La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2022 | FRANCE | N°19/14747

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 21 avril 2022, 19/14747


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 21 AVRIL 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14747 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMK6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-18-218636





APPELANTE



La société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE

, société coopérative de banque à forme anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 382 900 942 00014

19, ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14747 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMK6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-18-218636

APPELANTE

La société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE, société coopérative de banque à forme anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 382 900 942 00014

19, rue du Louvre

75001 PARIS

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉ

Monsieur [T] [Z]

né le 28 décembre 1978 à DIAWARA

61, rue de Charonne

75011 PARIS

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, ConseillèreMme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre de crédit préalable acceptée le 17 mars 2012, la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France ci-après dénommée Caisse d'épargne, a consenti à M. [T] [Z] un crédit personnel de 18 000 euros au taux nominal de 9,10 % l'an, remboursable en 120 mensualités de 228,99 euros chacune hors assurance.

Saisi par la Caisse d'épargne d'une demande tendant au paiement du solde restant dû au titre du prêt après déchéance du terme du contrat, le tribunal d'instance de Paris, par un jugement réputé contradictoire du 12 avril 2019, auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré la Caisse d'épargne recevable en son action,

- condamné M. [Z] à lui payer la somme de 3 962,87 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

Après avoir examiné la recevabilité de l'action, la juridiction a prononcé d'office la nullité du contrat constatant que le prêteur avait versé les fonds le 23 mars 2012 soit avant l'expiration du délai de 7 jours prévu à l'article L. 311-17 du code de la consommation. Sur la demande en paiement, elle a déduit du capital emprunté l'intégralité des sommes versées.

Suivant déclaration du 17 juillet 2019, la Caisse d'épargne a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions remises le 23 octobre 2019, elle demande à la cour :

- d'annuler le jugement au vu de l'excès de pouvoir et de dire et juger que si le juge peut soulever d'office tous les moyens se rattachant aux dispositions du code de la consommation, il ne peut soulever d'office la nullité du contrat non sollicitée par l'emprunteur,

- à tout le moins, d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit et limité la condamnation à la somme de 3 962,87 euros avec intérêt aux taux légal sans application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

- statuant à nouveau, de dire et juger que, si le juge peut soulever d'office tous les moyens se rattachant aux dispositions du code de la consommation, il ne peut soulever d'office la nullité du contrat non sollicitée par l'emprunteur,

- subsidiairement, de dire et juger que le moyen tiré de la nullité du contrat de crédit pour versement des fonds prêtés avant l'expiration du délai de rétractation est prescrit et de déclarer en conséquence le moyen irrecevable,

- plus subsidiairement, de dire et juger que le moyen tiré de la nullité du contrat de crédit pour versement des fonds prêtés avant l'expiration du délai de 7 jours n'est pas fondé et de dire que la nullité du contrat de prêt n'est pas encourue,

- de constater qu'elle apporte la preuve de sa créance au vu des pièces versées aux débats,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée,

- de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 14 513,64 euros outre intérêts au taux contractuel de 9,10 % l'an à compter du 20 février 2018 sur la somme de 13 753,68 euros et au taux légal sur le surplus,

- subsidiairement, en cas de nullité du contrat, de dire et juger que M. [Z] reste tenu de la restitution du capital prêté et le condamner à lui payer la somme de 18 000 euros au titre de la restitution du capital prêté, outre les intérêts au taux légal,

- de dire et juger qu'après déduction des sommes qu'il a réglées, il reste tenu de lui payer la somme de 4 722,83 euros outre les intérêts au taux légal,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la signification de l'assignation, dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 1 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient que le premier juge n'avait pas le pouvoir de soulever d'office la nullité d'un contrat sur la base d'une violation des dispositions du code de la consommation, seul le consommateur pouvant décider ou non de se prévaloir de la nullité du contrat, s'agissant d'un ordre public de protection. Elle estime que le juge a excédé ses pouvoirs de sorte que le jugement doit être annulé.

Elle fait valoir que ce moyen ne pouvait être soulevé car prescrit puisque le délai quinquennal de prescription s'est achevé le 17 mars 2017 alors que le juge l'a soulevé à son audience du 1er février 2019.

Elle conteste tout déblocage de fonds avant l'expiration du délai de sept jours. Elle explique que l'opération de rachat de crédits génère des inscriptions comptables mais aucun déblocage de fonds qui seraient mis à disposition par un virement ou chèque crédité sur le compte de dépôt de l'emprunteur.

Elle indique produire aux débats l'ensemble des pièces permettant de justifier de l'existence de sa créance et de son montant, la déchéance du terme ayant été prononcée le 19 février 2018.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été régulièrement signifiées à l'intimé par acte du 24 octobre 2019 conformément aux dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile. M. [Z] n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 8 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Au regard de la date de conclusion du contrat, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Sur la demande d'annulation du jugement pour excès de pouvoir

Relevant que la méconnaissance des dispositions d'ordre public du code de la consommation peut être soulevée d'office par le juge et visant l'article 6 du code civil, le premier juge a prononcé d'office la nullité du contrat de crédit pour violation des dispositions de l'article L. 311-17 du code de la consommation au motif que le prêteur avait débloqué les fonds avant l'expiration du délai de sept jours.

Si le tribunal a fait application de l'article L. 311-17 du code de la consommation, ce sont en réalité les dispositions de l'article L. 311-14 du code de la consommation en leur version applicable à la date du contrat qui trouvaient à s'appliquer. Ces dispositions prévoient que pendant un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat par l'emprunteur, aucun paiement sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur.

La demande de la Caisse d'épargne portait sur la condamnation de l'emprunteur au paiement des sommes dues au titre du contrat de crédit dont la déchéance du terme avait été prononcée. Aucune demande d'annulation du contrat n'était formulée alors que M. [Z], défendeur à l'instance, était non comparant ni représenté.

La Cour de cassation a admis (Civ. 1e, 22 janvier 2009, n° 03-11775) que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-17 du code de la consommation devenu L. 311-14 est sanctionnée non seulement pénalement comme le prévoit l'article L. 311-35 du même code mais également par la nullité du contrat de crédit en vertu de l'article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l'emprunteur du capital prêté.

Cependant, la nullité fondée sur l'article 6 code civil a un caractère relatif destiné à la seule protection de l'emprunteur. Il s'ensuit que le juge ne peut la soulever d'office, à la différence de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels prévue par les dispositions spécifiques du code de la consommation. Le caractère relatif de la nullité implique également la possibilité de confirmer l'acte. Il a été ainsi admis que l'emprunteur puisse renoncer, en connaissance de cause, à la sanction de la nullité (Com., 5 févr. 2013, n° 12-11.720).

Il en résulte que le premier juge, en l'absence de toute demande de la part de l'emprunteur non comparant, ne pouvait soulever d'office la nullité du contrat de crédit sur le fondement de l'article 6 du code civil. En statuant ainsi, il a excédé ses prérogatives, étant remarqué au demeurant qu'il ne résulte pas des mentions du jugement qu'il ait sollicité préalablement les observations du demandeur sur ce point en violation de l'article 16 du code de procédure civile.

Il convient donc d'annuler le jugement et de statuer à nouveau sur le fond par application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité

En application de l'article L. 311-52 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

Le premier impayé non régularisé remonte au mois de septembre 2017 au vu des pièces produites de sorte que l'action engagée par la Caisse d'épargne suivant acte du 9 août 2018 doit être déclarée recevable au regard des dispositions de l'article L. 311-52 du code de la consommation.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

L'appelante produit à l'appui de sa demande :

- l'offre de crédit acceptée le 17 mars 2012,

- la fiche de renseignements (ressources et charges),

- la fiche d'explication,

- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN),

- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement (FICP),

- la notice d'assurance,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique de prêt,

- un décompte de créance.

Pour fonder sa demande de paiement, l'appelante justifie de l'envoi à M. [Z] le 1er février 2018 d'un courrier recommandé de mise en demeure exigeant le règlement sous huit jours de la somme de 1 304,55 euros au titre des échéances impayées à défaut, la déchéance du terme du contrat sera acquise. Un courrier recommandé du 19 février 2018 porte à la connaissance de M. [Z] la déchéance du terme du contrat et l'exigibilité de la somme de 13 753,68 euros.

C'est donc de manière légitime que la Caisse d'épargne se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

En application de l'article L. 311-24, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, et sans préjudice des dispositions des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l'appelante s'établit de la façon suivante :

- échéances impayées : 1 449,54 euros

- capital restant dû : 9 499,50 euros

soit la somme totale de 10 949,04 euros.

Les demandes relatives à des échéances échues impayées dites « reportées » pour 2 804,64 euros ne sont pas justifiées et ne correspondent pas aux sommes réclamées à l'emprunteur par courrier recommandé du 1er février 2018. Les demandes à ce titre sont donc rejetées.

M. [Z] est en conséquence condamné au paiement de la somme de 10 949,04 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9,10 % l'an à compter du 20 février 2018.

L'appelante sollicite en outre la somme de 759,96 euros au titre de l'indemnité de résiliation laquelle correspond à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Par application des dispositions de l'article D. 311-6 du code de la consommation, il convient de condamner M. [Z] au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018.

L'article L. 311-23 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 devenus L. 312-39 et L. 312-40, ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation des intérêts est par conséquent rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut, par décision mise à disposition au greffe,

Annule le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France recevable en son action ;

Condamne M. [T] [Z] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France la somme de 10 949,04' euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9,10 % l'an à compter du 20 février 2018 outre la somme de 759,96 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018 ;

Condamne M. [T] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix et Mendes Gil ;

Condamne M. [T] [Z] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France la somme de 750 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/14747
Date de la décision : 21/04/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;19.14747 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award