Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 21 AVRIL 2022
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03056 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FD3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/00177
APPELANTE
Madame [J] [D]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Kjell KIRKAM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1040
INTIMÉE
SARL LK BENNETT
placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 5 septembre 2019
PARTIES INTERVENANTES
SELARL AXYME prise en la personne de Maître [O] [S] ès qualités de liquidateur de la société LK BENNETT
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente
Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [J] [D] a été engagée par la société LK Bennett dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en date du 18 août 2003 en qualité de vendeuse, son contrat de travail relevant de la convention collective des détaillants en chaussures.
Par avenant en date du 21 août 2012, elle a été nommée directrice du magasin sis [Adresse 9] .
Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 8 janvier 2015.
Par acte en date du 19 mai 2015, elle a saisi le conseil de prud'hommes afin notamment d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
A l'issue de deux visites médicales de reprise qui se sont tenues les 8 et 25 juin 2015, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de travail.
Par courrier en date du 30 juin 2015, la société LK Bennett lui a proposé trois postes à titre de reclassement.
Par courrier en date du 4 juillet 2015, Mme [D] a informé son employeur qu'elle refusait ces propositions.
Elle a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 16 juillet 2015.
Puis le 20 juillet 2015, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié.
Par jugement en date du 9 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a :
-débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,
-débouté la SARL LK Bennett de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [D] aux dépens.
Par déclaration en date du 15 février 2018, Mme [D] a interjeté appel de ce jugement.
Par jugement du 5 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société LK Bennett et a désigné la selarl Axyme, prise en la personne de Maître [O] [S], ès qualités de liquidateur.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 mars 2020, Mme [D] demande à la Cour :
-d'infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
statuant à nouveau, il est demandé à la cour :
à titre principal :
-de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] aux torts exclusifs de la société LK Bennett,
à titre subsidiaire :
-de constater l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement,
-de juger que les conclusions et pièces de la société LK Bennett sont irrecevables,
-de juger que la selarl Axyme, prise en la personne de Me [S] ès qualités de liquidateur de la société LK Bennett ne peut avoir plus de droits que la société LK Bennett et que ses conclusions et pièces sont également irrecevables,
-de juger que la Cour ne peut que s'approprier les motifs du jugement, compte tenu de l'irrecevabilité des conclusions et pièces de la société LK Bennett,
-de constater que le jugement n'ayant pas statué sur le bien ou mal fondé du licenciement, le licenciement de Mme [D], qui n'est justifié ni par des pièces ni par des conclusions, ni par l'argumentaire du jugement, est sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence
-de fixer la créance de Mme [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société LK Bennett aux sommes de :
-11 271,48 euros à titre d'indemnité de préavis
-1 127,15 euros à titre de congés payés sur préavis
-45 085 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-4 735,94 euros à titre de rappel de prime de langue
-4 751,60 à titre de rappel d'heures supplémentaires
-de dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable au CGEA IDF Ouest,
-d'ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et de bulletins de paye conformes à l'arrêt,
-2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-d'ordonner l'intérêt légal à compter de la saisine du bureau de conciliation,
-de débouter la selarl Axyme et le CGEA IDF Ouest de leurs demandes,
-de condamner la société LK Bennett en tous les dépens.
Par ordonnance en date du 10 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et les pièces n°1 à 16 notifiées par RPVA par la selarl Axyme en qualité de liquidateur de la société LK Bennett, en date des 11 février 2020 et 12 mai 2020.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 mars 2020, l'AGS CGEA Ile de France Ouest demande à la Cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,
- de lui donner acte des conditions de mise en oeuvre et des limites de sa garantie.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2021 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 14 février 2022.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux écritures susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
Sur les heures supplémentaires
Mme [D] fait valoir que son employeur ne lui a pas payé les heures supplémentaires qu'elle a effectuées et sollicite à ce titre une somme de 4751,60 euros. Elle indique qu'elle présente des éléments permettant d'établir qu'elle a accompli les heures supplémentaires dont elle demande le paiement et que c'était à son employeur de mettre en place un système de décompte du temps de travail, ce qu'il n'a pas fait.
L'AGS soutient que cette demande ne peut être accueillie dès lors que la salariée ne démontre pas que les heures supplémentaires ont été effectuées à la demande de l'employeur et qu'elle n'en a pas préalablement sollicité le paiement.
***
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, il ressort du contrat de travail de Mme [D] et de son avenant que la durée mensuelle de son travail est de 151,67 heures et de ses bulletins de paye qu'elle a été payée sur cette base.
Afin d'établir la matérialité des heures supplémentaires effectuées entre 2011 et 2014, elle présente les impressions d'écran de l'heure de la caisse à la fermeture et un décompte des heures qu'elle a effectuées après la fermeture de la boutique (19h00) à hauteur de 178,51 heures et pour lesquelles elle réclame une somme de 4751,60 euros correspondant au paiement desdites heures majorées à 25 %.
Elle produit également au débat un courriel de Mme [V], son ancienne responsable, datée du 5 janvier 2011 dont il ressort que 'les heures supplémentaires ne sont pas accumulées pour les clients tardifs' et le compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 19 mai 2015 dans le cadre de laquelle ils ont interrogé l'employeur sur la récupération des heures supplémentaires qui s'accumulent en boutique dès lors que les vendeuses quittent rarement la boutique à 19 heures.
Ces éléments sont suffisamment précis en ce qu'ils mettent l'employeur en mesure de connaître les heures de travail effectives revendiquées et d'y répondre en fournissant ses propres éléments alors qu'il lui appartient de mettre en oeuvre les modalités d'organisation du temps de travail.
Les pièces notifiées par RPVA par le liquidateur de la société LK Bennett ont été déclarées irrecevables et il ressort du jugement du conseil de prud'hommes qu'aucune pièce n'avait été produite en première instance.
Il est par ailleurs admis que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
L'absence d'autorisation préalable n'exclut pas la réalité de l'accord implicite de l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires.
En l'espèce, aucun élément ne permet pas d'établir que l'employeur, qui n'a pas procédé au décompte du temps de travail de Mme [D] comme il en avait la charge, n'avait pas donné son accord implicite pour qu'elle exécute des heures supplémentaires afin de répondre aux demandes de la clientèle et ce, a fortiori dès lors qu'il est établi qu'il reconnaissait que les vendeuses pouvaient quitter la boutique après 19 heures (cf courriel de Mme [V] du 5 janvier 2011, pièce 59 et compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 19 mai 2015, pièce 43 ci-avant énoncée).
L'effectivité du dépassement du temps de travail doit donc être retenue.
Aussi, au vu des pièces produites et à défaut d'éléments permettant de contredire le décompte précis effectué par la salariée, il y a lieu de fixer la créance d'heures supplémentaires dans les termes de la demande.
Sur la prime de langue
Mme [D] fait valoir qu'elle n'a pas perçu la prime de langue à laquelle elle avait droit en application de l'article 28 de la convention collective des détaillants en chaussures.
Elle sollicite à ce titre une somme de 4 735,94 euros au titre des années 2012 à 2015.
L'AGS ne répond pas précisément sur ce point.
Il ressort de l'article 28 de la convention collective des détaillants en chaussures que : 'la pratique courante d'une langue vivante et son utilisation donnent droit à une majoration de 10 % du salaire minimum garanti'.
Si par courrier du 21 août 2012, la société LK Bennett convient que Mme [D] parlait une langue étrangère dans l'exercice de ses activités de directrice de magasin, elle ne lui a versé aucune somme à ce titre.
Or, si le salaire minimum conventionnel correspondant à la classification de Mme [D] (cadre niveau 4) était fixé, hors prime de langue, à 3050 euros par avenant à la convention collective du 9 mai 2011, puis à 3080 euros par avenant du 1er mai 2014 soit, après intégration de la prime de langue, à 3355 euros puis à 3388 euros, il ressort de l'avenant au contrat de travail de la salariée du 21 août 2012 et de ses bulletins de paye qu'elle a perçu jusqu'en mars 2014 un salaire de base de 3203 euros puis à compter d'avril 2014 un salaire de base de 3336 euros.
Elle a ainsi été rémunérée en deçà du minimum conventionnel qui lui était applicable.
Il convient donc de faire droit à sa demande à ce titre à hauteur de la somme de 4735,94 euros calculée conformément à ses droits et dont le quantum n'est pas strictement contesté.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Mme [D] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Elle fait valoir à cet effet qu'elle a été rémunérée au deçà du minimum conventionnel et que si son employeur a opéré une régularisation en août 2012, il ne lui a pas versé la prime de langue à laquelle elle avait droit. Elle soutient en outre qu'elle ne disposait pas d'un stock de marchandises suffisant dans la boutique qu'elle gérait, qu'elle a été isolée et déresponsabilisée et que son état de santé s'est dégradé. Elle fait également grief à son employeur de ne pas lui avoir réglé les heures supplémentaires qu'elle a effectuées.
L'AGS ne répond pas précisément sur ce point tout en sollicitant la confirmation du jugement.
Par application combinée des articles 1217, 1224, 1227 et 1228 du Code civil, tout salarié reprochant à son employeur des manquements graves à l'exécution de son obligation de nature à empêcher la poursuite du contrat peut obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Si les manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa demande sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans l'hypothèse où le salarié a été licencié postérieurement à la demande de résiliation judiciaire, le juge doit préalablement rechercher si cette demande était justifiée et s'il l'estime non fondée, il doit alors statuer sur le licenciement.
Il convient d'analyser les griefs formulés par la salariée.
Sur le non-respect du minimum conventionnel et le non-paiement de la prime de langue
Mme [D] justifie qu'elle n'a pas perçu la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre compte tenu de sa classification, laquelle a fait l'objet d'une régularisation en août 2012 ainsi que l'établit le courrier qui lui a été adressé par son employeur le 21 août 2012.
Elle établit par ailleurs que nonobstant cette régularisation, sa rémunération est restée inférieure au minimum conventionnel compte tenu du défaut de versement de la prime de langue à laquelle elle pouvait prétendre.
Ce grief est donc démontré.
Sur les heures supplémentaires non rémunérées
La cour a jugé que Mme [D] a effectué régulièrement des heures supplémentaires après l'heure de fermeture de la boutique, lesquelles ne lui ont pas été réglées.
Ce grief est donc également démontré.
Sur la dégradation des conditions de travail
En faisant grief à son employeur de lui avoir fourni des stocks insuffisants et de l'avoir isolée et déresponsabilisée, Mme [D] fait plus globalement état d'une dégradation de ses conditions de travail.
Pour en justifier, elle produit au débat :
- un compte rendu qu'elle a adressé par mail à son employeur le 16 septembre 2013 et dans lequel elle mentionne qu'elle a perdu des ventes à hauteur de 4 490 euros compte tenu de l'insuffisance des stocks ;
- un courriel qu'elle a adressé à son employeur le 18 novembre 2013 dans lequel elle indique qu'elle ne dispose pas des modèles et tailles nécessaires pour satisfaire sa clientèle,
- le témoignage de Mme M. qui certifie avoir travaillé au sein de la boutique de la rue de G. dont Mme [D] était responsable entre octobre 2012 à juillet 2015 en tant que conseillère vendeuse en alternance et avoir été témoin d'un échange entre Mme [D] et Mme [K] [B] sur l'espace de vente portant sur une problématique concernant le stock très insuffisant dont [J] [D] se plaignait depuis plusieurs saisons, échange au cours duquel Mme [K] [B] a dit à Mme [D] qu'elle pouvait quitter la société si elle n'était pas satisfaite,
-l'attestation de Mme M. [B], conseillère de vente pour la société LK Bennett au Printemps du luxe et aux Galeries Lafayette à [Localité 8] de juillet 2010 à mai 2013 qui précise ' Mme [J] [D] m'appelait quotidiennement car elle n'avait pas la marchandise nécessaire afin de répondre aux besoins de ses clientes. Ainsi,Mme [J] [D] me prévenait que ses clientes passeraient au printemps du luxe et aux Galeries Lafayette afin d'acheter leurs chaussures. Mme [J] [D] était dans l'incapacité de satisfaire ses clientes avec le stock de marchandises dont elle disposait dans la boutique [Adresse 7]';
-un compte rendu de réunion des délégués du personnel du 4 octobre 2013 dont il ressort que les achats de collection ne correspondent pas aux besoins malgré les préconisations, que leur assortiment n'est pas régulier entraînant une perte de chiffre d'affaires importante et conduisant au mécontentement de la clientèle,
- un compte rendu de réunion de délégués du personnel du 18 décembre 2014 par lequel ceux-ci font valoir qu'il est prévu une rémunération en pourcentage en lien avec les ventes et que la société ne fournit pas le stock adéquat pour que tout le monde puisse atteindre ses objectifs et interpellent l'employeur sur son obligation de donner les moyens d'atteindre les objectifs fixés,
- le 'customer book' de la boutique qu'elle gérait dont il ressort que les clientes se plaignent notamment de ne pas trouver leur taille de chaussures et de devoir acheter la collection qui manque au Printemps,
- le certificat médical du Docteur [N], psychiatre du 22 septembre 2015 indiquant que Mme [D] souffre d'un trouble dépressif sévère s'étant déclenché quelques mois auparavant et faisant suite à une longue période au cours de laquelle sa patiente lui avait précisé avoir subi des conditions de travail défavorables et mentionnant lui avoir prescrit des antidépresseurs.
L'ensemble de ces éléments établit que, conformément à ce que soutient Mme [D], elle ne disposait pas du stock de marchandises nécessaire pour satisfaire la demande de sa clientèle et que, bien qu'ayant alerté sa hiérarchie, la situation ne s'est pas améliorée, celle-ci lui offrant comme seule issue de quitter l'entreprise.
Il en résulte également que cette situation a un impact sur sa rémunération dès lors que, conformément aux termes de son contrat de travail (article 2 de l'avenant du 21 août 2012), elle percevait une commission mensuelle dont le montant était fixé à 1 % du chiffre d'affaires qu'elle réalisait.
Le certificat médical du Dr C. que Mme [D] produit en outre au débat établit par ailleurs qu'elle a souffert d'une dégradation de son état de santé en lien avec la dégradation de ses conditions de travail.
Ce grief est donc en conséquence également démontré, ainsi que ses conséquences sur la rémunération et l'état de santé de la salariée.
***
Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que Mme [D] n'a pas été remplie de ses droits en terme de rémunération et qu'elle a subi une dégradation de ses conditions de travail qui ont eu un impact sur sa rémunération variable et sur son état de santé.
Ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Sur les effets de la résiliation judiciaire
En application de l'article 1184 devenu 1225 du Code civil, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est resté au service de son employeur.
En l'espèce, aucune des parties ne conclut sur la date d'effet de la résiliation judiciaire.
La résiliation prononcée prendra effet à la date de son licenciement le 20 juillet 2015, par application de ce texte.
Mme [D] est en outre bien fondée à solliciter des indemnités de rupture dont le quantum n'est pas strictement contesté par l'AGS.
Elle sollicite ainsi, au titre de l'indemnité de préavis dont elle n'a pas bénéficié dans le cadre de son licenciement pour inaptitude, une somme de 11 271,48 euros correspondant à trois mois de salaire, outre 1127,14 euros au titre des congés payés afférents.
Il résulte de l'article 30 de la convention collective des détaillants en chaussures que l'indemnité de préavis est de trois mois.
Il sera donc fait droit à la demande de la salariée à ce titre.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tenant compte de l'âge de la salariée (37 ans) et de son ancienneté (11 ans et 11mois), de son salaire brut de référence (soit 3757,16 €), et dès lors qu'il ressort des pièces produites au débat qu'elle a été indemnisée par Pôle Emploi jusqu'au 31 octobre 2017, il convient d'accueillir la demande d'indemnisation de la rupture du lien contractuel à hauteur de 40 000 €, par application de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.
Sur la remise de documents
La remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conforme à la teneur du présent arrêt s'impose et il sera en conséquence fait droit à la demande de la salariée à ce titre.
Sur la garantie de l'AGS
Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L3253-20 du code du travail.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS et au CGEA d'Île-de-France Ouest.
Sur les intérêts
Il convient de rappeler que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société LK Bennett a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels (en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce).
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.
La liquidation judiciaire de la société LK Bennett, qui succombe, devra les dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement de première instance sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] aux torts de la société LK Bennett, à effet au 20 juillet 2015,
FIXE au passif de la société LK Bennett les créances de Mme [D] à hauteur de :
- 4735,94 € à titre de prime de langue,
- 4751,60 € à titre de rappel d'heures supplémentaires
- 11 271,48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1127,15 € au titre des congés payés y afférents,
- 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société LK Bennett a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS d'Île-de-France Ouest,
DIT que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L3253-20 du code du travail,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
LAISSE les dépens d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société LK Bennett.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE