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14/04/2022 | FRANCE | N°20/000544

France | France, Cour d'appel de Paris, H0, 14 avril 2022, 20/000544


Copies exécutoires délivrées aux parties le :

Copies certifiées conformes délivrées aux parties le :

République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRÊT DU 14 Avril 2022
(no 66 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00054 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBQQP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Novembre 2019 par le Tribunal d'instance de Villejuif RG no 11-18-001883

APPELANT

Monsieur [S] [W] (débiteur)
Chez Monsieur [D] [W]
[

Adresse 1]
représenté par Me Saveriu FELLI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Emilie CHALIN, avocat au barreau de PARIS, ...

Copies exécutoires délivrées aux parties le :

Copies certifiées conformes délivrées aux parties le :

République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRÊT DU 14 Avril 2022
(no 66 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00054 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBQQP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Novembre 2019 par le Tribunal d'instance de Villejuif RG no 11-18-001883

APPELANT

Monsieur [S] [W] (débiteur)
Chez Monsieur [D] [W]
[Adresse 1]
représenté par Me Saveriu FELLI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Emilie CHALIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0467

INTIMEES

CREDIT INDUSTRIEL ETCOMMERCIAL CIC (1074L 00010404001)
Chez CM-CIC services surendettement
[Adresse 6]
[Localité 3]
non comparante

SIP [Localité 9] (TH 2017)
[Adresse 2]
[Localité 9]
non comparante

VALOPHIS HABITAT (2118330)
OPH du Val de Marne
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Maxime TONDI de la SELARL TONDI MAXIME, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 145

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Christophe BACONNIER, président
Mme Laurence ARBELLOT, conseillère
Mme Fabienne TROUILLER, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, président et par Mme Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [S] [W] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne qui a déclaré sa demande recevable le 12 avril 2018.

Par décision du 14 juin 2018, la commission a prononcé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

L'OPH Valophis Habitat a contesté cette mesure en mettant en avant la mauvaise foi de M. [W] qui ne règle pas son loyer courant alors qu'il en a l'obligation. La société Valophis Habitat a également fait état d'une aggravation de la dette.

Par jugement réputé contradictoire du 6 novembre 2019 auquel il convient de se reporter, le tribunal d'instance de Villejuif a notamment:
- déclaré recevable le recours,
- constaté que M. [W] ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise,
- dit n'y avoir lieu à effacement des dettes du débiteur,
- renvoyé le dossier à la commission de surendettement pour mise en oeuvre des mesures de traitement de la situation de surendettement.

La juridiction a considéré que la mauvaise foi de M. [W] n'était pas caractérisée, qu'il avait justifié de démarches de recherches d'emploi et de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé tout en poursuivant des versements réguliers au titre de son loyer même en l'absence de capacité de remboursement.

Elle a constaté que M. [W] était âgé de 39 ans, qu'il n'avait jamais bénéficié de mesures de surendettement, qu'il était engagé dans une démarche de réinsertion avec recherche d'un logement plus adapté et moins onéreux. Elle a relevé qu'il était sans emploi depuis 2017 date à laquelle sa carte d'agent de sécurité privée lui a été retirée et percevait depuis le RSA sans aucune capacité de remboursement. Elle a considéré que la situation n'était pas irrémédiablement compromise.

Suivant courrier recommandé adressé le 18 novembre 2019 au greffe de la cour d'appel de Paris, M. [W] a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 1er février 2022.

A l'audience du 1er février 2022, le conseil de M. [W] aux termes d'écritures visées par le greffier et soutenues oralement sollicite l'infirmation de la décision rendue sauf en ce qu'elle a constaté la bonne foi de l'intéressé.

Il sollicite le débouté des demandes formées par Valophis Habitat, le rejet de la contestation de celle-ci et qu'il soit donc donné force exécutoire à la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prise par la commission de surendettement le 12 avril 2018.
Il sollicite la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 outre la condamnation de Valophis Habitat aux dépens.

Le conseil de M. [W] expose que celui-ci a été expulsé, que sa situation de santé s'est dégradée, qu'il a été hospitalisé à quatre reprises en soins intensifs depuis septembre 2020, qu'il est atteint d'une addiction à l'alcool et a développé une cirrhose. Il précise que l'intéressé est hébergé chez ses parents, que la situation financière est très fragile avec perception de l'ASS, que l'état de santé de M. [W] obère ses chances de retrouver un emploi même s'il effectue des démarches en ce sens et qu'il a obtenu une reconnaissance de travailleur handicapé. Il conteste toute mauvaise foi et estime que sa situation est irrémédiablement compromise.

Le conseil de Valophis Habitat soutient que la demande est irrecevable au regard de la mauvaise foi de M. [W] et à titre subsidiaire, sollicite la confirmation de la décision constatant que la situation n'est pas irrémédiablement compromise. Il sollicite la condamnation de M. [W] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Valophis Habitat explique avoir récupéré le logement en fin d'année 2021, que M. [W] n'a jamais fait de réels efforts alors que la dette locative est passée de 2 972,82 euros en juin 2018 à 12 340,16 euros en septembre 2019 de sorte que l'endettement s'est aggravé. L'organisme rappelle que M. [W] n'a accepté aucune proposition de relogement car l'appartement proposé était trop loin des commerces et qu'il souhaitait un logement situé à [Localité 8] ou à [Localité 9] proche des commerces. Il s'interroge sur la situation réelle de M. [W] au regard de sa santé au regard des pièces justificatives.

Par courrier reçu le 22 novembre 2021, la société Crédit industriel et commercial indique n'avoir aucune observation à formuler.

Les autres créanciers n'ont pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.

Sur la recevabilité du recours :

En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours.

Sur le moyen tiré de la mauvaise foi :

Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.

Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.

En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :
1o ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,
2o ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,
3o ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.

En l'espèce, le premier juge a relevé que si la dette locative a bien augmenté entre le dépôt du dossier de surendettement et la décision de recevabilité passant de 2 533 euros en mars 2018 à la somme de 12 340,16 euros au 11 septembre 2019 (loyer d'août 2019 inclus), les ressources de M. [W] ont dans le même temps connu une baisse significative avec la fin de la perception de l'aide au retour à l'emploi à compter de juin 2019 pour laquelle il percevait la somme de 1 004 euros par mois remplacée par l'ASS à hauteur de 511 euros mensuels. Il a également été constaté que malgré ses difficultés financières, M. [W] a continué à effectuer des versements pour payer son loyer. Les charges non contestées ont été évaluées à 1 696 euros par mois de sorte que M. [W] ne disposait d'aucune capacité de remboursement.

Il a également été constaté que M. [W] avait engagé dans des démarches de réinsertion qu'il s'agisse de recherches d'emploi ou de la reconnaissance de travailleur handicapé qu'il justifie avoir obtenu le 19 novembre 2019.

S'agissant du logement de [Localité 8], M. [W] démontre avoir constitué un dossier sollicitant son relogement afin que le loyer soit plus adapté à sa situation. Aucun élément ne permet de dire que M. [W] aurait été de mauvais foi en formulant des exigences particulières pour son relogement.

M. [W] démontre que sa situation s'est aggravée depuis la décision rendue 6 novembre 2019, notamment au regard de son état de santé avec un suivi en addictologie depuis 2018, le déclenchement d'une cirrhose hépatique entraînant un suivi médical de longue durée avec des hospitalisations régulières depuis 2019. Cette situation de santé a rendu difficile les démarches en vue de retrouver un emploi, M. [W] justifiant percevoir l'ASS (attestation de Pôle emploi du 28 janvier 2022) à hauteur d'environ 500 euros par mois.
M. [W] justifie être hébergé à [Localité 7] chez ses parents depuis son expulsion du logement de [Localité 8] en octobre 2020.

L'ensemble de ces éléments ne permet pas dire que le comportement de M. [W] serait à l'origine de l'aggravation de son endettement et de caractériser sa mauvaise foi de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré l'intéressé recevable au bénéfice de la procédure de surendettement.

Sur le bien-fondé de la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire :
En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

Au vu des éléments qui précèdent, la situation de santé et de handicap de M. [W] rend difficile d'envisager un retour rapide à l'emploi alors qu'il est âgé de 42 ans et qu'il a été expulsé de son logement, qu'il vit chez ses parents et qu'il perçoit l'ASS sans capacité de remboursement.

Il n'est pas contesté qu'il ne possède aucun actif susceptible de désintéresser ses créanciers.

Au regard de ces éléments, de l'absence de toute capacité de remboursement rendant impossible la mise en place d'un plan d'apurement, sans aucune amélioration significative de la situation professionnelle dans un avenir proche, il convient d'infirmer le jugement et de prononcer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours formé par Valophis Habitat,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate l'existence d'une situation irrémédiablement compromise et la bonne foi de M. [S] [W],

Ordonne l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de M. [S] [W],

Clôture immédiatement cette procédure,

Dit que cette procédure entraîne l'effacement total des dettes de M. [S] [W] mentionnées dans l'état des créances arrêté par la commission de surendettement des particuliers du Val de Marne le 14 juin 2018,

Ordonne la publication du présent arrêt au BODACC pour permettre aux éventuels créanciers qui n'auraient pas été convoqués dans le cadre de la présente procédure de pouvoir le cas échéant former "tierce opposition", à peine d'extinction de leurs créances, à l'issue de l'expiration du délai de 2 mois qui suivra la date de cette publication,

Dit que cette procédure entraîne l'inscription de M. [S] [W] au fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels (F.I.C.P) pour une période de 5 ans,

Dit que chaque partie supportera les éventuels dépens d'appel qu'elle a exposés,
Rejette le surplus des demandes,

Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : H0
Numéro d'arrêt : 20/000544
Date de la décision : 14/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Villejuif, 06 novembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-04-14;20.000544 ?
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