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21/04/2022 | FRANCE | N°19/18715

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 21 avril 2022, 19/18715


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 21 AVRIL 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18715 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYHC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 août 2019 - Tribunal d'Instance d'AUXERRE - RG n° 11-19-000188





APPELANTE



Le GROUPEMENT FORESTIER MAPHI, société civile prise en la personne de son gérant en exerc

ice, Monsieur [V] [G], domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 402 368 732 00010

112, avenue du Général Leclerc

92340 BOURG LA REINE



représenté par Me Vincent RIBAUT de la S...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18715 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYHC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 août 2019 - Tribunal d'Instance d'AUXERRE - RG n° 11-19-000188

APPELANTE

Le GROUPEMENT FORESTIER MAPHI, société civile prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [V] [G], domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 402 368 732 00010

112, avenue du Général Leclerc

92340 BOURG LA REINE

représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

assisté de Me Christian VIGNET de la SCP AVOCATS VIGNET & ASSOCIES VIGNET-NOEL-SANONER, avocat au barreau D'AUXERRE

substitué à l'audience par Me Anne PAGES de la SCP AVOCATS VIGNET & ASSOCIES VIGNET-NOEL-SANONER, avocat au barreau D'AUXERRE

INTIMÉE

La COMMUNE D'ARCY SUR CURE prise en la personne de son Maire en exercice domicilié en cette qualité à la mairie

Mairie

89270 ARCY SUR CURE

représentée par Me Jean-Marie GARINOT de la SCP SCP du PARC - CURTIL - HUGUENIN - DECAUX - GESLAIN - CUNIN - CUISINIER - BECHE - GARINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1385

substitué à l'audience par Me Cécile DANDON de la SCP SCP du PARC - CURTIL - HUGUENIN - DECAUX - GESLAIN - CUNIN - CUISINIER - BECHE - GARINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1385

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre,

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société civile groupement forestier MAPHI est propriétaire, sur le territoire de la commune d'Arcy-sur-Cure dans le département de l'Yonne, de plusieurs parcelles de forêt cadastrées section F numéros 1 à 39.

Suivant acte d'huissier du 22 juillet 2008, la société civile groupement forestier MAPHI a fait assigner la commune d'Arcy-sur-Cure devant le tribunal d'instance d'Auxerre pour voir dire et juger que tous les chemins se trouvant sur ses parcelles sont des chemins d'exploitation appartenant au propriétaire riverain en application des dispositions de l'article L. 162-1 du code rural.

Suivant jugement du 24 septembre 2009, le tribunal d'instance d'Auxerre a fait droit à cette demande.

Par arrêt du 15 septembre 2011, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement et a considéré que les chemins figurant sur la feuille F du plan cadastral de la commune d'Arcy-sur-Cure sous les dénominations « ancien chemin de Vézelay à Vermenton », « chemin de Séry à Arcy-sur-Cure » et « chemin d'Avigny à Arcy-sur-Cure », sont des chemins ruraux dont la commune d'Arcy-sur-Cure est propriétaire.

Par exploit d'huissier du 13 mars 2015, la commune d'Arcy-sur-Cure a fait assigner le groupement forestier devant le tribunal d'instance d'Auxerre sur le fondement de l'article 646 du code civil, pour voir ordonner à frais communs le bornage des trois chemins ruraux.

Par jugement du 10 décembre 2015, le tribunal d'instance d'Auxerre a ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [K] [R], géomètre-expert.

L'expert a remis son rapport le 23 février 2018 et l'affaire rappelée à l'audience du tribunal.

Par jugement contradictoire rendu le 26 août 2019 auquel il convient de se reporter, le tribunal d'instance d'Auxerre a :

- homologué le rapport d'expertise de M. [R], géomètre-expert,

- ordonné le bornage des chemins tels que défini au rapport d'expertise,

- désigné M. [R] pour procéder à l'implantation des bornes,

- ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques d'Auxerre, jugement auquel sera annexé le rapport d'expertise,

- dit que les dépens comprenant les frais d'expertise et de bornage seront partagés par moitié.

Le tribunal a rejeté les griefs soulevés à l'encontre de l'expertise et a retenu que les chemins litigieux existaient avant l'acquisition des parcelles par le groupement forestier MAPHI et qu'il n'existait pas de double réseau de chemins d'exploitation.

Par une déclaration en date du 8 octobre 2019, la société civile groupement forestier MAPHI a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance sur incident du 26 janvier 2021, le Conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'organisation d'une nouvelle expertise formée par la société civile groupement forestier MAPHI.

Aux termes de conclusions remises le 8 février 2022, la société civile groupement forestier MAPHI demande à la cour:

- de la dire recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions dont appel,

- avant dire droit, de désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de se rendre sur les lieux, de les décrire en leur état actuel, d'en dresser un plan en tenant compte le cas échéant des bornes existantes, de consulter les titres des parties s'il en existe et notamment celui de l'auteur commun, d'en décrire le contenu en précisant les limites et les contenances y figurant, de rechercher tous indices permettant d'établir les caractères et la durée des possessions éventuellement évoquées, de rechercher tous autres indices notamment ceux résultant de la configuration des lieux et du cadastre, de rechercher s'il existe un second réseau de chemins traversant les parcelles dont elle est propriétaire, le cas échéant, de les répertorier et les matérialiser pour les différencier des chemins dont l'emprise est revendiquée par la Commune d'Arcy-sur-Cure, de les décrire, respectivement, de proposer une délimitation des parcelles relevant de sa propriété et les anciens chemins relevant du domaine privé de la Commune d'Arcy-sur-Cure et l'emplacement des bornes à planter,

- à titre subsidiaire, si la cour devait ne pas faire droit à la demande principale, de dire qu'il n'ait pas lieu d'homologuer le rapport de M. [R] du 16 février 2018,

- de dire que les chemins ruraux relevant du domaine privé de la commune sont doublés d'un réseau parallèle constituant des chemins privés d'exploitation, propriété exclusive du groupement forestier,

- de dire que la commune d'Arcy-sur-Cure est dépourvue de toute revendication à leur sujet,

- de débouter la commune d'Arcy-sur-Cure, agissant pour suite et diligence de ses représentants légaux, de l'intégralité de ses prétentions,

- de la condamner à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante affirme que l'expert judiciaire s'est abstenu de consulter les titres de propriété successifs tenant aux parcelles détenues par elle et de rechercher les indices permettant d'établir le caractère et la durée de la possession des lieux alors que de nombreux éléments topographiques et botaniques auraient éclairé les parties.

Elle prétend que la consultation de photographies aériennes permet d'établir les éléments avancés sur l'abandon de l'usage de la circulation publique des chemins sur une très longue période, bien au-delà des 30 années nécessaires à l'apparition d'une prescription, ce dont l'expert n'a fait aucune analyse ni exposé. Elle indique avoir fait appel à une société de géomètres-experts qui a relevé l'existence d'un double réseau de chemins contrairement à ce qu'indique le rapport de l'expert judiciaire. Elle s'étonne des constatations et affirmations de l'expert qui vont à l'encontre des avis de trois professionnels dont M. [Z] qui a accompagné l'expert judiciaire lors de sa campagne de relevés sur le domaine.

Elle note que l'expert judiciaire, dans le cadre de sa mission sur le terrain, s'est fait assisté par un « assistant collègue » alors qu'il n'en fait aucune mention dans son rapport d'expertise ce qui méconnaît l'article 282 alinéa 4 du code de procédure civile.

L'appelante affirme que les trois chemins ruraux objets de la présente procédure sont presque inexistants et impraticables, la végétation s'y étant établie depuis plus de 30 ans et sont doublés de chemins privés d'exploitation dont la commune n'est pas propriétaire et qui ne peuvent pas donner lieu à bornage. Elle communique un nouveau rapport établi par M. [N] [D], de la société Géomexpert d'Avallon des 26 et 28 mai 2020, qui formule une proposition de délimitation entre les parcelles boisées privées, propriété du groupement forestier et les trois chemins ruraux de la commune d'Arcy-sur-Cure.

Elle précise maintenir sa demande d'organisation d'une nouvelle expertise au vu des lacunes du rapport rendu par M. [R].

Aux termes de conclusions remises le 11 février 2022, la commune d'Arcy-sur-Cure demande à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel,

- d'adopter et d'homologuer les conclusions du rapport d'expertise de M. [R],

- de débouter l'appelante de sa demande de contre-expertise, infondée et inutile à la résolution du litige,

- de dire que le bornage des propriétés de la commune d'Arcy-sur-Cure sera effectué sur les bases du rapport d'expertise de M. [R],

- de dire que l'expert retournera sur les lieux pour implanter les bornes et dressera de ses opérations un procès-verbal qui sera déposé au greffe de la cour,

- de dire que l'arrêt à intervenir et le procès-verbal de bornage seront publiés au service de publicité foncière,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il dit que chacune des parties conservera la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et que les dépens comprenant notamment les frais de bornage et d'expertise seront partagés par moitié entre les parties,

- de condamner la société Groupement forestier MAPHI à payer l'intégralité des frais de bornages fixés à la somme de 12 747 euros,

- de condamner la société Groupement forestier MAPHI à payer à la commune d'Arcy-sur-Cure la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune d'Arcy-sur-Cure souhaite voir homologuer le rapport de l'expert, exempt de tout reproche. Elle précise que, sur la communication des titres de propriété, l'expert a répondu à cette question et il a été jugé dans la décision rendue en appel le 15 septembre 2011, que le titre de propriété du groupement forestier n'était pas opposable à la commune et que ce groupement ne pouvait se prévaloir de la prescription acquisitive des chemins ruraux, puisqu'elle savait ne pas être propriétaire de ces chemins et ne pas les posséder de bonne foi à titre de propriétaire.

Elle fait valoir que l'expert a bien recherché des éléments techniques permettant d'établir les caractères et la durée des possessions. Elle ajoute que sur la question du « double réseau », il sera constaté que le rapport d'expertise est particulièrement complet et détaillé en ce que l'expert a procédé à une analyse des lieux et s'est également fondé sur des photographies aériennes et des cartes IGN ainsi que sur les plans cadastraux pour présenter le bornage définitif et exclure l'existence de ce double réseau.

A titre subsidiaire, l'intimée précise que la demande de contre-expertise est présentée douze années après le commencement de la procédure et que son organisation serait inutile car la cour dispose déjà d'un rapport d'expertise judiciaire complet, détaillé et objectif.

Elle considère qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la collectivité publique la moitié des frais d'expertise et de bornage alors qu'elle a été contrainte par l'appelante de présenter une demande de bornage judiciaire et qu'elle n'est pas perdante à l'instance.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience le 2 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage qui se fait à frais communs.

L'appelante soutient que l'expert commis a été défaillant dans l'accomplissement de sa mission et que ses conclusions approximatives ne peuvent servir de fondement à une quelconque décision de justice.

Le jugement du 10 décembre 2015 du tribunal d'instance d'Auxerre a donné mission à l'expert de se rendre sur les lieux, de les décrire et d'en dresser un plan tenant compte le cas échéant des bornes existantes, de consulter les titres des parties s'il en existe et notamment celui de l'auteur commun, d'en décrire le contenu, de rechercher tous indices permettant d'établir les caractères et la durée des possessions éventuellement invoquées, de rechercher tous autres indices notamment ceux résultant de la configuration des lieux et du cadastre et de proposer une délimitation des parcelles et de l'emplacement des bornes à planter.

L'appelante émet plusieurs griefs à l'encontre de l'expert tenant pour les deux premiers à l'absence de consultation des titres de propriété successifs et à l'absence de recherche de tous indices permettant d'établir le caractère et la durée de la possession des lieux.

La cour constate à titre liminaire que ces reproches ont déjà été formulés par dire adressé par le conseil du groupement forestier à l'expert le 30 janvier 2018 et que l'expert a longuement répondu en pages 29 à 37 de son rapport dans le respect de la contradiction qui doit présider au déroulement des opérations d'expertise.

C'est par des motifs exacts et pertinents que le premier juge a relevé qu'au stade de la rédaction de son projet de rapport, M. [R] a été contraint de demander une nouvelle fois au groupement forestier de lui communiquer ses titres de propriété alors qu'il lui avait demandé en vain cette communication dès la première réunion d'expertise le 28 avril 2016 puis à nouveau le 16 juin 2017. L'expert indique avoir obtenu finalement transmission de l'acte d'acquisition de 1995 au stade du projet de rapport, qu'aucun autre élément ne lui a été communiqué et que ce titre n'apporte pas d'éléments concernant les chemins litigieux.

Les dispositions de l'article 275 du code de procédure civile prévoient que les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. En cas de difficulté, l'expert en réfère au juge.

En ne communiquant pas d'emblée à l'expert ses titres de propriété alors qu'il y était tenu en application de l'article précité, le groupement forestier a fait preuve d'un manque de loyauté certain dans le cadre des opérations d'expertise et ne saurait donc reprocher à l'expert de ne pas avoir procédé à une recherche complémentaire permettant d'établir l'origine de la propriété des lieux avant 1995.

Il est également reproché à l'expert de s'être abstenu de rechercher les éléments topographiques et botaniques permettant d'établir le caractère et la durée de la possession des lieux.

Il résulte cependant du rapport que M. [R] a relevé et dessiné sur ses plans les traces de talus et fossés, matérialisées notamment par un trait vert sur les annexes 2 « Plan d'état des lieux » et 7 « Plan de conclusion » et qu'il a bien recherché les éléments caractéristiques et les a représentés sur le plan n° 2, tel que détaillé dans le rapport aux pages 11 et 12 sous un chapitre « le relevé préparatoire et l'établissement d'un plan d'état des lieux ».

L'expert a bien pris soin de relever et de représenter tronçon par tronçon les indices relatifs à l'existence de chemins ou de traces de chemins, fossés, basses, talus.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante et comme l'a justement relevé le premier juge, l'expert n'a pas manqué de rechercher les éléments pouvant le renseigner sur l'état des lieux et pour ce faire s'est reposé notamment sur la photographie aérienne pour la période 1950/1965, la carte IGN réalisée d'après les levés photogrammétriques complétés sur le tenail en 1955 incluant la révision de 1985, la carte IGN actuelle et les différents plans cadastraux.

Il ne peut être reproché à l'expert de s'être fondé sur ces éléments alors que le groupement forestier n'a communiqué aucune pièce, aucun plan de délimitation ou d'emprise de vieux chemins ni aucune photographie aérienne malgré les demandes réitérées de l'expert les 28 avril 2016, 16 et 28 juin 2017 et alors que l'expert a bien tenu compte dans ses conclusions finales de la transmission tardive par l'appelante après communication du projet de rapport, de photographies aériennes disponibles sur le site «remonter le temps» de l'IGN.

L'expert justifie notamment qu'il ne peut pas caler d'une manière globale le plan cadastral sur le plan d 'état des lieux dans la mesure où lors de la rénovation cadastrale réalisée en 1961, les moyens techniques utilisés dans les zones boisées étaient moins performants que ceux auxquels les géomètres peuvent recourir actuellement. Il n'est donc pas illogique que la comparaison du plan cadastral et de l'état des lieux laisse apparaître des distorsions c'est-à-dire des problèmes de distance en secteurs pentus voire des écarts d'orientation soit des problèmes d'angle pour les visées par manque de visibilité dans les secteurs boisés.

La photographie aérienne IGN de 1963 n'est à l'évidence pas confrontée au problème technique précité, ce qui explique qu'elle puisse, contrairement au plan cadastral, être calée sur le plan d'état des lieux. Il résulte de l'expertise que la comparaison simultanée-avec déplacement de curseur de la photographie aérienne de 1963 avec une photographie aérienne actuelle du site "remonter le temps" montre que la plupart des chemins actuels correspond à ceux de 1963.

Il n'est pas non plus démontré en quoi l'expert se serait retranché derrière la décision rendue par la cour d'appel de Paris le 15 septembre 2011 alors que ses conclusions répondent en tous points à la mission technique qui lui était impartie.

Pour contester les relevés et plans produits par l'expert, le groupement forestier verse aux débats trois avis techniques.

Elle indique avoir missionné M. [B] [Z], chef de centre à la société forestière de la caisse des dépôts et consignation afin d'accompagner l'expert lors de sa campagne de relevés. Elle communique un avis du 25 janvier 2018 aux termes duquel M. [Z] estime que la consultation de photographies aériennes de 1972, 1983, 1993 et 1998 lui a permis de confirmer les éléments avancés sur l'abandon de l'usage de la circulation publique des chemins sur une très longue période, bien au-delà des 30 années nécessaires à l'apparition d'une prescription. Aux termes de cet avis et en substance, M. [Z] s'étonne de ne pas retrouver trace des missions de 1950 et 1965, de constater que le relevé préparatoire et l'état des lieux fournis sont simplissimes et que le plan ne présente pas de légende ne permettant pas une compréhension claire entre les divers éléments fonciers recherchés.

Il résulte du rapport rendu par M. [R] que M. [Z] a été associé pour le compte du groupement forestier à tous les relevés topographiques à l'intérieur du massif et que l'expert a pris en compte tous les éléments qu'il souhaitait voir relever pour ensuite les reporter fidèlement sur les plans. L'expert a répondu longuement dans son rapport aux griefs formulés par M. [Z] à réception du projet de rapport, dont il n'est pas démontré en quoi il posséderait une expertise particulière technique ou juridique relativement au présent litige.

Le groupement forestier communique aux débats un rapport d'expertise de la SAS Geomexpert du 9 janvier 2014 réalisé par M. [N] [D] présenté comme étant intervenu à plusieurs reprises sur propriété du groupement forestier en vue de réaliser des relevés d'état des lieux et plus particulièrement la localisation de chemins d'exploitation forestiers, qui a procédé au report de ces chemins sur le fond de plan cadastral en apportant la précision que le réseau de chemin actuel correspond au tracé du plan cadastral mais semble décalé par-rapport à celui-ci.

Elle communique également une intervention à la SAS Geomexpert de Toucy en la personne de M. [L] qui a rédigé un rapport le 13 juillet 2007 et qui a notamment procédé à l'étude des titres de propriété et a procédé à la levée de la position des chemins.

Il est constaté que ces avis ont été établis non contradictoirement en 2007 et 2014, soit à une date bien antérieure au début des opérations d'expertise.

Concernant l'avis de 2007, aucun élément ne permet de dire que l'expert judiciaire en a été rendu destinataire ce qui aurait permis d'amorcer une discussion entre parties dans les limites du respect de la contradiction, et il est mal venu au groupement forestier de reprocher l'absence de prise en compte de cet élément alors qu'il n'a fourni aucun titre de propriété ni aucun document à l'expert en cours d'expertise malgré ses demandes réitérées.

S'agissant du rapport établi par M. [D], dans sa réponse au dire du 30 janvier 2018 de Maître Vignet, avocat du groupement forestier, l'expert indique avoir reçu communication, au stade de la rédaction de son projet de rapport, du document du 9 janvier 2014 et qu'il a saisi M. [D] directement pour solliciter de sa part communication de ses archives de 2013.

Il en résulte que le grief est donc infondé.

La société groupement forestier MAPHI reproche encore à l'expert d'avoir passé sous silence l'identification de la personne qui a procédé seule, ou en sa présence, à partie des investigations techniques.

Les allégations du groupement forestier ne sont étayées par aucun élément de sorte que le moyen ne peut prospérer.

***

L'appelante conteste encore les conclusions de l'expert en soutenant que les trois chemins ruraux de la commune d'Arcy-sur-Cure objets du présent litige ont disparu sous une végétation plus que trentenaire et que le réseau de chemins que l'expert judiciaire a cru identifier comme tels, sont en réalité des chemins d'exploitation réalisés et entretenus par le groupement forestier. Elle soutient que l'expert ne pouvait valablement affirmer qu'il n'existe pas un double réseau de chemins ou que l'on n'observe pas de chemins décalés.

A l'appui de ces allégations, elle communique un nouveau rapport établi par M. [D] de la SAS Geomexpert d'Avallon en dates des 26 et 28 mai 2020, lequel effectue une proposition de délimitation entre ses parcelles et les chemins ruraux se basant sur une analyse des éléments retrouvés in situ.

Il est constant que par arrêt devenu définitif du 15 septembre 2011 rendu par la cour d'appel de Paris, la question de la propriété des chemins litigieux a d'ores et déjà été tranchée puisqu'ils a été jugé que les trois chemins litigieux dénommés « ancien chemin de Vézelay à Vermenton », « chemin de Séry à Arcy-sur-Cure » et « chemin d'Avigny à Arcy-sur-Cure », sont des chemins ruraux dont la commune d'Arcy-sur-Cure est propriétaire, s'agissant de chemins faisant partie du domaine privé de la commune susceptibles d'aliénation.

La cour a constaté à cette occasion que le groupement forestier MAPHI qui a effectivement exercé, depuis son acquisition en 1995, des actes de possession sur ces chemins en procédant à des modifications de tracé, en interdisant leur accès aux véhicules par la pose de chaînes ou de barrières, ne pouvait pas prétendre être devenue propriétaire par la prescription acquisitive résultant de la jonction de cette possession avec celle de son auteur, en ce que ces actes de possession n'ont pas été accomplis à titre de propriétaire.

Le groupement forestier est donc mal venu à critiquer à nouveau la question définitivement tranchée de la propriété des chemins litigieux.

Si elle soutient qu'elle serait propriétaire de chemins privés d'exploitation ayant une assiette distincte, elle se fonde sur un arrêt de la cour d'appel de Toulouse rendu en 1998 non transposable au présent litige.

En outre, l'expert a constaté que les chemins litigieux existaient au même emplacement en 1963, date à laquelle le groupement forestier n'avait pas encore acquis les parcelles litigieuses et il ne peut donc être soutenu que ces chemins ont été créés de toute pièce par le groupement forestier lui-même après 1995 date de d'acquisition des parcelles. Par conséquent, et sans qu'aucun élément suffisamment probant ne vienne contredire les conclusions de l'expert, il ne peut être soutenu que l'assiette des anciens chemins de la commune d'Arcy-sur-Cure n'existe plus ou qu'elle serait prescrite et qu'il subsiste uniquement des chemins d'exploitation créés par le groupement forestier en parallèle des anciens chemins ruraux.

Il résulte de ce qui précède que les griefs formulés par la société groupement forestier MAPHI à l'encontre du rapport d'expertise de M. [R] sont infondés et que c'est à juste titre que le premier juge a homologué les conclusions du rapport de l'expert judiciaire et dit que le bornage sera effectué sur les bases dudit rapport. Partant le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

La demande d'organisation d'une nouvelle expertise est non pertinente et sera donc rejetée et la société groupement forestier MAPHI déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Le jugement a désigné M. [R] pour procéder à l'implantation des bornes et ordonné à la requête de la partie la plus diligente, la publication du jugement à la Conservation des Hypothèques d'Auxerre, jugement auquel sera annexé le rapport d'expertise.

Il convient de faire droit aux demandes de la Communes d'Arcy-sur-Cure tendant à ce qu'il soit dit que l'expert dressera de ses opérations un procès-verbal et que l'arrêt à intervenir et le procès-verbal de bornage seront publiés au Service de publicité foncière compétent à la requête de la partie la plus diligente. Le surplus des demandes est rejeté.

Il est justifié que, par suite du caractère définitif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 septembre 2011 ayant tranché la question de la propriété des chemins objets du présent litige, la commune d'Arcy-sur-Cure a tenté d'organiser des opérations de bornage à l'amiable et que face à la carence du groupement forestier MAPHI, elle a été contrainte de présenter une demande en bornage judiciaire.

Il apparaît inéquitable de la laisser à la charge de la Commune d'Arcy-sur-Cure, comme l'a fait le premier juge, la moitié des frais d'expertise et de bornage, alors que cette dernière n'est pas la partie succombant à l'instance.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement et de dire que la société civile Groupement forestier MAPHI sera tenue aux dépens comprenant les frais de bornage et d'expertise.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la prise en charge des dépens ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Déboute la société civile Groupement forestier MAPHI de l'intégralité de ses demandes ;

Dit que l'expert dressera de ses opérations un procès-verbal et que l'arrêt à intervenir et le procès-verbal de bornage seront publiés au Service de publicité foncière compétent à la requête de la partie la plus diligente ;

Condamne la société civile Groupement forestier MAPHI aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de bornage et d'expertise ;

Condamne la société civile Groupement forestier MAPHI à payer à la Commune d'Arcy-sur-Cure la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/18715
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;19.18715 ?
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