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10/05/2022 | FRANCE | N°19/03975

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 10 mai 2022, 19/03975


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 10 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03975 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7LTO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/00512



APPELANT



Monsieur [B] [M] [S] [H] né le 19 octobre 1987 à [Localité 6] (C

ameroun) 



[Adresse 3]

[Localité 4]



représenté par Me Maxence MARCEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R050



(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 20...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 10 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03975 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7LTO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/00512

APPELANT

Monsieur [B] [M] [S] [H] né le 19 octobre 1987 à [Localité 6] (Cameroun) 

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Maxence MARCEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R050

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2019/022907 accordée le 29 mai 2019 par le bureau d'aide juridictionnelle du TGI de PARIS)

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mars 2022, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre,

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :-

contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, constaté que l'assignation est recevable, débouté M. [B] [S] [H] de l'ensemble de ses demandes, jugé que le certificat de nationalité française numéro 235/2001 délivré le 26 mars 2001 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Vanves (92) à M. [B] [S] [H], se disant né le 19 octobre 1987 à [Localité 6] (Cameroun) l'a été à tort, jugé que M. [B] [S] [H], se disant né le 19 octobre 1987 à [Localité 6] (Cameroun), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, débouté M. [B] [S] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [B] [S] [H] aux dépens ;

Vu l'appel formé le 20 février 2019 par M. [B] [S] [H] ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2021 par l'appelant qui demande à la cour de constater que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies, infirmer le jugement, statuant à nouveau, juger qu'il est français en raison de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par son père, M. [K] [S], lui délivrer un certificat de nationalité française, ordonner la retranscription par les services de l'état civil de la mention prescrite par l'article 28 du code civil et condamner l'État français à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2022 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, confirmer le jugement et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 15 mai 2019 par le ministère de la Justice.

M. [B] [S] [H], se disant né le 19 octobre 1987 à [Localité 6] (Cameroun), soutient être le fils de M. [K] [S], né le 28 août 1952 à [Localité 9] (Cameroun) de nationalité française, qui l'a reconnu le 14 mars 2001 devant l'officier de l'état civil de la mairie d'[Localité 7].

Le ministère public soutient que le certificat de nationalité française délivré le 26 mars 2001 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Vanves à M. [B] [S] [H] l'a été à tort. La charge de la preuve pèse donc sur le ministère public, en application de l'article 30 du code civil.

La force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à l'intéressé ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante. Il appartient alors à l'intéressé de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre.

A l'appui de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française, M. [B] [S] [H] avait notamment produit :

- un acte de naissance camerounais numéroté 1928/87 dressé le 26 octobre 1987 sur déclaration de l'hôpital [8] de [Localité 6], indiquant que [B], [M], [S] [H] est né le 19 octobre 1987 à [Localité 6] de [S] [K], né à [Localité 9], domicilié à [Localité 2], chaudronnier, soudeur  et de [P] [H] [C], née le 12 février 1955 à [Localité 6], ménagère domiciliée à [Localité 6] (pièce n°1 du ministère public).

En première instance comme en cause d'appel, pour soutenir que cet acte de naissance est un faux et ce faisant démontrer que le certificat de nationalité française du 26 mars 2001 a été délivré à tort à M. [B] [S] [H], le ministère public a produit en pièce n°2 :

- la copie difficilement lisible d'un acte de naissance n°3813/97 de M. [B] [S] [H] dressé le 25 octobre 1987 sur déclaration de l'hôpital de [8] de [Localité 6], qui mentionne comme année de naissance de la mère 1958.

- un bordereau d'envoi émanant du ministère des affaires étrangères reçu par le tribunal d'instance de Vanves le 2 mai 2003 auquel sont jointes les copies des actes de naissance précités n° 1928/87 et 3813/97 sur lesquelles figurent les mentions manuscrites portées par le consulat général de France à [Localité 6] les 31 janvier et 3 avril 2003 dont il résulte que ces actes de naissance sont des faux, la cour se référant à la page 5 du jugement s'agissant du contenu exact de ces mentions.

Il est ainsi établi que l'acte de naissance produit par M. [B] [S] [H] est apocryphe. En conséquence, le certificat de nationalité française qui lui a été délivré, l'a été à tort.

Pour soutenir qu'il dispose désormais d'un état civil fiable, M. [B] [S] [H], qui ne conteste pas le caractère douteux des copies produites, dont son dernier acte de naissance n°4974/87(sa pièce n°7), se prévaut d'un jugement rendu le 16 novembre 2020 ayant annulé les actes de naissance n°4974/87, 1928 /87 et 3813/87 et ordonné la reconstitution de son acte de naissance par l'officier d'état civil de [Localité 5] à [Localité 6] I (sa pièce n°20). Il produit ainsi la reconstitution de son acte de naissance (sa pièce n°21).

Le ministère public réplique que ce jugement n'est pas produit dans son intégralité, qu'il n'est pas opposable en France étant contraire à l'ordre public international français dès lors que sa motivation est défaillante et incohérente, qu'il entérine un faux acte de naissance et qu'il sert à régulariser une fraude en vue pour l'intéressé de se voir reconnaître la nationalité française.

Toutefois, le jugement civil n°902/CIV rendu le 16 novembre 2020 par le tribunal de grande instance de Wouri produit par l'appelant dans son intégralité, comprend une motivation. Il a été rendu, en présence du ministère public, à la requête de M. [B] [S] [H] qui faisait valoir qu'il s'était retrouvé en possession de trois actes de naissance censés avoir été établis au centre d'état civil de [Localité 5], qu'il s'en est prévalu durant de nombreuses années sans se douter qu'il s'agissait de faux, qu'en se rendant au centre d'état civil de [Localité 5], il lui a été révélé que lesdits actes n'avaient pas de souche et qu'il sollicitait en conséquence la régularisation de sa situation par jugement supplétif de reconstitution. Le tribunal, sur la base des attestations de non existence de souche délivrées les 19, 26 et 28 juin 2019 par l'officier d'état civil de [Localité 5], a considéré au regard des dispositions légales et des éléments factuels relevés, que la demande de M. [B] [S] [H] 'épousait d'avantage les contours d'une reconstitution d'acte de naissance, étant par ailleurs entendu que toute personne a droit à un acte de naissance' et qu'il y avait lieu, par voie de conséquence, d'ordonner la reconstitution d'un acte d'état civil au nom de l'intéressé.

Il est de jurisprudence constante qu'il n'est pas permis de réviser au fond un jugement étranger dont la reconnaissance est sollicitée en France. Ainsi les développement du ministère public sur la motivation défaillante et incohérente du jugement sont inopérants.

Alors que M. [B] [S] [H] a exposé au tribunal camerounais l'ensemble de sa situation, qu'il a produit tant les copies litigieuses de l'acte de naissance, que les certificats de non existence de souche et que le juge camerounais n'a pas considéré que son action visait un but frauduleux, la fraude alléguée par le ministère public ne peut être retenue.

Par conséquent, il convient de déclarer opposable en France le jugement camerounais rendu le 16 novembre 2020 par le tribunal de grande instance de Wouri en application de l'accord de coopération franco-camerounais du 21 février 1974.

Contrairement aux allégations du ministère public, l'acte de naissance camerounais n° 000654 dressé le 25 août 2021 dans les registres de la commune de [Localité 6] au nom de M. [B] [S] [H] à la suite de ce jugement, contient le nom et le prénom de l'officier d'état civil qui l'a dressé et les références du jugement civil du tribunal de grande instance de Wouri de sorte qu'il importe peu que la date du jugement n'y figure pas.

Il s'ensuit que l'acte de naissance camerounais n° 000654 dressé le 25 août 2021 dans les registres de la commune de [Localité 6] au nom de M. [B] [S] [H] est probant au sens de l'article 47 du code civil.

La nationalité française de M. [K] [S], père de l'intéressé, n'est pas contestée. La filiation de M. [B] [S] [H] à son égard étant établie par la reconnaissance effectuée par ce dernier le 14 mars 2001 durant la minorité de M. [B] [S] [H], ce dernier est français par filiation. Le jugement est infirmé.

Il ne relève pas des pouvoirs de la cour d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française. Cette demande doit être rejetée.

Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. Aucune considération d'équité ou d'ordre économique ne justifie en l'espèce application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile,

Infirme le jugement,

et statuant à nouveau,

Dit que M. [B] [S] [H], né le 19 octobre 1987 à [Localité 6] (Cameroun), est de nationalité française ;

Rejette la demande tendant à la délivrance d'un certificat de nationalité française;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le Trésor public aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/03975
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.03975 ?
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