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12/05/2022 | FRANCE | N°19/10339

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 12 mai 2022, 19/10339


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10339 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B76ZR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 février 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-18-216184





APPELANT



Monsieur [G] [E]

né le 11 Mars 1994 à MATMATA (TUNISI

E)

2, rue Bruneseau

75013 PARIS



représenté par Me Sylvie BELTRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1591

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/015841 du ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10339 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B76ZR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 février 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-18-216184

APPELANT

Monsieur [G] [E]

né le 11 Mars 1994 à MATMATA (TUNISIE)

2, rue Bruneseau

75013 PARIS

représenté par Me Sylvie BELTRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1591

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/015841 du 07/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉ

Monsieur [U] [J]

né le 27 juillet 1984 à GUYAAQUIL (EQUATEUR)

6, avenue du Maréchal NEY

91800 BRUNOY

représenté par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau de l'ESSONNE

substitué à l'audience par Me Emmanuel LEBLANC de l'AARPI BOUCHARD - LEBLANC, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Ophanie KERLOC'H, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

A la suite d'une annonce sur le site « Le bon coin », M. [U] [J] a acheté, le 23 mai 2018, à M. [G] [E], au prix de 4 100 euros, un véhicule automobile Volkswagen Golf mis en circulation au mois de décembre 2005 et immatriculé n° AX-462-GS.

Le contrôle technique effectué antérieurement, le 19 mai 2018, avait relevé un kilométrage de 154 002 km.

Le 14 juin 2018, M. [J] a porté plainte au commissariat de Brunoy (Essonne) à l'encontre de M. [E] pour escroquerie tenant à un faux kilométrage.

Par acte d'huissier du 9 octobre 2018, M. [J] a fait assigner en nullité de la vente M. [E] devant le tribunal d'instance de Paris qui, par jugement réputé contradictoire rendu le 12 février 2019 et signifié le 21 mars 2019, a :

- prononcé la nullité de la vente intervenue le 23 mai 2018 entre M. [J] et M. [E] portant sur le véhicule automobile Volkswagen Golf immatriculé n° AX-462-GS ;

- condamné, en conséquence, M. [J] à restituer le véhicule à M. [E] ;

- condamné M. [E] à restituer à M. [J] la somme de 4 100 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2018 ;

- dit que la restitution du véhicule aurait lieu lorsque la somme de 4 100 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2018 aurait été restituée ;

- dit que la remise du véhicule se ferait en un lieu désigné par le requérant et aux frais de M. [E] ;

- condamné M. [E] à payer à M. [J] la somme de 250 euros au titre du préjudice moral, ainsi que la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] aux dépens.

Pour statuer ainsi et prononcer la nullité de la vente, le tribunal a retenu l'existence d'un dol du vendeur par man'uvres et mensonges sur le kilométrage du véhicule - donc sur une information essentielle. La juridiction a estimé que M. [J] ne rapportait pas la preuve du montant des frais dont il sollicitait le remboursement. Le premier juge a considéré que l'acheteur avait subi un préjudice moral.

Le 14 mai 2019, après avoir obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, M. [E] a interjeté appel.

Dans ses conclusions d'appel déposées par voie électronique le 13 août 2019, M. [E] requiert la cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel, puis :

en conséquence,

- d'infirmer partiellement le jugement, en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente du véhicule automobile pour dol ;

statuant à nouveau,

- de prononcer éventuellement la nullité de la vente pour « défaut d'un vice caché » ;

- de condamner M. [J] à justifier du bon état du véhicule avant restitution ;

- de dire et juger que la restitution de la somme de 4 100 euros sera effectuée après production par M. [J] d'un état du véhicule actualisé et exempt d'amendes, constaté par huissier de justice ;

à titre subsidiaire,

- de condamner M. [J] à restituer le véhicule, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la réception du paiement du montant de la condamnation ;

en tout état de cause,

- de confirmer le jugement pour le surplus ;

- de débouter M. [J] de ses demandes.

A l'appui de ses prétentions, M. [E] expose qu'il n'a commis aucune manipulation sur le véhicule, n'étant pas un professionnel de l'automobile. Il soutient que l'annulation de la vente ne peut intervenir que sur le fondement de la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil - et non du dol.

Il souhaite obtenir la garantie que le bien litigieux est toujours en état de fonctionnement et exempt d'amendes.

Il ajoute que la restitution du prix ne pourra être effectuée qu'après production par M. [J] de l'état de la situation actuelle du véhicule.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 17 septembre 2019, M. [J] sollicite que la cour :

- confirme le jugement, à l'exception des dommages-intérêts accordés en réparation du préjudice moral ;

à titre subsidiaire,

- prononce la résolution de la vente en application des articles 1641 à 1645 du code civil ;

- dans une telle hypothèse, dise que les conditions de restitution du véhicule seront identiques à celles conclues dans le jugement précédemment rendu ;

statuant sur l'appel incident,

- condamne M. [E] à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamne M. [E] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que M. [E] a acquis le véhicule le 26 avril 2018 avec un kilométrage de 245 762 km, puis lui a revendu, un mois plus tard, pour un prix supérieur avec un kilométrage de 154 008 km seulement. Il soutient que M. [E] a procédé à une modification des indications portées sur le compteur. Il considère qu'il y a eu dol du vendeur par man'uvres et mensonges.

Il indique que le véhicule est en bon état. Il affirme qu'en raison de l'annulation de la vente qui sera prononcée, il sera réputé n'avoir jamais été propriétaire du bien, de sorte que M. [E] devra supporter les risques liés à l'usage du véhicule et à son usure éventuelle pendant la période allant de la vente à la décision.

Il ajoute avoir eu l'impression d'être gravement trompé et avoir consacré un temps important à la gestion du dossier.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Le 7 décembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation de la vente

Les alinéas 1 et 2 de l'article 1137 du code civil disposent que :

« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. (') ».

En application des articles 1128, 1130 et 1178 du même code, le consentement des parties est nécessaire à la validité du contrat, étant précisé que le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

En l'espèce, dans le « certificat de cession d'un véhicule d'occasion » du 23 mai 2018, la rubrique relative au kilométrage n'a pas été renseignée par les parties. Mais, lors du contrôle technique effectué quelques jours auparavant, le 19 mai 2018, un kilométrage de 154 002 kilomètres était relevé. Ceci corroborait la constatation faite par la société Autos expertises conseils, dans son rapport d'expertise privée du 25 juillet 2018, d'un kilométrage de 155 354 km au compteur.

Il ne fait aucun doute que ce kilométrage était, en réalité, beaucoup plus élevé, puisque des factures d'entretien et de réparation des 14 janvier 2016, 27 juillet 2017 et 31 octobre 2017 au nom de M. K.S. -vendeur du véhicule à M. [E]- puis un contrôle technique du 24 mars 2018 mentionnaient respectivement 203 068 km, 236 084 km, 238 938 km et 242 882 km.

L'expertise privée du 25 juillet 2018 à laquelle M. [E] ne se présentait pas, mais qui a été soumise à débat contradictoire pendant la procédure judiciaire, concluait :

« Les éléments transmis par Monsieur [J] et l'ancien propriétaire Monsieur S., font apparaître que le kilométrage du véhicule a été modifié lorsque le véhicule a été la propriété de Monsieur [G] » (comprendre M. [E])

M. [E] avait connaissance du caractère anormalement faible du kilométrage de 154 002 km figurant au compteur lors de la vente à M. [J], dès lors :

- qu'il avait nécessairement reçu de son propre vendeur pour lui permettre d'établir un certificat d'immatriculation à son nom le contrôle technique du 24 mars 2018 indiquant un kilométrage de 242 882 km, soit un chiffre bien supérieur ;

- qu'il faisait établir un nouveau contrôle technique le 19 mai 2018 qui n'était pas obligatoire, le précédent contrôle périodique ayant moins de six mois, mais dans lequel il obtenait la mention d'un kilométrage plus faible ;

- qu'il revendait le véhicule plus cher (4 100 euros) qu'il ne l'avait acquis un mois auparavant (3 550 euros).

La cour approuve le premier juge, en ce qu'il a retenu l'existence d'un dol du vendeur par man'uvres et mensonges sur le kilométrage, ce qui constituait une information essentielle, au regard de l'importance du nombre de kilomètres dissimulés.

Le jugement est confirmé s'agissant de la nullité de la vente en raison du dol.

Dès lors, la demande présentée par M. [E] tendant à ce que la nullité soit prononcée pour vice caché est rejetée.

Sur les conséquences de la nullité de la vente

Il ressort des trois derniers alinéas de l'article 1178 du code civil que :

« (')

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions de droit commun de la responsabilité extracontractuelle ».

L'article 1352-7 dispose que celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu'il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement.

En l'espèce, les parties à la vente annulée doivent être remises dans leur situation antérieure à celle-ci, sans qu'aucun fondement ne justifie de faire dépendre la restitution du véhicule, comme le demande l'appelant, d'un état actualisé du véhicule ou d'une preuve de l'absence d'amendes.

Le jugement est donc confirmé, en ce qu'il a condamné M. [J] à restituer le véhicule litigieux et M. [E] à rendre le prix de vente de 4 100 euros augmenté des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2018, étant précisé que la remise du véhicule aura lieu :

- lorsque cette somme de 4 100 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2018 aura été restituée ;

- en un lieu désigné par M. [J] et aux frais de M. [E].

Aucun élément particulier ne montrant que M. [J] entendrait se soustraire à l'exécution de la présente décision, il n'y a pas lieu en l'état d'assortir d'une astreinte la condamnation à restitution du véhicule.

Par ailleurs, M. [J] indique avoir engagé des frais accessoires (ainsi, 289 euros de « carte grise » et 330,60 euros de frais de réparation), avoir été débouté de sa demande de remboursement de ces frais en première instance, mais les « reprendre devant la cour ». Toutefois, la demande ne figure pas dans le dispositif des conclusions d'appel de M. [J], de sorte qu'elle n'est pas examinée, l'article 954 du code de procédure civile disposant que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par M. [J]

Eu égard au dol dont il a été victime et à la nécessité d'engager une procédure judiciaire pour obtenir la nullité de la vente, M. [J] a subi un préjudice moral que le montant de 250 euros retenu par le tribunal ne suffit manifestement pas à indemniser de façon intégrale.

Il est alloué un montant de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf s'agissant du montant des dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau sur ce seul chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M. [G] [E] à payer à M. [U] [J] la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

Rejette les demandes de M. [G] [E] ;

Condamne M. [G] [E] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [U] [J] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/10339
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.10339 ?
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