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17/03/2022 | FRANCE | N°19/08691S

France | France, Cour d'appel de Paris, K5, 17 mars 2022, 19/08691S


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
À
Me Majda REGUI

Me Marie-béatrix BEGOUEN

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 17 MARS 2022

(no 2022/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/08691 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAOSB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG no F19/00901

APPELANTE

Madame [U] [E]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Majda

REGUI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0453

INTIMEE

Association ASSOCIATION TUTELAIRE DE LA FEDERATION PROTESTANTE DES OEUVRES - AT...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
À
Me Majda REGUI

Me Marie-béatrix BEGOUEN

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 17 MARS 2022

(no 2022/ , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/08691 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAOSB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG no F19/00901

APPELANTE

Madame [U] [E]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Majda REGUI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0453

INTIMEE

Association ASSOCIATION TUTELAIRE DE LA FEDERATION PROTESTANTE DES OEUVRES - ATFPO
[Adresse 1]
[Localité 5]

Représentée par Me Alice ACHACHE substituant Me Marie-béatrix BEGOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2080

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nelly CAYOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,
- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Chaïma AFREJ, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 25 mai 1998, Mme [E] a été engagée par l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres, dite Atfpo, en qualité de déléguée à la tutelle.

A partir du 7 mai 2016, Mme [E] a été placée en arrêt de travail pour maladie. Le 7 février 2017, elle a été déclarée travailleur handicapé. Le 29 septembre 2017, elle a sollicité la reconnaissance d'une maladie professionnelle qui lui a été refusée. Le 10 novembre 2017, il lui a été accordé une pension d'invalidité de 2e catégorie à effet du 23 juin 2017.

Mme [E] a fait l'objet d'une visite médicale de reprise le 4 janvier 2018 et il a été rendu un avis d'inaptitude définitive avec la mention "l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Contact téléphonique avec directeur à ce jour, pas de reclassement".

Par courrier du 9 janvier 2018, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 19 janvier 2018 et par courrier du 1er février 2018, elle a été licenciée pour impossibilité de reclassement et inaptitude.

L'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres occupe habituellement au moins 11 salariés. La convention collective applicable est la Fehap du 31 octobre 1951.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 1er février 2019 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail. Par jugement du 3 juillet 2019 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes a :
- débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté l'association Tutélaire de la fédération protestante des oeuvres- Atfpo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de Mme [E].

Mme [E] a régulièrement relevé appel du jugement le 30 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante, transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats dit RPVA le 4 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l`article 455 du code de procédure civile, Mme [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée :
. de ses demandes de voir dire et juger que :
* son inaptitude découle du comportement fautif de l'employeur,
* l'Atfpo a violé son obligation de préserver la sécurité et la santé de la salariée,
* l'Atfpo a manqué à ses obligations légales et contractuelles,
* l'Atfpo a violé son obligation de consultation des délégués du personnel ou du CSE,
* le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
. de ses demandes de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de complément d'indemnité spéciale de licenciement, de préavis et congés payés sur préavis, d'indemnité pour non-respect de la procédure, de dommages et intérêts pour défaut de consultation des représentants du personnel, de dommages et intérêts pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail et de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- condamner l'Atfpo à lui payer les sommes suivantes :
* 41 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 15 871,62 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de consultation des représentants du personnel,
* 2 645,27 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure, article L.1226-15 du code du travail,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail,
* 7 935,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 793,58 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 15 418,85 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,
* 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter l'Atfpo de ses demandes ;
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter de l'introduction de l'instance ;
- condamner l'employeur aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée, transmises par RPVA le 29 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l`article 455 du code de procédure civile, l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Mme [E] à lui régler 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2021.

MOTIVATION

Sur le licenciement

Mme [E] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de manquements fautifs de la part de son employeur à savoir un manquement à l'obligation de préserver la sécurité et la santé des salariés et une absence de consultation des délégués du personnel ou du CSE.

Sur le manquement à l'obligation de préserver la sécurité et la santé des salariés

Mme [E] soutient que son inaptitude résulte du comportement fautif de son employeur. Elle fait valoir à ce titre le non respect par l'Atfpo de son obligation de préserver la santé et la sécurité de ses salariés qui est démontré selon Mme [E] par les éléments suivants :
- la surcharge de travail qui est à l'origine de son inaptitude ;
- le fait que la direction de l'association était informée de cette surcharge dénoncée par les délégués du personnel et leur revendication salariale à ce titre ;
- le fait qu'aucune mesure n'ait été prise par l'association pour remédier à cette situation;
- les mauvaises conditions de travail matérielles et morales qui ont favorisé l'apparition de son état dépressif lié à son état de "burn out" ;
- elle s'est trouvé physiquement en danger et elle a été victime d'une agression ;
- les éléments médicaux avec l'avis du médecin psychiatre permettent d'établir un lien entre son travail et la maladie déclarée par le certificat médical du 2 mars 2017.

L'Atfpo fait valoir en réponse que Mme [E] ne démontre aucun manquement de sa part dans le respect de son obligation de veiller à la santé de ses salariés. Elle conteste l'existence d'une surcharge de travail. Elle ajoute que la salariée ne démontre pas davantage une dégradation de son état de santé dont l'origine serait professionnelle. Elle relève que l'agression dont Mme [E] a été victime est antérieure de huit ans à l'arrêt médical du 7 mai 2016. Elle fait également valoir que ni les représentants du personnel ni le médecin du travail n'ont été alertés des difficultés dénoncées par la salariée. L'association soutient qu'au jour du licenciement le caractère non professionnel de l'inaptitude était établi et qu'aucun lien n'est démontré entre les conditions de travail de Mme [E] et son état de santé. Enfin, elle fait valoir que la salariée ne justifie d'aucun préjudice.

En application des dispositions applicables de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1o Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2o Des actions d'information et de formation ;
3o La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, Mme [E] produit aux débats des pièces établissant que :
- entre les mois de juin et juillet 2003, en raison d'une évolution des salaires dans la convention collective, la direction de l'association a suggéré une augmentation du nombre des mesures suivies et la majorité des salariés a accepté cette proposition sur laquelle Mme [E] qui rentrait d'un arrêt maladie ne s'est pas prononcée ;
- le 28 février 2008, Mme [E] a déposé plainte auprès du commissariat du 12ème arrondissement de [Localité 5] pour avoir été victime sur son lieu de travail d'insultes et de violence de la part d'un majeur protégé et le certificat médical de l'hôpital de [4] a reconnu une incapacité de travail de deux jours ;
- au mois de février 2009, une nouvelle tâche administrative concernant les comptes des majeurs protégés est venue s'ajouter à celles déjà demandées aux délégués à la tutelle ;
- au mois d'avril 2015, selon un projet de procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 15 avril 2015, une organisation en binôme a été instaurée afin de pallier les absences des salariés et il a été reconnu que ces remplacements en interne pouvaient entraîner des heures supplémentaires qui étaient "(...) au bon vouloir des personnes concernées qui requiert une certaine appétence à se mettre au service de l'association (...)" ;
- le dossier de la salariée auprès de la médecine du travail mentionne ses doléances quant à sa charge de travail à compter de l'année 2005 puis en 2008 et 2009. En 2013, il est noté que Mme [E] a mentionné "beaucoup de problème et d'agressivité des différents partenaires"et en 2016 "beaucoup de travail avec des directives contradictoires" ;
- le 18 novembre 2016, le médecin traitant de la salariée a dressé un certificat médical attestant de ce que Mme [E] présentait un état anxio-dépressif depuis 2004 ;
- le 7 février 2017, la qualité de travailleur handicapé a été reconnue à Mme [E] ;
- le 4 janvier 2018, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude précisant que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En réponse, l'association Tutélaire de la fédération protestante des oeuvres dite Atfpo produit exclusivement les documents sociaux afférents au contrat de travail de Mme [E] et elle ne justifie d'aucune mesure collective ou individuelle visant à prévenir les situations pouvant dégrader la santé des salariés alors même qu'il est démontré qu'à plusieurs occasions au cours de l'exécution du contrat de travail de Mme [E] la question de la charge de travail des délégués au tutelle et son accroissement a été signalée et alors que la salariée avait averti la médecine du travail de ce qu'elle subissait ce qu'elle désignait comme une surcharge de travail.

Dès lors, au regard des faits dont la preuve est rapportée par Mme [E], l'Atfpo ne démontre pas avoir rempli son obligation de sécurité et avoir veillé à préserver la santé de la salariée.

Sur la base de ces faits et des éléments médicaux produits par la salariée, il convient de retenir que ce manquement a causé l'inaptitude qui a fondé le licenciement de Mme [E].

Sur l'absence de consultation du CSE

Mme [E] soutient qu'ayant déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle qui était encore à l'étude au jour de son licenciement, elle devait bénéficier de la procédure prévue à l'article L.1226-10 du code du travail. Elle fait également valoir que les règles de l'inaptitude professionnelle devaient s'appliquer dès lors que son inaptitude avait bien une origine professionnelle peu important que la CPAM ait reconnu ou non le lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude. Elle sollicite en conséquence les sommes suivantes :
- 15 871,62 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de consultation des représentants du personnel selon les articles L.1226-15 du code du travail et L. 1235-3-1 du code du travail ;
- 2 645,27 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure selon les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail ;
- 15 418,85 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement selon les dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail.

L'Atfpo soutient qu'elle n'avait pas à rechercher un reclassement et donc à consulter les délégués du personnel.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. L'application de l'article L.1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail ou la maladie professionnelle et l'inaptitude.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans ses deux premiers alinéas, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

En l'espèce, il est établi par la production de la lettre du 8 décembre 2017 adressée par la Caisse primaire d'assurance maladie que l'employeur a été avisé de la demande de la salariée de reconnaissance d'une maladie professionnelle puisque cet organisme indique qu'un nouveau délai d'instruction de cette demande est nécessaire en raison de l'absence de réponse au questionnaire employeur. Il est également constant que Mme [E] a été informée du refus de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie par courrier du 22 février 2019.

En outre, les arrêts de travail produits par la salariée délivrés au cours de la période du 2 mars au 3 août 2017 mentionnent l'existence d'un état dépressif dans un contexte de burn out.

Il en résulte qu'au moment du licenciement, l'association était informée de la procédure de reconnaissance engagée par Mme [E] et qu'elle ne pouvait pas ignorer l'origine professionnelle au moins partielle de l'inaptitude de la salariée de sorte qu'elle aurait dû consulter le CSE dès lors que la salariée était déclarée inapte peu important que plusieurs mois après, la CPAM n'ait pas reconnu le caractère professionnel de la maladie.

Sur les conséquences du licenciement

L'inaptitude de Mme [E] étant consécutive à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, elle soutient à juste titre que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle sollicite à ce titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité d'un montant de 41 000 euros sur la base d'un salaire brut mensuel de 2 645,27 euros. Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [E], de son âge, 59 ans, de son ancienneté, 19 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 39 000 euros à titre d'indemnité.

Mme [E] sollicite ensuite la condamnation de l'association intimée à lui payer une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de congés payés afférents prenant en compte son statut de travailleur handicapé.

L'Atfpo fait valoir que la salariée a perçu l'indemnité de licenciement et qu'elle ne peut pas bénéficier d'une indemnité spéciale de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis, l'inaptitude n'étant pas la conséquence d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail.

A défaut de cause réelle et sérieuse au licenciement causé par un manquement de l'employeur, il convient d'allouer à la salariée une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de congés payés afférents. En application des dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail et de la qualité de travailleur handicapé de la salariée, il convient de condamner l'Atfpo à payer à Mme [E] la somme de 7 935,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 793,58 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis. Le jugement est infirmé de ces chefs.

En outre, Mme [E] est bien fondée à solliciter l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail et il lui reste dû, eu égard au doublement de l'indemnité, la somme de 15 418,85 euros. L'Atfpo est condamnée au paiement de cette somme.

La décision des premiers juges est infirmée sur ces chefs de demande.

Mme [E] sollicite en outre des dommages et intérêts pour défaut de consultation des représentants du personnel correspondant à 6 mois de salaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail.

Aux termes de l'alinéa 2 de cet article, en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.

Cependant, un même préjudice ne peut pas être indemnisé deux fois et cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité allouée précédemment en raison du caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement.

En conséquence, Mme [E] sera déboutée de sa demande à ce titre. La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.

Mme [E] sollicite en dernier lieu la condamnation de l'intimée au paiement de la somme de 2 645,27 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure selon les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail au motif que l'avis de la représentation du personnel n'a pas été sollicité.

L'Atfpo conclut au débouté.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1226-15 et L. 1226-12 du code du travail que l'employeur doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel et qu'à défaut, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 du code du travail.

Aux termes de ces dispositions, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

La cour constate que Mme [E] n'invoque pas un non-respect par l'employeur de la procédure requise aux articles précités mais l'absence de consultation du CSE.

Cependant, d'une part, la cour a précédemment retenu que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'autre part, la procédure de consultation du CSE ne constitue par une procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement mais une procédure légale.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.

Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail

Mme [E] fait valoir que son employeur doit être condamné à réparer le préjudice causé par :
- ses mauvaises conditions de travail ;
- le fait que son licenciement lui ayant été notifié sans qu'il soit fait mention de la portabilité de la prévoyance, du fait qu'elle a été radiée de la mutuelle et qu'elle a dû solliciter la régularisation de sa situation ce qu'elle a obtenu au bout d'un an d'attente.

L'Atfpo fait valoir que la salariée ne démontre pas l'existence d'un manquement et d'un préjudice.

Le défaut au cours des années de prise en charge par l'employeur de la prévention des risques et les arrêts médicaux subis par la salariée pour un état anxio-dépressif au cours de l'exécution du contrat de travail justifient l'allocation de dommages intérêts à hauteur de 5 000 euros, Mme [E] ne justifiant pas suffisament de l'existence d'un préjudice au regard de la prévoyance. L'association Atfpo est condamnée au paiement de cette somme. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le remboursement à Pôle emploi

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il est ordonné à l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les intérêts

Il est rappelé qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation à comparaître devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes soit en l'espèce le 5 février 2019 et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt au taux légal.

Sur les dépens et l'indemnité au titre des frais irrépétibles en appel

Il convient de condamner l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres aux dépens. Elle sera également condamnée à payer à Mme [E] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [U] [E] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour défaut de consultation des représentants du personnel et d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres à payer à Mme [U] [E] les sommes suivantes :

- 39 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 7 935,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 793,58 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;
- 15 418,85 euros à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement ;
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Rappelle que les créances de nature salariale produisent intérêt au taux légal à compter du 5 février 2019 et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce et les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt au taux légal,

Confirme le jugement pour le surplus,

Ordonne à l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [U] [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres à payer à Mme [U] [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : K5
Numéro d'arrêt : 19/08691S
Date de la décision : 17/03/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 03 juillet 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-03-17;19.08691s ?
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