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17/03/2022 | FRANCE | N°19/10202S

France | France, Cour d'appel de Paris, K5, 17 mars 2022, 19/10202S


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
À
Me Frédéric BENICHOU

Me Pascale FLAURAUD

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 17 MARS 2022

(no 2022/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/10202 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAYOC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG no F 18/00070

APPELANT

Monsieur [U] [H]
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représenté p

ar Me Frédéric BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0356

INTIMEE

SAS RENAULT TRUCKS [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 2]

Représ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
À
Me Frédéric BENICHOU

Me Pascale FLAURAUD

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 17 MARS 2022

(no 2022/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/10202 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAYOC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG no F 18/00070

APPELANT

Monsieur [U] [H]
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représenté par Me Frédéric BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0356

INTIMEE

SAS RENAULT TRUCKS [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 2]

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Chaïma AFREJ, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Renault Trucks [Localité 6] est spécialisée dans le secteur du commerce de véhicules automobiles.

M. [U] [H] a été engagé par la SAS Renault Trucks [Localité 6] par contrat de travail à durée indéterminée du 31 mai 2011, à effet du 1er juin 2011, avec reprise d'une ancienneté au 1er mars 2011, en qualité de mécanicien, catégorie ouvrier - échelon 9, à temps plein sur la base de 35 heures hebdomadaires, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 300 euros outre le paiement de 30 minutes de temps de formation.
Dans le dernier état de sa relation de travail, M. [H] occupait un poste de technicien confirmé d'atelier mécanique et percevait une rémunération mensuelle brute de base de 2 752,63 euros outre 39,38 euros au titre du temps de formation et 17,88 euros au titre de la prime d'habillage, soit un salaire mensuel brut de 2 809,89 euros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 mai 2017, la SAS Renault Trucks [Localité 6] a notifié à M. [H] un avertissement pour avoir gravement insulté l'un de ses collègues. M. [H] a contesté cet avertissement par lettre du 5 juin 2017.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 juillet 2017, M. [H] était convoqué par la société Renault Trucks [Localité 6] à un entretien préalable fixé au 28 juillet 2017, avec mise à pied à titre conservatoire, en vue d'un éventuel licenciement pour faute grave. Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 août 2017, M. [H] se voyait notifier son licenciement pour faute grave.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services de l'automobile. La société Renault Trucks [Localité 6] occupait à titre habituel au moins onze salariés au jour de la rupture du contrat de travail.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau, par requête enregistrée au greffe le 8 février 2018, afin d'obtenir l'annulation de l'avertissement notifié à son encontre le 29 mai 2017, l'annulation de sa mise à pied du 17 juillet 2017 et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 6 septembre 2019, auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Longjumeau, section commerce, a :
- dit que le licenciement notifié le 4 août 2017 par la SAS Renault Trucks [Localité 6] à l'encontre de M. [H] pour faute grave est fondé ;
- dit n'y avoir lieu à annuler l'avertissement notifié le 19 mai 2017 à l'encontre de M. [H] ;
- débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Renault Trucks [Localité 6] de sa demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [H] aux entiers dépens.

M. [H] a régulièrement relevé appel du jugement le 9 octobre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant transmises par voie électronique le 30 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] prie la cour de :
- infirmer en sa totalité le jugement entrepris ;
- annuler l'avertissement notifié à son encontre ;
- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner, en conséquence, la SAS Renault Trucks [Localité 6] à lui verser les sommes suivantes :
* 1 676,60 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,
* 167,60 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur la période de mise à pied,
* 6 279,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 628 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
* 4 080 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 31 390 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonner la remise d'un certificat de travail, une attestation pôle emploi et un bulletin de paie
conformes ;
- condamner la SAS Renault Trucks [Localité 6] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Renault Trucks [Localité 6] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 29 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SAS Renault Trucks [Localité 6] prie la cour de:
- confirmer le jugement en ses dispositions afférentes à M. [H] ;
- condamner M. [H] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [H] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2022.

MOTIVATION

Sur l'annulation de l'avertissement notifié le 29 mai 2017 :

Par courrier du 29 mai 2017, M. [H] a fait l'objet d'un avertissement dans les termes suivants:

" En date du 29 mars 2017 à 14 heures, nous avons eu à déplorer de votre part, le comportement fautif suivant : vous avez gravement insulté votre collègue Monsieur [W] [V] dans le bureau des chefs d'équipe et devant témoins.

Votre responsable hiérarchique, Monsieur [F] [C], vous a alors interpellé en vous signifiant qu'un tel comportement inadmissible et inacceptable était préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise. Et vous a rappelé que le règlement intérieur applicable au sein de Renault Trucks [Localité 6] et que vous êtes tenu de respecter, stipule en son article 14.3 que "les insultes et injures constituent des manquements fautifs graves sanctionnés par l'entreprise".

En conséquence, nous déplorons ces faits et sommes contraints de vous rappeler que dans le cadre de l'exécution attendue de vos fonctions, vous vous devez d'adopter en permanence un comportement professionnel respectueux de vos collègues mais également des règles et procédures en vigueur au sein de l'entreprise. (...)"

M. [H] a contesté le bien fondé de cet avertissement par courrier du 5 juin 2017 en invoquant d'une part, l'état alcoolique et violent de son protagoniste ainsi que la tenue par ce dernier de propos calomnieux la veille de l'incident, d'autre part, les délations infondées et le harcèlement dont il a été victime de la part de son collègue.

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, l'article L. 1332-4 du code du travail limitant à deux mois la prescription des faits fautifs.

En outre, l'article L. 1333-1 du code du travail édicte qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié, l'article L. 1333-2 du même code prévoyant qu'il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Pour justifier de cette sanction disciplinaire, l'employeur produit un mail circonstancié émanant de M. [F] [C] et relatant les faits dont il a été le témoin direct, précisant que M. [H] avait réitéré l'insulte et que lui-même était intervenu pour séparer les protagonistes. Il a indiqué ne pas avoir constaté d'état d'ébriété chez M. [V] et ne pas avoir été informé par les organes représentatifs du personnel de cette difficulté. Enfin, M. [C] a indiqué que M. [H] avait reconnu en sa présence avoir insulté M. [V].

En outre, c'est à juste titre que la société Renault Trucks [Localité 6] soutient qu'il résulte du courrier adressé par M. [H] le 5 juin 2017 à son employeur, que ce dernier conteste la sévérité avec laquelle il a été traité sans nier avoir proféré les insultes reprochées et tente au contraire de les justifier.

Dès lors, la sanction apportée par la société Renault Trucks [Localité 6] est fondée et proportionnée à la faute commise.

En conséquence, la cour déboute M. [H] de sa demande tendant à l'annulation de l'avertissement notifié le 29 mai 2017 et confirme le jugement entrepris de ce chef.

Sur le licenciement :

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement du 4 août 2017, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit.

" (...) Vous avez été engagé par notre Société par contrat de travail à durée indéterminée le 1er juin 2011 en qualité de Mécanicien.

En cette qualité, il vous appartient de prendre en charge les véhicules et de traiter les travaux à effectuer avec diligence.

Or, nous avons eu à déplorer de votre part des agissements fautifs.

Le 19 juin 2017 à 09h56 un ordre de réparation (O.R) no8372601 a été ouvert à la réception du site Renault Trucks [Localité 6] pour un véhicule appartenant au client Laudate immatriculé [Immatriculation 4], de type RENAULT PREMIUM DXI 460.19T, numéro de série VF624GPA000065589.

Le donneur d'ordre était Monsieur [P], Chef de Parc Laudate à [Localité 7], qui a signalé au Réceptionnaire Atelier, Monsieur [D], un défaut injection s'affichant au tableau de bord, lui demandant de prendre en charge le véhicule pour les travaux suivants, en précisant que ce véhicule était en contrat d'entretien Start and Drive:

- la prise en charge d'un défaut injection s'affichant au tableau de bord,
- la maintenance du véhicule,
- des travaux de carrosserie.

Un ordre de réparation a ainsi été créé par le Réceptionnaire Atelier.

Puis ce dernier a déposé le dossier dans la bannette des ordres de réparation à prendre en atelier, dans le bureau des Chefs d'Équipe.

De votre propre chef, vous avez décidé de prendre ce véhicule en diagnostic le même jour, alors qu'il appartient au Chef d'Équipe, Monsieur [A], d'affecter le travail aux mécaniciens.

Vous avez réalisé votre diagnostic pendant les heures de pause repas. En effet, l'édition du rapport est intervenue à 12h56.

Le même jour à 15 heures, vous avez informé votre Chef d'Equipe qu'il fallait remplacer 4 injecteurs sur 6, à la suite du rapport de la valise diagnostic.

Vous lui avez demandé si vous pouviez toutefois remplacer les 6 injecteurs. Votre supérieur hiérarchique vous a répondu que vu que le véhicule était en contrat d'entretien, et qu'il convenait de se limiter au changement des 4 injecteurs défectueux.

La valise de diagnostic relevait le défaut « courant anormalement bas ou coupure » pour 5 injecteurs avec comme première apparition du problème le 19 juin 2017 à 12h50. L'historique de la mémoire des défauts du véhicule ne présentait aucun défaut d'injection avant ce 19 juin à 12h50 alors qu'en réception, il était annoncé à 9h56 qu'un défaut d'injection s'affichait au tableau de bord.

Vous n'ignorez pas que le défaut présent « courant anormalement bas ou coupure » se déclenche lorsque l'injecteur est débranché. Vous n'ignorez pas non plus qu'il est facile de débrancher 5 injecteurs sur les 6 présents sur le véhicule, mais que le débranchement du 6ème injecteur demande plus de temps et de travail.

Il est donc clairement établi par la valise de diagnostic, qui retrace historiquement tous les problèmes du véhicule, que le défaut d'injection n'existait pas le 19 juin avant 12h50 et donc que vous avez-vous-même débranché 5 injecteurs afin de faire apparaitre ce défaut d'injection à 12h56.

Le 19 juin à 14h12, Monsieur [B], Magasinier Comptoir Clients Externes, et qui n'est pas le magasinier atelier, a débité 6 injecteurs référencés 74 85 003 949 sur l'ordre de réparation no8372601 du véhicule Laudate [Immatriculation 4].

Après vérification, il est apparu que ces 6 injecteurs débités à 14h12 le 19 juin ne correspondaient pas au véhicule Laudate ayant fait l'objet de l'ordre de réparation no8372601.

En effet, le véhicule correspondant à cet ordre de réparation comportait des injecteurs de série référencés 74 85 013 228.

Il est ainsi incontestable que les pièces débitées ne correspondaient pas au véhicule faisant l'objet de l'ordre de réparation.

Le 21 juin à 16h, vous avez informé Monsieur [A], votre Chef d'Equipe, que le véhicule était terminé en mécanique, qu'il restait à faire la vidange et les travaux de carrosserie. Vous avez donné à votre Chef d'Equipe l'ordre de réparation accompagné de votre rapport d'intervention comprenant le libellé des opérations réalisées.

L'ordre de réparation indiquait alors 11,6 heures de travail pointées par vous-même sur le dossier ainsi que votre mention manuscrite : « dépose et remplacement des 6 injecteurs » sur votre rapport d'intervention.

Le 22 juin de 08h à 17h le véhicule a été pris en charge par Monsieur [K], Carrossier Peintre.

Le 23 juin à 06h49, Monsieur [C] a constaté que 4 boites d'injecteurs 74 85 003 949 contenant 4 vieux injecteurs se trouvaient sur votre caisse à outils. Les images de la vidéosurveillance sont formelles, il s'agit bien de votre caisse à outils, vous êtes bien visible en train de travailler avec votre caisse et les 4 boites d'injecteurs sont bien visibles sur la vidéo.
Le 23 juin de 08h à 12h, le véhicule a été en vidange, pris en charge par Monsieur [G], Mécanicien Poids Lourds.

Le 23 juin à 13h, Monsieur [C], Responsable Atelier, a été informé par Monsieur [V], remplaçant le Chef d'Equipe Poids Lourds, absent ce jour-là, que le véhicule était terminé en vidange et qu'il pouvait être rendu au client Laudate.

Monsieur [C] ne vous ayant pas vu travailler sur le véhicule le 21 Juin, a eu un doute sur le remplacement effectif des injecteurs par vous-même. Pour lever ce doute il est donc allé vérifier lui-même si les 6 injecteurs avaient bien été remplacés. Après avoir déposé le cache culbuteur, Monsieur [C] a alors constaté que les injecteurs n'avaient pas été remplacés et les photos prises à ce moment-là le démontrent bien. Monsieur [C] nous a alors alertés, Monsieur [M] et moi-même, de cette anomalie.

Le 23 juin à 15h45, accompagné de Monsieur [M], responsable du site de [Localité 7], et de Monsieur [C], chef de l'atelier de [Localité 7], je vous ai demandé si vous aviez bien remplacé les injecteurs sur le véhicule [Immatriculation 4]. C'est alors que vous avez reconnu ne pas avoir changé les injecteurs sur le véhicule. Lorsque nous avons mentionné votre rapport d'expertise indiquant « dépose et remplacement des 6 injecteurs », vous nous avez indiqué que vous n'en étiez pas l'auteur et donc que quelqu'un aurait imité votre écriture dans le rapport des opérations réalisées noté sur l'ordre de réparation no 8372601.

Vous avez également indiqué que vous attendiez l'accord de votre Chef d'Equipe pour remplacer les injecteurs. Je vous ai alors demandé à quoi correspondaient les 11,6 heures de travail pointées sur le dossier, ce à quoi vous avez répondu que ce temps-là vous avait été nécessaire à établir le diagnostic.

Je vous ai alors demandé d'écrire les opérations que vous aviez réalisées sur le véhicule et les temps approximatifs que vous aviez passés sur chaque opération, ce que vous avez fait.

Il résulte de l'ensemble de ces faits que vous avez agi en totale transgression des règles élémentaires de fonctionnement de l'entreprise en prenant de vous-même ce véhicule sans que votre Chef d'Equipe ne vous l'ai demandé, et en débranchant vous-même les 5 injecteurs afin de créer une fausse panne et un faux défaut : "courant anormalement bas ou coupure" sur la valise de diagnostic.

Vous avez ensuite produit un faux rapport d'intervention sur le véhicule en mentionnant par écrit le libellé "dépose et remplacement des 6 injecteurs"·

Vous avez pointé 11,6 heures de travail non réellement effectuées sur le véhicule, puisque votre diagnostic du véhicule a été rendu le 19 Juin à 12h56, que suite à ce diagnostic mensonger, vous n'avez pas remplacé les injecteurs sur ce véhicule et qu'aucun autre travail de mécanique n'a été réalisé par vos soins sur ce véhicule.

Le défaut avait bien évidemment disparu lorsque vous avez rebranché les 5 injecteurs, et évidemment, le véhicule fonctionnait parfaitement, sans aucun défaut d'injection lorsqu'il a été rendu au client Laudate le 23 juin.

Vous avez menti à votre Chef d'Equipe en lui indiquant que le véhicule était prêt après le remplacement des 6 injecteurs.

Vous avez menti à Monsieur [M] et à moi-même le 23 juin, en nous indiquant que vous attendiez l'accord de votre Chef d'Equipe pour remplacer les injecteurs.

Vous nous avez également menti en nous soutenant que ce n'était pas vous qui aviez rédigé le rapport d'intervention sur le véhicule. Ce document était pourtant établi avec votre écriture, identique à celle que nous retrouvons sur tous vos rapports d'interventions et que nous pouvons également rapprocher de votre écriture sur le document que vous avez rédigé le 23 juin devant nous pour de justifier de vos 11,6 heures de travail pointées sur ce véhicule.

Le 23 juin au matin, vous avez posé sur votre caisse à outils des boites vides dans lesquelles vous avez placé de vieux injecteurs afin de laisser supposer que vous les aviez remplacés sur le véhicule Laudate. Vous avez donc créé un leurre pour laisser penser que vous aviez bien remplacé les injecteurs.

Vos agissements créent donc un grave préjudice à l'entreprise, car vous avez triché en générant volontairement un incident technique inexistant à l'entrée du véhicule en atelier, vous avez produit de faux documents et de faux pointages dans le système de gestion de l'atelier et menti à vos responsables sur vos actions.

Vos agissements frauduleux ont permis de couvrir la disparition de ces injecteurs qui ont été sortis illicitement du site le 19 Juin 2017 par Monsieur [N] suite au débit de ces injecteurs par le Magasinier Comptoir dans le système du magasin pièces de rechange. Il est également important de vous rappeler ici que les injecteurs débités au magasin sur cet ordre de réparation ne correspondaient pas au véhicule de Laudate et que donc, par conséquent, ils n'auraient pas pu être montés sur ce véhicule.

Votre comportement est constitutif d'une violation flagrante de vos obligations contractuelles et s'analyse en une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise.

C'est dans ces conditions que nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement, sans préavis ni indemnité de rupture, prend effet immédiatement, soit à la date d'envoi du présent courrier et votre mise à pied ne vous sera pas rémunérée."

M. [H] conteste les motifs de son licenciement. Il soutient qu'il a récupéré de son supérieur hiérarchique et non de sa propre initiative, l'ordre de réparation no8372601 afférent au véhicule Laudate [Immatriculation 4], suite au signalement du client d'un défaut d'injection s'affichant sur le tableau de bord. Il conteste être l'auteur du diagnostic produit par l'employeur, les valises de diagnostic étant accessibles à tous les mécaniciens qui connaissaient les codes d'accès de leurs collègues. Enfin, il relève une contradiction entre la lettre de licenciement mentionnant 4 injecteurs alors que le diagnostic reproché portait sur 5 injecteurs. Il conteste le débranchement de 5 injecteurs, et affirme avoir dignostiqué à 14h36 un défaut d'injection sur 4 injecteurs, avoir suggéré à M. [A] de remplacer les 6 injecteurs, que ce dernier aurait préféré attendre l'accord du devis par le client et que sans nouvelle de son chef, M. [H] indique avoir clôturé le dossier le 21 juin 2017. Il conteste enfin la licéité des photographies versées aux débats.

La société Renault Trucks [Localité 6] se réfère aux termes de la lettre de licenciement et précise que l'enquête réalisée par la direction a révélé que les agissements de M. [H] étaient destinés à couvrir ceux d'un autre salarié de l'atelier, M. [N], dès lors qu'il a été découvert qu'à la demande de ce dernier, M. [B], magasinier affecté au comptoir clients externes (et non à l'atelier), a remis, le 19 juin 2017 à 14 heures 12, à M. [N], 6 injecteurs (référence 74 85 003 949) débités au client Laudate alors même que ce dernier n'était pas en charge du véhicule de ce client. Elle affirme qu'incompatibles avec le véhicule Renault Premium DXI 460.19 T de la société Laudate, ces injecteurs n'ont jamais été montés sur ce véhicule et n'auraient d'ailleurs jamais pu l'être, contrairement à ce qu'a tenté de faire croire M. [H] dont les manoeuvres précitées étaient uniquement destinées à couvrir la sortie illicite de l'atelier, par M. [N], des 6 injecteurs remis par M. [B]. S'agissant des photographies versées aux débats, l'employeur souligne qu'elles ont été prises avec un téléphone portable et non extraite du système de vidéo-surveillance.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Au soutien des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, la société Renault Trucks [Localité 6] verse notamment aux débats :

- deux photographies représentant la tuyauterie d'un moteur, non datées et non identifiables quant à leur affectation à un quelconque véhicule de sorte qu'elles se révèlent inopérantes et dépourvues de toute force probante ;
- une photographie de boites en carton vides, dont l'usage n'est pas plus identifiable et qui appelle les mêmes observations que précédemment ;

sans qu'il soit besoin de rechercher dans quelles conditions les photographies ont été prises.

S'agissant des conditions dans lesquelles la réparation litigieuse est intervenue, la société Renault Trucks [Localité 6] communique :

- un document intitulé interventions atelier concernant un ordre de réparation no8372601, non daté ni signé et mentionnant notamment la dépose et le remplacement de 6 injecteurs, lequel ne peut être utilement attribué à M. [H] aucun nom ne figurant sur ce document ;

- un extrait du diagnostic effectué le 19 juin 2017 à 12h56 sous le no8372601 sur le véhicule immatriculé CV910XK et mentionnant l'existence d'anomalies concernant 5 injecteurs, l'identifiant de l'utilisateur sous le code CP13303 attribué à M. [H] ; cependant, M. [H] communique une attestation établie par M. [B] mentionnant que les codes et matricules des valises de diagnostics étaient utilisés par plusieurs mécaniciens ateliers et que les identifiants individuels des techniciens ateliers étaient utilisés par les autres mécaniciens, de sorte qu'un doute existe quant à l'imputation du diagnostic effectué le 19 juin 2017 à 12h56 à M. [H] ;
- un état des heures passées par M. [H] entre le 19 juin 2017 et le 22 juin 2017, daté du 3 juin 2020 et concernant l'ordre de réparation no8372601, ce document informatique étant non signé et établi près de 3 ans après les faits, de sorte qu'il est dénué de toute force probante ;

- une attestation dactylographiée de M. [F] [C], responsable atelier, signée mais sans que la pièce d'identité de son auteur ne soit jointe, dont il résulte que ce dernier a recueilli le 20 juin 2017 les propos de son chef d'équipe, M. [A], indiquant que M. [H] avait pris la décision de remplacer 6 injecteurs sur le véhicule litigieux alors que M. [A] lui aurait indiqué que seuls 4 d'entre eux devaient être remplacés ; que M. [C] précise avoir vérifié l'ordre de réparation no8372601 et que 6 injecteurs avaient bien été débités sous la référence 74 85 003 949
non compatibles avec le véhicule de la société Laudate ; que le témoin indique avoir constaté le 21 juin, que le cache culbuteur du véhicule avait été déposé mais qu'il n'avait pas vu M. [H] remplacer les injecteurs, qu'à 16h30 il avait réceptionné de son chef d'équipe l'ordre de réparation no8372601 annoncé comme terminé par M. [H] et qu'après vérification, il avait constaté que les injecteurs n'avaient pas été remplacés ; que le 23 juin, il avait constaté que 4 boites d'injecteurs 74 85 003 949 se trouvaient sur la caisse de M. [H] avec 4 vieux injecteurs à l'intérieur ;
- une attestation dactylographiée de M. [A], dont il ressort que M. [H] lui a remis le 22 juin 2017 en main propre, l'ordre de réparation du véhicule de la société Laudate avec son libellé en stipulant dessus qu'il avait remplacé les 6 injecteurs et que pour sa part, le véhicule était terminé et qu'il ne restait plus qu'une station à effectuer dessus ;
- le listing édité le 28 juin 2017 concernant les sorties de stocks afférentes aux ordres de réparation du 19 juin 2017, effectuées par le magasinier, M. [B], faisant apparaître pour le client Laudate des injecteurs référencés 74 85 003 949 ;
- une attestation manuscrite mais non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, établie par M. [J] [R], attestant qu'une commande urgente de 6 injecteurs référencés 7485003949 avait été donnée par le magasinier [Y] [B] à M. [O] [N], chef d'équipe véhicules utilitaires, le lundi 19 juin 2017 à 14h12 sur le site de [Localité 7] ;

La cour observe qu'il n'est pas établi que M. [H] se soit saisi de l'ordre de réparation no8372601 dès lors que le seul témoignage non conforme de M. [C] est indirect à cet égard et que celui de M. [A] ne corrobore pas les déclarations qui lui sont imputées par M. [C].

En outre, M. [H] communique le document établi le 19 juin 2017 par M. [L] [D], réceptionnaire chez la société Renault Trucks [Localité 6] à [Localité 7] , lors de la remise du véhicule Renault immatriculé CV 910 XK par le client Laudate, et mentionnant le numéro d'ordre de réparation 8372601 ainsi que l'existence d'un défaut d'injection s'affichant sur le tableau de bord.
De surcroît, le salarié verse aux débats une attestation de M. [D] confirmant qu'il avait inscrit le 19 juin 2017, sur l'ordre de réparation no8372601, les instructions de [X] [P], chef de parc Laudate, de sorte que M. [H] ne saurait être accusé d'avoir frauduleusement manipulé les injecteurs en vue de faire apparaître une anomalie, celles-ci ayant été constatées par le client lui-même.

Par ailleurs, la cour relève que la référence no 74 85 003 949 des injecteurs sortis du stock et telle qu'elle ressort du listing édité le 28 juin 2017, concerne un ordre de réparation numéroté 8372603 sans aucun lien avec l'ordre de réparation litigieux, ce qui est confirmé par l'attestation de M. [C] qui évoque l'incompatibilité des injecteurs avec le véhicule litigieux.

De même, le témoignage de M. [R] ne met pas en cause M. [H] comme ayant réceptionné lesdits injecteurs. A cet égard, M. [H] communique une décision de l'inspectrice du travail d'[Localité 5] en date du 26 septembre 2017, refusant le licenciement de M. [O] [N], considérant que les faits reprochés à ce dernier, à savoir, d'avoir pris possession des 6 injecteurs précités pour véhicules poids lourds sans être en charge de l'atelier poids lourds ni d'un véhicule poids lourds, ne constituaient pas une faute suffisante pour justifier son licenciement, étant précisé que la décision mentionne que l'employeur n'a subi aucun préjudice, les 6 injecteurs référencés sous le no 74 85 003 949 ayant été récupérés dans l'armoire fermée à clef de l'atelier des véhicules utilitaires et remis à l'employeur le 26 juin 2017.

Enfin, la cour constate que seules les allégations de M. [A] mettent en cause M. [H] quant à l'achèvement des réparations fictives, sans qu'elles ne soient corroborées par un élément objectif, le document se rattachant à celles-ci étant dénué de toute signature et de toute identité la photographie des boites en carton étant inopérante et l'attestation de M. [C] se référant aux dires de son collègue sans avoir été le témoin de la remise de l'ordre de réparation par M. [H] à ce dernier.

Dans ces conditions, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la cour retient que la société Renault Trucks [Localité 6] échoue dans l'administration de la preuve de l'existence de
de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité et que pas plus elle ne justifie d'une cause réelle et sérieuse ; que dès lors, le licenciement pour faute grave de M. [H] est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris infirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. [H] fondé sur une faute grave.

Sur les conséquences financières du licenciement :

Le salaire moyen de référence de M. [H] s'élève à 3 139,77 euros bruts correspondant à la moyenne des trois derniers mois de salaire.

- sur le rappel de salaire et des congés payés lié à la période de mise à pied à titre conservatoire:

M. [H] sollicite les sommes de 1 676,60 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied outre 167,60 euros au titre des congés payés afférents.

La société Renault Trucks [Localité 6] s'oppose à la demande.

Au vu du bulletin de paie afférent au mois d'août 2017 et la cour ayant requalifié le licenciement pour faute grave de M. [H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Renault Trucks [Localité 6] sera condamnée à verser à M. [H] la somme de 1 676,60 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied du 17 juillet 2017 au 4 août 2017, outre celle de 167,60 euros au titre des congés payés afférents à ladite période.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

- sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

M. [H] sollicite les sommes de 6 279,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 628 euros au titre des congés payés sur le préavis.

La société Renault Trucks [Localité 6] s'oppose à la demande et fait valoir subsidiairement que le salaire à prendre en compte est celui auquel M. [H] aurait pu prétendre s'il avait travaillé, soit 2 780,51 euros.

L'indemnité compensatrice de préavis est égale au montant du salaire qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé pendant la durée de celui-ci.
Il résulte des bulletins de paie de M. [H] que sa rémunération mensuelle brute s'établissait à 2 809,89 euros.

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois

M. [H] justifie d'une ancienneté de 6 ans et 5 mois à la date du licenciement, de sorte qu'il bénéficie d'une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire en application de l'article L. 1234-1 précité.

En conséquence, la société Renault Trucks [Localité 6] sera condamnée à lui verser la somme de 5 561,02 euros à ce titre, outre la somme de 556,10 euros au titre des congés payés afférents au préavis.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

- sur l'indemnité légale de licenciement :

M. [H] sollicite la somme de 4 080 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.
La société Renault Trucks [Localité 6] s'oppose à la demande.

M. [H] justifie d'une ancienneté de 6 ans et 7 mois, préavis inclus.

En application des dispositions conjuguées des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, en leur version applicable au litige, après un an d'ancienneté, M. [H] peut prétendre à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Dès lors, M. [H] peut prétendre à une indemnité légale d'un montant de 4 134,03 euros.

M. [H] limitant sa demande à la somme de 4 080 euros, la société Renault Trucks [Localité 6] sera condamnée à lui verser la somme de 4 080 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de cette prétention.

- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. [H] sollicite une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 31 390 euros correspondant à 10 mois de salaire. Il fait valoir qu'il s'est trouvé sans emploi jusqu'à ce qu'il soit de nouveau recruté au sein du groupe Renault Trucks le 5 février 2018.

La société Renault Trucks [Localité 6] s'oppose à la demande et, à titre subsidiaire, invoque l'absence de justification du préjudice et sollicite la fixation de l'indemnité à 6 mois de salaire.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (plus de 10 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H], de son âge à la date du licenciement, soit 48 ans, de son ancienneté au jour du licenciement (6 ans et 5 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, M. [H] justifiant de sa situation suite à la rupture de son contrat de travail, par une attestation du Pôle emploi mentionnant son inscription à compter du 16 octobre 2017 et fixant son allocation d'aide au retour à l'emploi journalière à la somme de 51,27 euros, soit une indemnité mensuelle moyenne de 1 563,74 euros, et par son recrutement le 5 février 2018 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de mécanicien poids lourds au sein de la SAS Essonne poids lourds, appartenant au groupe Renault Trucks, la cour condamne la société Renault Trucks [Localité 6] à verser à M. [H] la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, suffisant à réparer son entier préjudice, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de cette prétention.

Sur le cours des intérêts :

La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, soit en l'espèce le 14 février 2018 et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

Sur la remise des pièces :

M. [H] sollicite la condamnation de la société Renault Trucks [Localité 6] à lui remettre un certificat de travail, une attestation pôle emploi et un bulletin de paie conformes.

La demande étant fondée, il y sera fait droit et le jugement infirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de ce chef de demande.

Sur le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage :

Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, en sa version applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il sera fait application des dispositions qui précèdent à l'encontre de la société Renault Trucks [Localité 6] dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage.

Sur les mesures accessoires :

La société Renault Trucks [Localité 6] succombant à l'instance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé quant à la charge des dépens de première instance.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Renault Trucks [Localité 6] sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par M. [H], le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté ce dernier de ce chef de demande.

La société Renault Trucks [Localité 6] sera en outre déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le jugement confirmé à cet égard.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [U] [H] de sa demande en annulation de l'avertissement notifié le 29 mai 2017 à son encontre et en ce qu'il a débouté la SAS Renault Trucks [Localité 6] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute grave notifié par la SAS Renault Trucks [Localité 6] à M. [U] [H] le 4 août 2017 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamne la SAS Renault Trucks [Localité 6] à payer à M. [U] [H] les sommes suivantes:

- 1 676,60 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied du 17 juillet 2017 au 4 août 2017 ;
- 167,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents à la période de mise à pied ;
- 5 561,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 556,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis;
- 4 080 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rappelle que les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, soit en l'espèce le 14 février 2018 et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision,

Ordonne la remise par la SAS Renault Trucks [Localité 6] du certificat de travail, de l'attestation Pôle emploi, et d'un bulletin de paie conformes à la présente décision,

Ordonne le remboursement par la SAS Renault Trucks [Localité 6] aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [U] [H], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage,

Condamne la SAS Renault Trucks [Localité 6] à payer à M. [U] [H] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Renault Trucks [Localité 6] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SAS Renault Trucks [Localité 6] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : K5
Numéro d'arrêt : 19/10202S
Date de la décision : 17/03/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Longjumeau, 06 septembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-03-17;19.10202s ?
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