Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 21 AVRIL 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02064 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7FKC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 novembre 2018 - Tribunal d'Instance de JUVISY-SUR-ORGE - RG n° 11-18-000090
APPELANTE
La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE RHÔNE ALPES, banque coopérative régie par les articles L. 512-85 et suivants du code monétaire et financier, société anonyme à directoire et conseil de surveillance prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité de droit audit siège
N° SIRET : 384 006 029 04193
116, cours Lafayette
Tour Incity
69404 LYON
représentée par Me Anne-Charlotte PASSELAC, avocat au barreau de PARIS, toque : X1, substituée à l'audience par Me Antoine MERY, avocat au barreau de PARIS, toque : X1
INTIMÉS
Monsieur [W] [B]
né le 23 janvier 1980 à CHATEAUDUN (28)
25 bis, rue Henri Barbusse
91220 CRADEIL
représenté par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l'ESSONNE
Madame [X] [M] épouse [B]
née le 3 décembre 1978 à BRETIGNY SUR ORGE (91)
25 bis, rue Henri Barbusse
91220 DRAVEIL
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Christophe BACONNIER, Président de chambre
M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre acceptée le 5 septembre 2011, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes a consenti à M. [W] [B] et Mme [X] [M] épouse [B] un prêt immobilier d'un montant de 195 000 euros remboursable, après une période de différé, en 300 mensualités de 1 051,31 euros chacune incluant les intérêts au taux nominal de 3,75 % l'an et l'assurance.
Souhaitant procéder au rachat du crédit, M. et Mme [B] ont contracté le 21 mai 2015 deux nouveaux prêts immobiliers auprès de la société Crédit lyonnais.
M. et Mme [B] ont continué à payer jusqu'au mois de mai 2016 inclus les mensualités du crédit octroyé par la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes.
Après réception d'un chèque n° 1600984 d'un montant de 195 710,53 euros que la société Crédit lyonnais lui avait adressé par courrier du 19 avril 2016, la société Caisse d'épargne a restitué à M. et Mme [B] par virement du 12 mai 2016 un trop-perçu d'un montant de 4 943,47 euros.
Estimant que la banque ne leur avait pas remboursé suffisamment, M. et Mme [B] ont fait assigner, par acte d'huissier du 12 janvier 2018, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes devant le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge qui, par jugement contradictoire du 26 novembre 2018 assorti de l'exécution provisoire, a :
- condamné la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes à payer à M. et Mme [B] la somme de 6 566,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre du trop-perçu ;
- débouté M. et Mme [B] de leur demande de dommages-intérêts ;
- condamné la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes à payer à M. et Mme [B] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes n'avait remboursé qu'un montant de 4 943,47 euros, alors qu'elle avait indûment perçu la somme de 11 600,61 euros. Le tribunal a ajouté, pour rejeter la demande de dommages-intérêts, qu'il n'était pas rapporté la preuve que la société Caisse d'épargne avait reçu le premier chèque de la société Crédit lyonnais du mois de juin 2015 et l'avait égaré.
Le 25 janvier 2019, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes a interjeté appel.
Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 5 août 2019, elle requiert la cour de :
- réformer le jugement, en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme [B] la somme de 6 566,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre du trop-perçu, en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme [B] la somme de 1 500 euros par application des dispositions du code de procédure civile, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;
statuant à nouveau,
- débouter M. et Mme [B] de l'ensemble de leurs prétentions ;
- condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes expose que les douze échéances de 1 046,33 euros versées par M. et Mme [B] entre le mois de juin 2015 et le mois de mai 2016 comportaient une part d'intérêts et de cotisations d'assurance, mais seulement 4 852,49 euros de capital, de sorte que le capital restant dû au 10 mai 2016 s'élevait à un montant de 187 256,01 euros (et non 184 109,52 euros comme retenu par le tribunal) à majorer de l'indemnité de remboursement anticipé. Elle en déduit que, déduction faite du chèque reçu de la société Crédit lyonnais, c'est à bon droit qu'elle a restitué à M. et Mme [B] un solde de 4 943,47 euros.
Elle conteste le moyen selon lequel elle aurait indûment perçu la somme de 6 566,22 euros au titre des intérêts courus des mois de juin 2015 à mai 2016. Elle souligne qu'elle n'a en effet jamais reçu le premier chèque prétendument émis par la société Crédit lyonnais le 16 juin 2015, aucun accusé de réception ni justificatif d'envoi n'étant produit, et que le remboursement anticipé n'est intervenu qu'avec l'envoi effectif par cette banque le 10 mai 2016 d'un autre chèque.
Elle conteste tout manque de transparence s'agissant de son adresse.
Elle fait valoir que la seule émission d'une simulation et d'un décompte n'atteste pas d'un remboursement anticipé lequel n'a pu être enregistré tant qu'il n'y a pas eu réception des fonds.
Dans leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 16 octobre 2019, M. et Mme [B] sollicitent que la cour :
- confirme le jugement, en ce qu'il a condamné la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes à leur payer la somme de 6 566,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- réforme le jugement, en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;
- condamne de ce chef la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes à leur payer la somme de 2 500 euros ;
- confirme le jugement, en ce qu'il a condamné la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes à leur payer la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
y ajoutant,
- condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent avoir obtenu confirmation de la société Crédit lyonnais de l'envoi d'un premier chèque le 16 juin 2015 par courrier simple.
Ils soutiennent y avoir eu manque de transparence de la Caisse d'épargne quant à son adresse réelle.
Ils affirment que la banque ne peut à la fois solliciter l'indemnité de remboursement anticipé et s'adjuger les intérêts des échéances de « juin à mai 2015 », ce qui constituerait un double paiement.
Ils soutiennent que le fait que le prêteur ait cessé sans explication de sa part de prélever le montant de la prime d'assurance comprise dans l'échéance renforce l'idée que celui-ci a bien réceptionné le chèque de remboursement.
Ils font valoir que l'absence de réclamation à réception des relevés de compte ne vaut pas approbation par le détenteur des sommes prélevées.
Ils soulignent qu'ils avaient régulièrement donné leur accord de déblocage dès le 2 avril 2015 et que la Caisse d'épargne aurait dû s'étonner de ne pas recevoir les fonds correspondants.
Ils considèrent que l'appelante a commis un abus de droit en s'obstinant à ne pas rembourser les sommes indûment perçues.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Le 19 octobre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il ressort de l'ancien article L. 312-21 du code de la consommation que l'emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, les prêts régis par les sections I à III du chapitre relatif au crédit immobilier.
L'article R. 312-2, dans sa version alors en vigueur, précise que l'indemnité éventuellement due par l'emprunteur, prévue à l'article L. 312-21 en cas de remboursement par anticipation, ne peut excéder la valeur d'un semestre d'intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement.
Les parties au contrat de prêt immobilier accepté le 5 septembre 2011 ont stipulé au paragraphe 7 des « conditions spécifiques au produit : PH primo report » relatif au remboursement par anticipation :
« L'EMPRUNTEUR aura la faculté de rembourser par anticipation tout ou partie du prêt moyennant un préavis d'un mois avant une date d'échéance, donné au PRÉTEUR par lettre recommandée avec accusé de réception. En cas de remboursement partiel, celui-ci devra en tout état de cause représenter une somme égale au moins à 1/10è du capital prêté, sauf s'il s'agit de son solde.
Le PRÉTEUR exigera, à l'occasion du remboursement anticipé, une indemnité dont le montant ne peut excéder la valeur d'un semestre d'intérêt sur le capital faisant l'objet d'un remboursement anticipé, calculé au taux moyen du prêt sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement ».
Le 26 mars 2015, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes a établi un document mentionnant comme objet « Simulation de remboursement anticipé » et indiquant un total dû au titre du remboursement anticipé « en date de valeur du 10/05/2015 » de 195 710,53 euros (192 108,50 euros de capital remboursé augmenté de 3 602,03 euros d'indemnités contractuelles). M. et Mme [B] y ont inscrit « Bon pour ACCORD DE DÉBLOCAGE de 195 710,53 euros LE 2/04/15 ».
Ceci ne valait pas remboursement anticipé par les débiteurs, dès lors que :
- la simulation du 26 mars 2015 précisait qu'elle ne valait pas engagement contractuel de la part de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes ;
- M. et Mme [B] ne justifient pas avoir envoyé la lettre recommandée avec préavis d'un mois, telle que contractuellement prévue au paragraphe 7 (rappelé ci-dessus) des conditions particulières du prêt ;
- le paiement du total dû n'est pas intervenu à cette période.
En effet, M. et Mme [B] versent aux débats (pièce n° 6) un courrier du 16 juin 2015 par lequel la société Crédit lyonnais aurait adressé un chèque n° 1514737 d'un montant de 195 710,53 euros à la Caisse d'épargne, agence en ligne, à Grenoble. Toutefois, il n'est pas justifié que ce courrier a été effectivement envoyé par la société Crédit lyonnais, puis reçu par la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes qui le conteste.
Rien ne démontre que l'adresse ci-dessus -qui était celle indiquée pour toute correspondance sur le document de simulation du 26 mars 2015- aurait été fictive et/ou n'aurait pas permis la réception du chèque.
Comme l'a relevé le premier juge, le fait que la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes se soit désistée le 12 avril 2016 de ce chèque n° 1514737 ne démontre nullement qu'elle l'avait réceptionné, s'agissant d'une formalité nécessaire pour lui permettre de recevoir un chèque ultérieur.
La Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes a prélevé, à la lecture de ses conclusions et du relevé compte, du mois de juin 2015 au mois de mai 2016, douze échéances d'un montant de 1 046,33 euros.
L'examen du plan de remboursement produit (pièce n° 7 de l'appelante) montre que celles-ci incluaient bien une cotisation d'assurance à hauteur de 48,52 euros par mois.
La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes a finalement été désintéressée par le chèque n° 1600984 joint au courrier de la société Crédit lyonnais du 19 avril 2016 (pièce n° 3), chèque dont l'appelante indique, sans que la preuve contraire ne soit rapportée, qu'il n'a été envoyé que le 10 mai 2016.
C'est donc au mois de mai 2016 que le remboursement anticipé est devenu effectif.
Le prêt ayant de fait couru jusqu'à cette date, seule la part de capital des échéances perçues vient en déduction du capital restant dû majoré de l'indemnité de remboursement anticipé.
En créditant le 12 mai 2016 M. et Mme [B] d'un solde de 4 943,47 euros correspondant à la différence entre, d'une part, le capital restant dû au 10 mai 2016 (après paiement de l'échéance) majoré de l'indemnité contractuelle et, d'autre part, le montant du chèque n° 1600984 du Crédit lyonnais, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes a restitué à M. et Mme [B] l'indu dont elle avait bénéficié.
Par ailleurs, s'agissant de la demande de dommages-intérêts, il y a lieu de souligner que la Caisse d'épargne n'a commis aucun abus, ayant même donné suite dans un délai normal à l'envoi du second chèque par la société Crédit lyonnais au mois d'avril/mai 2016.
En conséquence, les demandes de paiement de M. et Mme [B] sont rejetées et le jugement infirmé, sauf en ce qu'il a débouté ceux-ci de leur demande de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [W] [B] et Mme [X] [M] épouse [B] de leur demande de dommages-intérêts, ainsi que débouté la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette la demande de répétition d'indu présentée par M. [W] [B] et Mme [X] [M] épouse [B] ;
Condamne in solidum M. [W] [B] et Mme [X] [M] épouse [B] aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
La greffièreLe président