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12/05/2022 | FRANCE | N°19/12819

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 12 mai 2022, 19/12819


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12819 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGEV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 avril 2019 - Tribunal d'Instance de PANTIN - RG n° 11-18-000738





APPELANTE



Madame [R] [F]

née le 1er mai 1990 à PARIS (19ème)


22, rue Lecuyer

93300 AUBERVILLIERS



représentée par Me Sebastien TO de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉ



Monsieur [E] [U]

4, r...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12819 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGEV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 avril 2019 - Tribunal d'Instance de PANTIN - RG n° 11-18-000738

APPELANTE

Madame [R] [F]

née le 1er mai 1990 à PARIS (19ème)

22, rue Lecuyer

93300 AUBERVILLIERS

représentée par Me Sebastien TO de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [E] [U]

4, rue Martin Luther King

93500 PANTIN

représenté par Me Marc a. CHANTEDUC, avocat au barreau de PARIS, toque : B0791

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Ophanie KERLOC'H, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

A la suite d'une annonce sur le site « Le bon coin », Mme [R] [F] a acheté, le 12 janvier 2017, à M. [E] [U] un véhicule automobile Peugeot 308 mis en circulation au mois de septembre 2009 et immatriculé n° AC-281-TQ.

Selon mise en demeure du 4 juillet 2018, Mme [F] a dénoncé au vendeur un manquement à l'obligation de délivrance conforme des articles 1604 et suivants du code civil.

Par acte d'huissier du 6 décembre 2018, Mme [F] a fait assigner en résolution de la vente M. [U] devant le tribunal d'instance de Pantin qui, par jugement contradictoire du 8 avril 2019, a :

- débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

- laissé les dépens de l'instance à Mme [F].

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que Mme [F] produisait un document n'établissant pas de manière certaine l'inexactitude du kilométrage et qu'elle ne justifiait pas avoir entendu donner à son achat une destination particulière. Il en a déduit que Mme [F] ne rapportait pas la preuve que les conditions exigées par l'article 1604 du code civil étaient réunies. Il a ajouté que le fait qu'un véhicule vendu présente un kilométrage réel très supérieur à celui indiqué ne constituait pas un vice caché.

Mme [F] a interjeté appel le 25 juin 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 31 juillet 2020, Mme [F] requiert la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, puis, statuant à nouveau, de :

- dire que M. [U] n'a pas respecté son obligation de délivrance conforme ;

- subsidiairement, dire que le véhicule qui lui a été vendu présentait un vice caché au jour de la vente ;

en conséquence,

- prononcer la résolution de la vente aux torts exclusifs de M. [U] ;

- condamner M. [U] à payer les sommes suivantes avec intérêt au taux légal :

* la somme de 5 550 euros à titre de remboursement du prix d'achat du véhicule ;

* la somme de 283,16 euros de frais d'immatriculation ;

* les cotisations d'assurance, soit la somme de 1 369,89 euros pour la période allant d'avril 2017 à mars 2018, la somme de 1 841,52 euros d'avril 2018 à mars 2019, 1 904,89 euros d'avril 2019 à mars 2020, 244,25 euros d'avril 2020 à août 2020, puis un montant de 48,85 euros par mois jusqu'au prononcé de la résolution ;

* la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- dire que la restitution du véhicule se fera aux frais exclusifs de M. [U], après règlement effectif de l'ensemble des sommes qu'il lui doit ;

- débouter M. [U] de ses demandes ;

- condamner M. [U] à lui payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 500 euros au titre des frais de première instance et la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en cause d'appel.

A l'appui de ses prétentions, elle expose que M. [U] lui a vendu un véhicule qui ne correspondait pas à ce qui avait été convenu entre eux, le kilométrage au compteur étant bien inférieur à la réalité. Elle souligne que la non-conformité du véhicule a été relevée par l'expert mandaté par sa compagnie d'assurance. Elle ajoute que le kilométrage constituait une qualité substantielle du véhicule, même d'occasion, entrant nécessairement dans le champ contractuel et déterminant de son consentement. Elle en déduit que M. [U] a manqué à l'obligation de délivrance conforme.

Sur la garantie des vices cachés, elle soutient que le défaut constaté, à savoir le kilométrage erroné, était présent au moment de l'achat, était non apparent et diminuait l'usage qui pouvait être fait du véhicule.

Elle rappelle qu'elle a exposé des frais d'assurance et d'immatriculation. Elle relève avoir subi un trouble de jouissance en raison du kilométrage élevé entraînant un risque pour la sécurité des personnes.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 3 décembre 2019, M. [U] sollicite que la cour confirme le jugement, rejette les demandes de Mme [F] et condamne celle-ci au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il réplique que Mme [F] doit démontrer que le kilométrage du véhicule est inexact et qu'il y a eu manquement du vendeur à l'obligation de délivrer un bien conforme aux spécifications du contrat.

Il soutient que le véhicule était conforme à l'usage auquel il était destiné, puisque Mme [F] a pu parcourir plus de 53 000 km en deux ans et cinq mois.

Il ajoute que l'on ignore si Mme [F] a fait procéder à des réparations, l'appelante ne produisant qu'un devis.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Le 7 décembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le défaut de délivrance conforme

En application des articles 1604 et 1231-1 du code civil, le kilométrage erroné caractérise un manquement à l'obligation de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues par les parties, dans le cadre de la vente d'un véhicule d'occasion.

La délivrance défectueuse autorise la résolution de la vente.

En l'espèce, il ressort d'un message du service clients du site « Le Bon Coin » (pièce n° 1 de l'appelante) que l'annonce mentionnait un kilométrage de 108 300 km, ce qui n'est pas contesté et s'avère même conforté par le contrôle technique du 12 janvier 2017, soit le jour même de la vente, qui relevait un « kilométrage inscrit au compteur de 108 191 km ».

Même si l'intimé produit sa propre facture d'achat du 24 avril 2016 faisant apparaître « KM 96 000 » (pièce n° 2 de l'intimé), le véhicule Peugeot 308 avait en réalité parcouru une distance bien supérieure, comme cela ressort des constatations de l'expertise privée du mois de juin 2019 qui a été diligentée par l'assureur de Mme [F], mais qui s'est déroulée en présence de M. [U] et a pu être contradictoirement débattue pendant toute la procédure judiciaire :

« Le kilométrage réel de ce véhicule est bien supérieur à celui qui était affiché au compteur lors de l'achat par Madame [F] (kilométrage réel estimé entre 250000 et 30000 (sic) km).

Il est vraisemblable que le compteur est (sic) été abaissé avant la vente du véhicule à Monsieur [U].

(')

Conclusion

La réclamation de Madame [F] est justifiée.

Le véhicule qui lui a été vendu a un kilométrage réel bien supérieur à celui qu'affichait le compteur lors de la vente.

Monsieur [U] n'était peut-être pas informé de cette anomalie. (') ».

Cette expertise privée est corroborée par le duplicata d'une facture du 22 février 2013 bien antérieure à la vente litigieuse et versée aux débats par l'appelante, facture qui mentionne un kilométrage de 172 228 km.

En définitive, le kilométrage de 108 300 euros, entré dans le champ contractuel, était erroné.

Il s'ensuit que le vendeur, M. [U], a significativement manqué, sur une caractéristique essentielle du véhicule, à son devoir de délivrance conforme.

Dès lors, infirmant le tribunal, la cour prononce la résolution de la vente litigieuse.

Sur les conséquences de la résolution de la vente

La résolution de la vente entraîne de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion.

En l'espèce, Mme [F] justifie du versement d'un montant de 5 000 euros seulement au titre du prix. M. [U] est condamné à lui restituer ce montant.

Une fois la somme de 5 000 euros recouvrée, Mme [F] devra restituer le véhicule Peugeot 308 à M. [U] aux frais de celui-ci.

Sur les dommages-intérêts

Il résulte de l'article 1611 du code civil que, dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

En l'espèce, il découle du manquement à l'obligation de délivrance et de l'effet rétroactif de la résolution de la vente que des frais de « carte grise » ont été inutilement exposés par l'acquéreur, Mme [F], pour un montant de 283,16 euros, comme elle le justifie (pièce n° 3). M. [U] lui en doit réparation.

Il n'y a pas lieu à indemnisation en raison des cotisations d'assurance, dès lors que Mme [F] n'établit pas avoir été contrainte d'utiliser un autre véhicule qu'elle aurait aussi assuré.

Même si l'expertise privée du 3 juin 2019 relève la nécessité urgente de changer les pneus, elle fait apparaître que Mme [F] a pu rouler plus de 50 000 km avec le véhicule (l'expert relevant un kilométrage à cette date de 161 333 km au compteur) et que le moteur fonctionne correctement sans voyant allumé au tableau de bord. L'appelante est donc déboutée de sa demande au titre du trouble de jouissance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Prononce la résolution pour défaut de délivrance conforme de la vente du 12 janvier 2017 entre M. [E] [U] et Mme [R] [F] portant sur un véhicule Peugeot 308 immatriculé n° AC-281-TQ ;

Condamne M. [E] [U] à restituer à Mme [R] [F] le prix de vente de 5 000 euros ;

Dit qu'une fois le prix de vente recouvré, Mme [R] [F] devra rendre à M. [E] [U], aux frais de celui-ci, le véhicule Peugeot 308 immatriculé n° AC-281-TQ ;

Condamne M. [E] [U] à payer à Mme [R] [F] :

- la somme de 283,16 euros en remboursement des frais de « carte grise » ;

- la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance comme en cause d'appel ;

Rejette les autres demandes des parties ;

Condamne M. [E] [U] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par Me Sébastien To, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/12819
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.12819 ?
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