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20/04/2022 | FRANCE | N°20/05211

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 20 avril 2022, 20/05211


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 20 AVRIL 2022



(n° 2022/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05211 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVGV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/09329





APPELANTES



Madame [C], [S] [A] veuve [F]

née le 01 Mai 1939 à [Localité 10] (92)
>[Adresse 7]

[Localité 13]



Madame [N] [L] [X] [F]

née le 06 Janvier 1974 à [Localité 13] ([Localité 13])

[Adresse 4]

[Localité 13]



représentées par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barrea...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 20 AVRIL 2022

(n° 2022/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05211 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVGV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/09329

APPELANTES

Madame [C], [S] [A] veuve [F]

née le 01 Mai 1939 à [Localité 10] (92)

[Adresse 7]

[Localité 13]

Madame [N] [L] [X] [F]

née le 06 Janvier 1974 à [Localité 13] ([Localité 13])

[Adresse 4]

[Localité 13]

représentées par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675

INTIMES

Monsieur [Z] [F]

né le 06 Avril 1947 à [Localité 13] ([Localité 13])

[Adresse 3]

[Localité 6]

Monsieur [D] [F]

né le 12 Juillet 1948 à [Localité 13] ([Localité 13])

[Adresse 5]

[Localité 1]

Monsieur [I] [F]

né le 26 Octobre 1949 à [Localité 9] (92)

[Adresse 2]

[Localité 8]

Madame [U] [F]

née le 12 Février 1981 à [Localité 15] (92)

[Adresse 16]

[Localité 12] - ALLEMAGNE

représentés par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant Me Solène OUDINET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2212

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [W] [T] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[E] [F] est décédé le 3 juillet 2005 laissant pour lui succéder :

- Mme [C] [A], son épouse en secondes noces sous le régime de la séparation de biens,

- sa fille Mme [N] [F] issue de son union avec Mme [C] [A],

- ses quatre enfants issus d'une première union : MM. [Y], [Z], [D] et [I] [F].

De son vivant, le défunt par acte authentique du 3 mai 1983 avait consenti à Mme [A] une donation de la somme de 150 000 Frs (soit l'équivalent de 22 867,35 €) ; par acte authentique reçu le 5 mai 1983, Mme [C] [A] faisait l'acquisition d'un appartement dépendant de la [Adresse 14] située à [Localité 11] ; le prix de vente était de 240 000 Frs ; avec les frais de vente, le montant de cette acquisition s'est élevé à 263 681,59 Frs soit l'équivalent de 40 198 €.

MM. [Z], [D] et [I] [F] ont fait assigner Mme [A] et Mme [N] [F] devant le tribunal de grande instance de Paris afin notamment de voir ordonner le partage judiciaire de la succession de leur père et trancher des demandes de rapport des libéralités consenties par le défunt portant notamment sur la donation de 150 000 Frs consentie à Mme [C] [A].

M. [Y] [F] étant décédé le 14 novembre 2008, sa fille, [U] [F] est intervenue volontairement à la procédure.

Par arrêt du 30 octobre 2013, la cour a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à conclure sur l'application soulevée d'office des articles 843, 758-5 alinéa 2 et 922 du code civil relatifs au rapport dû par le conjoint survivant.

Par un arrêt du 2 avril 2014 la cour d'appel de Paris a jugé qu'en application de l'article 922 du code civil, la donation de la somme de 150 000 Frs consentie à Mme [C] [A] devra être fictivement réunie à la masse des biens existants suivant la valeur au 3 juillet 2005 (date du décès de [E] [F]) du bien situé à [Localité 11] ; que cette donation entre dans la masse de calcul des droits légaux de Mme [C] [A] par application de l'article 758-5 du code civil ; que Mme [C] [A] peut cumuler les droits successoraux prévus à l'article 757 du code civil avec la donation sans porter atteinte à la réserve héréditaire ni dépasser l'une des quotités spéciales prévues entre époux.

Maître [K] [M], à qui avaient été confiées les opérations de compte, liquidation et partage de la succession, a dressé un procès-verbal de dires le 17 juillet 2018.

Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a, sur le rapport du juge commis, statué dans les termes suivants :

- juge irrecevables comme nouvelles les demandes de Mme [C] [A] et Mme [N] [F] tendant à voir valider le projet d'aperçu fiscal de la succession établi en 2005 par Maître [J] [B] et à voir actualiser la valeur de la donation de 1983 de la somme de 39 474,48 euros et juger que les consorts [F] ne peuvent revendiquer aucun droit en indivision avec Mme [C] [A],

- rejette la demande de Mme [C] [A] tendant à voir recalculer le montant de la réserve et les droits des héritiers réservataires,

- déboute Mme [C] [A] de sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de la succession du chef de la jouissance du défunt du bien immobilier situé à [Localité 11],

- homologue le projet de partage dressé par Me [K] [M], notaire commis,

- dit qu'il restera annexé au présent jugement pour valoir acte de partage,

- condamne Mme [C] [A] au paiement à MM. [Z], [D] et [I] [F] et de Mme [U] [F] de la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais d'instance non compris dans les dépens,

- ordonne l'emploi des dépens en frais généraux de partage,

- dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

Mme [C] [A] et Mme [N] [F] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 mars 2020.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 25 février 2021, les appelantes demandent à la cour de :

- dire et juger aussi irrecevables que mal fondés les consorts [F] en leurs demandes, fins et conclusions ainsi qu'en leur appel incident,

- dire et juger Mme [C] [A] et Mme [N] [F] recevables et bien fondées en leur appel,

y faisant droit :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

- valider le projet d'aperçu fiscal de la succession [F] établi en 2005 par Me [B], notaire à [Localité 13],

- dire et juger que la donation de 150 000 Frs perçue par Mme [F] en 1983 a servi partiellement à l'acquisition du bien du Planet pour un montant de 21 825 Frs soit 3 329,22 euros,

- dire et juger que la valeur de la donation de 1983 pour 150 000 Frs réactualisée en 2005 est de 39 474,48 euros,

- dire et juger que les montants respectifs de 3 329,22 euros et 39 474,48 euros seront retenus pour le calcul des droits des copartageants,

- proroger la mission de Me [M] et ordonner qu'elle procédera au nouveau calcul de la réserve, de la quotité disponible et de la masse partageable en intégrant les paramètres d'évaluation contenus dans le présent dispositif y incluant le projet d'aperçu fiscal établi en 2005 par Me [B] au titre de la succession [F],

-condamner les consorts [F] à payer chacun à Mme [C] [A] et Mme [N] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sont distraction au profit de Maître Jean-Jacques Fanet dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 2 septembre 2020, MM. [Z], [D] et [I] [F] ainsi que Mme [U] [F], intimés, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 19 décembre 2019, dans toutes ses dispositions,

- condamner Mme [C] [A] veuve [F] au paiement d'une amende civile de 1 000 euros,

- condamner Mme [C] [A] veuve [F] à payer Mme [U] [F] et Messieurs [Z], [I] et [D] [F], des dommages et intérêt pour un montant de 4 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de con comportement procédurale abusif et dilatoire, sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- condamner Mesdames [C] [A] veuve [F] et [N] [F] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 9 mars 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes des appelantes tendant à la validation du projet d'aperçu fiscal de 2005 et à l'actualisation de la donation de 150 000 Frs à la somme de 39 474,48 €

Les premiers juges ont rejeté au visa des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile, les demandes de Mmes [A] tendant à voir valider le projet d'aperçu fiscal préparé par Me [B] en 2005 et à voir actualiser en 2005 la valeur de la donation de la somme 150 000 Frs qui lui a été consentie en 1983, à hauteur de 39 474,48 €, en raison de leur caractère de nouveauté par rapport au procès-verbal de dires établi par le notaire chargé du règlement de la succession et du rapport du juge commis.

La somme de 39 474,48 € est le résultat arithmétique de la conversion de la somme de 150 000 Frs en euros (22 867,35 €) et de son actualisation en fonction de l'évolution du pouvoir d'achat entre 1983 (année du don manuel) et 2005 (année du décès de [E] [F]).

Mme [A] soutient avoir formulé ces demandes dans son dire adressé au notaire retranscrit au procès-verbal de difficultés du 17 juillet 2018, de sorte que sa demande n'est pas nouvelle au sens des articles susvisés.

Les consorts [F] font valoir que les demandes de Mme [A] sont irrecevables au motif qu'elles ne ressortent pas du procès-verbal de dires établi par le notaire le 17 juillet 2018 et que l'aperçu fiscal établi par Me [B] avait pour seul but de calculer le montant des droits de succession et qu'il ne peut être assimilé à un quelconque projet d'état liquidatif.

Ils ajoutent que c'est seulement par des conclusions signifiées après le rapport du juge commis que Mme [A] pour la première a demandé l'homologation du projet d'aperçu fiscal et que cette homologation aboutirait à nier l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel du 2 avril 2014.

***

Aux termes de l'article 1373 du code de procédure civile, « en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmets au juge commis le procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif.

Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat.

Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation.

Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants.

Il est, le cas échéant, juge de la mise en état. »

L'article 1374 du code de procédure civile dispose que « toutes les demandes faites en application de l'article 1373 entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou défendeur, ne constituent qu'une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis. ».

En application de ces textes, comme l'a justement rappelé le tribunal, toute demande distincte de celles portant sur les points de désaccord subsistants, dont le juge commis a fait rapport au tribunal, est irrecevable à moins que le fondement ne soit né ou révélé postérieurement.

Le procès-verbal de lecture de l'état liquidatif et de contestations, également désigné dans le langage commun procès-verbal de difficultés ou procès-verbal de dires a été dressé le 17 juillet 2018 par Me [M], autorisée par le juge commis à poursuivre la mission confiée initialement à Me [G] notaire par le président de la chambre interdépartementale des Notaires de [Localité 13] qui avait été désigné par le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 septembre 2012, avec faculté de délégation.

Ce procès-verbal fait mention qu'il a été dressé en présence de Mme [C] [A] et qu'il a été donné lecture de l'état liquidatif préparé par Me [M] dont il n'est pas contesté qu'une version en date du 30 mars 2018 avait été transmise en temps utile aux parties ou à leur conseil. Le procès-verbal contient un développement intitulé « consignation des dires » ; y sont littéralement reproduits les textes d'un courriel adressé le 16 avril 2018 par le conseil de Mme [C] [A], d'un courrier daté du 18 avril 2018 et d'un autre du 11 juillet 2018 qui émanent du même auteur. L'appelante ne prétend pas avoir adressé un autre courrier valant dire qui n'ait pas été retranscrit au procès-verbal de difficultés.

S'agissant de sa demande de validation d'aperçu fiscal, Mme [A] soutient que le projet d'état liquidatif préparé par Me [M] à la page 21 se réfère au projet d'aperçu fiscal que Me [B] a rédigé en 2005.

L'examen minutieux de la teneur des trois courriers valant dire adressés par le conseil de Mme [C] [A] et dont les contenus ont été intégralement repris au procès-verbal de difficultés amène à constater qu'aucun d'eux ne se réfère au projet d'aperçu fiscal préparé par Me [B] et a fortiori n'en demande sa validation.

Les appelantes soutiennent que la contestation de Mme [C] [A] sur le ratio du montant de la donation consentie en 1983 ayant servi au financement du bien immobilier de [Localité 11], s'est fondée sur le projet d'aperçu fiscal que Me [M] aurait d'ailleurs utilisé page 21 du projet d'état liquidatif.

Mme [C] [A] soutient en effet qu'une partie seulement de la donation de 150 000 Frs, soit la somme de 29 598,84 Frs a servi au financement du bien immobilier qu'elle a acquis à [Localité 11], cette somme de 29 598,84 Frs correspondant à un ratio de 19,73% de celle 150 000 Frs qui représente le montant total du coût de l'acquisition du bien immobilier de [Localité 11] avec les frais y afférents.

Si la version datée du 30 mars 2018 du projet d'état liquidatif préparé par Me [M] reprend le chiffre de 93 133,70 € qui figure sur l'aperçu fiscal établi par Me [B] en précisant s'y référer « cf projet de déclaration de succession dressé par Maître [J] [B], notaire susnommé, établi comme il est dit ci-dessus » ; il résulte de l'examen de cet aperçu fiscal que la somme de 93 133,70 € représente la masse des biens existant au décès de [E] [F] exclusivement composée de biens mobiliers et notamment principalement des actifs sur les comptes bancaires du défunt à laquelle Me [B] a ajouté un forfait mobilier de 5%.

Le document rédigé par Me [B] rappelle en préambule la donation consentie le 3 mai 1983 par [E] [F] à Mme [C] [A] d'un montant de 150 000 Frs ainsi que la donation de 46 000 € consentie au mois de février 2004 par celui-ci à chacun de ses cinq enfants.

La finalité fiscale de ce document transparaît au travers des mentions qui y figurent sur l'abattement [''Abt''] total de droits sur la donation consentie à Mme [C] [A] eu égard à son montant et son ancienneté de plus de dix ans ; s'agissant de la donation de la somme de 46 000 € consentie par le défunt à chacun de ses enfants, ce document précise qu'il reste un solde d'abattement de 4 000 € au regard du plafond de 50 000 €.

Le calcul des droits de succession des héritiers de [E] [F] en fonction de l'actif net de la succession au décès de ce dernier par lequel se termine ce document achève de convaincre de sa finalité purement fiscale, lequel constitue donc un document préparatoire à la déclaration de succession que les héritiers doivent déposer à l'administration fiscale dans les six mois du décès en application de l'article 641 du code général des impôts.

Après avoir vérifié que la donation consentie le 3 mai 1983 par le de cujus à Mme [C] [A] n'avait pas à être prise en compte pour le calcul des droits de succession, Me [B] qui n'évoque plus cette donation dans cet « aperçu fiscal » ne se prononce aucunement sur le régime et les modalités de son rapport.

Le projet d'état liquidatif en page 22 après avoir considéré la subrogation de la donation de 150 000 Frs par le bien immobilier acquis par Mme [C] [A] et retenu que sa valeur vénale au jour du décès est de 400 000 €

Puis, le notaire liquidateur, par une règle de trois, chiffre à la somme de 227 547,17 € le montant à retenir dans la masse de calcul servant à déterminer le montant de la quotité disponible et de la réserve héréditaire.

(Don : 22 867,35 € X 400 000 € /coût total de l'opération : 40 198 € = 227 547,17 € )

C'est donc de façon tout à fait inexacte que les appelantes prétendent que « pour le calcul du ratio du montant de la donation utilisé pour le paiement du Planet, Madame [A] s'est fondée sur le projet d'aperçu fiscal de 2005 utilisé par ailleurs par Maître [M] (page 21 du projet) » et que « le recours au projet d'aperçu fiscal constitue le fondement de la demande de calcul du ratio et non pas l'inverse ».

Outre que le projet d'aperçu fiscal ne peut en aucun cas s'apparenter à un projet d'état liquidatif, les appelantes ne peuvent pas valablement soutenir que les dires qu'elles ont adressés à Me [M] contenaient une demande implicite de validation de ce projet d'aperçu fiscal sans d'ailleurs préciser ce qu'elles entendent par le terme de validation.

Le rapport du juge commis reprenant le procès-verbal dressé par Me [M] fait état de deux points de désaccord persistant libellés en ces termes :

« 1/ Mme [C] [F] fait valoir que l'acquisition de la propriété du Planet a été faite de ses deniers propres à hauteur de la somme de 124 101,16 € ; que le ratio du montant de la donation de 150 000 Frs utilisée pour cette acquisition est de 19,73% ce qui représente une somme de 29 598,84 € ; qu'elle demande que le calcul de la quotité disponible et des droits des héritiers réservataires soit en conséquence refait en tenant compte de ces éléments. Mme [N] [F] formule un dire identique. »

« 2/Mme [C] [F] soutient qu'elle est créancière de la succession d'une indemnité de jouissance dont [E] [F] était redevable envers elle du chef de sa jouissance de la [Adresse 14] enter 1983 et juillet 2005 ».

Le rapport du juge commis ne pouvait donc contenir un point de désaccord quant à la validation de ce dernier document qui n'était aucunement exprimé par les dires adressés par le conseil de Mme [C] [A].

Partant, pour les motifs qui précèdent qui complètent ceux non contraires des premiers juges, le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande des appelantes tendant à la validation du projet d'aperçu fiscal rédigé par Me [B].

Les appelantes demandent que le montant de la donation de 150 000 Frs que lui a consentie son défunt époux soit actualisée dans les opération de compte liquidation partage de la succession de ce dernier à la somme de 39 474,48 € ; cette dernière somme a été obtenue par un convertisseur que propose l'INSEE afin de mesurer l'érosion monétaire due à l'inflation et de permettre l'expression du pouvoir d'achat d'une année donnée en somme équivalente d'une autre année.

Le tribunal a déclaré irrecevable sur le fondement des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile leur demande de ce chef pour les mêmes motifs que ceux retenus pour écarter leur demande de validation du projet d'aperçu fiscal.

Si Mme [C] [A] par ses dires adressés au notaire a contesté que la totalité de donation de 150 000 Frs ait servi au financement du bien immobilier de [Localité 11], ayant soutenu que seule 19,73% de cette somme avait été utilisée, elle ne formulait aucune réclamation tendant à l'actualisation en fonction de l'évolution du coût de la vie de la somme de 150 000 Frs de façon à ce qu'elle soit prise en compte dans les opérations de compte liquidation partage à hauteur de 39 474,48 € ; pour les mêmes motifs que ci-avant retenus, le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré cette demande irrecevable.

Sur la détermination de la masse de calcul des droits héréditaires des parties

Les parties s'opposent sur la proportion du montant de la donation de 150 000 Frs ayant servi au financement de l'acquisition par Mme [C] [A] du bien immobilier de [Localité 11] ; cette dernière prétend que seulement 19,73% de cette somme a été utilisé à cette fin, les intimés prétendent que la totalité de cette somme a servi au financement de cette acquisition.

Mme [A] rappelle les termes des chefs du dispositif de l'arrêt du 2 avril 2014 disant qu' « en application de l'article 922 du code civil, la donation de la somme de 22 865,85 € sera fictivement réunie à la masse des biens existants suivant la valeur, au 3 juillet 2005, du bien situé à [Localité 11] qu'elle a servi, pour partie à acquérir », qu'elle « peut cumuler les droits successoraux prévus par l'article 757 du code civil avec la donation », et qu'en application de l'article 758-5 du code civil, elle n'est pas tenue au rapport comme le précise cet arrêt dans ses motifs.

Elle soutient que seule la somme de 39 474,48 € qui correspond en euros du montant nominal de la donation (22 865,85 €) tout en étant actualisée à sa valeur au 3 juillet 2005 avait vocation à être réunie à la masse de calcul de l'article 922 du code civil et non pas la somme de 227 547,17 € comme figurant sur le projet d'état liquidatif préparé par Me [M]. Elle qualifie en conséquence de lésionnaire ce projet de partage au motif qu'il retient un dépassement de la quotité disponible sur la base d'éléments étrangers au calcul de l'avantage matrimonial.

***

Le tribunal s'appuyant sur les motifs de l'arrêt du 2 avril 2014 et sur l'aveu judiciaire de Mme [C] [A] que cette acquisition avait été financée au moyen de la donation de 150 000 Frs et à hauteur de celle-ci et au caractère irrévocable de cet aveu, a rejeté la demande de cette dernière tendant à voir calculer à nouveau le montant de la réserve et les droits des héritiers réservataire en fonction d'un ratio de 19,73% du montant de la donation de 150 000 Frs.

Le dispositif de l'arrêt du 2 avril 2014 auquel s'attache l'autorité de la chose jugée comprend un chef ainsi libellé : « dit qu'en application de l'article 922 du code civil, la donation de la somme de 22 865,85 € [150 000 Frs] sera fictivement réunie à la masse des biens existants suivant la valeur au 3 juillet 2005, du bien qu'elle a servi, pour partie, à acquérir ».

La prétention de Mme [C] [A] sous-tend que l'expression « pour partie » s'applique au montant de donation ; ainsi, d'après elle, une partie seulement du montant de cette donation a servi au financement de l'acquisition du bien immobilier de [Localité 11] ; selon la position inverse des intimés, le chef de l'arrêt doit être lu comme l'intégralité de la donation de 150 000 Frs a servi à financer cette acquisition dont le coût total frais compris s'est élevé à 263 681,59 Frs.

La question de la proportion de la donation ayant servi au financement de l'acquisition du bien de [Localité 11] avait déjà été débattue devant la cour d'appel dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 2 avril 2014 ; ainsi cet arrêt indique « que Mme [A] soutient par ailleurs qu'il n'existe aucune preuve sérieuse de l'utilisation effective de l'utilisation de la donation de 150 000 € dans l'achat du Planet au regard de ses capacités de financement personnel ».

Pour rejeter le moyen défendu par Mme [C] [A], la cour d'appel se reportant aux conclusions de cette dernière devant le tribunal a relevé « qu'en première instance, Mme [A] avait indiqué avoir financé cette acquisition au moyen, notamment, de la donation de son époux » et « et en conséquence (que), cet aveu judiciaire ne peut être révoqué et (qu')il doit être retenu que ce bien a été financé au moyen de cette donation à concurrence de 150 000 Frs ». La cour a ajouté d'autres motifs tenant à « la proximité dans le temps de la donation du 3 mai 1983 et de l'acquisition du bien situé au Planet le 5 mai 1983 » et à l'absence d' « apport par Mme [C] [A] de la somme nécessaire à l'acquisition du Planet, n'ayant eu la disponibilités de sommes importantes que suite à la succession de son père décédé le 27 mars 1989 ».

Ainsi, la cour d'appel par son arrêt du 2 avril 2014 a tranché la contestation sur la portion de la donation de 150 000 Frs ayant servi au financement de l'acquisition du bien immobilier du Planet à [Localité 11] en jugeant que « la donation de la somme de 22 865,85 € (150 000 Frs) sera fictivement réunie à la masse des biens existants suivant la valeur, au 3 juillet 2005, du bien situé à [Localité 11].

Il en résulte que l'expression « pour partie » se rapporte au coût total de l'acquisition que la donation ne couvrait pas en intégralité.

Ce chef étant revêtu de l'autorité de la chose jugée, Mme [C] [A] ne saurait le faire juger à nouveau dans un sens contraire.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend Mme [C] [A], la prise en compte de l'intégralité du montant de la donation dans le financement du bien immobilier de [Localité 11] qui vient en subrogation de cette donation en application de l'article 922 du code civil n'a pas pour effet de porter atteinte à son droit de propriété exclusif sur ce bien pour lequel il n'existe aucune indivision avec les autres héritiers de [E] [F] ; en effet, ces derniers sont seulement créanciers d'une indemnité de réduction s'il résulte de cette donation une atteinte à leur réserve, laquelle en vertu du même article dans sa rédaction antérieure à sa modification par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur auxquels sont fictivement réunis les biens après en avoir déduit les dettes dont il a été disposé entre vifs, et s'il y a eu subrogation, comme c'est le cas en l'espèce il est tenu compte de la valeur du nouveau bien au jour de l'ouverture de la succession d'après son état à l'époque de l'acquisition.

Contrairement à ce que prétend Mme [C] [A], elle peut ainsi cumuler ses droits successoraux en tant que conjoint survivant et la libéralité qui lui a été consentie sauf à ne pas porter atteinte à la nue-propriété de la réserve héréditaire, ni dépasser les quotités disponibles spéciales permises entre époux par l'article 1094-1 du code civil.

Le sentiment de spoliation ressenti par l'appelante du fait que l'indemnité de réduction qu'elle devra payer représentera plusieurs fois le montant nominal de la donation est la conséquence de sa subrogation par un bien immobilier dont la valeur vénale a été multiplié selon la dernière estimation remises au notaire (635 000 €) par 17 environ depuis son acquisition ; l'appelante feint d'ignorer qu'elle profite de la hausse de cette valeur vénale qui augmente d'autant la valeur de son patrimoine.

Partant, pour les motifs qui précèdent qui s'ajoutent à ceux non contraires des premiers juges, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [C] [A] de voir calculer à nouveau le montant de la réserve et des droits des héritiers.

Sur l'indemnité de jouissance

Si la déclaration d'appel visait expressément le chef du jugement qui a débouté Mme [C] [A] de sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de la succession du fait de la jouissance privative du bien immobilier situé à [Localité 11], cette demande n'est pas reprise dans le dispositif des dernières écritures qui seules saisissent la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur la demande de prorogation de la mission de Me [M]

Mme [C] [A] en demandant la prorogation de la mission du notaire liquidateur afin que celui-ci procède à nouveau au calcul de la réserve héréditaire, de la quotité disponible et de la masse partageable s'oppose de facto à l'homologation du projet d'état liquidatif préparé par Me [M] que le tribunal a ordonnée, chef du jugement dont les intimés demandent la confirmation.

Les points de désaccord subsistant faisant l'objet de prétentions recevables étant tranchés par le présent arrêt, il y a lieu de confirmer le jugement qui a homologué ce projet d'état liquidatif.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant ouvrir droit à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, Mme [C] [A] et Mme [N] [F] en présentant devant le tribunal et à nouveau devant la cour des demandes manifestement irrecevables et définitivement tranchées par des décisions de justice irrévocables retardent le règlement de la succession de [E] [F] dont le décès remonte à près de 17 ans, ce dont pâtissent les intimés. Ces agissements qui relèvent d'un abus du droit d'ester en justice, justifient que Mme [C] [A] et Mme [N] [F] soient solidairement condamnées à payer aux intimés la somme de 2 000 € de dommages et intérêts.

La demande d'amende civile du fait même de sa formulation est irrecevable.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [C] [A] et Mme [N] [F] qui échouent en leurs demandes supporteront les dépens d'appel.

Supportant les dépens, Mme [C] [A] et Mme [N] [F] se verront condamnées au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il suit.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans la limite de l'appel,

Confirme le jugement prononcé le 19 décembre 2019 en toutes ses dispositions dévolues à la cour et dont celle-ci a été saisie de demande d'infirmation ;

Condamne solidairement Mme [C] [A] et Mme [N] [F] à payer ensemble aux intimés la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Condamne solidairement Mme [C] [A] et Mme [N] [F] à payer ensemble aux intimés la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [C] [A] et Mme [N] [F] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 20/05211
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;20.05211 ?
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