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21/04/2022 | FRANCE | N°19/06605

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 21 avril 2022, 19/06605


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 21 AVRIL 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06605 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7TC6 - Jonction avec le dossier RG N° 19/07837



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS (17ème) - RG n° 11-15-01-0274





APPELANTE



Le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE, sociétÃ

© anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 029 848 03947

182, avenue de France

75013 PARIS



représent...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06605 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7TC6 - Jonction avec le dossier RG N° 19/07837

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS (17ème) - RG n° 11-15-01-0274

APPELANTE

Le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 029 848 03947

182, avenue de France

75013 PARIS

représenté par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

assisté de Me Henri ELALOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1102

substitué à l'audience par Me Maud BOUHEY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1102

INTIMÉS

Monsieur [S] [F]

né le 21 novembre 1973 à MONTLUCON (03)

86, rue de Chamoy

10109 BERCENAY EN OTHE

représenté par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

Madame [Y] [W] épouse [F]

née le 11 mars 1981 à AUXERRE (89)

86, rue de Chamoy

10109 BERCENAY EN OTHE

représentée par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

La SELARL EMJ prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société SUNBOX

62, boulevard de Sébastopol

75003 PARIS

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 18 janvier 2013 et dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [S] [F] et Mme [Y] [F] ont conclu avec la société Sunbox un contrat de vente portant sur des panneaux photovoltaïques et une éolienne au prix de 40 900 euros.

Par acte du même jour, M. et Mme [F] ont accepté une offre de crédit auprès de la société Crédit Foncier de France portant sur la somme de 40 900 euros destinée au financement de l'installation, au taux nominal de 6,38 % l'an remboursable en 168 mensualités avec un report de 12 mois.

La société Sunbox a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Paris du 27 février 2014 et la Selarl EMJ désignée en qualité de mandataire liquidateur de cette société.

Saisi le 28 et 29 octobre 2015 par M. et Mme [F] d'une demande tendant à l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté et à titre subsidiaire la résolution de ces contrats, le tribunal d'instance de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 25 janvier 2019 auquel il convient de se reporter, a :

- prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit affecté,

- dit que la société Crédit foncier de France a commis une faute qui la prive de son droit à restitution du capital emprunté,

- dit que M. et Mme [F] devront restituer à Maître [I] [K] en sa qualité de liquidateur de la société Sunbox le matériel posé en exécution du contrat de vente conclu le 18 janvier 2013 et dit que la mise à disposition de ce matériel à leur domicile pendant une durée de 6 mois à compter de la signification de la décision vaut restitution,

- condamné la société Crédit foncier de France à restituer à M. et Mme [F] le montant des sommes dont ils se sont acquittés au titre du prêt du 18 janvier 2013,

- débouté la société Crédit foncier de France de ses demandes en paiement formées à l'encontre de M. et Mme [F],

- débouté la société Crédit foncier de France de sa demande en dommages-intérêts,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Crédit foncier de France à payer à M. et Mme [F] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Pour prononcer la nullité du contrat de vente, le premier juge a retenu que le bon de commande ne mentionnait pas la marque des panneaux, de l'onduleur et de l'éolienne et que ni les caractéristiques des matériels ni les conditions de pose n'étaient précisées ni le prix unitaire de chaque matériel au regard des prescriptions de l'article L. 121-23 du code de la consommation. Il a considéré qu'il n'était pas démontré que les acquéreurs aient entendu couvrir la nullité.

Il a retenu que la banque avait commis une faute en finançant une opération intrinsèquement nulle et en débloquant les fonds sans vérifier une exécution complète du contrat principal, justifiant la privation de son droit à restitution du capital emprunté.

Par déclarations des 22 mars 2019 et 3 avril 2019, la société Crédit foncier de France a relevé appel de cette décision.

Les deux appels en termes identiques ont fait l'objet d'une décision de jonction le 10 septembre 2019.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 22 décembre 2021, la société Crédit foncier de France demande à la cour :

- de la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,

- de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- de débouter M. et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes formées à son encontre,

- de condamner M. et Mme [F] à lui payer la somme de 13 489,11 euros au titre des échéances impayées à la date du 10 juin 2020,

- de condamner M. et Mme [F] à reprendre les échéances de remboursement de leur prêt à compter du 10 juin 2019,

- à titre subsidiaire de dire que la nullité éventuellement encourue par le contrat principal est une nullité relative ayant été couverte par le comportement ultérieur de M. et Mme [F],

- à titre très subsidiaire, en cas d'annulation des contrats, de dire que M. et Mme [F] sont débiteurs à son égard du montant du capital libéré et non encore amorti et en conséquence de les condamner à lui payer la somme de 29 591,14 euros augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- de dire que les mensualités déjà versées par M. et Mme [F] doivent demeurer acquises en contrepartie du capital versé,

- dans l'hypothèse où la cour ordonnerait une remise en état, de condamner M. et Mme [F] à lui rembourser le montant du capital prêté, soit 40 900 euros,

- de condamner M. et Mme [F] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le contrat principal est conforme aux prescriptions de l'article L. 121-23 du code de la consommation et relève que les intimés se sont abstenus de communiquer le verso du contrat litigieux, lequel comporte les conditions générales et le bordereau de rétractation. Visant l'article 1116 du code civil, elle souligne que les intimés ne rapportent pas la preuve du dol qu'ils allèguent. Elle conteste que le contrat ait été présenté comme un dossier de candidature et soutient qu'aucune promesse d'autofinancement n'a été formulée.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que les intimés ont confirmé l'acte entaché de nullité en utilisant l'installation et en procédant au remboursement partiel anticipé du prêt. Elle conteste toute inexécution contractuelle imputable à la venderesse susceptible de fonder une résolution du contrat.

Elle relève qu'aucune inexécution contractuelle ne lui est imputable et que la demande de résolution du contrat de prêt est donc infondée. Elle rappelle que l'opération de crédit est régie par les articles L. 341-1 et suivants du code monétaire et financier et qu'aucun manquement aux règles relatives au démarchage à domicile ne lui est imputable. Elle indique que la société Sunbox était habilitée à proposer le crédit aux termes du contrat de mandat d'intermédiaire en opérations de banque qu'elle verse aux débats.

Elle conteste être à l'origine de tromperie ou d'agissements dolosifs, tout manquement à ses obligations contractuelles et indique ne pas être tenue de contrôler la régularité du bon de commande. Elle ajoute qu'elle n'a commis aucune faute en débloquant les fonds, l'installation étant fonctionnelle. Visant l'article L. 311-13 du code de la consommation elle conteste avoir débloqué les fonds de manière précoce.

Subsidiairement en cas d'annulation du contrat de prêt, elle demande la restitution du capital prêté en raison de sa bonne foi et de l'absence de toute faute contractuelle lui étant imputable.

Par des conclusions remises par voie électronique le 27 août 2019, M. et Mme [F] demandent à la cour :

- de juger infondé l'appel formé par la banque Crédit foncier de France à l'encontre du jugement dont appel,

- de débouter la société Crédit foncier de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé l'annulation des deux contrats, jugé que la société Crédit foncier de France a commis une faute dans le déblocage des fonds la privant de son droit à restitution du capital prêté et a condamné celle-ci à leur restituer le montant total des échéances payé au titre du contrat de prêt,

- de condamner la société Crédit foncier de France à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Ils estiment que le bon de commande ne désigne pas avec suffisamment de précision les matériels vendus à défaut de mention du nombre de panneaux, de la marque et du modèle des panneaux et de l'onduleur, de la puissance de l'onduleur, du prix unitaire des différents biens et prestations à la charge de la société Sunbox, d'un descriptif suffisamment précis des prestations de services vendues, de l'absence de délai de livraison et d'une reproduction des dispositions du code de la consommation insuffisamment apparente avec une police trop petite.

Ils font état de man'uvres dolosives au sens de l'article 1116 du code civil, la venderesse leur ayant garanti un autofinancement de l'installation et leur ayant présenté le contrat comme un simple dossier de candidature.

Ils contestent avoir couvert la nullité encourue en ce qu'en tant que consommateurs profanes, ils n'ont pas eu connaissance du vice affectant le bon de commande ni l'intention de le réparer. Ils font remarquer que les articles du code de la consommation et le bordereau de rétractation figurent au verso du bon, au sein des conditions générales de vente, sur lesquelles l'attention des consommateurs n'est pas naturellement attirée et sans explication sur leur présence à cet emplacement. Ils soutiennent qu'ils sont rédigés en petits caractères dans un bloc compact de caractères et sans mise en évidence, pré imprimés en gris clair sur un feuillet vert clair et donc illisibles. Ils estiment ne pas avoir été mis en mesure de prendre bonne connaissance de leurs droits et d'exercer leur droit de rétractation dans le délai de 7 jours.

Ils font valoir que la banque a commis une faute en leur octroyant un crédit sur la base d'un contrat intrinsèquement nul et en ayant débloqué les fonds sur le fondement d'une simple autorisation de versement, en l'absence d'attestation de fin de travaux et malgré une installation incomplète. Ils soutiennent que ces fautes doivent conduire à la privation de la banque de son droit à restitution du capital prêté et réclament au visa de l'article 1235 du code civil la restitution des échéances du prêt indûment payées.

Régulièrement assigné par acte d'huissier de justice délivré les 21 mai 2019 conformément aux dispositions de l'article 658 du code de procédure civile, la Selarl EMJ ès-qualités n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 2 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit

Il est rappelé que le 18 janvier 2013, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. et Mme [F] ont conclu avec la société Sunbox un contrat de vente portant sur des panneaux photovoltaïques et une éolienne au prix de 40 900 euros. L'installation a été financée au moyen d'un crédit souscrit le même jour auprès de la société Crédit foncier de France.

La pose des panneaux et de l'éolienne par la société Sunbox a eu lieu le 15 février 2013. M. et Mme [F] ont signé une autorisation de versement des fonds au vendeur. L'installation a été mise en service le 10 juin 2013 et un contrat de rachat d'énergie électrique signé par M. et Mme [F] le 2 juin 2014.

***

Il est constant que le contrat principal conclu entre M. et Mme [F] et la société Sunbox est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.

L'article L. 121-23 dispose que les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

En l'espèce, le bon de commande original versé aux débats signé par M. et Mme [F] le 18 janvier 2013 porte sur :

- des panneaux photovoltaïques de type Monocristallin certifiés NF EN 61215 CLASSE II d'une puissance globale de 3 180 Wc,

- un kit d'intégration au bâti-onduleur-coffret de protection-disjoncteur-parafoudre,

- un kit éolienne,

- le forfait d'installation de l'ensemble et la mise en service,

- les démarches administratives (mairie, EDF, ERDF, Assurance RC et PE) + Consuel,

- la prise en charge des frais de raccordement ERDF à hauteur de 1 500 euros.

Le prix est indiqué pour 40 900 euros TTC.

Le financement au moyen d'un crédit souscrit auprès du Crédit foncier de France est précisé pour 40 900 euros remboursable en 168 mensualités de 391,31 euros chacune soit un coût total de 65 740,58 euros au TEG de 6,59 % l'an.

Les caractéristiques essentielles du matériel vendu sont suffisantes et permettaient aux acquéreurs de comparer utilement la proposition de la société Sunbox notamment en termes de prix avec des offres concurrentes en particulier pendant le délai de rétractation et de vérifier que tous les éléments nécessaires au fonctionnement de l'installation avaient bien été livrés et installés.

En effet, il n'est pas étayé au-delà de considérations générales en quoi la marque des panneaux, de l'onduleur et de l'éolienne, la puissance de l'onduleur, le prix unitaire des différents matériels et prestations pouvaient constituer, in concreto, des caractéristiques essentielles du produit au sens de l'article précité, alors que la description des matériels vendus et prestations proposées est suffisamment détaillée au regard des exigences textuelles.

Le prix global à payer et les conditions de paiement sont précisés.

Le délai d'installation est indiqué à savoir 90 jours à compter de l'obtention des accords administratifs et techniques et d'acceptation du financement. Les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande détaillent en caractères parfaitement lisibles les modalités de livraison et de mise en service, les modalités de raccordement, les garanties, les modalités d'exécution des travaux.

Les conditions générales de vente reproduisent en caractères parfaitement lisibles sur un fond jaune homogène, le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dont la simple lecture suffit à informer une personne normalement avisée des exigences de la réglementation en matière de démarchage à domicile et plus particulièrement des mentions nécessaires à la validité du bon de commande et des conditions et modalités d'annulation de la commande. Le bordereau détachable d'annulation figure en bas du verso du bon de commande et est lui-même rédigé en caractères parfaitement lisibles.

Il résulte de ce qui précède, que le bon de commande litigieux répond aux exigences textuelles et que dès lors aucune nullité du contrat de vente n'est encourue de ce chef.

***

M. et Mme [F] sollicitent l'annulation du contrat de vente pour dol soutenant avoir été trompés par des promesses d'autofinancement de l'installation qu'ils ont achetée présentée comme rendant possible une importante revente d'électricité censée couvrir les mensualités du crédit. Ils évoquent une estimation de production de 9 272 Kwh pour la première année et un tarif de rachat EDF indexé à 0,374 euros/Kwc pour cette même année. Ils estiment que la production et la revente auraient donc dû rapporter 3 467,74 euros pour leur première année de production alors qu'elles n'ont rapporté que 1 571,60 euros.

Selon l'article 1116 ancien du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le bon de commande fait état sur le recto d'une estimation de production de 9 272 kwh la première année avec une mention de tarif de rachat EDF au jour du contrat à 0,374 euros/Kwc.

Pour étayer la promesse d'un autofinancement de l'opération, M. et Mme [F] produisent un document intitulé Protocole photovoltaïque sans aucune référence au bon de commande du 18 janvier 2013 présentant des simulations chiffrées.

M. et Mme [F] ne fournissent aucun élément permettant de rattacher ce document au contrat signé alors que l'article 9 des conditions générales de vente du contrat précise bien que le vendeur ne saurait garantir un quelconque rendement. Le rendement de l'installation n'est pas démontré puisque M. et Mme [F] ne produisent qu'une seule facture datée du 10 juin 2014 attestant d'une production énergétique pour 1 571,60 euros sans aucun autre élément permettant d'établir un rendement sur une durée plus longue alors que le contrat de rachat d'électricité a été signé en juin 2014.

En conséquence, M. et Mme [F] ne démontrent pas le dol qu'ils imputent à la société Sunbox.

Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions sur le fond et M. et Mme [F] sont déboutés de leurs demandes d'annulation des contrats litigieux. Le rejet des demandes d'annulation des contrats litigieux rend sans objet les prétentions des parties relatives à la restitution des sommes versées par M. et Mme [F].

***

La société Crédit foncier de France fait valoir que les échéances du crédit sont impayées depuis mai 2019 et sollicite la condamnation de M. et Mme [F] à lui régler la somme de 13 489,11 euros arrêtée au 15 décembre 2021 avec reprise du paiement des échéances à compter du 10 juin 2019.

A l'appui de sa demande, la société Crédit foncier de France verse aux débats le contrat de crédit, la fiche de situation des emprunteurs, l'attestation d'explication, la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, le tableau d'amortissement du crédit et un relevé d'écritures.

Il résulte de ces éléments que les échéances du crédit ne sont plus réglées depuis l'appel d'échéance du 10 juin 2019. La société Crédit foncier de France ne justifie toutefois de l'envoi d'aucun courrier dont il résulte une interpellation suffisante quant au défaut de paiement des échéances du crédit et octroyant un délai aux emprunteurs pour régulariser leur situation comme les dispositions contractuelles le prévoient.

Il s'ensuit que la demande en paiement doit être rejetée et que M. et Mme [F] devront reprendre le paiement des échéances du crédit.

Sur l'action en responsabilité contre le prêteur

M. et Mme [F] entendent mettre en mettre en cause la responsabilité de la société Crédit foncier de France pour avoir consenti un crédit et débloqué les fonds sur la base d'un bon de commande nul et sans s'assurer que l'intégralité des prestations attendues avait bien été finalisée.

Le moyen tiré du financement d'une opération nulle doit être écarté au regard du rejet de la demande d'annulation du contrat de vente.

Selon l'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.

Les dispositions de l'article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l'égard de l'emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et l'appelante fait valoir à juste titre que l'obligation de plein droit à l'égard de l'emprunteur mise à sa charge par l'article L. 311-51 du code de la consommation ne concerne que le contrat de crédit et ne saurait la rendre garante de l'exécution du contrat principal.

En l'espèce, la société Sunbox a établi le 15 février 2013 une facture correspondant au devis pour un montant de 40 900 euros TTC. La société Crédit foncier de France a informé M. et Mme [F] par courrier du 8 février 2013, de l'acceptation du prêt. Le déblocage des fonds au profit de la société Sunbox a été effectif à réception par le prêteur d'une autorisation de déblocage des fonds à hauteur de 40 900 euros signée le 15 février 2013 par M. [F].

En revanche, il n'est pas justifié par le prêteur que celui-ci ait reçu une attestation signée par les emprunteurs de nature à le convaincre que le contrat principal avait été exécuté. La société Crédit foncier de France a donc commis une faute sur le fondement des dispositions précitées.

Dès lors que les emprunteurs disposent d'une installation fonctionnelle qui ne suscite aucune critique de leur part, qui donc a été entièrement livrée et qui leur permet de revendre l'électricité, ils ont reçu l'exacte contrepartie du prix de vente qui correspond au capital emprunté et leur obligation de rembourser a pris effet. À cet égard, dans la mesure où les fonds ont été versés postérieurement à l'expiration du délai de rétractation afférent au contrat principal, les emprunteurs ne sont pas fondés à invoquer un préjudice correspondant à une proportion ou à la totalité du capital emprunté ni au remboursement des échéances, étant remarqué qu'il est démontré que les échéances du crédit ne sont plus payées depuis juin 2019.

Il s'ensuit que les demandes à ce titre doivent être rejetées. Le jugement est infirmé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [S] [F] et Mme [Y] [F] de l'intégralité de leurs demandes ;

Déboute la société Crédit foncier de France de sa demande en paiement ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [S] [F] et Mme [Y] [F] in solidum aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Thierry Serra, avocat au Barreau de Paris ;

Condamne M. [S] [F] et Mme [Y] [F] in solidum à verser à la société Crédit foncier de France une somme de 1 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/06605
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;19.06605 ?
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