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21/04/2022 | FRANCE | N°19/14417

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 21 avril 2022, 19/14417


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 21 AVRIL 2022



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14417 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALGF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er juillet 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-16-10-0499





APPELANTE



La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anon

yme à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE

N° SI...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14417 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALGF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er juillet 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-16-10-0499

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE

N° SIRET : 542 097 902 04319

1, boulevard Haussmann

75009 PARIS

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [M] [O]

né le 2 mai 1974 à MONTBELIARD (25)

5, rue de la Vierge

25380 CHARMOILLE

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

La SELAFA MJA prise en la personne de Maître [R] [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société VIVONS ENERGY, (SAS)

N° SIRET : 440 672 509 00021

102, rue du Faubourg Saint Denis

75010 PARIS

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, ConseillèreMme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre d'un démarchage à domicile et par acte sous-seing privé du 26 mars 2014, M. [M] [O] a acquis auprès de la société Vivons Energy un ensemble photovoltaïque au prix de 19 000 euros, financé à l'aide d'un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas personal finance ci-après dénommée BNPPPF.

Le 15 avril 2014, M. [O] a signé un certificat de livraison.

L'installation a été raccordée et un contrat de rachat d'électricité a été signé avec EDF le 18 janvier 2016.

La société Vivons Energy a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 13 décembre 2017 et la Selafa MJA désignée en qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy.

Saisi les 18 et 21 novembre 2016 par M. [O] d'une demande tendant principalement à l'annulation du contrat du contrat de vente et du contrat de crédit, le tribunal d'instance de Paris, par un jugement réputé contradictoire du 1er juillet 2019 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré les demandes recevables,

- prononcé l'annulation du contrat de vente et du contrat de prêt,

- dit que la société BNPPF a manqué à ses obligations lors de la souscription du contrat de crédit et lors de la libération des fonds et que ces fautes la privent du droit à restitution du capital emprunté,

- condamné la société BNPPF au remboursement des sommes versée en exécution du contrat de prêt, soit la somme de 23 744,11 euros,

- condamné la société BNPPF à payer à M. [O] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Après avoir déclaré les demandes recevables, le tribunal a principalement retenu que le bon de commande ne répondait pas aux exigences des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de la consommation à défaut de mention des références et de la marque des panneaux et de l'onduleur et en présence d'un formulaire de rétractation non facilement détachable. Il a considéré qu'il ne pouvait être déduit de l'absence d'opposition à l'installation ni de la signature d'un certificat de livraison que M. [O] ait entendu renoncé à la nullité du contrat entaché d'irrégularité.

Le tribunal a considéré que la société BNPPF avait commis une faute dans le déblocage des fonds sans vérifier la régularité du contrat principal et l'a donc privée de sa créance de restitution du capital emprunté.

Suivant déclaration enregistrée le 12 juillet 2019, la société BNPPPF venant aux droits de la société Sygma banque a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 24 janvier 2022, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de déclarer irrecevables les demandes en nullité des contrats de vente et de crédit et les rejeter ainsi que la demande en restitution des sommes réglées,

- à titre subsidiaire, en cas en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande visant à sa décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins la rejeter et condamner en conséquence M. [O] à lui payer la somme de 19 000 euros en restitution du capital prêté et de dire et juger que le montant de la restitution des sommes versées saurait excéder la somme effectivement versée par lui à hauteur de 21 803,32 euros et limiter en conséquence la restitution à ce montant tout en ordonnant la compensation des créances réciproques,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevables les demandes de M. [O] visant à la privation de sa créance et visant à sa condamnation au paiement de dommages- intérêts et à tout le moins les rejeter,

- très subsidiairement, limiter la réparation eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et compte tenu de sa faute ayant concouru à son propre préjudice et limiter en conséquence la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [O] d'en justifier,

- en cas de réparation par voie de dommages-intérêts, limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et de dire et juger que M. [O] reste tenu de restituer l'entier capital à hauteur de 19 000 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de décharge de l'obligation de l'emprunteur, de condamner M. [O] à lui payer la somme de 19 000 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,

- enjoindre à M. [O] de restituer à ses frais le matériel installé chez lui à la Selarl MJA liquidateur judiciaire de la société Vivons Energy dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt outre les revenus perçus au titre de la revente d'électricité et qu'à défaut de restitution, il restera tenu au remboursement du capital prêté et subsidiairement, le priver de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable,

- de débouter M. [O] de ses autres demandes,

- d'ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- de condamner M. [O] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que M. [O] a procédé en avril 2016 au remboursement anticipé intégral de son crédit. Elle estime que ce paiement a un effet extinctif de l'obligation de sorte que l'intimé n'est pas recevable à agir sur le fondement de la répétition de l'indu. Il soutient que les demandes ne sont pas recevables en ce qu'elles visent à remettre en cause le paiement effectué au titre d'un contrat de crédit. Elle soulève également l'irrecevabilité des demandes à défaut de déclaration de la créance au passif de la procédure collective de la société Vivons Energy.

Elle se fonde sur l'article 1134 du code civil pour dire que la demande d'annulation du bon de commande pour violation du formalisme imposé par le code de la consommation aurait pour objet de remettre en cause a posteriori un contrat au-delà du délai de rétractation pour des motifs autres que la cause de nullité invoquée.

Elle rejette toute irrégularité formelle du bon de commande au regard de l'article L. 121-23 du code de la consommation. Elle estime que la marque du matériel n'est pas une caractéristique essentielle de l'installation photovoltaïque. Elle ajoute que l'absence de remise d'un plan technique ne permet pas de considérer que la désignation du matériel ne serait pas conforme aux dispositions textuelles.

Elle fait remarquer que M. [O] ne produit pas un bon de commande complet, ne produisant que le recto alors que les conditions générales de vente figurent au verso et qu'il reconnaît les avoir reçues. Elle soutient que l'intimé est défaillant dans la preuve des manquements alors que les modalités d'exécution de la prestation figurent dans les conditions générales de vente.

Elle note qu'il appartient à l'acquéreur de produire son exemplaire du bon de commande en original et complet, afin que la cour puisse constater le caractère détachable du bordereau de rétractation. Elle observe que le non-respect de l'article L. 121-4 du code de la consommation n'est pas sanctionné par la nullité du contrat.

Elle prétend que l'acquéreur ne justifie d'aucun préjudice qui résulterait des irrégularités formelles alléguées et qu'il a confirmé le contrat et renoncé à se prévaloir d'une nullité en réceptionnant les travaux sans aucune réserve, en sollicitant expressément le paiement de la prestation suite à la réception et en procédant au remboursement anticipé complet du crédit. Elle ajoute que postérieurement à l'introduction de son action, M. [O] a poursuivi l'exécution des contrats en continuant à revendre de l'électricité, en pleine connaissance des moyens allégués.

S'agissant des allégations de dol et d'absence de cause au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil, elle soutient qu'elles ne sont pas étayées et relève qu'aucun élément n'est fourni sur la réalité d'une promesse d'autofinancement, sur les allégations de partenariats mensongers ou sur la rentabilité de l'installation.

Elle rappelle qu'en cas de nullité des contrats, seule la responsabilité civile délictuelle des parties peut être engagée, ce qui ne permet pas de soutenir une inexécution d'une obligation contractuelle supposée n'avoir jamais existé. Elle ajoute qu'aucun texte ne met à sa charge une obligation de vérification de la régularité du bon de commande et qu'elle n'est responsable que de la formation de son propre contrat de crédit conformément aux dispositions de l'article L. 311-51 du code de la consommation.

Elle conteste toute faute dans le versement des fonds puisqu'elle n'a fait qu'exécuter l'ordre de paiement donné par son mandat conformément aux règles du mandat et a versé les fonds au vu d'un certificat de livraison sans réserve.

Elle fait valoir qu'en tout état de cause aucune préjudice n'est démontré ni aucun lien de causalité avec la faute alléguée, d'autant que M. [O] va conserver en sa possession une installation fonctionnelle alors que la société Vivons Energy est en liquidation judiciaire.

Par des conclusions remises le 13 décembre 2021, M. [O] demande à la cour :

- de confirmer la décision en ce qu'elle l'a reçue en ses demandes, a prononcé la nullité des contrats, a dit que la société BNPPPF a manqué à ses obligations, a privé cette dernière du remboursement du capital emprunté et l'a condamnée à rembourser à l'emprunteur la somme de 23 744,11 euros outre 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- d'infirmer le jugement pour le surplus,

- de prononcer la dépose du matériel aux frais de la société BNPPPF ainsi que la remise en l'état de la toiture et de tout ce qui aura été endommagé par l'enlèvement du matériel dans les deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour,

- de dire qu'à défaut de dépose du matériel dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir, qu'il pourra disposer librement dudit matériel,

- de condamner la société BNPPPF au versement de la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice financier et du trouble de jouissance et de la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- de condamner la société BNPPPF au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] soutient que son action est recevable en ce qu'il ne formule aucune demande financière à l'encontre du vendeur placé en liquidation judiciaire.

Il estime que le remboursement anticipé du prêt ne constitue pas une reconnaissance de dette alors que l'appelante ne fournit aucun fondement juridique à son moyen et qu'il ne fonde pas son action sur une répétition de l'indu. Il plaide sa bonne foi.

Il soulève la nullité du contrat de vente pour non-respect des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation à défaut de mention relative aux références, à la marque et à la puissance globale des panneaux et de l'onduleur, à leur poids, leur dimension, leur performance globale. Il constate l'absence de modalités de pose, de mentions sur l'impact visuel, de plan technique, l'indication d'un délai de livraison de trois semaines mensonger, l'absence de délai de mise en service. Il affirme que le bon de commande ne précise pas le nom de l'établissement financier qui accorde le crédit.

Il soulève également la nullité du contrat de vente pour non-respect des dispositions de l'article L. 121-24 du code de la consommation en ce que le formulaire détachable fait partie intégrante du contrat signé par le client et qu'il ne peut être séparé, sans endommager le contrat de sorte que les clients ne peuvent plus se prévaloir du contrat objet de leur rétractation, ce qui est illégal selon lui.

Il soulève la nullité du contrat de vente pour vice du consentement sur le fondement des articles 1130, 1131, et 1137 du code civil et L.111-1 du code de la consommation pour défaut de nombreuses mentions obligatoires et absence d'informations relatives au délai de raccordement, à l'assurance obligatoire à souscrire, à la location obligatoire d'un compteur de production auprès de la société EDF, à la durée de vie des matériels et notamment, celle de l'onduleur électrique. Il prétend que la société Vivons Energy a sciemment fait état de partenariats mensongers pour pénétrer son habitation et a présenté de manière fallacieuse la rentabilité de l'installation.

Il conteste toute confirmation de la nullité.

Il soulève une faute de la banque qui a financé un contrat nul et qui a libéré les fonds sans s'assurer que le vendeur avait bien exécuté ses obligations. Il estime que cette faute prive la banque de son droit à restitution du capital prêté. Il indique que le raccordement a eu lieu postérieurement à la signature de l'attestation de livraison et que la banque a accepté de financer des installations réalisées sans accord municipal, s'agissant pourtant d'une condition suspensive du contrat en cause.

M. [O] fait état d'un préjudice financier qu'il évalue à 2 000 euros et d'un préjudice moral qu'il évalue à 3 000 euros.

Régulièrement assignée par acte d'huissier délivré à personne morale le 23 septembre 2019 conformément aux dispositions de l'article 658 du code de procédure civile, la Selafa MJA prise en la personne de Maître [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vivons Energy n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience le 8 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

A titre liminaire, la cour constate qu'il n'est pas contesté que la société BNP Paribas personal finance vient aux droits de la société Sygma banque.

Sur la recevabilité des demandes de M. [O]

Sur la fin de non-recevoir tirée du règlement anticipé du crédit

La société BNPPPF soulève l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre eu égard au remboursement anticipé du crédit par M. [O] valant reconnaissance de dette. Elle soutient que ce paiement a éteint la dette et que M. [O] n'est plus recevable à agir sur le fondement de la répétition de l'indu.

En l'espèce, il est justifié que M. [O] a procédé le 24 juin 2016 au remboursement anticipé du crédit souscrit par lui le 26 mars 2014 avant d'assigner la société Vivons Energy et la société Sygma banque selon actes des 18 et 21 novembre 2016.

L'action de M. [O] tend à voir prononcer l'annulation du contrat de vente souscrit auprès de la société Vivons Energy et la nullité du contrat de crédit affecté souscrit pour financer l'opération. Sa demande n'est donc pas fondée sur une répétition de l'indu mais tend notamment pour ce qui concerne la société BNPPPF, à obtenir restitution des sommes versées par suite de l'annulation de l'ensemble contractuel.

Si le paiement effectué par l'emprunteur vaut exécution de sa part de l'obligation contractuelle de paiement dont il était tenu, cela ne le prive en rien d'agir ultérieurement en annulation de l'ensemble contractuel dont fait partie le contrat de crédit litigieux au regard des conditions de sa formation.

Il en résulte qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et que la fin de non-recevoir formée en cause d'appel à ce titre doit être rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la procédure collective du vendeur

La société BNPPPF soulève l'irrecevabilité de la demande de nullité en l'absence de déclaration de la créance au passif de la procédure collective de la société Vivons Energy.

Par application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. L'article L. 622-22 prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

Si la société Vivons Energy fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, force est de constater que M. [O] n'a formé aucune demande de condamnation pécuniaire à l'encontre de celle-ci, mais une demande principale tendant à voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, prononcée par le premier juge, et discutée à cause d'appel, peu important que cette action est susceptible d'entraîner des restitutions.

L'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Vivons Energy par M. [O] est donc indifférente à la recevabilité de son action,

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée à ce titre.

Sur la fin de non-recevoir soulevée sur le fondement de l'article 1134 du code civil

La société BNPPPF se fonde dans ses écritures sur l'article 1134 alinéa 1 du code civil pour invoquer le caractère irrecevable et à tout le moins infondé de la demande de nullité des contrats, faisant état du caractère exceptionnel de la remise en cause d'un contrat par une partie qui ne doit pas agir de mauvaise foi.

Ce faisant, l'appelante n'explique pas en quoi le non-respect des dispositions de l'article 1134 du code civil en leur version applicable en la cause viendrait fonder une irrecevabilité des demandes formulées.

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et que la fin de non-recevoir formée à ce titre en cause d'appel doit être rejetée.

Sur la nullité des contrats de vente et de crédit

Il est rappelé le 26 mars 2014, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [O] a acquis auprès de la société Vivons Energy un ensemble photovoltaïque au prix de 19 000 euros.

Le même jour, il a souscrit auprès de la société Sygma banque un prêt d'un montant de 19 000 euros destiné au financement de l'installation au taux d'intérêts contractuel de 5,76 % l'an remboursable sur une durée de 132 mois avec un report de paiement d'une durée de 12 mois.

Le 15 avril 2014, M. [O] a signé un certificat de livraison aux termes duquel il atteste que la société Vivons Energy a exécuté la prestation et il accepte le déblocage des fonds au profit du vendeur. La société Sygma banque a procédé au déblocage des fonds sur la base de cette attestation.

L'installation a été raccordée et un contrat de rachat d'électricité a été signé avec EDF le 18 janvier 2016.

Sur la nullité formelle

Il est constant que le contrat est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.

L'article L. 121-23 dispose :

"Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes:

1° Noms du fournisseur et du démarcheur,

2° Adresse du fournisseur,

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat,

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L.313-1,

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L.121-26".

Selon l'article L. 121-24 du même code, le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25. Les articles R. 121-3 et R. 121-5 du même code précisent notamment que ce formulaire fait partie de l'exemplaire du contrat laissé au client et qu'il doit pouvoir en être facilement séparé.

En l'espèce, il est constaté que contrairement à ce qu'indique la société BNPPPF, M. [O] verse aux débats une copie du bon de commande souscrit par lui le 26 mars 2014 comprenant en son verso les conditions générales de vente ainsi que le formulaire détachable de rétractation.

Le bon de commande à en-tête Activ éco porte sur une centrale photovoltaïque d'une puissance de 2500 w comprenant 10 panneaux de 250 w, un kit d'intégration-coffret de protection, un disjoncteur -parafoudre-onduleur au prix TTC de 19 000 euros. Il est indiqué que la livraison aurait lieu sous trois mois et que l'installation est sous réserve de toute faisabilité technique et administrative et que le contrat est nul et caduc en cas de refus.

Le paiement est prévu au moyen d'un crédit de 19 000 euros auprès de « Sygma » par mensualités de 250,10 euros au TEG de 5,87 % avec un report de 12 mois.

La description de l'équipement promis est suffisamment précise pour permettre à M. [O] de vérifier la teneur et la complétude de celui qui sera effectivement installé et, le cas échéant de comparer l'offre de la société Vivons Energy à des offres concurrentes notamment pendant le délai de rétractation qu'il n'a pas souhaité faire jouer.

Elle satisfait donc le 4° de l'article précité et c'est à tort, qu'ajoutant au texte, le premier juge a considéré que le défaut de mention de la marque et des références des panneaux et de l'onduleur constituaient une violation des dispositions susvisées.

Il n'est pas démontré en quoi la mention de la puissance globale des panneaux et de l'onduleur, de leur poids, de leur dimension, de leur performance globale, des modalités de pose et d'impact visuel, d'un plan technique pouvaient constituer, in concreto, des caractéristiques essentielles du matériel au sens d'article précité.

Le bon de commande mentionne expressément le prix global à payer en conformité avec le 6° de l'article précité. S'agissant des modalités de paiement, contrairement à ce qui est soutenu, le nom de l'établissement financier qui octroie le crédit figure bien sur le bon de commande.

En outre, le contrat de crédit souscrit le même jour par M. [O] avec la société Sygma banque précise bien le nom de l'organisme prêteur ainsi que ses coordonnées, la somme empruntée, la durée du crédit, les mensualités à payer, le taux débiteur fixe, le taux annuel effectif global de sorte que l'ensemble des éléments d'information nécessaires sur le financement de l'opération a bien été porté à la connaissance de l'emprunteur en conformité avec le 6° de l'article susvisé.

Le délai de livraison est indiqué sous trois semaines. Il n'est pas démontré en quoi l'indication d'un tel délai est parfaitement mensongère comme le soutient M. [O].

Les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande précisent que la livraison des produits et matériels dans la limite des stocks disponibles est déterminée avec le vendeur qui fixe avec le client une date de livraison dans la limite de 200 jours maximum à compter de la signature du contrat et sous réserve de l'obtention des autorisations administratives nécessaires et de l'acceptation du dossier de financement. Il est précisé que le rejet du dossier administratif ou du financement emportera résolution du bon de commande et que l'absence de livraison/installation à l'issue du délai de 200 jours vaut notification implicite au client du rejet de son dossier.

Les modalités et délais de livraison ont donc bien été déterminés répondant aux exigences du 5° de l'article susvisé.

Les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation sont reproduits en leur intégralité au sein des conditions générales de vente, juste au-dessus du bordereau de rétraction satisfaisant au 7° de l'article précité.

M. [O] soutient que le formulaire détachable ne peut être séparé du contrat sans l'endommager de sorte que les clients ne peuvent plus se prévaloir du contrat objet de leur rétractation, et que cette pratique est illégale.

Aucun élément ne permet de dire que ce formulaire ne saurait pas facilement détachable du bon de commande avec endommagement du contrat, M. [O] se contentant de produire une photocopie en noir et blanc du bon de commande reproduite sur deux pages A4 séparées ne permettant pas de connaître le positionnement exact du bordereau de rétractation par rapport au recto du bon de commande.

La copie produite permet de constater que le formulaire figure tout en bas des conditions générales de vente, qu'un trait pointillé permet de le découper pour l'adresser au vendeur et que les mentions qui y figurent sont lisibles et conformes aux textes susvisés.

Il s'ensuit qu'une cause de nullité du contrat de ce chef n'est pas étayée.

Sur la nullité pour dol

M. [O] soulève la nullité du contrat de vente pour vice du consentement sur le fondement des articles 1130, 1131, et 1137 du code civil et L.111-1 du code de la consommation.

Selon l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En l'espèce, M. [O] soutient que le vendeur a fait preuve de réticences dolosives concernant certaines mentions obligatoires du contrat et informations qu'il aurait dû lui communiquer ayant trait notamment au délai de raccordement, à l'assurance obligatoire à souscrire en cas d'acquisition de tels matériels, à la location obligatoire d'un compteur de production auprès de la société EDF et à la durée de vie des matériels et notamment, celle de l'onduleur électrique.

Il estime également que le vendeur a fait état de partenariats mensongers avec EDF pour pénétrer son habitation et a usé de man'uvres dolosives et d'une présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation.

M. [O] ne produit aucun élément probant au soutien de ses affirmations. Le bon de commande ne souffrant pas de critique au regard de la réglementation en vigueur au moment de sa souscription, le moyen de défaut d'information ou de réticence dolosive doit être écarté.

Il n'est pas démontré en quoi il serait critiquable pour la société venderesse de faire état de partenariat avec la société EDF dès lors que le raccordement de l'installation et la possibilité de vendre l'électricité produite dépendent d'elle. Il n'est absolument pas démontré en quoi elle a utilisé l'image de l'organisme bancaire pour convaincre M. [O] de la véracité de son argumentation présentée comme fallacieuse.

Il n'est pas non plus démontré que la société Vivons Energy a fait état de perspectives de rendement chiffrées qu'elle savait fallacieuses et que l'agent intervenu à l'opération ne pouvait ignorer ce fait et le dol qu'il commettait en engageant M. [O] à emprunter trois fois plus qu'il ne pourrait gagner. M. [O] ne produit aucun élément permettant de dire que la société Vivons Energy s'est engagée sur une quelconque rentabilité de l'installation ni sur la performance de son installation photovoltaïque.

La demande de nullité sur le fondement du dol est rejetée.

En conséquence, il n'y a pas lieu à annulation du contrat de vente et le contrat de crédit n'est pas nul de plein droit.

Le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des contrats est donc infirmé.

Sur la responsabilité de la société Sygma banque

Si M. [O] invoque une faute de la banque pour avoir consenti un crédit et débloqué les fonds sur la base d'un bon de commande nul, les motifs qui précèdent rendent sans objet ce grief dès lors que le bon de commande n'est pas annulé.

M. [O] soutient que la banque ne peut se prévaloir d'une attestation de livraison qui ne présume pas de l'exécution totale et complète du contrat de vente en l'absence de raccordement ERDF qui ne pouvait matériellement être réalisé avant l'écoulement de plusieurs mois. Il précise que le financement a eu lieu alors que l'accord de la municipalité n'était pas encore obtenu et que la banque a donc financé des travaux réalisés de manière illégale.

Selon l'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.

Les dispositions de l'article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l'égard de l'emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et l'appelante fait valoir à juste titre que l'obligation de plein droit à l'égard de l'emprunteur mise à sa charge par l'article L. 311-51 du code de la consommation ne concerne que le contrat de crédit et ne saurait la rendre garante de l'exécution du contrat principal.

Il est rappelé que le contrat de crédit souscrit par M. [O] prévoit expressément que le déblocage des fonds prêtés intervient au nom et pour le compte de l'emprunteur sur sa demande directement au vendeur du ou des bien(s) ou au prestataire des services faisant l'objet du financement au titre du contrat de crédit dès la justification au prêteur de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de services à l'emprunteur.

M. [O] a signé le 15 avril 2014 un certificat de livraison aux termes duquel il atteste que la livraison a été réalisée conformément à la commande, qu'il n'a pas demandé à être livré immédiatement et qu'il autorise expressément le prêteur à procéder au déblocage des fonds directement entre les mains du vendeur.

La société Sygma banque a procédé au déblocage des fonds le 30 avril 2014.

Le raccordement de l'installation était réalisé le 28 octobre 2014 et un contrat de rachat d'électricité signé avec EDF le 18 janvier 2016.

Le certificat de livraison permet d'identifier sans ambiguïté l'opération financée qui ne met à la charge du vendeur que les démarches administratives ainsi que les frais afférent au raccordement réalisé par ERDF, société extérieure à la relation contractuelle. Il s'ensuit qu'il ne saurait être reproché à la société Sygma banque d'avoir procédé au déblocage des fonds au vu d'une attestation d'exécution des travaux signée par l'acheteur sans aucune réserve et portant bien sur les prestations à la charge de la société Vivons Energy ni de ne pas avoir opéré de vérifications complémentaires auxquelles elle n'était pas tenue de procéder.

Il est remarqué au surplus que M. [O] ne démontre aucun préjudice qui résulterait de la faute alléguée, l'installation étant fonctionnelle et produisant de l'électricité revendue à EDF.

Il s'ensuit que le jugement doit être infirmé sur ce point et les demandes de M. [O] à ce titre rejetées.

Il convient de rappeler que l'emprunteur reste redevable de plein droit du remboursement des sommes perçus en exécution du jugement qui est infirmé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette les fins de non-recevoir ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable M. [M] [O] en ses demandes ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Déboute M. [M] [O] de l'intégralité de ses demandes ;

Rappelle que M. [M] [O] est redevable de plein droit du remboursement des sommes qu'il a perçues en exécution du jugement qui est infirmé ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [M] [O] aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil ;

Condamne M. [M] [O] à verser à la société BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma banque une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/14417
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;19.14417 ?
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