Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 04 MARS 2022
(no /2022, 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/01952 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDAWU
Renvoi après cassation :
Jugement du tribunal de grande Instance de Paris du 22 septembre 2015 - RG no14/06316
Arrêt de la cour d'appel de Paris, Pôle 4 Chambre 5 du 05 juillet 2017 - RG no15/25093
Arrêt de la Cour de cassation du 26 novembre 2020, no1276 F-P +B+I
DEMANDERESSE A LA SAISINE :
S.A. EUROMAF ASSURANCE DES INGENIEURS ET ARCHITECTES EU ROPEENS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assistée de Me Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS, toque D 146
DEFENDEURS A LA SAISINE :
Monsieur [T] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assisté et représenté par Me Xavier CHABEUF de l'AARPI CARDINAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894
Madame [B] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assistée et représentée par Me Xavier CHABEUF de l'AARPI CARDINAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Valérie Guillaudier, Conseillère faisant fonction de Président, chargée du rapport et Mme Valérie Georget; Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Valérie Guillaudier, Conseillère faisant fonction de Président
Mme Valérie Georget; Conseillère
Mme Catherine Lefort, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu au 18 février 2022 et prorogé au 04 mars 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
M. [S] et Mme [W] ont fait réaliser en 2008 des travaux d'aménagement de leur appartement situé à [Localité 4].
Par contrat du 20 janvier 2008, ils ont confié une mission de maîtrise d'oeuvre à la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL (la société ADCONSEIL), représentée par son gérant, M. [N], assurée auprès de la société EUROMAF.
La société BATILUX a été chargée de la réalisation des travaux.
Le chantier n'ayant pas été mené à son terme, M. [S] et Mme [W] ont sollicité la désignation d'un expert judiciaire.
Par ordonnance de référé en date du 19 septembre 2008, une expertise a été ordonnée et M. [Y] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.
En cours d'expertise et à la suite d'un pré-rapport déposé par l'expert le 15 décembre 2009, M. [S] et Mme [W] ont fait réaliser les travaux nécessaires à l'achèvement du chantier qui ont été réceptionnés le 28 août 2010.
Par ordonnance de référé du 26 mars 2010, la société EUROMAF a été condamnée à leur verser une indemnité provisionnelle d'un montant de 267 000 euros.
L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 7 septembre 2013.
Par acte en date du 22 avril 2014, M. [S] et Mme [W] ont assigné la société ADCONSEIL, M. [N] et la société EUROMAF en indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 22 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré irrecevables les demandes des consorts [S]-[W] dirigées à l'encontre de la société ADCONSEIL,
- débouté les consorts [S]-[W] de leurs demandes formées à l'encontre de M. [D] [N],
- dit que la société ADCONSEIL est responsable des désordres subis par les consorts [S]-[W] sur le fondement de l'article 1147 du code civil,
- dit que la société EUROMAF doit sa garantie à la société ADCONSEIL,
- dit que la société EUROMAF est bien fondée à opposer au tiers lésé les limites contractuelles de la police souscrite,
- condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 260 826,16 euros TTC au titre du coût de l'achèvement du chantier,
- condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 15 224,43 euros TTC au titre de leurs autres préjudices matériels,
- condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 107 310 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- débouté les consorts [S]-[W] du surplus de leurs demandes indemnitaires,
- rappelé que la société EUROMAF s'est déja acquittée d'une somme provisionnelle de
262 622,57 euros au titre de l'achèvement du chantier en exécution de l'ordonnance de référé du 26 mars 2010 à valoir sur les condamnations susvisées,
- condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société EUROMAF aux dépens, en ce compris les frais d'huissier et d'expertise judiciaire,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
***
Par déclaration en date du 10 décembre 2015, la société EUROMAF a interjeté appel du jugement.
Par arrêt du 5 juillet 2017, la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
?dit que la société EUROMAF doit sa garantie à la société ADCONSEIL,
?dit que la société EUROMAF est bien fondée à opposer au tiers lésé les limites contractuelles de la police souscrite,
?condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 260 826,16 euros TTC au titre du coût de l'achèvement du chantier,
?condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 15 224,43 euros TTC de leurs autres préjudices matériels,
?condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 107 310 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
?condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
?condamné la société EUROMAF aux dépens, en ce compris les frais d'huissier et d'expertise judiciaire,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- dit que la société EUROMAF, en sa qualité d'assureur de la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL, est fondée à opposer une non-garantie totale suite à la réduction de l'indemnité résultant de l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime,
- débouté les consorts [S]-[W] de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EUROMAF,
- rappelé que le présent arrêt vaut titre de restitution pour la provision de 262 622,57 euros versée au titre de l'achèvement du chantier en exécution de l'ordonnance de référé du 26 mars 2010,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société EUROMAF,
- condamné les consorts [S]-[W] aux entiers dépens,
- autorisé le recouvrement des dépens par les avocats de la cause dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
***
Par arrêt en date du 26 novembre 2020, la Cour de cassation a:
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que la société EUROMAF, en sa qualité d'assureur de la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL, est fondée à opposer une non-garantie totale à la suite de la réduction de l'indemnité résultant de l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime, déboute Mme [W] et M. [S] de toutes leurs demandes dirigées contre la société EUROMAF et rappelle que l'arrêt vaut titre de restitution pour la provision de 262 622,57 euros versée au titre de l'achèvement du chantier en exécution de l'ordonnance de référé du 26 mars 2010, l'arrêt rendu le 5 juillet 2017 et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Par déclaration en date du 27 janvier 2021, la société EUROMAF a saisi la cour d'appel de Paris.
***
Par conclusions en date du 30 juin 2021, la société EUROMAF demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 22 septembre 2015 en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société ADCONSEIL et l'a condamnée en conséquence à indemniser les consorts [S]-[W] de leurs préjudices,
- dire et juger en conséquence qu'en application de l'article L.113-9 du code des assurances, l'indemnité mise à sa charge sera réduite à 100 % et donc à néant en l'absence de déclaration du risque,
- juger les demandes d'indemnisation des consorts [S]-[W] irrecevables car se heurtant à l'autorité de la chose jugée rattachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 5 juillet 2017,
- débouter les consorts [S]-[W] de leurs plus amples demandes,
Subsidiairement,
- débouter les consorts [S]-[W] de leurs demandes d'indemnisation au-delà de celles octroyées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 5 juillet 2017,
En tout état de cause,
- dire et juger que la garantie s'appliquera dans les conditions et limites du contrat qui contient une franchise opposable aux tiers lésés,
- condamner solidairement les consorts [S]-[W] à 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens que Maître Nathalie LESENECHAL pourra recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
***
Par conclusions en date du 30 juin 2021, M. [S] et Mme [W] demandent à la cour de :
- constater que le jugement rendu le 22 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Paris est définitif en ce qu'il a :
?dit que la société ADCONSEIL est responsable des désordres subis par les consorts [S]-[W] sur le fondement de l'article 1147 du code civil,
?dit que la société EUROMAF doit sa garantie à la société ADCONSEIL,
?condamné la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
?condamné la société EUROMAF aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier et d'expertise judiciaire,
- réformer le jugement attaqué dans le reste de ses dispositions,
En conséquence,
- condamner la société EUROMAF à payer aux consorts [S]-[W] les sommes suivantes :
?au titre des préjudices liés à l'achèvement du chantier : 260 826,16 euros,
?au titre des préjudices liés au versement de sommes indues : 33 020,46 euros,
?au titre du préjudice lié à l'achat de matériaux compris dans le chantier de reprise: 5 188,78 euros,
?au titre des prestations d'entreprise (Paret, CYAD, B1) inclues dans le projet de reprise : 11 059,8 euros,
?au titre des frais de "remise en ordre et sécurité" avant la reprise du chantier autorisés par l'expert : 2 546,14 euros,
?au titre des frais de survie dans l'appartement en travaux : 5 506,55 euros,
?au titre du préjudice lié aux frais de garde-meubles : 12 213,08 euros,
?au titre du préjudice lié aux frais de stockage de la cuisine : 2 000 euros,
?au titre du préjudice lié aux frais de restauration : 65 366,60 euros,
?au titre du préjudice financier lié au prolongement d'un mois du prêt relais : 1 011,35 euros,
?au titre du préjudice financier lié à l'emprunt LCL : 73 911,99 euros au 31 décembre 2020 (à parfaire),
?au titre du remplacement de la cheminée détruite : 10 569 euros,
?au titre des préjudices liés aux détériorations mobilières : 3 000 euros,
?au titre du préjudice d'obsolescence des équipements électro- ménagers : 1 000 euros,
?au titre des frais de taxes d'habitation entre le 25/ 04/2008 et le 28/08/2010 : 2 557 euros,
?au titre des frais de taxes foncières entre le 25/04/2008 et le 28/08/2010: 2 834 euros,
?au titre des frais de financement des dépenses hors emprunt et provision : 29 428 euros (à parfaire),
?au titre du préjudice de jouissance intégrant les préjudices familiaux : 174 775 euros,
?au titre des honoraires du bureau de contrôle QUALICONSULT : 807,30 euros,
?au titre des préjudices pour le temps perdu et consacré au chantier, à la société ADCONSEIL et à l'expertise : 24 760 euros,
?au titre du préjudice moral : 150 000 euros,
?au titre du préjudice lié à l'exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 5 juillet 2017 : 8 703,51 euros,
- condamner la société EUROMAF à verser à aux consorts [S]-[W] la somme de 67 989,32 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
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La clôture a été prononcée le 1er juillet 2021.
Par arrêt en date du 29 octobre 2021, la cour d'appel de Paris a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer sur le lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2017 ayant confirmé le jugement qui a débouté Mme [W] et M. [S] du surplus de leurs demandes indemnitaires et les dispositions censurées, et partant sur la portée de la cassation et la saisine de la cour d'appel de renvoi.
M. [S] et Mme [W] ont déposé des conclusions après réouverture des débats le 29 novembre 2021.
La société EUROMAF a déposé des conclusions après réouverture des débats le 2 décembre 2021.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour constate que le jugement est définitif en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. [S] et Mme [W] dirigées à l'encontre de la société ADCONSEIL, débouté M. [S] et Mme [W] de leurs demandes formées à l'encontre de M. [N] et dit que la société ADCONSEIL est responsable des désordres subis par M. [S] et Mme [W] sur le fondement de l'article 1147 du code civil.
Sur la portée de la cassation
La société EUROMAF soutient que la portée de la cassation est limitée à l'application de l'article L.113-9 du code des assurances et ses conséquences sur la garantie, que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2017 est définitif sur la question de la responsabilité et des préjudices, que si les consorts [W] [S] ont formé appel incident sur l'étendue de leur préjudice, la cour d'appel n'a pas modifié le jugement sur cette question et aucune critique n'a été invoquée en cassation sur ce point et qu'il n'existe aucun lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire au sens de l'article 624 du code de procédure civile entre des dispositions relatives à l'étendue du préjudice indemnisable et celles relatives à la garantie d'un assureur.
M. [S] et Mme [W] font valoir que la portée de la cassation n'est pas limitée à la question de l'application de l'article L.113-9 du code des assurances et à ses conséquences sur la garantie de la société EUROMAF mais s'étend aussi à celle de l'évaluation du préjudice qu'ils ont subi, que la Cour de cassation a cassé le chef de l'arrêt écartant la garantie de l'assureur et le chef de dispositif les déboutant de leurs demandes à l'égard de la société EUROMAF et explicitement prévu que les conséquences de la cassation allaient bien au-delà de la reconnaissance de la garantie de l'assureur en décidant que l'arrêt du 5 juillet 2017 était cassé et annulé en ce qu'il avait débouté Mme [W] et M. [S] de toutes leurs demandes dirigées contre la société EUROMAF et que la question de la garantie de l'assureur dépend de celle de l'établissement des responsabilités de son assuré et conditionne celle de l'évaluation du préjudice.
***
Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Par jugement en date du 22 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a notamment dit que la société EUROMAF devait sa garantie à la société ADCONSEIL, condamné la société EUROMAF à payer à M. [S] et Mme [W] diverses sommes et les a déboutés du surplus de leurs demandes indemnitaires.
Par arrêt en date du 5 juillet 2017, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement en ce qu'il a retenu que la société EUROMAF devait sa garantie à la société ADCONSEIL, l'a condamnée à payer diverses sommes à M. [S] et Mme [W] et a confirmé le surplus du jugement.
Par arrêt en date du 26 novembre 2020, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 2017 mais uniquement en ce qu'il a dit que la société EUROMAF, en sa qualité d'assureur de la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL, était fondée à opposer une non-garantie totale à la suite de la réduction de l'indemnité résultant de l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime et en ce qu'il a débouté Mme [W] et M. [S] de toutes leurs demandes dirigées contre la société EUROMAF.
Lorsque la cassation est partielle, sa portée est limitée aux seules dispositions explicitement censurées.
Pour autant, en application de l'article 624 alinéa 2 du code de procédure civile, elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
L'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 5 juillet 2017 n'a pas été cassé en ce qu'il a confirmé le jugement du 22 septembre 2015 qui a débouté Mme [W] et M. [S] du surplus de leurs demandes indemnitaires.
Cependant, la cassation de l'arrêt sur la garantie de la société EUROMAF et le rejet des demandes dirigées contre elle s'étend nécessairement à la disposition de l'arrêt ayant confirmé le rejet du surplus des demandes indemnitaires de Mme [W] et M. [S] puisqu'il existe un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre ces dispositions.
Dès lors, la cour considère qu'elle est saisie des demandes indemnitaires formées par M. [S] et Mme [W] dans le cadre de leur appel incident et que les dispositions du jugement de ce chef n'ont pas un caractère définitif.
En conséquence, la demande de la société EUROMAF tendant à déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation de M. [S] et Mme [W] sera rejetée.
Sur la garantie de la société EUROMAF
La société EUROMAF soutient que, dès lors que la société ADCONSEIL n'a pas déclaré le chantier et donc le risque au titre des années 2007 et 2008, elle est fondée à se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle de l'article L.113-9 du code des assurances, qu'en application des articles 5.12 et 8.115 des conditions générales de la police d'assurance, l'assuré a l'obligation de déclarer au plus tard le 31 mars de chaque année l'intégralité de l'activité professionnelle déployée l'année précédente, que la société ARCHIDECO n'a déclaré aucune activité professionnelle au titre de l'année 2007, raison pour laquelle sa police a été résiliée à effet du 28 juillet 2008, que dès lors qu'elle n'a payé aucune cotisation, l'indemnité doit-être réduite à néant, que les dispositions de l'article L.113-9 sont expressément visées par l'article 5.222 des conditions générales et doivent trouver application, que l'article L.113-10 du code des assurances n'est pas cité dans la police EUROMAF, que la sanction prévue à l'article 8.211 de la police ne vise que l'hypothèse de l'omission ou de l'inexactitude de la déclaration du risque avant sinistre prévue par l'article 5.222 alors que l'article L.113-10 du code des assurances sanctionne la non déclaration du risque découverte après sinistre et prévoit une sanction différente et que l'article 8.212 des conditions générales ne peut en aucun cas se confondre avec les dispositions de l'article L.113-10 du code des assurances car leur substance est différente.
Selon M.[S] et Mme [W], si la police d'assurance souscrite ne stipulait pas expressément l'application de l'article L.113-10 du code des assurances, elle renfermait les clauses reproduisant en substance le mécanisme de sanction prévu par cette disposition en cas de non déclaration de son activité par l'assuré et la stipulation de cette sanction exclut que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle de l'indemnité prévue à l'article L.113-10 du code des assurances.
***
Aux termes de l'article L. 113-9 du code des assurances, l 'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.
Si elle est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l'assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus.
Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.
Aux termes de l'article L. 113-10 du code assurances, dans les assurances où la prime est décomptée soit en raison des salaires, soit d'après le nombre des personnes ou des choses faisant l'objet du contrat, il peut être stipulé que, pour toute erreur ou omission dans les déclarations servant de base à la fixation de la prime l'assuré doit payer, outre le montant de la prime, une indemnité qui ne peut en aucun cas excéder 50 % de la prime omise.
Lorsqu'un contrat d'assurance prévoit de faire application des dispositions de l'article L. 113-10 du code des assurances, celle-ci exclut l'application de l'article L.113-9 de ce même code, quand bien même cette dernière serait également prévue par le contrat.
La société ADCONSEIL a conclu le 22 avril 2004, avec effet au 30 avril 2004, avec la société EUROMAF un contrat d'assurance des responsabilités professionnelles des ingénieurs et autres concepteurs de la construction (pièce no2 de la société EUROMAF).
Selon l'article 5.12 des conditions générales du contrat (pièce no1 de la société EUROMAF), l'assuré doit fournir à l'assureur les déclarations d'activité professionnelle visées à l'article 8 dans les conditions fixées à cet article.
Pour le 31 mars de chacune des années qui suivent celle de la souscription du contrat, l'assuré fournit à l'assureur la déclaration de l'intégralité de son activité professionnelle de l'année précédente et acquitte, s'il y a lieu, l'ajustement de prime qui en résulte (article 8.115).
L'article 5. 222 du contrat prévoit que " Toute omission ou déclaration inexacte de la part de l'assuré de bonne foi, soit dans la déclaration des risques et de leurs modifications, soit dans les déclarations d'activité professionnelle, n'entraîne pas la nullité de l'assurance mais, conformément à l'article L.113-9 du code des assurances, donne droit à l'assureur :
o si elle est constatée avant tout sinistre, soit de maintenir le contrat moyennant une augmentation de la prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat par lettre recommandée avec un préavis de 10 jours;
o si elle est constatée après un sinistre, de réduire l'indemnité en proportion des primes payées par rapport aux primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés."
Le contrat fait donc expressément référence à l'article L. 113-9 du code des assurances.
Cependant, il prévoit également à l'article 8-21 des sanctions spécifiques relatives à la non-fourniture des déclarations d'activité professionnelle.
En cas de non-fourniture d'une déclaration d'activité professionnelle dans les délais fixés au contrat, l'assureur peut, par lettre recommandée, mettre en demeure l'assuré de satisfaire à cette obligation dans les dix jours (article 8.211).
Si, passé ce délai, la déclaration n'a pas été fournie, l'assureur peut mettre en recouvrement une prime forfaitaire qui s'élève à 150 % de la prime ajustée l'année précédente ou de la prime provisoire acquittée lors de la souscription (article 8.212).
Il en résulte que si le contrat ne prévoit pas de faire application de l'article L.113-10 du code des assurances, il contient une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte.
Contrairement à ce que soutient la société EUROMAF, le contrat ne précise pas que cette sanction n'aurait vocation à s'appliquer qu'en cas de non-déclaration constatée avant tout sinistre.
Dès lors, cela exclut l'application de l'article L.113-9 de ce même code, quand bien même celui-ci serait également prévu par le contrat.
En conséquence, la société EUROMAF ne peut se prévaloir de la règle de réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du code des assurances et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société EUROMAF à réparer le préjudice de M.[S] et Mme [W] dans les limites contractuelles de la police souscrite.
Sur le préjudice de M.[S] et Mme [W]
- préjudice lié à l'achèvement du chantier :
Les premiers juges ont retenu que le montant du préjudice était de 260 826, 16 euros TTC correspondant au coût de l'achèvement du chantier.
M. [S] et Mme [W] demandent la confirmation du jugement sur ce point et la société EUROMAF ne sollicite à titre subsidiaire que le rejet de leurs demandes au-delà de celles qui leur ont été accordées par les premiers juges.
En conséquence, le jugement sera confirmé en qu'il a condamné la société EUROMAF à payer à M. [S] et Mme [W] la somme de 260 826, 16 euros TTC au titre du coût de l'achèvement du chantier.
- préjudice lié au règlement de sommes indues :
M. [S] et Mme [W] sollicitent l'indemnisation du préjudice financier résultant du règlement de sommes à la société ADCONSEIL et aux entrepreneurs pour des prestations qui n'ont pas été réalisées.
Cependant, et comme l'ont exactement retenu les premiers juges, le remboursement d'une partie des honoraires de l'architecte et des sommes perçues par les entreprises qui sont intervenues sur le chantier ne peut être à la charge de la société EUROMAF, le contrat d'assurance n'ayant pas vocation à garantir cette indemnisation.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
- sur le remboursement des matériaux et des travaux de reprise :
M. [S] et Mme [W] demandent le remboursement des achats de matériaux prévus dans le devis de reprise validé par l'expert ainsi que pour les travaux qui ont été réalisés par d'autres entreprises.
Cependant, la facture de la société CYAD BATIMENT d'un montant de 5100 euros TTC a été expressément écartée par l'expert judiciaire qui a considéré qu'elle n'était pas justifiée (page 64 du rapport d'expertise).
La cour constate d'ailleurs que l'expert judiciaire a bien pris en compte les travaux de plomberie, chauffage et VMC pour un montant de 11 889, 39 euros TTC correspondant au devis [O]. (page 64 du rapport d'expertise).
De même, l'expert judiciaire a pris en considération le montant des matériaux achetés par les maîtres de l'ouvrage (page 65 du rapport d'expertise).
Si la note récapitulative effectuée par M. [K] le 20 juillet 2012 (pièce no30 de M. [S] et Mme [W]) confirme que, dans un souci de réduction des coûts, les maîtres de l'ouvrage ont décidé d'assurer eux-mêmes la fourniture de certains éléments inclus dans les marchés d'entreprise et que des travaux validés par l'expert ont finalement été réalisés par d'autres entreprises, force est de constater qu'il n'est pas démontré que cela aurait entraîné en coût supplémentaire par rapport à l'évaluation effectuée par l'expert judiciaire du montant des travaux de reprise.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
Sur les autres frais :
Comme l'ont exactement retenu les premiers juges, les frais de restauration de M. [S] et Mme [W] en raison de l'absence de cuisine ne peuvent donner lieu à indemnisation dès lors qu'ils auraient dû, en tout état de cause, engager des frais pour se nourrir et qu'aucun surcoût n'est démontré.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu un préjudice de 1 011, 35 euros correspondant au coût d'un mois supplémentaire de prêt-relais dès lors que M. [S] et Mme [W] demandent la confirmation du jugement sur ce point et que la société EUROMAF ne sollicite à titre subsidiaire que le rejet de leurs demandes au-delà de celles qui leur ont été accordées par les premiers juges.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu pour les frais de garde-meubles une indemnisation à hauteur de 12 213, 08 euros et 2 000 euros dès lors que M. [S] et Mme [W] demandent la confirmation du jugement sur ce point et que la société EUROMAF ne sollicite à titre subsidiaire que le rejet de leurs demandes au-delà de celles qui leur ont été accordées par les premiers juges.
Si M. [S] et Mme [W] justifient avoir sollicité un prêt auprès de la société LCL d'un montant de 145 890, 74 euros qui leur a été accordé le 24 février 2010 (pièce no26), force est de constater qu'ils ne démontrent pas que celui-ci présente un lien de causalité avec les fautes et désordres reprochés à la société ADCONSEIL. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté leurs demandes de ce chef ainsi que leur demande liée à l'indisponibilité de ces fonds.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'un montant de 2546, 14 euros au titre des "frais de remise en ordre et sécurité", 5 506, 55 euros au titre des "frais de survie", 4 000 euros pour la détérioration du mobilier et les frais d'obsolescence des équipements, 807,30 euros pour les honoraires du bureau de contrôle et 24 760 euros pour le temps perdu accordé au chantier pour les mêmes motifs que les premiers juges, que la cour adopte.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la destruction et du remplacement de la cheminée, l'expert judiciaire ayant expressément écarté la pertinence de son déplacement et retenu une somme de 3500 euros pour le conduit de fumée qui a été accordée à M. [S] et Mme [W] (page 64 du rapport d'expertise).
Sur le préjudice de jouissance :
Les premiers juges ont retenu qu'il devait être fixé à la somme de 107 310 euros correspondant au préjudice de jouissance de M. [S] et Mme [W] entre le 15 juillet 2008 et le 28 août 2010, date de réception des travaux de reprise.
Contrairement à ce qui est soutenu par M. [S] et Mme [W], le préjudice n'a pas commencé à courir à compter du 25 avril 2008 puisque la livraison définitive du chantier était prévue fin juin 2008 au plus tard, peu important qu'il ait été également précisé dans le contrat une première livraison du chantier "avant le 25 avril 2008, accessible au Maître d'Ouvrage." (Pièce no 4 de M. [S] et Mme [W]).
De même, l'expert judiciaire a estimé que la valeur locative de l'appartement, compte tenu du quartier et de l'immeuble et au regard de son agrément devait être fixée à la somme de 4380 euros.
En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef, étant précisé que la société EUROMAF ne conteste pas le montant accordé par les premiers juges.
En revanche, la demande de M. [S] et Mme [W] formée en cause d'appel pour que soit ajoutée la somme de 50 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait des répercussions sur leur vie familiale sera rejetée, leur préjudice de jouissance étant intégralement réparé par la somme allouée de ce chef.
Sur le préjudice moral :
Au-delà du préjudice de jouissance, M. [S] et Mme [W] justifient de ce que leurs conditions de vie gravement altérées pendant deux ans en raison des fautes de la société ADCONSEIL ont eu des répercussions sur leur vie personnelle et notamment sur l'état de santé de Mme [W] (pièces no 60, 61 et 62).
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté leur demande de ce chef et il leur sera accordé la somme de 3 000 euros en réparation de leur préjudice moral.
Sur le préjudice lié à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 5 juillet 2017 :
M. [S] et Mme [W] soutiennent que cette dernière a été dans l'obligation de céder l'intégralité des actions qu'elle possédait pour pouvoir financer la restitution de la somme versée par la société EUROMAF, l'exécution de l'arrêt du 5 juillet 2017 étant indispensable pour la poursuite de la procédure devant la Cour de cassation.
Cependant, les éléments versés aux débats sont insuffisants pour démontrer un lien de causalité entre les fautes reprochées à la société ADCONSEIL et la vente de ces actions et la demande de ce chef sera rejetée.
Sur les autres demandes :
Le jugement sera confirmé en qu'il a condamné la société EUROMAF aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et d'huissier de justice, et à payer la somme de 10 000 euros à M. [S] et Mme [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EUROMAF sera condamnée aux dépens exposés devant la cour d'appel dont la décision a été cassée.
Dans le cadre de la présente instance, la société EUROMAF sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 20 000 euros à M. [S] et Mme [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de la cassation prononcée le 26 novembre 2020 et de la saisine de la cour d'appel de renvoi,
Rejette la demande de la société EUROMAF tendant à déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation de M. [S] et Mme [W],
Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il :
- rejette la demande de M. [S] et Mme [W] au titre du préjudice moral,
Statuant à nouveau de ce chef,
- condamne la société EUROMAF à payer la somme de 3 000 euros à M. [S] et Mme [W] au titre du préjudice moral,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
- rejette les autres demandes formées en cause d'appel par M. [S] et Mme [W],
- condamne la société EUROMAF aux dépens afférents à l'arrêt cassé,
- condamne la société EUROMAF aux dépens et à payer la somme de 20 000 euros à M. [S] et Mme [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La Conseillère faisant fonction de Président