat principal et il y a aussi lieu de faire application de l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits : le contrat de crédit affecté est donc annulé de plein droit.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre M. et Mme [U] et la société Rev'solaire et en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre M. et Mme [U] et la société Financo.

Sur les conséquences de l'annulation des contrats

Il est constant que l'annulation d'un contrat emporte remise des parties dans leur état antérieur.

En conséquence, comme M. et Mme [U] le demandent, le jugement est confirmé en ses dispositions suivantes :

« - ORDONNE aux Consorts [U] de restituer à la société REV SOLAIRE, prise en la personne de Me [W], mandataire judiciaire, tout équipement livré et/ ou installé au terme du contrat du 8 juillet 2010,

- DIT qu'il appartient à la société REV SOLAIRE ou tout représentant, dûment mandaté et qualifié, de procéder au retrait des équipements,

- DIT qu'en cas de carence de la société REV'SOLAIRE, à l'issue d'un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, les Consorts [U] pourront solliciter un autre professionnel aux fins de retrait des équipements, dont le coût de l'intervention sera mis à la charge de la société REV SOLAIRE,

- CONDAMNE la société REV SOLAIRE, prise en la personne de son mandataire judiciaire, Me [W], à restituer la somme perçue au terme du contrat du 8 juillet 2010, conclu avec les consorts [U], soit la somme de 21.400 euros ».

La nullité du contrat de crédit affecté implique par principe la restitution par les emprunteurs du capital emprunté mais en l'état de la forclusion des demandes en paiement de la société Financo, il ne peut être fait droit à la demande formulée à titre subsidiaire par la société Financo de condamnation de M. et Mme [U] à lui rembourser le capital d'un montant de 21 400 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la société Financo de ses différentes demandes en paiement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déclare la société Financo irrecevable en toutes ses demandes en paiement.

Sur les autres demandes

En l'état de l'irrecevabilité des demandes en paiement de la société Financo et de la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf à substituer les déboutés par des irrecevabilités, il ne reste rien à juger à nouveau, les autres demandes étant formulées à titre subsidiaire.

La cour condamne la société Financo aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de M. et Mme [U] les frais irrépétibles de la procédure.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement de la société Financo à l'encontre de M. [Y] [U] et Mme [N] [U] ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare que la société Financo est forclose en son action en paiement à l'encontre de M. [Y] [U] et Mme [N] [U] ;

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions sauf à substituer le rejet des demandes en paiement de la société Financo par l'irrecevabilité des demandes en paiement de la société Financo ;

Ajoutant,

Déboute M. [Y] [U] et Mme [N] [U] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Financo aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/05020
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;20.05020 ?
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